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 De la couleur du ciel. ▲ Yemdel ▲

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corps éthéré de pureté
Yemdel
Yemdel
corps éthéré de pureté


MESSAGES ▲ : 97
DATE D'INSCRIPTION ▲ : 31/12/2014
FICHE RS ▲ : Alliés et ennemis.
Boîte aux lettres.

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MessageSujet: De la couleur du ciel. ▲ Yemdel ▲
De la couleur du ciel. ▲ Yemdel ▲ RxkgjUaMer 31 Déc - 22:57

Yemdel
Le présent est le passé de notre avenir et le futur de notre passé.
Informations Générales
APPELLATION - Yemdel

ANCIENNE IDENTITE - Lukas Eisenstahl.

SURNOM - Certains l'appelent Foudre Blanche car on le voit souvent de sortie lorsque le temps est orageux...

ÂGE PHYSIQUE - Tout pile vingt-neuf ans de vie terrestre, puisqu'il est mort le jour de son anniversaire. Au moins, il n'a pas eu le temps de perdre toutes ses capacités physiques.

NATIONALITE - Lituanien. Oui, ce pays existe.

METIER - Il a finalement atteint le rang de Lieutenant de la Garde impartiale. Il faut dire qu'avant, il était déjà un soldat. Passer d'une arme à feu à une épée n'est finalement pas si difficile que cela quand on a la discipline nécessaire.

LIEU DE RESIDENCE - Libra, c'est tout de même plus pratique.

GROUPE - Malgré une vie pas franchement très morale, il a été décidé qu'il était un sauvé. Il faut dire qu'il n'a jamais été attiré par le mal et qu'il a
Description Physique
« you have to look pretty in order to survive in this harsh world »
Il ne quitte presque jamais son uniforme, même quand il n'est pas en service – ce n'est pas très réglementaire, mais se changer représente pour lui une perte de temps et d'argent. Puisqu'il a été soldat, son physique est athlétique, dépourvu de la moindre once de graisse. Il n'a que deux cicatrices, une sur le bras gauche, et l'autre sur le ventre, qu'il s'est faite alors qu'il était enfin.
Il peut paraître impressionnant, car il approche du mètre quatre-vingt-dix et a des cheveux d'un blanc immaculé. Ses yeux violets sont assez peu expressifs, ce qui peut donner l'impression que Yemdel n'est pas très sympathique. Qui plus est, lorsqu'il sourit, il donne l'impression qu'il se moque, alors qu'en vérité, il a simplement repris le sourire sadique de son père sans se rendre compte de ce que cela impliquait.
ANECDOTE
« we need to discover what is hiding behind that soul »
Yemdel déteste faire partie d'un groupe quelconque en dehors de la garde impartiale. Il recherche la distinction à tout prix, ce qui ne signifie pas monter au sommet de la hiérarchie, mais tout simplement paraître différent des autres. Il se peut donc que, parfois, ses actions aient pour seul but de ne pas faire comme les autres.
description morale
« humanity is a curious thing, we're so similar but so different at the same time »
Lukas avait toujours été influençable et parfois un peu simplet ; Yemdel est le genre de personne qui agit mieux seul qu'accompagné. À première vue, il peut paraître austère et imposant, car il est d'un caractère très sérieux, mais il est en réalité très rêveur. Ses rêves sont de nature diverse : il peut s'extasier sur la pureté de la couleur du ciel, tout comme il est attendri par le sourire des enfants ; il peut également partir dans des songes éveillés où il s'imagine des vies alternatives où il est devenu un héros. À coup sûr, il se rêve, et se rêve meilleur que ce qu'il est réellement.
Yemdel a parfois du mal avec les relations humaines, il peut se montrer maladroit, mais sans être foncièrement mauvais ou méchant. Il n'est pas certain de bien comprendre la nature humaine ; en revanche, il comprend très bien la souffrance et la douleur. Peut-être est-ce pour voir ces malheurs disparaître qu'il se plonge tant dans son travail.
Son travail, c'est sa vie, et il ne saurait envisager une journée où il ne porterait pas haut les couleurs de la garde impartiale. Il est entièrement dévoué à son métier, et peut alors développer une personnalité bien différente de celle qu'il possède en privé. Presque froid, il recherche l'efficacité avant tout et ne montre que peu de pitié face aux écarts de conduite. Il aime tenir les autres pour responsables de leurs propres petits défauts. Cependant, il est beaucoup plus indulgent envers ceux qui font pénitence – car après tout, n'est-ce pas pour cette raison que nous fûmes tous rassemblés ici ? Toujours est-il qu'il juge assez bien les personnes d'après leur culpabilité, même s'il a plus de mal avec les autres qualités.
Yemdel est foncièrement optimiste. Il est persuadé que tout le monde a une raison d'être, et que l'on se sent malheureux si l'on ignore la sienne propre. Lui pense qu'il est là pour faire régner la justice. S'il ne croit pas en une Vérité supérieure et indéniable, il est convaincu que c'est une bonne chose, car cela signifie que la vie s'adapte à tous les êtres humains. Peut-être faut-il juste s'ouvrir au bonheur qui est en face de nous.
Yemdel a cependant comme défaut de s'énerver un peu trop facilement en privé : en fait, un rien peut suffire à l'énerver, en particulier s'il s'agit d'une chose sans importante. En revanche, il ne se mettra en colère que pour des choses vraiment importantes. Il n'est pas vraiment menteur, mais il pense que l'omission d'informations est une qualité. Moins on en sait, plus on est heureux, ainsi que le dit l'expression d'« imbécile heureux ». Yemdel n'en est pas exactement un, mais il aime en savoir le moins possible, juste au cas où. Il pense que trop de savoir sans assez d'intelligence est peut-être la chose la plus dangereuse au monde, car elle conduit à de fausses interprétations.
Dans sa vie personnelle, Yemdel manque parfois d'un peu de sens pratique, alors que dans son travail, les compétences de soldat de Lukas lui ont été très utiles. Il peut même, à certains moments, se montrer maladroit ou tête en l'air, mais c'est généralement le signe qu'il est soucieux.
histoire d'une vie
« we're about to open a door which had been closed a long time ago »

