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 Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.]

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conscience vouée à l'errance
Bermuda
Bermuda
conscience vouée à l'errance


Féminin

MESSAGES ▲ : 177
DATE D'INSCRIPTION ▲ : 05/01/2015
AVATAR ▲ : United Kingdom • hetalia By Sucre ♥
DIT ▲ : Sale Rat / Capitaine, à votre guise.
ANECDOTE ▲ : Bermuda est né de la cupidité•hermaphrodite• il écrit en indianred
FICHE RS ▲ : Je la revendrai à prix d'or

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MessageSujet: Re: Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.]
Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaDim 19 Avr - 4:07

Tu es beau. Tu es vraiment beau. Et ce n'est certes pas la première fois que je m'en fais la réflexion. Je te l'ai souvent dit. De manière spontanée. Et ce n'était jamais pour te complimenter. Une simple constatation. Et la beauté ne m'a jamais particulièrement intéressée. Ce n'était qu'un critère, une remarque, puisque les âmes aiment ce qui est beau. Que la beauté se vend certes plus facilement quand elle est physique et remarquable. J'ai souvent dit que tu étais beau. Je sous-entendais que j'estimais hautement ta valeur marchande. Mais maintenant je crèverai s'il fallait que je recommence. J'imagine encore ton dos sur l'estrade e-non. J'en crèverai trop. J'en crèverai trop et je finirai par tuer tes acheteurs. Je les tuerai et je les saignerai et je l-. Ce n'est pas raisonnable. Ce n'est plus raisonnable. Envisageable. S'il fallait que j'en vienne à tuer mes clients…. Mais je sais que je le ferai, vraiment. Dans quel extrême me pousses-tu donc ? Je n'ai que conscience, à cet instant de ta beauté. De ton être, entier. Quand je te le disais je ne savais pas encore alors à quel point je me trompais. Tu n'es pas beau. Et même quand je le pense maintenant je sais que c'est faux. Tu n'es pas beau Sucre, non. J'en suis persuadé.


Tu es très beau. Incroyablement beau. Superbement beau. Excessivement beau. Et ce n'est pas vraiment ta beauté qui est excessive, mais tout ce qu'elle provoque et arrache chez les autres. Chez moi. 

Tu plisses les sourcils.-tu es beau-Tu grognes.-tu es beau- Tu aimes te plaindre-Et même quand tu te plaint tu es beau- Tu dis mon nom.-Et tes lèvres se pressent délicatement et s'entrouvrent pour laisser passer la première syllabe. Ta bouche se ferme et dessine sur ton visage une moue délicieuse et exquise qu'il faudrait que j'embrasse- ta langue claque sur ton ton palais et ta bouche s'ouvre joliment sur la dernière syllabe en a. Et quand ton souffle traîne sur la voyelle pour prolonger le son ou simplement moduler des émotions, que c'est beau. Que c'est beau.


Il faudrait que je dise. Que j'avoue que je ne savais pas non plus à quel point j'aime quand tu dis mon nom. Dans tous tes excès ou toutes tes retenues. Quand il devient excédé, éreinté même que tu le dis et qu'il y a de l'agacement enfantin sur la pointe de ta langue. Et je l'aime parce que ma bouche s'étire, alors il y a un rire qui s'étale sur mon visage et que mon ventre éclate sous les soubresauts joyeux. J'aime aussi quand il devient un murmure tendre et complice, intime, qu'il vient se lover tendrement dans mon oreille et mon cœur pour le faire trembler alors très fort. Il peut être dit non, expiré, rauque et ardent, se sertir de séduction quand il devient incontrôlé et répété, c'est comme... C'est comme s'il fallait que tu le dises pour pouvoir respirer. Et j'aime vraiment cela parce que je vie chaque fois plus encore, je deviens plus tangible à chaque fois. Puisque j'existe et je roule, je provoque et j'apporte de l'air comme j'en reprends. Et j'aime enfin quand tu le dis, que tu le fais ricocher mille fois dans l'air, éclater dans la joie-que je provoque- ou l'hilare complicité de ton rire grave, aussi chaud et doux qu'un feu de cheminée qui crépite, je me perds mille fois.

.Je sais qu'il existe d'autres nuances. Que tu n'as pas fini de graver des millions de douceur sur les trois syllabes de mon nom, comme je dois en graver mille sur les tiennes. Je veux toutes les découvrir, les saisir, les conserver, pour moi, rien que pour moi. J'ai si peu d'intérêt quand j'entends les autres m'appeler autant j'en ai trop quand c'est toi qui le fait. Il faut que tu saches. Parce que chaque fois je tremble. Avec excès. Je tombe. Avec excès. Je suis aussi terriblement et excessivement idiot puisque j'en ai conscience. Et je déteste, je déteste tellement quand le monde entier minaude et susurre des choses douces, soupire d'amour-faux, puisqu'il n'y a que le notre de vrai-, alors que je sais qu'il suffit d'agiter l'or pour souffler sur cet affection. Mais quand c'est toi et moi qui le faisons alors le monde entier n'existe plus que pour  souligner, puisqu'il est fade et risible, qu'il n'y a rien de ridicule et de pauvre dans tout ce nous que je peine encore à réaliser.

Même quand je ne devrais pas trouver de beauté j'en trouve. J'en trouve quand tu plisses les yeux et que c'est pour rire ou pour me regarder. J'en trouve dans les plis et les courbes de tes lèvres. Sur tes pommettes qui rosissent ou blanchissent-pour moi, rien que pour moi et c'est important de le souligner- souvent. J'aime aussi tes soupirs et leur nuances (agacés, contentés, heureux, énervés, sulfureux, attendris, b-non je ne dois m'attarder parce que je pourrais tout citer). Dans ton dos courbé, effondré et tes épaules voûtés. Dans la faiblesse de ton corps. Quand il tremble. J'ai l'envie furieuse de t'étreindre à t'en faire craquer tes os. Tous. Te raccrocher à moi. Et c'est risible. Et c'est inconcevable. Puisque j'exècre la détresse, l'éprouver ou la voir chez les autres. Mais tu ne faiblis tellement jamais. Tu ne trembles tellement jamais. Et tu ne me dis jamais « Bermuda, j'ai peur. »-et moi je l'ai déjà dit- que je ne peux qu'en être touché. Qu'avoir envie de te soutenir sans me moquer.  J'aime quand tu t'abandonnes totalement, que tu me confies tous tes soupirs et les soubresauts de ton corps. Et pourtant je sais et tu sais que j'aime nos provocations, nos altercations. J'en trouve aussi quand tu hausses le ton et que tu déverses mille insultes et que ton visage rouge et indigné me relance toujours pour me rappeler comme tu es fâché. Je trouve de la beauté dans toutes tes excès. Quand tu t'exclames et panique, après quelques mèches coupés. Je te trouve superbe et terriblement beau quand je sais que tu t'apprêtes à lancer quelques piques, ou que tu te fais terrible aussi et que ce que ta bouche dit me fait soupirer-d'agacement- très fort.


Et le pire. Et le pire c'est quand tu me dis que toi aussi tu m'aimes. Et je devrai. Non. J'aurais dû. Mais c'est tellement beau. Sur ton visage. Dans tes yeux. Que je me demande vraiment comment je peux résister encore. Comment je le ferai, à la venir. Tu es beau. Et je le pense trop excessivement. Quand tu dis des choses. Quand tu parles. Quand tu bouges. Quand tu geins. Bon sang, même quand tu geins, je te trouve beau. Et il faudrait vraiment que j'arrête de le penser. De m'émerveiller. Parce que je dois avoir sur le visage une expression embarrassante que je ne suis pas certain d'assumer.  


C'est peut-être pour cela que je reste obstinément fixés sur les œufs. Et que je résiste à l'envie de tourner la tête. Même quand tu niches ta tête dans tes bras. Alors que j'ai envie de regarder. Parce que je suis certain que je trouverais de la beauté juste dans la courbe de ton dos, l'affaissement de tes épaules et ta nuque… Je rends les armes et je tourne la tête. Je fixe ta nuque, dégagée. Tu es très beau aussi les cheveux courts. Mais je ne suis pas très objectif. Et je me demande bien pourquoi. Peut-être que je délire. Et mon sourire idiot. Encore une chance que tu ne puisses pas le voir. Parce que je serais parti me cacher. Sous-terre. Tu en rirais sûrement d'ailleurs. Mais que m'as-tu fais Sucre?


Je presse mes phalanges sur mon couvert et je me force à retourner sur les œufs. Et il me suffit de penser que c'est nous, enfin toi, mais que tu as pris le temps de me montrer comment le faire pour que je les trouve beaux aussi. Mais. Bon sang. Depuis quand suis-je aussi niais ? Et je suis forcé de le reconnaître. Parce que j'ai trop l’œil brillant. Et les pensées qui s’extasient. Excessif. Sur chaque souvenir de nous que tu imposes à mon iris. Je soupire. Mauvais. Mais je suis aussi incroyablement et excessivement très heureux alors j'oscille sans cesse entre la moue et l'idiot sourire qui me chatouille le coin de la bouche quand j'essaie de le faire partir. Ce qui me donne l'air encore plus idiot. Formidable.

J'attrape un morceau d’œuf avec la cuillère dentées, vaincu. Complètement. Je n'ai pas réussi à arrêter d'être idiot alors j'essaie de m'occuper la bouche, ton visage dans mon angle mort. Au moins je ne risque plus de m'extasier sur toi. Pendant les cinq secondes à venir. Tu réponds entre temps à ma question. Je tends l'oreille, parce que je voulais savoir, mais lorsque j'entends une réponse négative je repose et je me tourne de nouveau pour te regarder. (Moins de cinq secondes s'étaient écoulées).Sans sourire idiotement puisque cette fois je suis intrigué.  Et puis, tu nuances ta déclaration et je hoche la tête. Je dois avouer que je ne me souviens pas du goût des œufs chauds, mais je crois me rappeler que c'était bon aussi. Et que le jaune était moins pâteux. Mais je crois aussi que j'aime bien les épices-du sel, du poivre- et que cela accompagne bien le goût du blanc et des jaunes. Je hoche la tête et je reporte mon attention sur les œufs pour reprendre un peu de jaune. Maladroitement (pourquoi faut-il que ce couvert soit si difficile à utiliser ? Si de l’œuf tombe alors je crois que je fi-… Diantre.) Je relâche le couvert et j'attrape le morceau avec mes doigts. Puisque c'est plus pratique. Et je glisse discrètement dans ma bouche.

À cet instant tu poses ton front sur mon épaule et je manque de me mordre le bout de l'index. Je tourne la tête. Et tu souffles mon prénom. Je tressaille. Je tressaille parce qu'il y avait beaucoup trop de douceur dans ce mot. Bon sang. J'aime tant. Je souris encore. Puisque je n'ai plus que cela. Tu redresses ta tête pour la nicher dans mon cou. Il faut que je te regarde. Alors je tourne la tête pour t’apercevoir. Tu fronces les sourcils. Les deux. Et tes rides d'expressions me ravissent. Excessivement. J'aime comme ton visage a été marqué par le temps. Alors que le mien est si lisse. Et les petites ridules sur le coin de tes yeux, il faudrait que je les embrasse vraiment. Et c'est tellement, tellement beau, d'être ainsi observé. De si près. Par toi. Uniquement. Si quelqu'un s'était approché si près je lui aurait planté le couvert à dent dans l’œil. Ou ailleurs. Je ferme l’œil, jure silencieusement. Je délire. J'en perds le sens des mots, mais je comprends. Une minute plus tard.
Tu dis que tu es las. Et moi je souris encore et je dis en allant embrasser ta peau-celle qui est la plus proche. Jusqu'à ce que ton agacement disparaisse.

- Vraiment ? Mh. Non... Je ne suis pas désolé, en plus.

Que quelques rire viennent me ravir des rires aussi. Je crois que je suis simplement heureux. Et même simplement heureux de partager ce repas avec toi. Même si tu ne manges pas. Et même si tu devais m'assommer de mille reproches je pense que je continuerai à me sentir léger et atrocement stupide. J'ai trop de joie vraiment. Trop de contentement. Surtout quand tu viens te presser contre moi. Que je ne peux même plus manger sans avoir peur que tu ne vois que je ne sais pas utiliser l'ustensile que tu m'as donné et que je fais tomber de l’œuf sur ton sol quand je m'acharne. Même quand tu me demandes de te nourrir. Trop capricieux et ronchon. Que je me dis que je pourrai me résoudre à la faire. Simplement parce que tu le demande. Depuis qu-. Je ravale un soupire. J'ai des millions de oui qui se bousculent contre mes lèvres et quelques provocations qui essaient de se frayer un chemin jusqu'à ma bouche. Et je réponds, avec un sourire moqueur, mais tendre, puisque c'est toujours tendre.

- Tu es à ce point épuisé ? Et si tu me le demandais plus gentiment Sucre ? Si tu disais « s'il te plaît Bermuda » ou « Daignerais-tu me nourrir ô grand Bermuda » Mh? Je pense que je pourrai y réfléchir.     


Et je ricane un peu,même si je pense que si je n'avais pas été si assaillis de oui. Et d'autres tournures plus polies et toutes positives. Je pense que je perds un peu de dignité. Que tu me l'as pris. Ou que c'est le délire qui fait briller mon œil. Mais j'oublie bien vite toutes mes autres provocations et mes autres moqueries tendres que j'avais réussi à réunir. Et j'y ai mis tellement d'effort. Mais tu dis que tu es heureux. Alors c'est certain que je ne peux qu'oublier. Parce que je suis heureux aussi. Et stupide. Mais heureux. Et que tu le sois aussi me rend d'autant plus heureux. C'est un cercle sans fin. Diantre. Où ai-je rangé ma hargne ? Et mes moqueries ? Et surtout. Je n'ai jamais été si muet. Mais c'est toi qui me vole tout mes mots. Tout mon air. J'ai un peu de rouge encore sur mes lèvres qui tremblent de ne pouvoir t'embrasser. Juste avec tendresse. Puisque je crois que je pourrais vraiment finir par ne plus savoir marcher si on recommençait. Et puisque tu sembles même plus en état de saisir un couvert… Et je ne ramperai pas. Jamais. Même pour toi.

Je souris et je retiens mes bras d'aller enlacer ta taille, même si je ne suis pas certain de pouvoir saisir ton corps, ainsi tourné. Parce que tu ne peux pas me dire qu'on sortira demain faire des achats. Nous. Alors que j'ai dit que je voulais te racheter des assiettes. Et que je pourrais je crois en acheter plus que deux. Puisque tu me rends très excessif. Tu ne peux pas non plus me demander ce que je voudrais manger d'autre. En me donnant l'impression que tu t'y intéresses vraiment. Et je ne doute pas tu t'y intéresses. Et moi je pense que je voudrais te le dire, à toi, puisque le dire aux autres ne m'a même jamais effleuré l'esprit. Que j'ai toujours eu le réflexe de te le dire quand j'aime ou je déteste. Comme si je savais qu'il était important que je te le dise. Je couvre ma bouche avec mes deux mains et je masque mes lèvres. Parce que cette fois je crois que tu pourrais voir mon sourire le plus idiot et  je ne suis pas certain de vouloir que tu le vois.

Je ne trouve même rien à te dire quand tu me dis, alors. Plus capricieux encore que jamais, que je dois te nourrir. Je te repousse un peu et je soupire. Il faudrait que je te dise de te mettre droit. Pour que je puisse- Je ne suis pas certain de vouloir-. Qu'est-ce que je m'apprête à faire ? Je prends le couvert maladroitement, avant de l'abandonner et je saisis un morceau d’œuf avec mes doigts pour l'amener devant ta bouche.-Et je suis très, trop embarrassé, et c'est bien plus embarrassant que je le ne l'avait pensé au premier abord.

-Mange. C'est trop compliqué avec la cuillère avec les dents.  Je retourne prendre un morceau d’œuf et je crois bon de rajouter. - Il faudra acheter du pain. Des choses séchées. Pour manger sans ustensiles. Je l'amène devant ta bouche encore et je glisse, les lèvres pincées. - Ne ris pas d'accord parce que je crois que je pourrais te l'enfoncer dans la fémorale sous le coup de  l'emportement. Mais je t'aime beaucoup quand même. Parce que je crois que j'ai le cœur qui tremble trop. Si bien que pas un seul instant je ne regarde ton iris. Mais ton nez. C'est déjà trop. Et je crois qu'on a l'air vraiment bête, comme cela. Surtout moi. Je te donne un morceau de jaune. - Et je ne sais pas. Ce que j'aimerai goûter. Je ne connais pas assez le nom des choses. Parce que je n'ai jamais l'occasion de le demander. -Je pense que je voudrais du poisson. Est-ce que tu aimes cela ? On… Pourrait…. On pourrait passer faire des courses alimentaires ? Et tu me diras le nom des choses ? Ce serait bien. Je hoche la tête et je retourne chercher de l’œuf pour me nourrir moi-aussi. - Et il me faut des vêtements. Parce que je crois que je n'ai plus qu'une robe. Et ce t-shirt. Un caleçon ? Je te rachèterai des vêtements. Ceux que j'ai cassé. Je t'aime. Et une couverture. Douce. Il faut que tu jettes la couverture en laine, ou je le ferai. Ce serait bien. Je crois que tout me conviendrait. Même travailler ? Tant qu'on le fait ensemble ?


Je saute du tabouret, un peu trop vivement (Mes hanches. Mes hanches. )et je n'attends même pas que tu répondes. Je dis - Il faut qu'on achète de quoi désinfecter. Et il faut que je change ton bandage. Et on dormira ? Ah… Il faut… On doit se la-. Tu dois te laver. Moi aussi. Et après on dormira. Et quand je parle il y a des rires qui font tressauter mes voyelles. Mais je crois que je suis au-delà de l'embarras lui-même. Il y a trop de joli banalité dans mes phrases. Et juste imaginer le partager avec toi me rends plus heureux encore. Et je ne suis plus assez malade pour l'assumer simplement. Même si je dois être complètement délirant pour sourire comme cela. Je retrouve dans la salle de bain des compresses, des bandages. Je les ramène dans mes bras.  Je crois que j'ai un peu de mal à marcher. Non je suis certain que j'ai du mal parce que mon bassin brûle. Bon sang. Et mon visage est aussi en feu. Mais c'est l'embarras. C'est l'embarras. Je crois que je pourrais aller me cacher dans ton placard. M'y terrer. Puisque mon idiotie n'a d'égale que celle du plus idiot des idiots du plus idiot des villages d'idiots de tout Libra. Je ramène de l'eau. J'ai mal aux hanches. Et ma bouche brûle encore. Pour nettoyer ta plaie. Est-ce que j'ai nettoyé mes mains ?


- Tu devrais te doucher avant moi, je m'occuperai de ton épaule. Je dis, rapidement. Puisque je crois que je ne veux plus reparler du dîner. Et que ma bouche est trop idiote. Et mes lèvres. Et je délire vraiment. Et ce n'est pas normal. Parce que malgré tout. Malgré tout cela je suis affreusement, effroyablement heureux. Puisqu'on a mangé ensemble. Et j'ai dit je t'aime. Et tu vas te doucher. Et je te soignerais. Et tu vas dormir. Moi je te regarderai. Et je répéterai mes idioties. Et caresserais béatement et stupidement ton visage. Et j'en serai simplement heureux. Excessivement. Mais simplement. Heureux.
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coeur souillé de noirceur
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Féminin

MESSAGES ▲ : 332
DATE D'INSCRIPTION ▲ : 09/01/2015
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DIT ▲ : chevalier.
ANECDOTE ▲ : son tribut est qu'il est condamné à ne plus jamais dire la vérité. il est accessoirement confiseur et claustrophobe.
FICHE RS ▲ : crache ton miel •

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MessageSujet: Re: Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.]
Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaMer 22 Avr - 3:48


Je suis si bien, là, contre lui.
Me suis-je déjà senti bien comme ça, autrefois ? Pendant ces années interminables de mort dont j'ai perdu le compte, je ne crois pas. Et dans les années qui ont été volées à ma mémoire, je n'en sais rien. Pourtant, il me semble que cette tiédeur qui se propage dans ma poitrine, c'est la première fois que mon corps l'expérimente. Dans ses frémissements, je le devine novice. Je le devine innocent au bonheur dans la chaleur qui grimpe jusque dans mes joues, dans le soulagement qui dénoue les entrelacs amers de mes côtes, dans le relâchement de ma nuque qui s'offre, soumise.

Tout mon corps est docile au bonheur que m'offre Bermuda ; voilà pourquoi j'ai un tel sourire qui courbe mes lèvres.

Je me sens bien quand j'ai son épaule contre ma poitrine. J'ai des roulis tendres qui s'entrechoquent dans mon crâne, mais je crois que je peux dire, maintenant, qu'autrefois, il me manquait vraiment quelque chose.

En vérité, j'ai toujours eu conscience qu'il manquait quelque chose à ma vie. Dans la mort, cette vacuité n'avait fait que se creuser davantage, maligne, perfide. Je mettais cette crevasse, cette cavité noire sur le compte de ma désillusion.
J'ai la certitude d'avoir été un idéaliste déçu qui s'était complut dans la colère. J’exultais d'amertume et de rancœur ; je pourrissais de mépris et d'insolence ; j'avais un vide terrible entre mes doigts que je cherchais à remplir à travers toutes les horreurs salées qui ne demandaient qu'à se faufiler hors de ma bouche pour blesser les pauvres.

Oui, il me manquait quelque chose – il me manquait tout. Il me manquait l'existence, il me manquait la mort véritable, il me manquait une fin, il me manquait la vérité dont j'avais été injustement puni. Il me manquait du sens, beaucoup de sens à tous ces ersatz de bonheur, ces simulacres de sourires, ces projets sans buts qui se tissaient sur les dunes de l'immortalité.
Oui, il me manquait quelque chose.

Mais je n'aurai jamais cru, et c'est très tendre à dire, peut-être même un peu trop, mais je n'aurai jamais cru qu'il me manquait Bermuda.

Il suffisait que je sente l'épaule de Bermuda (si fine, plus frêle que la mienne, très douce quand j'y appose une paume gorgée de désir), juste que je sente l'épaule de Bermuda contre ma poitrine pour me dire qu'il était ce qu'il m'avait manqué. Ou, alors, que ce qu'il m'apporte était ce qui m'avait manqué, mais je n'avais jamais soupçonné, entre deux guimauves coupées en petits cubes, que j'en avais besoin.

J'ignorais que j'avais besoin d'être aimé.
Mais maintenant que j'y avais droit, tout me semblait plus doux, clair et linéaire. Maintenant que je sentais la présence de Bermuda s'emboîter avec la mienne, je me disais que c'était peut-être ce dont j'aurai eu besoin, tout ce temps, pour tarir un peu le flot brûlant de ma colère.

Puisque maintenant je suis si bien et que je peine à trouver ma fureur au milieu de tous ces plis de bonheur dans lesquels il me drape.
C'est une sensation délicieuse que d'être aimé et de le sentir même dans les attaques les plus véhémentes.

Je crois que je pourrais m'endormir.
Contre l'épaule de Bermuda, alors que nos corps s'emboîtent si bien l'un contre l'autre et que je sens sa chaleur transpercer sa peau pour venir caresser ma gorge, je pourrais m'endormir. Je crois que j'ai même mes paupières qui se ferment tellement l'épuisement m'écrase, mais avant, j'aurai envie de prendre Bermuda dans mes bras. J'aurai envie de lever mes bras autour de lui et de frotter mon nez contre la peau fine de son cou.
Dis-moi, Bermuda, je peux te prendre dans mes bras ? Il me semble que ça fait des heures que nous nous sommes étreints ; je dois avoir trop de fatigue dans les veines – et c'est de sa faute, entièrement de sa faute.