« Tu as été trop intelligent pour ton propre bien, Lukas. Mais j'ai été plus malin que toi. À présent, il est temps de mettre un terme à cette histoire. Tu vas payer. »
Lukas essaya de le sommer d'arrêter, mais aucun être humain ne pouvait être plus rapide qu'une balle. La première balle se logea dans son épaule gauche, l'arrêtant dans son élan. Il n'eut pas le temps de réagir que déjà, une deuxième balle percuta son genou droit. Il perdit l'équilibre et tomba vers l'arrière, son corps se convulsant dès qu'une balle le touchait. Bien sûr, il était mort avant d'avoir touché le sol.

Lukas Eisenstahl était né dans un quartier miteux dans la ville-nouvelle de Naujoji Akmenė, au nord du pays. Dans ce quartier, personne ne pouvait se dire innocent de tout crime : tout le monde avait, à un moment donné de sa vie, commis un délit quelconque. La plupart des garçons avait déjà volé un petit quelque chose, pour devancer l'ouverture des magasins peu fournis.
Le milieu familial de Lukas n'était pas vraiment propice à former des saints hommes – cela étant, cela ne dérangeait personne, puisque les communistes n'étaient pas connus pour être de grands religieux, plutôt des bourreaux. Son père avait fait de la prison à plusieurs reprises ; il avait perdu une jambe il y a plusieurs années, mais il était loin d'être infirme. Il se déplaçait assez rapidement avec sa béquille, et il se servait de cette dernière pour cogner fort ses enfants désobéissants. Ils étaient trois en tout : deux garçons et une fille. Lukas était le deuxième de la bande, ce qui l'arrangeait : ses parents étaient un peu plus gentil avec lui qu'avec son frère aîné, et ils étaient moins étouffants avec lui qu'avec sa petite sœur. Il bénéficiait d'une certaine liberté qui lui permettait d'aller jouer dehors avec les gamins du quartier jusqu'au coucher du soleil.
Au demeurant, quelle belle bande de clochards, ces enfants du quartier ! Ils n'étaient ni mal habillés, ni édentés, mais ils allaient toujours se fourrer dans les pires situations. Ils adoraient explorer les usines du quartier et finissaient toujours par rentrer chez eux couverts de charbon. Ils auraient pu mourir un jour, à force de jouer avec les fours, les barres de métal et broyeurs divers... mais ils avaient la chance du débutant et ne se faisaient jamais prendre.
Lukas n'était pas un enfant avec beaucoup de caractère : il n'avait même jamais fait de caprice. Ses parents s'en étaient inquiétés, car ils trouvaient cette apathie un peu étrange. En réalité, Lukas n'était pas du genre à penser exclusivement à lui : il aimait vivre dans un groupe, sentir qu'il appartenait à un groupe, qu'il n'était rien d'autre que le membre d'un groupe. Il voulait être ami avec le chef du groupe, il voulait être apprécié de ses camarades, et il voulait qu'on le considère comme le parfait petit gamin des rues. Dans d'autres circonstances peut-être, Lukas eût été un adorable petit garçon, malheureusement pour lui, il ne vivait pas dans un environnement favorable à ce type de caractère. Lukas était un simple suiveur.
Son premier vol lui était complètement sorti de sa mémoire, car il était sans doute trop petit pour cela. Il devait avoir cinq ans lorsqu'il avait tenté de rejoindre la bande. Pour cela, il avait dû prouver qu'il était déjà une petite canaille en volant un objet. Lukas n'avait pas pris trop de risques : il s'était introduit dans l'appartement de la vieille mère Teita, une vieille femme seule et un peu sénile qui oubliait toujours de fermer sa porte à clé. Lukas l'aimait bien, la mère Teita : elle était gentille avec lui et lui laissait manger tous ses petits gâteaux lorsqu'il avait faim – il suffisait de les tremper dans un peu de lait chaud pour les faire fondre et les rendre mangeable. La mère Teita avait toujours des histoires drôles à raconter qui portaient sur des époques très anciennes – avant le communisme -, et même si Lukas n'y comprenait pas grand chose, il s'amusait bien à les écouter. Il savait donc qu'elle n'allait pas s'alarmer si elle le voyait entrer à l'improviste chez elle :