J'oscille entre les grognements agacés et les soupirs heureux, mais jamais les coins de ma bouche ne perdent leur sourire.

J'ai fermé les yeux et je me sens gagné par le sommeil, blotti contre lui, assis sur mon tabouret. Mais ce n'est pas vraiment comme si je le voulais vraiment, c'est juste de sa faute (c'est toujours de sa faute), parce qu'il me rend bien, et parce qu'il m'aime et que je le sens même lorsqu'il me lance des provocations qui me font grincer les dents.
Il ne perd rien pour attendre.
Il a beaucoup de chance que je sois moi aussi trop plein d'amour pour lui, sinon, je lui aurai jeté des remarques à lui en faire brûler les joues.

Il y a des choses que j'ai envie de dire à Bermuda, parce que le sommeil me gagne. J'ai envie de lui dire : laisse-moi dormir contre toi, Bermuda. Laisse-moi te presser contre moi pour m'endormir. Laisse-moi entendre ton souffle. Laisse-moi regarder ton visage paisible. Laisse-moi t'embrasser sur le front.
J'ai envie de nicher mon visage dans son cou ou de presser le sien dans la cage de mes bras.

Mais une question me frappe, soudain.
Combien de nuits passerons-nous ensemble ? Elle est trop pénible, trop dure, comme un rocher qui essaierait de forcer un passage dans ma trachée. Alors, je la repousse ; je renifle, souris, plisse les yeux plus fort comme pour partir dans le sommeil. Un sommeil avec lui, Bermuda.
Son nom est si beau.

Je crois bien que je suis en train de m'égarer à cause de la fatigue et de la présence rassurante de Bermuda ; alors, quand il m'écarte d'un coup, alors que j'étais affalé contre lui, je me redresse maladroitement. Mes yeux papillonnent plusieurs fois et je déglutis, la bouche sèche, en rivant mes yeux sur lui.

Je trouve qu'il est trop loin de moi et ça me pince la poitrine.
Comment ai-je pu commencer à m'endormir en l'espace de moins d'un souffle ? Je me désespère – je me désespère beaucoup ces derniers temps, et je crois bien c'est de sa faute puisque c'est toujours de sa faute.

Il est déjà le responsable de la paix que je ressens – il peut bien être responsable de tout ce qui m'arrive.
Je laisse, passif, encore ensommeillé, mes deux mains jointes sur mes genoux et mes épaules voûtées. A travers le battement vif de mes cils, j'observe sa main qui s'empêtre avec la fourchette (a-t-il tant de mal que ça ? Je ne m'en suis pas rendu compte jusqu'à maintenant, et je crois que ça va me donner envie de rire, je sais qu'il est toujours dangereux de rire de Bermuda). Mes doigts sur ses phalanges maladroites, mes lèvres tressautent d'elle-même, prêtes à murmurer un rire léger et fatigué. J'ai encore plus envie de rire lorsqu'il qualifie la fourchette – je crois bien que je ne me lasserais jamais de ses néologismes qui mettent en éclat toute la tendresse de sa jeunesse.

Mais je n'ai pas le temps de rire puisque ses gestes sont trop vifs ; il vient, du bout de ses doigts, glisser un morceau d’œuf jusqu'à ma bouche.
Je suis très surpris ; mes yeux s'écarquillent lentement.

Je suis très surpris puisque je ne pensais pas qu'il accéderait à ma requête – mon caprice était un jeu dans lequel j'avais balancé ma dignité, mais je croyais qu'il me repousserait d'une boutade, d'un sourire malicieux et coupant. Je croyais qu'il m'enverrait promener et que je râlerai, que je grognerai encore en m'enfonçant dans mes mains, grand enfant.

Mais si je suis surpris, ce n'est pas vraiment parce que Bermuda vient me nourrir ; c'est qu'il le fait avec ses doigts.

Et il n'existe pas de doigts plus beaux que ceux de Bermuda.
Lorsqu'il approche ses phalanges de ma bouche, c'est tout mon corps qui s'effondre. J'ai un tremblement dans le ventre, dans les veines et dans ma lèvre inférieure. J'arrête, soudain, de respirer – mais ça ne dure qu'une seconde puisque je dois happer la lamelle blanche qu'il presse contre mes lèves.

Je prends l’œuf dans la bouche, le mâche à peine, obéis à son ordre et observe son visage embarrassé.
Je crois qu'il ne voit pas à quel point je suis subjugué. Je n'ai pas le temps de me perdre dans les traits (splendides) froncés de son visage qu'il presse un nouveau morceau d’œuf contre mes lèvres.

Je sais que je devrais rire.
Je sais que, si j'étais dans mon étoffe habituelle, celle qui à la front rieur et la verve piquante, j'aurai ri. Je me serai moqué, vaguement, et je n'aurai probablement pas esquivé le coup de fourchette qu'il aurait planté dans ma cuisse (c'est d'ailleurs ce qu'il est en train de raconter, commencerai-je à le connaître?). Je sais que son geste est très maladroit, un peu ridicule, peut-être et que ce n'est pas non plus la façon la plus propre et la plus noble de manger.
Je devrais pouffer ; avoir les larmes aux yeux ; le fou rire dans les côtes ; la complicité au bord des cils.

J'en suis incapable.
C'est que ce sont les doigts de Bermuda – les doigts de Bermuda qui viennent, toute les trois ou quatre seconde, porter de la nourriture jusqu'à ma bouche. Ces doigts que j'aime couper de baisers ; ces doigts qui parcourent mon dos ; ces doigts capables de donner les plus saisissantes caresses ; ces doigts que j'ai léché ; ces doigts qui se posent si souvent sur ma joue ; ces doigts contre lesquels je veux me lover.

Parce que ce sont les doigts blancs de Bermuda, je ne peux que récupérer ses offrandes qu'avec une immense dévotion et le silence le plus absolu.

Je rêve, à chaque va-et-vient, de les embrasser encore. Je crois même que je serai capable de gémir lorsque ses phalanges s'approchent trop près de ma langue. Mais je me contrôle, enlace mon désir constant pour lui dans mon épuisement et ferme brièvement les yeux.
A la place de mon cœur qui bat trop fort je préfère écouter ses mots et à chacune de ses propositions, je hoche imperceptiblement de la tête.

Oui, j'aime le poisson. Oui, nous irons faire des courses, ensemble. Oui, te dirai le nom de tout ce que tu voudras savoir – vraiment tout.
Avec Bermuda, il est toujours question de tout, jamais de moins.
Et oui, nous irons acheter des vêtements – j'ai failli faire tomber ce bout d’œuf, rattrapé du bout des lèvres. Je lève mes doigts jusqu'à ma bouche pour m'essuyer ce qui a dépassé et je le regarde se nourrir à son tour.

Il est très beau et il me dit qu'il m'aime entre deux échanges de banalités.
Quand il me me dit simplement, comme ça, je n'y arrive pas. D'un coup, je tressaille. Mes yeux tremblants se détournent de lui ; mes mains, sur mes cuisses, se contractent brusquement ; ma nuque s'agite de spasme, comme si des doigts venaient chatouiller ma colonne vertébrale.
Tout mon corps tremble.

Vais-je un jour m'habituer à son amour.
J'espère que ce ne sera jamais le cas. Je n'ai pas le temps de relever vers lui mes yeux rosis par le frisson qu'il bondit sur ses jambes et s'éloigne loin de moi. Je n'ai même pas eu le temps d'entrouvrir mes lèvres pour lui dire comme j'étais d'accord avec lui, et comme nous allions être ensemble demain, et comme nous achèterons tout ce qu'il désirera.

Je me demande s'il est possible que je me dévoue davantage à lui – j'en doute.

Bermuda s'en va et noie ses paroles sous les tressautements des rires. Intrigué, je relève mon œil vers lui et mon visage se fend d'un sourire doux qui meurt dès qu'il mentionne ma blessure. Je n'ai plus qu'une grimace sur la bouche et les traits fermés. Hier, j'avais eu mal, si mal lorsqu'il m'avait recousu.

Certes, j'aime beaucoup les doigts de Bermuda, mais pas au point de faire encore de moi un supplicié. Je dois le lui dire.

― Bermuda, att -

Mais je n'ai pas le temps. Il s'engouffre dans la salle de bains et en ressort les bras chargés de soins – mon visage est encore plus blanc, je le sais. Mais je remarque, attendri et amusé, qu'il a toujours l'air embarrassé. Par quoi, je l'ignore, mais j'aime la gêne qui vient poindre sur ses pommettes.

Bermuda, debout devant le lit, me présente son dos.
Il ne devrait pas.

Je suis patraque et éreinté mais je demeure vif lorsque je saute à mon tour du tabouret pour le rejoindre. J'esquive, un peu maladroit, l'hécatombe de mon appartement qui gît sur le parquet (comment vais-je nettoyer tout ça), et je le rejoins.

Plus que de le rejoindre, je fonds sur lui.
Je me coule dans son dos et j'enroule mes deux bras autour de son torse. Je l'enlace. Je l'enserre. Je presse mon visage dans sa nuque ; sans discrétion aucune, je hume son parfum rien qu'à lui – un peu de sueur, de savon et de sel.
J'ai du bonheur qui germe dans les veines.
Une de mes mains passe sur sa poitrine, l'autre sur son ventre et comme le plus sacré des sceaux je le retiens contre moi et je le caresses avec une grande tendresse. Je me demande si il peut sentir mon sourire dans sa nuque ? Je viens y presser des baisers, les yeux clos ; quelques grognements de contentement résonnent dans ma gorge.

J'ai envie de lui dire que je l'aime.

― Tu ne devrais pas t'en faire pour ma blessure, elle va très bien.

Mes mains continuent leur découverte (je le ne connaîtrai jamais assez sous mes paumes) et mes caressent s'étendent sur tout son torse. Je sens sa hanche sous cinq de mes doigts ; sa clavicule sous les cinq autres. Mon nez taquine ses cheveux. Je crois que mon sourire s'entend dans les mots que je laisse tomber sur sa peau :

― Demain, on fera tout ça, Bermuda. Tout ce que tu voudras. On ira acheter de quoi manger. Je te nommerai les aliments. On pourra même acheter tous ceux qui te rendront curieux. On achètera des vêtements, une couverture, des assiettes, du rhum même, si ça te manque.

Je presse mon nez plus fort, lâche un petit rire.

― Enfin, tant que c'est toi qui paie ? Ce n'est pas que je suis fauché, mais...

J'ai un autre rire qui grimpe jusqu'à mes lèvres et que je laisse sortir au moment où je l'étreint très fort, d'un coup :

― Et on dit une fourchette.

Hors de son contexte, la phrase n'as pas beaucoup de sens même pour mon tribut. Je ris à l'idée de titiller son embarras et je ne lâche pas l'étreinte ferme que je lui impose. Je dis même, très vite :

― Ne bouge pas, d'accord ? Je suis peut-être bien, comme ça.

Je nous serre l'un contre l'autre le temps de quelques inspirations, les mains immobiles, puis je le relâche dans un soupir pseudo-amusé. Je viens presser un baiser sur son front – il me rend vraiment, vraiment trop tendre.
C'est de sa faute, à force de combler tous mes manques. Mes doigts glissent près de son poignet.

― Très bien, je vais aller me doucher. Et après, nous irons dormir, je conclus en omettant volontairement la partie sur les soins.

Même si ça va être compliqué de l'esquiver, puisqu'il a ramené presque l'intégralité de ma pharmacie sur le lit. J'improviserai.
Je presse ses doigts entre les miens, dépose un autre baiser sur son front et rit doucement :

― Tu m'attends sagement ?

Je ris un peu et je vais, le pas traînant, un bâillement écartant ma mâchoire, me réfugier dans la salle de bain.
Être dans une pièce différente de Bermuda est une sensation très étrange, soudain. C'est comme si le silence avait perdu sa texture et qu'il se désagrégeait en milliers de petits bruits perturbants. Et même si j'ai laissé la porte entrouverte, incapable de la fermer complètement, j'ai l'impression d'avoir dressé un mur entre nous.
Je tente, au cas où, suffisamment fort pour qu'il m'entende :

― Tu es sûr que tu ne veux pas venir ?

Avant de rire encore.
Ma main passe dans ma nuque pour la gratter. Je baille encore – je dois vraiment être épuisé – alors que je me déshabille et que je me glisse sous la douche. Je retirerai mon bandage après. Je crois qu'il ne faut pas trop mouiller les plaies dans ces cas là, mais je ne suis pas sûr, et je suis trop égaré pour réfléchir.

L'eau chaude apaise mon visage, mais je crois que je préférerai qu'il soit là.

Précautionneusement, je sors de la douche au bout de quelques minutes et essuie la buée qui s'est formé sur le miroir. Mon reflet me frappe comme un coup au cœur.

J'ignorais que j'avais un tel air hébété sur le visage.
Vraiment ? Je ressemble vraiment à ça ? Et je ne l'ai pas vu avant ? Je ne pourrais pas dire exactement ce qu'il y a en plus ou en moins sur mes traits, mais je crois qu'ils ont perdu quelque chose qui les a taillé pendant des années : mon amertume.
Je passe une main surprise sur mon visage, cligne des yeux, fronce des sourcils. Pourtant, je trouve que ma coupe courte (quelle horreur) me donne un air plus dur et plus adulte. Je ne suis pas sûr d'apprécié – je jauge la longueur du bout de mes doigts, grimace.
Vivement que ça repousse – je crois que je lui en veut toujours un peu pour ça.

Distrait, j’attrape une serviette pour la nouer autour de ma taille puis m'affaire à décoller mon bandage.

Ce qui était, bien sûr, une bêtise infinie puis que je m'aperçois, l'horreur ouvrant ma bouche, que ma plaie n'est pas très jolie.
Rouge, blanche, piqûres sanglantes, boursouflée à cause de la douche, deux coutures ont cédé. La panique me gagne – non, il ne doit absolument pas voir ça, sinon, il va vouloir me recoudre et hors de question qu'il me fasse gémir de douleur encore.

Je préfère des plaintes bien plus douces.

L'adrénaline aidant, je fouille dans la salle de bain à la recherche de compresses qu'il n'aurait pas embarqué dans son rapt et me munit d'une vieille fiole de désinfectant. J'en verse une cascade sur mon épaule – merde, ça pique ! Espèce de sale -, serre les dents et lève yeux au plafond pour me retenir.

Je peux bien tolérer un peu de douleur quand j'imagine celle que serait capable de m'infliger Bermuda.
Il m'a dit, il m'a dit tant de fois de ne pas rouvrir ma plaie – mais c'est de sa faute, encore, c'est terriblement de sa faute, il n'a qu'à pas être si beau et désirable et me faire faire des gestes trop emportés.

Une fois désinfecté, je me nettoie brièvement au gant de toilette – hors de question que je touche plus que ça, ça fait mal, nom d'un chien – puis enroule très grossièrement compresses et bandages autour de mon épaule.
Très, très grossièrement. Je n'ai même pas de sparadrap pour faire tenir le tout mais, après un petit peu de conviction, il n'y verra que du feu.

Il ne doit y voir que du feu – ma survie en dépend.
Résolu, je prends une grande respiration, observe une dernière fois mon étrange reflet dans le miroir, puis je sors de la salle de bain. Je pousse la porte énergiquement et lui offre mon plus beau sourire.

― Tout va bien !

Avant de me faufiler discrètement jusqu'à l'armoire pour y récupérer le sous-vêtements que j'avais oublié. L'air de rien, je retourne dans la salle de bain pour l'enfiler puis retourne près du lit, le même sourire immense et forcé grinçant sur mes commissures.

― On va dormir alors ?

Puis d'un coup, mon sourire s'étiole comme le petit jour.
Je me rends compte de ce que je dis et passe une main gênée sur ma nuque. Mon regard chute jusqu'au sol et mes doigts cherchent de la loquacité à l'arrière de mon crâne.

C'est la première fois – vraiment, je crois, c'est la première fois, je n'ai jamais avant proposé, demandé, quémandé, invité quelqu'un à dormir.
C'est une sensation vraiment très étrange. Je me sens assez ridicule au point d'en avoir le cœur sur les joues. Je me racle la gorge. La première fois, c'était jeté pour me sauver la peau ; mais ce genre de demande doit être prononcée avec beaucoup de sérieux, d'appréhension, et un peu d'amour. Je répète, plus grave, plus sérieux et hésitant à la fois :

― On va dormir... Alors ?



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Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaJeu 23 Avr - 23:20

Je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais plus ce que je fais. Ce que je pense. C'est compliqué. Je crois que j'ai trop de Sucre dans le cœur et que tu me rends sourd. Sourd. Muet. Aveugle. Idiot. Puisque j'en suis toujours là. À penser-repenser à mes vœux idiots. Mes aveux idiots. Mes passions. Idiotes. Mes mots idiots. Tous. Mon idiote maladresse, à table. Si bien que je ne sais toujours pas si je me suis lavé les mains ou non. Si j'ai ramené suffisamment de compresse et de bandages. Et des pansements. Et des bandages. Cinq. Sur le lit. Est-ce que c'est suffisant? Et. Surtout. Je soupire. Il faut que je dise que je suis tellement-embarrassé, hébété, abasourdi, penaud, gauche, mal à l'aise (avec mon idiotie et mes envies de tendresses), léger et lourd (c'est dans la tête et mes tempes), béatement obnubilé par la soudaine beauté des choses (le lit dans lequel nous avons dormi (et plus), la salle de bain et son carrelage froid, l'appartement tout entier, c'est dire comme je vais mal)- qu'il me semble que j'ai oublié le plus important. Toi. Ou du moins ta position exacte, que je suis sur le point de dire, mal assuré: Où es-tu, Sucre?


Parce qu'en effet. Dans ce terrible maelström qui secoue ma tête et mon cœur je n'ai jamais le temps de cesser de penser à nous. Si bien qu'il m'est inconcevable de me dire que tu n'es pas à cet instant à mes côtés. Juste à coté, pour être exacte. Et tu ne l'es pas. Et c'est terrible. Tu ne devrais pas. Tu ne devrais pas être aussi éloigné quand je peine tant à retrouver toi et moi dans nous. Il faudrait que je soigne ta blessure au lieu de vouloir à tout prix chercher tes épaules pour les enlacer. Il y a beaucoup de chose qu'il faudrait qu'on fasse, mais qui passent toujours après nous. Et je crois comprendre que s'il en est toujours ainsi, à présent, cela sera sans doute problématique.


Quand il y a nous, toi, alors il m'arrive de nouveau d'oublier de respirer-expirer et inspirer- comme quand je suis né. Quand tu prends trop de place dans mon esprit alors c'est manger que j'oublie. Et boire? Est-ce que j'ai seulement bu pendant le repas? Et j'ai de la sécheresse dans le gosier, mais c'est parce que je manque cruellement de ta bouche sur la mienne. C'est terrible parce que je dois déjà composer avec la soif de l'or et maintenant c'est la soif de ton amour qui me rend ivre. Raide. Peu importe si j'aime, si l'amour me rend si idiot je ne suis pas certaine de pouvoir le supporter. Certain, même. Je voudrais que tu ne vois pas comme vraiment je deviens idiot. Comme je pense à des choses futiles. Que tu oublies toutes mes idioties, parce que vraiment, je suis certaine que tu pourrais finir par ne plus m'aimer. Certain. Parce que j'ai tant de niaiserie sucrée dans les veines et dans l’œil que tu en vomirais, écœuré. Mais ce n'est pas le moment de m'inquiéter de tout cela. (Et je ne devrai même pas commencer. Je n'ai jamais d'inquiétude, habituellement)


Je soupire. Contre moi, principalement. C'est certain que je délire. Maintenant. Il est temps-et je ne le dis jamais, ne le pense jamais, que j'aille dormir. Et que toi aussi. (Puisque nous dormirons ensemble. ) Que la nuit passe et qu'un nouveau jour se lève. Que la fièvre, l'ivresse, le rhum -celui-là même qui me vrille les tempes-, et toutes ces choses qui m'obscurcissent les pensées -ou les illuminent trop- s'estompent. Parce qu'ainsi j'ai trop de mal à me reconnaître. J'ai trop de mal à composer avec toutes ces émotions que je ne connaissais pas, avant toi.


Il y a des choses que je ne connaissait pas. Sur toi. Et moi. Des choses très belles et terribles (comme ton amour et le mien). D'autres embarrassantes (Comme mon amour et le tien). D'autres importantes (comme ton amour le mien). Je ne savais pas que j'étais capable d'être un telle idiot-et toi aussi, mais je trouve cela trop attendrissant et c'est une très mauvaise chose- que finir par comprendre et éprouver me rendrait si confus. Je crois que je suis un peu effrayé, maintenant. Je me demande et j’appréhende vraiment le reste de la semaine. (J'ai dit que je resterai une semaine.)

Je crois que je pourrai m'affamer et m’assoiffer. Ne plus respirer pour m'accrocher à ton air. M'épuiser. Avec toi. Sans jamais me départir de mon sourire. Puisque je serai repu d'amour, soûlé de baisers, comblé par ton corps. Et que j'ai l'impression que je ne manque jamais que de cela, à chaque instant. Et mourir. Bêtement. Parce que j'aurai oublié, comme j'ai oublié ma faim, dans la salle de bain, de vivre puisque j'ai vraiment l'impression de ne vivre qu'avec toi à mes côtés.

Je me sens soudainement usé. Il s'est passé beaucoup de chose ce soir. Et aujourd'hui aussi. Je suis passé par toutes les émotions. J'ai hurlé, crié, grogné, ri, avec éclat, souri de bonheur, gémis, geins, soupiré. Mille fois. Mille fois. J'ai découvert tellement de chose que j'en ai le cœur et la tête qui tourne. Vraiment. Je ne sais si tous les jours seront aussi riches. Ou plutôt, j'en suis certaine. Certain. Mais. Ce n'est pas le moment. Parce que je suis embêté. Agacé. Personne ne veut me dire si j'ai déjà lavé mes mains, où tu es, et pour cause il n'y a personne d'autre que nous.  Je demande :

- Où es-tu Sucre?

Les sourcils plissés. C'est à ce moment là que tu choisis pour apparaître dans mon dos. Et tu m'attrapes. Tu m'emprisonnes entre tes bras. Je le fais aussi-c'est à dire que je me suspends à tes bras bêtement- pour que tu ne t'en ailles plus. Parce que tu ne devrais pas le faire et me rejoindre quand c'est moi qui m'en vais. Je ris quand je sens ton souffle s'échouer sur ma nuque et ton nez taquiner ma peau, puisque la sensation est agréable et les tremblements que tu provoques me font oublier tout le reste. Toutes ces inquiétudes qui m’assaillent étrangement, alors que je ne m'inquiète jamais. Tu les fais partir avec tes caresses et tes baisers. Tous tes sourires. Tes rires. Je crois que je me sens trop à l'aise. (Et c'est ce qui se passe à chaque fois que tu m'enlaces et vraiment un jour tu vas me faire oublier de respirer trop longtemps et je vais mourir, étouffé dans trop de bonheur.)