« Qu'est-ce que tu fais, mon chéri ? » demanda-t-elle en voyant l'enfant passer devant elle.
Lukas mit le doigt sur la bouche et fit tout son possible pour prendre la voix la plus grave possible :
« Ce n'est pas moi, vieille mère, c'est le réparateur. Je viens réparer la chaudière.
- Ah, pardonne-moi, mon chéri, je croyais que c'était toi. » dit-elle en replongeant dans son journal en marmonnant à quel point elle était persuadée d'avoir vu Lukas passer. L'enfant fit de grands efforts pour ne pas rigoler et s'introduisit dans sa chambre pour lui voler une vieille bague. Les autres enfants grimacèrent en voyant cet objet qui ressemblait à une relique de sorcière, mais ils acclamèrent leur nouvel héros. Contrairement à Lukas, eux avaient peur de la mère Teita.

Est-ce qu'on peut avoir honte de sa famille un jour ? Les Eisenstahl étaient une famille parmi les plus prolétaires qui existaient. Pas particulièrement proche du régime, et trop pauvre pour s'enfuir avec ses richesses, les Eisenstahl se contentaient de subir – et de réaliser de menus larcins pour améliorer leur existence. Ils étaient de ceux que jamais la propagande du régime ne montrerait à l'étranger : au contraire, elle faisait tout pour masquer leur existence. Avouer que les pauvres volaient était après tout un désaveu du régime communiste. Et puisque les Eisenstahl étaient loin d'être les seuls à être dans ce cas à Naujoji Akméné, se débarrasser de cette mauvaise engeance était chose impossible. Éliminez-en un, et une autre mauvaise plante poussait aussitôt. Laissez-les tranquilles, et ils resteront entre eux.
Les Eisenstahl avaient trimé toute leur vie et avaient vieilli avant l'âge. Le père et la mère Eisenstahl avaient déjà l'apparence de vieillards alors que Lukas était à peine un adolescent. Ce dernier avait d'ailleurs eu ses premiers cheveux blancs dès l'âge de dix-huit ans, et à l'âge de vingt-cinq ans, ses cheveux avaient viré au blanc. Quant à ses parents, le travail et les produits chimiques employés à l'usine étaient la cause principale de leur dégradation physique. Le père Eisenstahl avait perdu sa jambe lors d'un accident à l'usine, et il avait eu de la chance de s'en sortir vivant et surtout de n'avoir pas trop été handicapé par l'incident. Ne parlons pas des deux autres enfants : ce serait vraiment trop déprimant.
Bien sûr, les Eisenstahl avaient reçu une éducation de base : ils connaissaient dans les grandes lignes les idées communistes, savaient lire les journaux et les petits romans populaires, mais leur culture s'arrêtait là. Les éduquer, certes, mais en faire des intellectuels, hors de question : le prolétaire avant tout. Il y avait bien quelques avantages à vivre dans un pays communiste : la sécurité de l'emploi était garantie. Lukas savait donc qu'en quittant l'école à seize ans, âge où la scolarité n'était plus obligatoire, il trouverait facilement un emploi dans l'usine de ses parents. De toute manière, poursuivre des études n'intéressait pas vraiment Lukas, qui ne se sentait pas le bienvenu dans cet univers « intellectuel ». À moins, bien sûr, qu'il ne choisît de rejoindre l'armée pour échapper au quartier mal famé.