Alors j'écoute et je frissonne. J'écoute et je hoche la tête. (Ou non) Quand tu dis les choses, je ne peux qu'écouter.  Je secoue la tête quand tu dis que ton épaule va bien, parce que tu n'es pas très objectif avec toi-même. (Et que de toute façon tu n'y couperas pas.) Je hoche la tête quand tu dis qu'on fera ce que je voudrai. (Et de toute façon je ferai comme je voudrai et tu seras obligé de suivre, puisque tu as dit que tu viendrais. Que nous irons.) Et je souris même. Je ris quand tu précises qu'on achètera du rhum. Quand tu dis aussi que tu ne paieras pas. J'ai envie de préciser, tout de même, que je n'aime pas dépendre, surtout de l'argent des autres. Que si tu m'avais proposé de payer, alors que j'ai dit que je t’achèterai des assiettes et des vêtements, je me serais sans doute fâché. J'en suis certaine. Certain même. Puisque je suis si prompt à me laisser submerger par la colère. Je ne veux pas être entretenu, puisque je peine tellement à collecter mon or, je veux pouvoir encore le dépenser comme je l'entends. Surtout quand il s'agit de présent. Je crois que je n'ai pas de plus belle façon de te montrer mon amour. Je suis un homme cupide, mais pas avare. (Sauf de toi, mais ce n'est pas la même chose.) Et puis tu me parles de fourchette. Mais je dois avouer que je ne comprends pas … Ah.

- La cuillère à dents?

Je demande, tout haut ? Je ne vois pas ce que cela peut être d'autre. Ainsi donc, tous les ustensiles ne s'appellent pas cuillère. Peu importe. Il y en bien trop pour moi et ils sont tous trop difficile à utiliser.  Même le couteau. J'ai remarqué que couper de l’œuf et la chair se fait différemment. Et le plus difficile encore c'est de jongler avec les deux couverts dans les mains. Je me demande bien pourquoi les hommes aiment tant se compliquer la vie. Mes mains me suffis-. Oh. Je crois que je ne me suis pas lavé les mains, j'en suis certaine à présent. Puisque je ne me suis jamais arrêté un seul instant pour le faire. Certain. Peu importe.

Je suis sur le point de demander que tu me lâche pour que j'aille le faire. Mais tu dis que tu es bien comme cela. Peut-être. Mais je sais que tu te sens bien et que c'est une certitude. Puisque ta respiration est si calme. Et la mienne aussi. Que tes doigts accrochent des caresses tendre sur mon torse. Que ta bouche glisse des baisers doux sur ma peau. Il y a beaucoup de tendresse et d'affection dans ce geste. Alors je reste immobile. Je m'appuie même plus contre toi. Je me laisse aller. J'enlace tes bras et je ferme l’œil, un peu. Juste un peu. Puisque tu es bien comme cela et que je crois que j'aime savoir si tu es bien ou non contre moi-ou moi contre toi- et je serai si mal si cela n'avait pas été le cas ! Je suis peut être trop attentif. Attentiste, parfois. Si nous trouvons du bonheur tous les deux dans ces gestes, alors le reste n'a que peu d'importance. Même pas mes hanches, qui voudraient qui je m'étende. Même pas mon cœur qui menace d'exploser.

Après une éternité à buller. À nous étreindre. À rester immobile et tendre. Infiniment. Éternellement.  À lever la tête pour recevoir tes baisers sur mon front. (Puisque tes baisers apaisent ma migraine). À essayer de happer ton menton et ta bouche avec la mienne. À trembler un peu, juste un peu, mais c'est parce que j'ai trop de frisson sur la peau. À écouter ton cœur cogner contre mon dos. Tu finis par te décider. Tu vas prendre une douche. J'enroule mes doigts autour des tiens, puisque tu m'as attrapé les mains. Je relève une nouvelle fois la tête pour accueillir un nouveau baiser, (mais en réalité je l'ai fait avant que tu ne le fasse pour le réclamer) et je consens à relâcher tes doigts.


Je fixe ton dos quand tu t'en vas. J'accroche tes pas. Ta silhouette. Jusqu'à ce que tu disparaisses.  Derrière la porte. Que tu ne fermes pas. Mais je me dis que tu ne fermes jamais rien derrière toi. Même pas ta porte. Tes fenêtres. Peut-être qu'un jour tu m'expliqueras pourquoi ? Mais cela ne me dérange pas. Ou si peu. Si j'ai froid. Si j'attrape de nouveau le fr- si je suis malade, encore, ce sera ta faute. Et je ne manquerais alors pas de te le signaler. Que c'est de ta faute. Pas que tu ne fermes pas tes fenêtres.  Après quelques secondes à rester devant la porte, je m'en vais jusque dans la cuisine. Pour me laver les mains. Et boire un peu d'eau. Puisqu'il me semble que je n'ai pas bu.  Que j'ai soif. J'esquive le bazar que nous avions laissé autour de la table. J'ouvre le robinet et je bois de l'eau. Puis je me lave les mains. Méticuleusement. Puisqu'il faudra que je refasse ton bandage.

Une fois cela fait je retourne vers le lit. Lentement. Maintenant que c'est fait, je ne sais plus comment m'occuper. Mes mains. Mes jambes. Je crois que j'ai envie de m'étendre. Je suis fatigué. Mais je ne peux pas dormir si tu n'es pas là. Je ne veux pas non plus le faire. Je crois que je pourrai passer ma nuit à te regarder. Mais en attendant je ne sais pas quoi faire. Je fixe le lit. Vide. Ou presque. Puisqu'il ne reste sur le lit qu'un coussin. Des bandages. Et une couverture. Sur le sol. Celle qui gratte la peau. Je l'attrape et je vais la jeter. Par la fenêtre la plus proche. (Pour être certain que tu ne la récupère pas pour la mettre sur ma peau.) Sans regret. Même si dans mon délire j'aurai pu la trouver belle. Je retourne, en traînant les pieds, puisque j'ai toujours mal aux hanches. Je vais dans l'armoire et je récupère un coussin, plutôt plat et j'attrape un drap. Je ramène le tout sur le lit et je dispose les coussins à la tête. Je me dis que je pourrai faire le lit en attendant.



Je dépose les bandages et les pansements sur la table de chevet. Je saisis le drap et je l'étends. Enfin j'essaie. Puisque le drap est grand et que mon lit à moi n'est pas aussi grand. Je secoue le drap, de mauvaise qualité et j'essaie de le poser sur le lit. Après quelques minutes à me battre. Et. Finalement. Je réussis à faire quelque chose de correct. Je hoche la tête et je me remets devant le lit. Je reste planté alors, dans le doute. J'attends que tu sortes, pour que je puisses recommencer à occuper mes mains.


Et tu sors. Finalement. Avec un tonitruant « tout va bien » et un sourire trop grand sur le visage. Mon nez se fronce, quand je sens l'odeur du désinfectant. Et je fixe. Je fixe ton épaule. Grossièrement emballé dans du bandage. Qui n'est même pas attaché. Je garde un soupire. Une dizaine en réalité en fermant la bouche et en serrant la mâchoire. Tu n'as même pas pris la peine de fermer correctement ton bandage. Je lève l’œil au plafond. Au moins tu n'as pas essayé de te recoudre seul. (Si tu avais essayé, je pense que je t'aurai tué.) (Ou pire.) Je te laisse te rhabiller sans jamais te quitter de l’œil.  Je croise les bras.


Si tu penses très sérieusement t'en tirer ainsi.


Tu me demandes si on va dormir. Deux fois. J'ai un petit sourire sur les lèvres. Taquin d'abord. Attendris ensuite, parce qu'il y avait trop de douceur quand tu l'as dit une seconde fois. Je dis alors :

 - Oui on va dormir Sucre.

Je m'approche doucement et je vais attraper tes poignets, tendrement. Avant de rajouter :

- On va dormir. Mais avant. Je vais regarder ton épaule. Même si je dois t'attacher pour cela. J'ai ramené trop de pansement et de compresse.

Je tire sur l'un de tes poignet assez fermement pour t'amener près de la table de nuit. Je te pousse sur le lit et je me pose devant toi pour t'ôter l'envie de t'enfuir. Je dis.

- Si tu réessaie de te soigner tout seul, je pense que je vais m'énerver. Je suis plutôt certaine que je vais m'énerver même. Certain.

Je retire un peu trop furieusement ton bandage les sourcils froncés. J'essaie de l'enrouler pour pouvoir le réutiliser. J'ai quelques jurons sur mes lèvres et dans la gorge et il m'arrive de lever quelques fois l’œil au plafond.

- Tu veux si peu que je le fasse ? Si c'est parce que tu as peur que je ne tente de te recoudre encore et bien sache qu-

Je fixe l'amoncellement de compresse et ta peau encore humide. Je détourne l’œil et je vais me perdre dans tes yeux. Ce n'est pas un regard colérique que je t'offre, mais plutôt désespéré et vaincu. Au moins, tu as désinfecté ta plaie. J'enlève les compresses unes à unes et je les déposes sur la table de nuit. Deux points ont sauté. Je pince les lèvres et je m'abstiens de tout commentaire. Puisque tu ne souhaite pas que je te soigne. Je me contente d'essuyer ta peau avec une compresse propre.


Silencieux et concentré. J'essaie d'être doux, puisque tu es douillet ou que je ne l'ai pas été assez la première fois. Je sais que demain, quand nous irons faire des courses je t'emmènerai voir un docteur. Qu'il puisse te recoudre correctement et de donner de quoi soulager la douleur. Et même si tu ne veux pas je t'y traînerai. De force. S'il le faut. En attendant je décide simplement de refaire le bandage proprement. Que cela ne ressemble plus à un déguisement bon marché de momie.


Une fois terminé je déchire le bandage pour le nouer solidement, afin qu'il maintienne ta blessure. Je dis, en souriant.

- Alors, ce n'était pas si terrible? Je reviens, attends.

Je dépose un baiser sur ton front et je m'écarte. Satisfait. Je me sauve à mon tour dans la salle de bain pour me laver.  Je me déshabille et je m'engouffre dans la cabine. Je n'y reste pas longtemps. Et ce n'est pas peu dire, puisque je suis un grand amateur de douche et que j'y reste habituellement jusqu'à ce que la douche ne devienne froide. Déjà parce qu'il faut que j'aille m'allonger. (Je n'en peux plus.) Surtout parce que je n'aime pas trop sentir le savon et que je préfère avoir du Sucre sur la peau. Et enfin. Parce que nous allons dormir ensemble. Et nous allons nous dire bonne nuit. Et je pourrai te regarder dormir et même m'endormir. Serein. Toi dans mon cou ou mon front posé contre ta poitrine. Et j'ai hâte. Aussi ridicule que cela me paraisse. J'ai hâte de pouvoir partager ta nuit, ton sommeil, obtenir quelques étreinte avant de sombrer  à mon tour dans un sommeil réparateur. Je dors si peu.

Je m'essuie, rapidement et je reviens dans le salon. Avec ton t-shirt trop grand sur le dos. Puisque je n'ai plus de dessous de rechange, que je n'ai rien qui puisse servir de pyjama. Que tu as dit que tu me trouvais beau dans tes vêtements et que cela ne me dérange pas de les mettre si c'est pour dormir avec toi.


J'éteins les lumières et je vais me glisser sous la couverture, la tête sur le coussin plat. Je m'approche et je vais embrasser ton visage pour dire, avec entrain, puisque j'aime te le dire.

- Bonne nuit Sucre?

Et. Sans plus me prier je vais attraper ta nuque et je t'embrasse. Avec toute la tendresse qu'il me reste. Pour susurrer doucement :

- Bonne nuit, Sucre et à demain.

Puisque tu seras là, quand j'ouvrirai les yeux. J'en suis certaine.

***

J'ai ouvert les yeux. J'ai ouvert les yeux. Quand je l'ai fait j'ai remarqué que tu étais toujours là, cette fois. Que tu n'étais pas parti. Et j'ai souri. Je me suis approché de ton visage et je l'ai embrassé. Sur le front. Sur les paupières. Sur les pommettes. Sur le nez. Sur la bouche. Comme s'il fallait que j'incruste un baiser à chaque fois que mon esprit se met à répéter, inlassablement. « Tu es beau ». Et c'est vrai que tu l'es. Et quand je t'embrasse c'est encore ensommeillé que je le fais. Je n'ose même pas effleurer ta peau autrement qu'avec mes lèvres. Parce que je pourrai passer toute la matinée à regarder comme tu es beau et comme c'est beau, de se réveiller devant quelqu'un que l'on aime.

Et c'est à cet instant précis que je me dis que quelque chose ne va pas. Je me sais idiote. Effondré d'amour.  Mais pas à ce point. Je m'écarte un peu et je me frotte le visage. Peut-être que je devrais attribuer cela aux dernières gouttes de sommeil qui perlent encore à mes yeux. Ou à la fièvre ? Je palpe mon front, mes joues. Mais. Je ne pense plus être malade.

- Je délire en- Mais je ne termine pas ma phrase. Parce que même pour moi ma voix me semblait trop féminine. Et ce n'est pas celle qui me vient facilement en bouche habituellement. Je descends mes mains pour palper mon thorax. Je finis par comprendre, alors. J'avais trop oscillé. Ou du moins mon corps. Je soupire. Déjà usé. Je me redresse pour aller m'installer sur le rebord du lit. Au moins, je n'étais pas torse nu. Il y avait peu de chance que ce changement subtil te saute aux yeux, ainsi. Je passe une main dans mon cou (et je constate aussi que mes cheveux ont trop poussé, mais ça arrive déjà plus souvent que mon oscillation et je dois avouer que mes cheveux ne m'importent que peu.)


Il allait falloir que je t'explique. Et c'est tellement compliqué de le faire. La dernière fois que je m'étais réveillé ainsi et que quelqu'un avait aperçu ma poitrine j'ai dû le tuer. Parce qu'il menaçait d'aller se plaindre au reste de mon équipage. Et j'espère sincèrement que je ne devrai pas te tuer toi.

Je m'étire doucement et je prends une inspiration, avant de retourner dans le lit après quelques secondes de réflexion intense. Je m'approche de ton visage et je recommence à l'embrasser avant de te secouer un peu pour te réveiller et je dis :

- Bonjour, Sucre. Je suis un peu femme aujourd'hui, mais c'est normal. Cela arrive, parfois. Ne crie pas d'accord ? Le dernier qui a essayé s'est pris un couteau dans la trachée. Est-ce que tu veux de l'œuf pour le petit-déjeuner? Avant de fuir dans la cuisine. L'air de rien. Avec un peu de chance l'information passerait tranquillement ? Je m'affaire dans la cuisine et je mets de l'huile dans la poêle usagée avant de briser un œuf dans plein milieu. Avec plein de morceau de coquille partout. Une certitude ancrée dans mon sourire.

Je pense que la journée sera riche en rebondissement. Mais que ce sera une bonne journée. À n'en point douter.

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coeur souillé de noirceur
Sucre
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Féminin

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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaSam 25 Avr - 1:08


Je pensais pourtant avoir fait de mon mieux.
Que pouvais-je faire d'autre – le désinfectant gouttait encore sur la pointe sud de mon omoplate, le bandage pendait, pauvre, sur ma clavicule, et je lui avait offert mon sourire le plus énergique. Tous les traits de mon visage étaient été remontés vers le plafond. Les plis de mes yeux étaient souriants et mes paupières basses. Je débordais la joie – une joie qui sonnait comme fausse mais qui allait puiser ses éclats dans le bonheur qu'il m'avait donné.

Je pensais vraiment avoir fait de mon mieux (vaguement, quand même, je suis juste fatigué), pour maintenir l'illusion. Je me disais qu'avec tous mes artifices, qu'avec le son tonitruant de ma voix, mes gestes amples, il me laisserait tranquille. Juste qu'il accepterait de venir dormir avec moi – et lorsque je lui avais proposé, j'avais eu un tremblement au cœur.

Et un peu de rose poudrant mes joues.
C'était assez ridicule, mais Bermuda me coinçait toujours dans des ressac où la tendresse m'envahissait la bouche. J'avais honte, j'avais tellement honte mais j'étais aussi plongé dans une confusion au goût de délice.

J'aimais beaucoup ce qu'il faisait traverser dans mon corps, de mon ventre à mes joues. Et je savais que, lorsque je levais mes yeux vers lui, peu importe la crainte, la colère, le dépit ou le chagrin, il y aurait toujours beaucoup d'amour les regards que je lui offrirais.

J'ai beaucoup, beaucoup trop d'amour pour lui pour qu'il me reste encore de la dignité. Un soupir gonfle ma poitrine ; j'ai envie de faire rouler mes yeux.

Mais voilà – je pensais vraiment avoir fait de mon mieux.
Pourtant, lorsque soulève des cils hésitants vers lui et que j'aperçois et ses bras croisés sur sa poitrine (c'est mauvais signe), et son sourire qui tressaute sur ses lèvres (c'est très mauvaise signe), je sais que je suis dans une sacrée merde.
Mon esquive n'a pas marché.
Nous n'allons pas aller dormir.
C'est la fin – c'est la fin, j'ignore comment il va réagir, mais je sens mon visage se vider de son sang et mes lèvres tendre vers l'exsangue. Mes paupières s'écarquillent. Mon cœur trébuche sur mon sternum. Une chaleur glacée remonte sur ma nuque. Bermuda s'approche de moi – j'entends ses talons, pourtant fin, glisser sur le parquet, où alors je suis trop nerveux ou trop attentif au moindre son qu'il produit.

Bermuda lève ses mains et alors, j'ai une réaction très étrange.
A l'instant même ou son poignet entre dans mon champ de vision, mes yeux se ferment d'un coup. Mes paupières se plissent et ma nuque, soudain faible, s'enfonce dans mes épaules.
C'est très bref. C'est de l'ordre d'une demi-seconde, mais pendant une demi-seconde, mon corps tout entier s'est contracté en se recroquevillant, comme pour éviter quelque chose.

Comme pour éviter un de ses coups.
Ai-je vraiment eu peur qu'il me frappe ? J'en suis hébété, quand je rouvre les yeux pour contempler ses beaux doigts enroulés autour de mes poignets. Pourtant, je n'en suis pas surpris plus que ça ; je commence à saisir, dans ses nuances d'or, la fureur de Bermuda, la colère de Bermuda, l'impulsivité de Bermuda, la douleur de Bermuda. Et combien de fois, combien de fois m'a-t-il jeté sur les joues des menaces – je crois qu'ils ont commencé à pénétrer mes os.

Et puis aussi, si je voulais tant faire de mon mieux, si je ne voulais pas qu'il voit ma blessure, c'était simplement parce que je ne voulais pas avoir mal.
Plus encore ; je ne voulais pas qu'il me fasse du mal.

Je crois que je ne supporterai plus que Bermuda me fasse du mal.

C'est faible à penser – certainement pathétique, avec des élans pitoyables. Mais je crois que je ne le tolérerai plus. Quand bien même c'est arrivé plusieurs fois, surtout pour mon épaule, lorsqu'il m'a fiché la dague entre deux cartilages, où lorsqu'il m'a recousu et qu'il voulait effacer, avec deux morceaux de fil, l'entaille qu'il m'avait infligé, je n'en peux plus.

Je crois que je ne le supporterai plus, si Bermuda me faisait mal encore.
Il m'a donné tellement de bien, de joie, de bonheur et d'amour que la violence de la contradiction me ferait vomir.

C'est triste que je sois devenu aussi fragile.
Ce qui est plus triste encore, c'est que malgré ma peur, je suis certain que ça arrivera. Je l'ai dit ; je connais bien trop maintenant les fureurs de Bermuda pour ignorer qu'un jour, il reviendra m'éclater entre les mains.

J'imagine que ce sera douloureux, mais je ne suis pas un homme à me projeter beaucoup dans les autres jours ; je me contente de hausser mes épaules, de passer une main dans mes cheveux et de sortir une cigarette. La fumée apaiser mes poumons en détresse.

Mais pour l'instant, pas de clope, pas de cheveux longs (ils m'obsèdent, quand vont-ils repousser ? Pays de merde). Juste les mains de Bermuda qui me tirent derrière lui.
Les mains de Bermuda qui ne m'ont pas fait du mal. Les mains de Bermuda dont je sens la douceur de ses phalanges – mais aussi les mains de Bermuda qui m'enserrent au point d'y laisser une empreinte.

J'ai beau divaguer dans mes pensées boursouflées de crainte, je n'oublie pas que je suis toujours dans une sacrée merde. Bermuda me tire jusqu'au haut du lit et m'assène, avec sa voix décidée, celle sur qui il lui est si aisé de faire vrombir la menace, qu'il va quand même inspecter ma plaie.

J'ai une peur d'enfant sur la langue et j'ai très envie de protester – pourtant mon corps ne le fait pas. Je trébuche à sa suite et, lorsqu'il me pousse sur le matelas, je tombe, lourd. Aussitôt je tâtonne sur le lit à la recherche d'un appui, près à bondir pour m'enfuir telle une bête acculée. Mais je n'ai pas le temps. Il se dresse devant moi, noir dans sa colère, mais très tendre aussi, mais pas suffisamment pour chasser de mon visage une grimace de peur.
C'est un sourire nerveux comme une gifle.

― Att – att- Berm -
― Si tu réessaie de te soigner tout seul, je pense que je vais m'énerver. Je suis plutôt certaine que je vais m'énerver même. Certain.

Je me glace, le dos raidi par les tonalités grave de sa voix. Trop pétrifié par son intimidation, je remarque à peine les soubresauts de son vocabulaire. Je hausse néanmoins un sourcil moins paniqué ; une des raisons pour lesquelles j'ai toujours admiré Bermuda est la précision de ses mots, le soin de ses phrases, la délicatesse de son lexique. Qu'il fourche ainsi me surprend – mais il est tard, nous sommes fatigués et il est en colère.

Je déglutis.
Il est en colère.

Il approche à nouveau sa main de moi et, encore une fois j'ai ce réflexe défensif. Je ferme mes yeux comme un enfant et lèves mes mains vers lui pour m'innocenter. Ça ne suffit pas ; brusquement, il retire mon bandage pendant que j'objecte dans toute la splendeur de mon ego :

― Aïe aïe aïe !

Je n'ai même pas mal – j'anticipe juste.
J'appréhende tellement de ressentir une douleur donnée par lui que je me comporte comme un gamin en faute. A aucun moment je ne proteste véritablement ; à aucun moment je ne m'emporte ; à aucun moment je ne répond à ses jurons ; à aucun moment je ne hisse mes yeux vers lui ; à aucun moment je n'arrive à sourire.
Mes mains reviennent automatiquement se nicher contre mon ventre, contre mes cuisses, contre ma poitrine. Souvent, mon visage se froisse et grimace.

Je crois que je suis très fatigué, pour être si vulnérable ; fatigué d’amour.
Puis, Bermuda m'interpelle avec ses mots. Dans la lourdeur de ses consonnes, il me semble qu'il est un peu vexé.

Aussitôt, je lève mes yeux vers lui et je croise son regard.
Je n'avais pas envie de croiser son regard mais le péridot de ses yeux dénoue mes craintes. Mes muscles se relâches, mes trapèzes cessent de trembler et mes mains, recroquevillées l'une contre l'autre, se dénouent.
Je prends une petite inspiration, retrouvant mon air, et dit, les cils de nouveaux baissés :

― Ce n'est pas ça je...