Pour certains, l'engagement était une fin logique, une action qu'ils étaient destinés à faire. Mais pour Lukas, il était possible de dire avec exactitude le moment où il s'était décidé à s'engager. Il avait seize ans à l'époque : c'était une belle nuit de décembre. La neige s'était décidée à tomber sur Naujoji Akméné : les flocons tombaient doucement sur la ville-nouvelle.
Plus tôt dans la soirée, Lukas avait allumé un feu de bois dans sa chambre glaciale, puisque le chauffage avait une fois de plus rendu l'âme. L'idée n'était pas mauvaise en soi, mais elle comportait un problème certain : il n'y avait pas d'ouverture assez grande pour évacuer la fumée. Pour éviter d'étouffer, il avait ouvert la fenêtre, mais un vent froid pénétrait dans sa chambre. Lukas, accoudé à la fenêtre, avait l'impression d'être la petite fille aux allumettes, celle qui mourrait de froid en voyant à la lueur de son allumette les gens riches préparer le réveillon du 31 décembre sans se préoccuper d'elle au dehors. Son propre paquet avait d'ailleurs été négligemment jeté sur le lit.
En bas, dans la rue, un de ces amis d'enfance marchait en vacillant, visiblement saoul. Il criait des paroles sans sens en jetant sa bouteille vide contre les murs – puis il en reprenait une autre dans la cagette qu'il portait avec sa main gauche en souhaitant santé à des fantômes. Ce ne fut pas le froid qui le tua, mais la bagarre. Il rencontra un autre jeune homme saoul, qui se battit avec lui et lui donna quelques coups de trop : sa tête heurta les pavés, laissant échapper un fin filet de sang qui grandit. Le garçon n'était pas beau à voir. Le vainqueur ne sembla même pas se rendre compte de ce qui venait se passer et passa son chemin, hilare.
Le silence retomba sur la rue.
Lukas n'éprouvait aucune tristesse à ce moment-là. Ce n'était pas la première fois qu'une bagarre tournait mal dans le coin. Il aurait pu en être la victime. Cet événement, il allait y penser pendant quelques temps, puis l'oublier. Lukas trouvait cette vie ennuyeuse. Quitte à mourir jeune, il préférait avoir une arme à la main. Pas de coup de poing qui lui éclaterait la tête contre les pavés : une balle en pleine tête, ce serait plus amusant. Il était jeune, il se sentait vivant, et il y avait tant de choses auxquelles il ne pensait pas en cet instant. Alors oui, la carrière militaire lui paraissait amusante. Comme tous les garçons qui sont idéalistes.

Le père Eisenstahl grogna en voyant son puîné entrer chez lui en uniforme pour la première fois :
« Foutredieu, t'as presque l'air d'un homme respectable, mon garçon. »
Et il cracha par terre comme si c'était la pire insulte du monde. Avant qu'il n'eût le temps de dire à son fils de s'en aller – et autres paroles peu sympathiques -, Lukas haussa les épaules :
« Au moins, ils servent bien à manger, je n'aurais plus à crever de faim. Et ils paient bien. Et ils nous traitent bien. Je n'ai pas vraiment à m'en plaindre. »
Le père Eisenstahl avait commis de nombreux petits délits, et mettait un point d'honneur à ne pas être un citoyen modèle. Pire que tout, le père Eisenstahl était foncièrement capitaliste, même s'il gardait ses opinions pour lui, sachant qu'il valait mieux garder profil bas avec certaines questions. Il hésitait donc entre reprocher à son fils son appartenance au régime ou au contraire se réjouir de le voir profiter leurs ressources, celles qu'ils gardaient jalousement pour eux. C'est pourquoi le père Eisenstahl eut sa réaction habituelle : il changea de sujet et demanda à son fils d'aller lui chercher son couteau et la sculpture qu'il avait commencée. Le communisme, quelle blague, tout le monde était censé avoir la même chose, mais le parti avait toujours plus que les autres, et les mauvais éléments toujours moins.
Toutefois, quelques heures plus tard, avant de repartir, Lukas avait été pris à part par son père qui l'entraîna dans la cuisine qui était, à bien des égards, le lieu le plus confortable de la maison. Au moins la cuisinière, qui était neuve, réchauffait cette pièce, et la toile cirée était incroyablement propre grâce aux efforts de la mère Eisenstahl, qui épluchait ses pommes de terre dans le débarras. Le père Eisenstahl n'était pas très doué pour demander des services, si bien qu'il eut l'air hésitant et se tut pendant quelques instants. En fils bien élevé, Lukas respecta ce silence. Puis le père Eisenstahl, au terme d'intenses réflexions, se lança enfin :
« Écoute, mon p'tiot, c'est bien joli d'aller jouer aux gaillards en uniforme, mais surtout, t'oublies pas ton frère et ton cousin, hein ? Veille à toujours bien les respecter. »
Et sur ces paroles pleines de sagesse, le père Eisenstahl et sa béquille quittèrent la cuisine.

Peut-être aurait-il mieux valu pour Lukas d'oublier son frère et son cousin, puisque cela ne lui apporta que des ennuis. Il s'en sortait remarquablement bien à l'armée : on le trouvait bon élément, prompt à obéir, toujours performant, et surtout, ce n'était pas le genre de soldat à se poser trop de questions. L'armée était la seule issue à son milieu familial oppressant. Il était aux yeux de ses camarades l'exemple-même que l'éducation communiste pouvait faire des pires canailles l'homme parfait.
La famille Eisenstahl profita très certainement de cette nouvelle source de revenus : Lukas leur rapportait un certain nombre de biens de consommation, et il put même obtenir la réparation de leur système de chauffage si défectueux. Les Eisenstahl sortirent donc de la précarité pour mener une existence plus rangée. On aurait pu croire que les activités illégales, n'étant plus nécessaires, seraient abandonnées, mais ce ne furent pas tout à fait le cas. Disons qu'elles mutèrent. Le père Eisenstahl fut déporté deux années après l'entrée de Lukas dans l'armée. Il avait commis le délit de trop en attaquant un commerce officiel et son goût pour le capitalisme avait finalement été découvert. Pauvre père Eisenstahl. Lukas en fut désolé, mais il était tiraillé entre deux tendances : il désirait prendre la défense de son père et soutenir qu'il s'était toujours montré citoyen modèle (c'eût été gros, mais que ne ferait-on par amour paternel), mais il préférait se taire par peur de devenir un paria à son tour. Pour dire les choses simplement, Lukas avait tout simplement abandonné son père aux autorités parce qu'il tenait trop à sa place pour oser protester. Pour se dédouaner, Lukas se rappelait que son père était tout de même bien coupable des crimes dont on l'accusait.
Venait ensuite la fille Eisenstahl, qui disparut du jour au lendemain on ne savait où. Elle ne donna aucune adresse, ne révéla à personne ce qu'elle avait l'intention de faire, et n'emporta même pas la moitié de ses affaires. Elle était la moins dégénérée du lot, et peut-être avait-elle été assassinée. Malheureusement, personne n'en aurait jamais la certitude.
Enfin, le frère et le cousin n'étaient pas en reste. Ils avaient l'intelligence de ne pas faire savoir ce qu'ils étaient vraiment. Ils aimaient se faire passer pour de pauvres gars maltraités par la vie qui manquaient tant de ressources qu'ils n'avaient d'autre chose que d'accomplir quelques actions pas toujours très honnêtes pour vivre. Lukas se laissa avoir dans leur piège comme bien d'autres avant lui. Il eut pitié de ces grands gaillards qui avaient l'air si honnêtes qu'il ne se méfia pas dans un premier temps. Ils lui demandèrent d'abord de très menus services, par exemple leur rapporter un petit carré de chocolat ou des feuilles pour écrire. Trop heureux de leur rendre service, Lukas s'exécutait avec zèle.
Vint ensuite la deuxième phase du plan, celle qui finit par attirer le soupçons de Lukas. Son frère ou son cousin lui demandèrent de transmettre de petits colis à leur petite amie, qui habitait près de la caserne du jeune soldat. Convaincu qu'il s'agissait de lettres d'amour et de présents amoureux, Lukas ne songea pas un seul instant à ouvrir les colis : il jugeait que cela aurait été faire preuve de curiosité mal placée. Les deux jeunes filles qui venaient réceptionner à tour de rôle le colis étaient des charmantes : deux adorables campagnardes à l'apparence encore préservée et aux yeux d'une douceur infinie. Il finit même par s'enticher de l'une d'elles, mais par respect pour son frère, il ne tenta pas de briser ce qu'il pensait être leur couple.