Et je grommelle, bas, très bas, beaucoup trop bas pour qu'il l'entende :

― Et si j'avais peur que tu me fasse mal … ?

Je me mords la langue pour avoir craché si pathétiquement ma faiblesse mais, heureusement pour moi, il ne semble pas relever – je ne suis pas sûr qu'il aime quand je suis faible. Je le laisse, le visage piqué vers le sol, une moue coupable jusque sur la nuque, nettoyer une nouvelle fois ma plaie.
Bermuda est très doux. J'ai l'impression qu'il fait très attention et ça m'alanguit le cœur. Nous restons silencieux et je crois que je me sens bien encore, comme lorsque je l'étreignais dans son dos. Mais le nœud sec qui serre autour de mon épaule me tire de ma rêverie dans un chapelet de couinements. J'ai la larme à l’œil lorsqu'il m'abandonne pour aller prendre sa douche et qu'il s'engouffre dans la salle de bain.

Lorsqu'il a planté son baiser sur mon front, il m'a conquis pour la centième fois.

Je crois que je suis vraiment très épuisé.
De la même façon que lorsque je m'étais isolé dans la salle de bain, l'absence de sa présence rend le silence pâteux, sablonneux. Il me semble que l'immobilité n'a pas le même bruit lorsqu'il n'est plus là et, quand je laisse courir mes yeux sur mes meubles, ma table, le désordre, le bar, les murs, je peine à en reconnaître les angles et les couleurs.

Tout devient si pauvre lorsque sa richesse ne vient plus éventrer l'existence.
Dans un soupir, je me laisse basculer en arrière sur le lit. Tiens, où est passé la couverture ? Je cherche à droite, à gauche, j'étais persuadé qu'elle était sur le matelas tout à l'heure, que le lit n'était pas fait non plus, et ce coussin – il a fait le lit ?
Peu discrètement, je pouffe, amuse d'imaginer Bermuda en femme de chambre – peut-être pourrais-je exploiter ses nouvelles capacités en lui demandant de ramasser la céramique cassée et l'omelette écrabouillée ?

Je ne sais plus à quoi je pense – je suis de nouveau bien, je n'ai pas mal, il ne m'a pas fait mal, il ne m'a pas recousu, tout va si bien.
Tout va si bien pour l'instant.
Je me traîne, affalé sur le ventre, jusqu'au coussin qu'il est allé chercher au fond de mon armoire. Je plonge mon nez dedans, respire un bon coup et en ressort dessus. Il a l'odeur de la poussière et non la sienne, ce qui est à la limite du tolérable.
Je grogne.

Reviens vite, Bermuda, reviens vite, ton parfum d'excès me manque.
Reviens vite, Bermuda, ta beauté me manque. Ta violence me manque. Tes caresses me manque, tes baisers aussi. Reviens vite, Bermuda, que je puisse t'enlacer et sentir la tiédeur de ton front contre ma poitrine.
Reviens vite que je puisse écouter ton cœur, encore un peu.

Quand Bermuda reviens, je suis à moitié endormi, la tête enfoncée dans le coussin. Le bruit de ses pas me happe dans sa direction. Je me dresse, bat des paupières, passe une main gênée dans mes cheveux. Mais aussitôt, la lumière s'éteint. Il me rejoint, se glisse sous les draps (mais où est cette couverture ? Nous allons avoir froid), mais je suis trop englué dans le sommeil pour protester.

A chaque mouvement, je lâche un demi-soupir, demi-grognement ; le tout est très heureux.
Il a trop d'entrain pour moi et le baiser qu'il vient planter sur les lèvres est une brûlure de tendresse. Il ouvre encore cette entaille béante dans ma poitrine, celle qui ne demande qu'à l'enlacer.

J'ai du mal à respirer, lorsqu'il m'embrasse comme ça, puisque je ne veux jamais rompre le toucher de nos lèvres. Il s'écarte et je grogne tout bas :

― Bonne nuit, Bermuda.

En voulant poser un baiser sur son front, je vise de travers et touche son œil. Je grogne encore un peu, rendu animal par le sommeil et, pour protester contre ma maladresse, je l'emporte dans la boucle ferme de mes bras.
Allongé sur le côté, je le tire contre ma poitrine et invite son visage à venir se nicher dans mon cou. De toute la nuit je ne relâcherai jamais mon étreinte.

Et je crois même que je peux affirmer que, de tout le reste de mon immortalité, je ne la relâcherai pas non plus.

― Bonne nuit, je t'aime beaucoup.





*





Je n'arrive pas à dormir.
Je suis là, allongé sur le flanc ; mon étreinte n'a pas bougé d'un souffle. Je serre toujours Bermuda dans mes bras, j'ai toujours son corps chaud, son souffle brûlant qui ricoche contre mes clavicules.
Mais mes yeux, eux, sont grands ouverts. Je scrute la pénombre ; je suis épuisé, mais si mon corps engourdi ne demande qu'à se laisser frapper par le sommeil, mon esprit cliquette, bruyant.
Mes yeux sont secs.

Bermuda dort avec moi.
Ce n'est pourtant pas la première fois, mais j'ai l'impression que cette fois-ci, c'est très différent. Peut-être parce que je le serre contre moi ; peut-être parce que je l'aime ; peut-être parce qu'il m'aime ; peut-être parce que j'ai l'impression d'entendre la moindre de ses respirations, le moindre de ses tressautements, chaque sursaut de ses lèvres, chaque frémissement de ses épaules.

Comment pourrais-je dormir avec sa présence dans mes bras – le tee-shirt qu'il porte est remonté sur ses cuisses, je les sens nues et chaudes contre les mienne.
Ce n'est même pas que je le désire (je le désire toujours, mais je suis trop épuisé pour ça), c'est juste sa présence.

Bermuda est là.
Je ne dors pas, et je peux m'assurer qu'il est bien là. Mon cœur est douloureux, trop rapide. Bermuda est là. J'appuie un baiser léger sur le sommet de son crâne, les yeux toujours grands ouvert.

Si une lumière venait crever ma rétine, je crois qu'on me prendrait pour un fou. Mais c'est juste parce que Bermuda est là, avec moi, contre moi.

Personne ne peut comprendre ce que ça fait à mes côtes, à ma poitrine, à mon cœur, lorsque Bermuda gonfle ses poumons et que je l'entends soupirer dans son sommeil.
J'ignorais que le bonheur causait des insomnies. Dans la nuit, je souris.




*





Je ne sais par quel miracle j'ai fini par m'endormir.
Mes yeux ont fini par être pénibles, piquants. Mes paupières ont accepté de se rendre quand l'aube commençait à mordiller la nuit. Par la fenêtre entrouverte, le piaillement des oiseaux les plus matinaux venaient taquiner mes tympans. Mon corps a cédé ; il est parti dans le sommeil.

Mais même lorsque j'ai relâché toute mon attention, je serrais toujours Bermuda dans mes bras.




*




Je viens de connaître mon plus beau réveil.
Je viens de connaître le plus doux de réveil ; celui qui laisse, entre deux côtes, l'impression que l'on a été embrassé avec la chaleur du soleil. Des baisers sont venu ses planter sur mon visage, un peu partout, de la même façon que l'on essaie de chasser les nuages en levant les mains vers le ciel. Encore engoncé dans mon sommeil, j'étais béat en devinant la douceur des lèvres tièdes qui venaient caresser leur possessivité sur ma peau. J'ignorais exactement où l'on m’embrassait, encore perdu dans mon corps, mais je savais que chaque claquement délicat de ses lèvres faisait sursauter mon corps.

Certes, j'étais fatigué – épuisé, éreinté, mes paupières collantes et lourdes, très semblables à du granit. Mais de ma poitrine se soulevait des respirations heureuses, des grognements satisfaits, des protestations faibles.
Mon visage bougeait, d'est en ouest, se tendant vers le ciel qui portait le nom de Bermuda, à la recherche d'autres de ses baisers.

J'étais trop épuisé pour lever mes bras, attraper son visage et le forcer à presser sur mes lèvres mille autres baisers, jusqu'au crépuscule.
Je ne pouvais faire qu'une chose ; sourire.
Il m'arrivait beaucoup trop souvent de sourire rien que pour Bermuda.

Puis il s'est éloigné, et même si chaque rupture dans ses baisers est un supplice, je suis trop heureux pour m'en faire. Je m'étire un peu, profite de la place nouvellement libérée pour l'étaler de tout mon long dans le lit, volant le coussin sous ma tête. J'y enfouis mon visage – je crois qu'il y a trop de lumière dans l'appartement.

Je suis encore très bien.
Je suis très heureux d'être très bien – je crois que je n'ai pas beaucoup dormi, est-ce que nous pourrons dormir davantage ? Ce n'est pas comme si c'était grave, de dormir, tant que nous sommes ensemble. Je me souviens, je l'avais dans mes bras, je le serrais comme un trésor, comme si je n'aimerais jamais que lui – ah, tiens il revient, il m'embrasse encore, le ciel qui s'appelle Bermuda.
Je lâche encore des sourire, des soupires heureux, je crois que je pouffe un peu sous ses attentions aussi – mais, pourquoi il me secoue ?

Ah non, secouer quelqu'un dès le réveil, me secouer moi dès le réveil, c'est très insensé. Mon humeur s'assombrit ; je grogne, et cette fois ce n'est pas de contentement.

― Mghrm Berm-
― Bonjour, Sucre. Je suis un peu femme aujourd'hui, mais c'est normal. Cela arrive, parfois. Ne crie pas d'accord ? Le dernier qui a essayé s'est pris un couteau dans la trachée. Est-ce que tu veux de l'œuf pour le petit-déjeuner ?

Puis, il s'en va.
Bermuda s'en va et me laisse de nouveau de la place dans le lit – je ne vais pas me gêner ! Je m'étale à nouveau, la jambe droite dans un angle bizarre, très heureux de lui voler sa place. Quand il voudra revenir, il n'aura plus qu'à se battre avec moi, et je le traînerai sous la couverture, et je pense bien que je vais l'embrasser, et peut-être même que je pourrais le toucher, pour voir et -

Que se passe-t-il ?
Je crois que j'ai raté quelque chose. Du bruit me parvient depuis la cuisine, un bruit de fonte que l'on déplace.

D'un coup, j'écarquille grand mes yeux. La lourdeur de mes paupières n'est qu'un lointain et futile souvenir face à la détresse et l'incompréhension qui me foudroie. Beaucoup de mots pourraient franchir mes lèvres à cet instant, des mots comme :
Quoi ?
Quoi ?!
Bermuda ?
Hein ?
Bermuda laisse cette poêle tranquille.

Mais aucun ne trouve son chemin jusque sur ma langue tellement je suis frappé de stupéfaction. Je crois que je ne comprends pas ce qu'il se passe – j'en suis même certain.
M'a-t-il menacé de mort ? Mais il m'embrassait il n'y a même pas quelques secondes !

Dans la panique, je réunis toutes mes forces pour me tirer hors du lit. Je me bats avec les draps emmêlés dans mes jambes, haletant, et le corps encore endormi et flageolant je me précipite dans la cuisine.

Mon talon se fiche sur un bout d'omelette abandonnée.
Et merde.

― Bermudaaaah !

Le bruit de mon corps pataud qui s'écrase majestueusement sur le sol a du faire trembler les fondations de la résidence. Étalé de tout mon long sur le dos, je lâche une envolée de jurons, la plus belle qui n'ait jamais franchi mes lèvres jusqu'à ce jour.
Je crois même que je la hurle un peu, tellement je me suis fait mal.

Maladroitement, entre deux « propre enfant légitime de ton ethnie de ton père » et « va provoquer l’extinction de ton espèce défoiré », je me redresse, les cils mouillés, l'arrière train salement douloureux. Je suis tombé en plein sur mon coccyx et c'est sans pleurnicher (ô miracle, la panique, ça aide), mais boiteux que je me rends dans la cuisine auprès de Bermuda.