L'année de ses dix-neuf ans, le pays sortit enfin du communisme. Malheureusement, pour la famille Eisenstahl, cet événement ne marqua pas grand chose. Le père Eisenstahl avait mystérieusement disparu dans les prisons d'État et malgré les démarches de la mère Eisenstahl, on ne put jamais les retrouver. La famille ne connut pas de prospérité extraordinaire du jour au lendemain, mais le père Eisenstahl aurait été si heureux du retour du capitalisme que personne ne songea à s'en plaindre. Les temps les plus difficiles semblaient être derrière eux.
Lukas fut assez peu dérangé par le changement de régime. Il était déjà bien heureux de conserver son poste, car le perdre aurait signifié le retour à sa famille. Même sans le père Eisenstahl, celle-ci restait bien assez particulière à son goût. Sa petite routine lui plaisait bien.
Dans un premier temps, le trafic de colis fut un peu perturbée, puis il reprit de plus belle. Tous les jours, Lukas devait aller livrer son colis à l'une des deux demoiselles. Elles finirent même par lui remettre des enveloppes épaisses, signe de la confiance qu'elles accordaient à leur coursier. De temps en temps, Lukas entendait parler de trafics divers à la radio : à présent que les frontières s'ouvraient et que le pays évoluaient, les trafiquants devenaient de plus en plus téméraires et préparaient des actions de plus en plus osées. Au moins cette filière était-elle assez sûre : Lukas avait l'air bien trop honnête pour être soupçonné.
Avec les années, les affaires prirent encore de l'ampleur. Lukas commençait à se rendre compte que quelque chose clochait. Ses camarades avaient remarqué son petit manège et se posaient des questions. L'un d'eux lui avait dit de se méfier de son frère : d'après la description de la famille de Lukas que celui-ci avait faite, il avait bien l'impression que le frère et le cousin étaient des rusés qui voulaient plumer Lukas. D'emblée, Lukas avait rejeté cette hypothèse et avait même traité son ami de communiste attardé. Puis cette parole avait fait son chemin et Lukas s'était dit qu'il devait faire attention. Il avait tenté d'ouvrir l'un des colis, mais le carton se pliait trop facilement, si bien que son inspection allait être découverte. Il eut à peine le temps de voir une boîte noire de forme apparemment carrée, mais il ne put en savoir plus. Lorsqu'il secouait le colis, il n'entendait pas de bruit particulier : quoique le boîte contînt, le contenu n'avait pas la place nécessaire pour se balancer. Le colis n'avait aucune odeur et son poids ne lui permettait pas de déterminer ce que cela pouvait être.
Il allait s'en ouvrir à son frère et exprimer ses inquiétudes lorsqu'il se rendit compte qu'il ne pouvait plus faire marche arrière. Son frère était au demeurant plus soupçonneux, comme s'il savait que Lukas avait voulu ouvrir le colis. Cela se voyait peut-être à son visage, puisque Lukas avait bien du mal à lui mentir. Ils passèrent sans s'en rendre compte à l'étape supérieure. Lukas conduisait la voiture, puisque son frère n'avait pas le permis – soit dit entre parenthèses, il ne se gênait pas pour conduire lorsqu'il en avait envie. Il s'arrêtait à quelque distance du lieu où son frère disait avoir des affaires à régler. Il attendait bien sagement jusqu'au retour de son frère. De temps en temps, Lukas entendait des bruits de bagarre, mais il s'était convaincu que c'était tout à fait normal. Il avait en tête la mort d'un adolescent sous sa fenêtre : ces réponses violentes lui donc paraissaient tout à fait naturelles.
Lukas tua même. Et il n'en éprouva aucun remords. Un de ces jours de permission où il avait emmené son frère dans une usine apparemment à l'abandon, Lukas avait entendu un coup de feu, suivi d'un autre. Se battre à mains nus ou à armes blanches, il pouvait le tolérer, car il fallait de la force et du cran pour se battre ainsi. Mais les gangs qui employaient des armes à feu lui paraissaient lâches. Que lui-même s'en servît à des fins militaires était une autre histoire, puisque le soldat était là pour défendre la paix, aussi paradoxe que cela puisse paraître. Lukas n'hésita pas un instant : pour sauver son frère, il se saisit du revolver qu'il conservait toujours sur lui, même s'il n'était pas censé s'en servir, et se dirigea tête baissée dans le bâtiment. Il ne savait pas où son frère s'était rendu, mais grâce aux coups de feu, il pouvait trouver la source de l'agitation. Tant que des coups de feu étaient tirés, son frère était encore vivant et représentait une menace pour le ou les autres tireurs. Lukas repéra la source de la fusillade et décida de la contourner pour prendre ses adversaires par surprise. En l'espace de quelques secondes, il mit à terre les trois tireurs, libérant ainsi la voie pour son frère.
Lukas ne sut évidemment pas ce que son frère était venu faire là, et il ne pensa pas à le demander, puisque son frère avait été atteint au bras, sans doute avant qu'il ait le temps de se cacher. Il ne fit pas attention aux impacts de balle ou aux mares de sang qui commençaient à se former que déjà, il relevait son frère, enveloppait le bras blessé dans sa veste – heureusement, une veste de civil – et qu'il le poussait jusqu'à la voiture. Lukas voulut emmener son frère à l'hôpital, mais ce dernier refusa tout net sans donner la moindre explication. Il faillit leur faire un accident lorsqu'il voulut prendre le volant alors que Lukas conduisait, si bien que ce dernier jugea plus prudent de faire ce qu'il disait. En guise de dédommagement, son frère lui donna trois exemplaires des balles qui lui manquaient. Toutefois, cela ne l'empêcha de continuer à demander à Lukas de le conduire où il le souhaitait, mais l'issue ne fut jamais aussi tragique. Les médias n'en semblant pas avoir fait mention de la fusillade meurtrière dans l'usine, Lukas songea qu'il était assez peu risqué de continuer à aider son frère.

La vie de Lukas bascula le jour de ses vingt-neuf ans – c'est-à-dire le jour où il trouva la mort. Voilà des années que le petit trafic des cousins Eisenstahl fonctionnait à plein régime sans crainte de la police – des petits trafiquants avaient bien été arrêtés, des filières secondaires démantelées, mais le cœur et la tête du réseau restaient toujours bien à l'abri. Lukas lui-même était assez préservé : sa hiérarchie ne doutait pas un seul instant de lui, qui était après tout un bon élément, et même ses camarades avaient fini par se convaincre qu'il ne faisait que transporter de petits colis amoureux. Toutefois, un an avant sa mort, les choses commencèrent à se gâter. Le frère Eisenstahl était plus souvent sur la défensive : dès que les choses n'allaient pas assez vite à son goût, il se mettait à crier contre Lukas des paroles assez dures. Pour la première fois, Lukas se sentit véritablement blessé, et il commença à se disputer avec son frère. Pour ne rien arranger, le cousin Eisenstahl rêvait d'une occasion pareille pour prendre le contrôle absolu du réseau et était bien déterminé à obtenir le soutien de Lukas pour évincer son encombrant cousin.
Cependant, le cousin Eisenstahl était moins doué que le frère, et surtout bien moins subtil. Il laissa sous-entendre à Lukas que le frère avait des problèmes parce qu'il était un imprudent et qu'il avait franchi quelques limites de trop. Pour Lukas, ces sous-entendus avaient un sens tout à fait différent : il croyait tout d'abord que son frère se surmenait parce qu'il ne savait pas gérer son temps, et qu'il avait un peu trop tendance à se mettre sans le vouloir dans des situations dangereuses. Quelques ennuis avec la police pouvaient toujours s'arranger. Toutefois, lorsque le cousin Eisenstahl prétendit prendre la place de son frère et de prendre Lukas comme chauffeur pour ses escapades, il se montra bien moins prudent. Lukas comprit immédiatement que quelque chose de dangereux se déroulait.
Mais plutôt que de leur reprocher de s'être livré à un trafic d'armes, Lukas ne trouva rien mieux que de se sentir lésé par le manque de confiance que son frère et son cousin lui avait accordé. Il pensa donc en parler avec eux pour régler la situation. Soit il obtenait une compensation financière suffisante pour acheter son silence, soit il allait les dénoncer dans la police et serait considéré comme un héros par ses camarades.
Malheureusement, la rencontre n'eut pas lieu comme prévu. Le frère Eisenstahl était bien disposé à acheter son silence, mais le cousin Eisenstahl voyait là l'occasion rêvée de se débarrasser de son rival.
Il n'hésita pas à lui tirer dessus sous les yeux ébahis de Lukas. Au corps criblé de balles, il adressa un commentaire amical à son défunt cousin :
« Ce fut un plaisir. »
Puis il se tourna vers Lukas et, sur son dernier commentaire, le descendit à son tour. Il s'arrangea alors pour faire croire à un règlement de comptes fraternel. La police crut à l'histoire et n'enquêta pas davantage. Ainsi fut traitée la question de la mort de Lukas.

Si le cousin Eisenstahl était plus malin que Lukas parce qu'il avait réussi à lui tirer dessus... ma foi, on voit bien à quelles extrémités nous sommes arrivés.

Une lumière blanche aveuglait Yemdel, qui rabaissa sa casquette pour se protéger les yeux du soleil. La perte de ses souvenirs avait opéré un changement incroyable en lui. Il se sentait opérationnel. Il se sentait plus vivant et léger que jamais. Il pouvait contempler les pires facettes de l'humanité sans se sentir corrompu par elles.
Était-ce cela, la liberté ?
Et derrière l'écran ?
feat AYANAMI 【07-GHOST】

PSEUDO - JEAN-RENÉ-CHARLES-ÉDOUARD. Ah, pardon, je croyais qu'on me demandais mon prénom. Non, moi, c'est Rieser.

SEXE - Je suis à moitié dinosaure. (Les spéculations sur le sens de cette phrase sont ouvertes)

AGE - J'ai arrêté de compter, ça changeait chaque année.

BLABLA PERSONNEL - Moi ? Je suis rabat-joie, pessimiste et boulet. J'aime sortir des références culturelles bizarres (mais ce n'est même pas pour me vanter : c'est vraiment ce qui me vient en tête immédiatement).

COMMENT AVEZ-VOUS TROUVÉ BLINDFOLDED - Partenariat.

QUE PENSEZ-VOUS DU FORUM - Magnifique. Niveau codage, c'est exactement ce que j'aime, ce côté géométrique avec beaucoup de minutie dans les détails. Et le règlement est parfait, j'avais l'impression d'être exactement sur la même longueur d'ondes. ♥

DES RECLAMATIONS OU RECOMMANDATIONS ? - Non, rien. Et c'est rare.

LE MOT DE LA FIN - Qui a vu, verra. Vu ?

codage par sahara sur blindfolded.forumsrpg.com
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coeur souillé de noirceur
Ebène
Ebène
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DIT ▲ : luccio, ébénito
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MessageSujet: Re: De la couleur du ciel. ▲ Yemdel ▲
De la couleur du ciel. ▲ Yemdel ▲ RxkgjUaMer 7 Jan - 18:59

image de bienvenue
BIENVENUE SUR LIBRA ••

Ca y est, te voilà validé et prêt à parcourir les grandes plaines de Libra. Tu as désormais accès à l'ensemble du forum et est libre de rp avec le reste des âmes !

N'oublie cependant pas d'aller jeter un coup d'oeil aux bottins pour faire recenser ton personnage notamment.

Et surtout, amuse-toi bien et puisse ton voyage durer ! ♥


OUH ! J'espère que tu n'as pas attendu trop longtemps mon passage ! Comme tu étais en bas du topic, j'ai oublié d'aller te lire ! Mea culpa ! J'aime bien les personnages comme Yemdel, il va bien compléter le groupe des lieutenants de la garde qui est déjà haut en couleurs ! Ton histoire est très très complète, je sais pas pourquoi, elle me fait penser à Dostoïevski... enfin bon, tu écris bien dans le style gangsters, ça va donner en rp ! Sur ces paroles, je te valide, bon jeu, et encore désolée pour l'attente malheureuse ! ;)
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