Mais je ne comprends pas.
Mais je ne comprends pas ce qu'il se passe.
Est-ce que je suis encore endormi ?

Je regarde Bermuda ; je regarde Bermuda, mon bras accroché au mur pour me retenir, le derrière souffreteux, essoufflant tout l'air de mes poumons.
Et je ne comprends pas l'allure dans laquelle Bermuda se tient devant moi ; je suis éberlué, stupéfait, incrédule.

Mes yeux sont grands ouverts comme des planètes.

― Mais !

Mes yeux tombent, dévalent, se perdent dans sa chevelure de trésor qui tombe jusque dans ses reins.

― Mais !

Je répète, une fois, deux fois, complètement abasourdi. J'ai l'air ridicule, je sais, mais je croyais que j'avais eu droit au plus beau réveil et non pas au plus brutal et au plus saugrenu des réveil – la différence est subtile. Pressé, je commence à bouger autour de lui et a l'examiner sous toutes les coutures avec cette même bouche bêtement entrouverte, le corps penché vers l'avant.
Puis, enfin je me redresse et je fais quelque chose de très puéril.

Je lève mes doigts jusqu'à mes cheveux pour éprouver leur longueur. Suspicieux, mon regard rebondit de Bermuda à moi-même, puis de moi-même à Bermuda, et la conclusion est effarante.
Je geins, indigné :

― Et moi ?!

Puis petit à petit, les mots qu'il a prononcé au dessus de moi dans le lit prennent forme dans mon crâne ; je questionne, avec un sacré temps de retard, avec toujours cet air suspicieux sur mon nez froncé :

― Comment ça, un peu femme ?

Mais mon regard se pose aussitôt sur le contenu de la poêle et je commence à m'étrangler. Je m'approche de lui, pose délicatement ma main sur son poignet et dit le plus doucement possible, la gorge éraillée :

― Ce n'est pas vraiment comme ça, Bermuda. Tu vois les coquilles dans la poêle ? Si tu en manges, tu mourras.

Certes.
C'est un peu expéditif, mais je n'ai pas franchement l'esprit très lucide – je vais au plus rapide. Je me fais la promesse de revenir là-dessus plus tard, et continue :

― Je mange peu souvent des œufs le matin. Je vais faire du café, est-ce que tu veux du café, ou tu veux qu'on prépare des œufs ? Dis-moi, on le fera et je te monterai encore, j'énonce à la suite, un petit peu décalé avec la réalité et les tempes brumeuses.

Mes mains s'affairent dans les placards et en sortent une poêle propre. Je met la sale dans l'évier, puis j'ajoute en fronçant le nez :

― Le gaz n'était pas allumé ?

Je le tourne dans un bruit sec et fait de même avec la cafetière. L'eau commence à bouillir. Ma main attrape la bouteille d’huile et j'en verse quelques gouttes sur la poêle propre.

Et pendant tout ce temps, je n'ai strictement aucune idée de ce que je suis en train de faire. Ce n'est qu'au bout de que de longues secondes inactives à regarder l'étiquette de l'huile d'olive que je finis par comprendre que je n'agis pas normalement.

Lentement, je lève un regard hésitant vers Bermuda.
Sa beauté me happe tout entier.

Je le regarde – je sais que je me perds, lorsque je contemple Bermuda, mais là c'est au delà de tout. Quand je pose mes deux yeux avides sur lui, je ne suis plus qu'une statue de sel. Ma lèvre inférieure tombe un peu plus bas et, de ma bouche, s'échappe la respiration calme de mon adoration. Je crois bien que quelque chose passe sur mon visage, comme une main qui défroisse mes traits, comme un baiser d'air qui me déchire d'amour.

Je vois tout et ce tout, c'est Bermuda.

Bermuda est magnifique.
Bermuda est splendide.
Bermuda est beau.
Bermuda est incroyablement beau, et il l'a toujours été.

J'ai juste l'impression de le découvrir, encore, et comme si je ne m'étais pas encore assez repu de sa vision, il m'offre des airs, des longueurs, des couleurs que je n'avais jamais vu sur lui auparavant.

Comme il est ce que je chéris le plus, la moindre variation de sa carnation devient pour moi un joyau. Je crois que j'ai un air un peu stupide sur le visage :

― Tu es -

Je m'y reprends, encore. Me perds dans la longueur de ses cheveux. Je vois poindre, sur son torse, deux rondeurs avalées par le tee-shirt gris (le mien, il porte mes vêtements). J'ai un coup de chaleur sur les joues.

― Tu es -

Mon haut lui tombe à la moitié des cuisses. Je remonte vers son visage et je l'ai regardé tant de fois que je sais qu'il est toujours le même.
C'est le visage sur lequel j'ai posé mille baisers et qui va en recevoir mille autres encore. Mes bras sont immobiles le long de mon corps, écartés, comme prêt à bondir ou s'enfuir. Je me rends compte que je ne respirais plus et j'aspire une grande goulée d'air, avant de dire très sérieusement :

― Bonjour, Bermuda. Est-ce que tu sais que tu es beau ?

Et je m'approche de lui et vient m'emparer d'un baiser sur ses lèvres.
J'ai l'impression que tout reprend son sens, lorsque j'embrasse Bermuda. J'aurai dû l'embrasser depuis le début, je n'aurai peut-être pas eu toutes ces réactions embarrassantes.

Je me replace à côté de lui, glisse un œuf dans sa main et lui remontre le geste à faire à dessus de la poêle. Un agacement nouveau transparaît dans ma voix :

― Il faut faire comme ça, tu vois ? Est-ce que tu as tapé sur le rebord de la poêle ? Est-ce que tu as enfoncé doucement ton pouce ? Il faut un peu mesurer la force, sinon ça éclate dans les doigts et les coquilles, ce n'est pas très bon. Est-ce que tu le fais exprès, Bermuda ?

Ma dernière phrase vole comme une accusation et se pourfend de colère.
J'ai le front qui palpite et la bouche serrée en une fine ligne frustrée. Je m'écarte en jetant les coquilles sur le plan de travail et recommence, véhément :

― Est-ce que tu le fais exprès, Bermuda ?! J'en suis presque certain, j'en suis presque certain.

Je pointe sur lui, dramatique, un index accusateur.

― Est-ce que tu le fais exprès pour que je te fasse à nouveau l'amour ?!

Furibond, je vais chercher des grains de cafés dans le placard et les verse sèchement dans la cafetière. J'en renverse la moitié à côté, je peste et grogne, avant de marmonner tout bas comme une malédiction, chaque mot pour chaque grain que je ramasse.

― Je ne. Dois. Pas. Je dois. Nous. Devons. Aller. Acheter. Nous. Allons. Sortir. Je. Ne. Dois. Pas.

Mais c'est que je l'aime tellement.
J'ai l'envie brutale, nécessaire, douloureuse et pénible de découvrir Bermuda. Je veux tout savoir de lui. Je veux tout connaître de lui.

Je veux être présomptueux de Bermuda.
Je veux pouvoir connaître par cœur l’emboîtement de son épaule dans ma paume chaude ; la courbe de ses reins lorsque j'y glisse des phalanges taquines ; le dénivelé de ses côtes ; l'angle tendre de sa mâchoire ; la perfection de l'arête de son nez ; la distance précise entre chacune de ses hanches ; le nombre de baisers qu'il faut pour encercler ses cuisses.

Je veux l'avoir tout entier, le savoir tout entier, le tenir tout entier entre mes deux mains dévouées.
Or, là, il me jette cette nouveauté brutale à la face alors que je n'ai qu'une envie : partir à sa rencontre.

Ramasser les grains de café en râlant des mots incompréhensibles me calme et m'apaise. Lorsque je range le dernier, j'ai la tessiture plus calme et plus grave lorsque je dis sans le regarder :

― Je ne crierai pas.

Puis, je range mes mains désœuvrées le long de mon corps. Mon dos est droit, tendu ; ma nuque raide comme si je craignais de commettre une idiotie.

Et c'est ce que je crains.
Hésitant, je tourne mes yeux vers lui ; j'espère ne pas avoir trop de faiblesse dans le regard lorsque je le contemple de cette façon. Mon corps pivote pour se mettre face à lui. Mes sourcils se froncent, se défroncent, hésitant entre la détermination et l'appréhension.

Je vois ses cheveux.
Il a dit qu'il était un peu femme ; cette longueur lui donne des allures très féminines. J'essaie de faire abstraction des courbes discrètes.
La fascination me pétrifie.

Ma main se lève dans sa direction mais s'arrête juste à côté de sa mèche la plus longue. Je croise son œil vert, celui qui coupe et celui que j'aime.
Je tressaille, un frisson déchirant mon dos de mes reins à ma nuque. Mes yeux s'abaissent. Je demande alors avec une incertitude qui m'est inconnue, et qui est affreuse, et qui est dégoûtante, qui est coupable, qui est honteuse et qui me casse la voix :

― Est-ce que je peux te toucher ?

Je n'avais même pas remarqué que j'obligeais, pour la première fois depuis longtemps, une distance entre nous.



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conscience vouée à l'errance
Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaSam 25 Avr - 23:44

Un œuf. Je suis en train de faire un œuf. De cuisiner même. Et il y a beaucoup de fierté dans mes traits quand je pense que je fa- que je cuisine un œuf. Puisqu'il y a peu encore je ne savais même pas que cela s'appelait œuf. Et. En plus. Tu m'as appris comment le faire, on l'a fait ensemble. Et je pense que j'aurai beaucoup de fierté quand je te montrerai l’œuf quand il sera cuit. Même si le jaune est brisé. Que le blanc ne cuit toujours pas et qu'il y a des morceaux de coquilles dedans. Ce sera un œuf que j'aurais fait seule. Rien que pour toi. Et vraiment je pense que ce sera bon. J'attrape le sel et je mets une pleine poignet. Et du poivre aussi. Un peu moins. Ou un peu plus. Parfait. Il ne reste plus qu'à attendre qu'il soit cuit. Et tu le mangeras. Et tu me feras du café. Ce sera bien. Surtout que j'aime le café que tu prépares.


Soudain j'entends un bruit sourd. Et ton cris. Déchirer le silence. Je me retourne, après avoir saisi un ustensile dans le tiroir pour le brandir devant moi. Les sourcils froncés. Mais quand je me retourne il n'y a que toi. Que toi. Sur le sol. Non loin du désastre appelé omelette. Je retiens un sourire sur ma bouche et je ris délicatement. Alors que toi tu jures. Tu jures et il y a des insultes que je n'avais pas encore entendu qui ricochent sur les murs, le parquet et qui frappent sans doute le bazar que nous avions laissé la veille.


Tu viens dans la cuisine en boitillant et moi je retiens mon rire derrière ma main. Pudique. Et surtout, pour ne pas étirer encore plus la colère qui barbouille tes traits et font trembler tes phalanges. Tu me regardes et je me tourne vers les œufs (qui n'ont toujours pas  commencé à cuir, alors qu'hier ils ont très vite frémis). Je ne suis pas certaine de savoir si tu vas réagir ou non. Si tu vas me demander des explications et peut-être que je ne veux pas que tu le fasses parce qu'à part le sempiternel « c'est comme ça » je n'ai rien à offrir d'autre. Tu t'exclames alors par deux fois mais et tu te mets à me tourner autour. Un peu comme un vautour. Je reste sur les œufs puisque je ne suis pas encore prête je crois à me tourner et affronter totalement ton regard. Mais je camoufle toujours un sourire derrière ma main parce que ta réaction m'amuse un peu.


Et finalement ce n'est peut-être pas une mauvaise chose que de les garder long ? Je parles de mes cheveux. Encore un peu. Juste pour te provoquer et t'embêter un peu. Je pourrai passer ma main dans mes mèches blondes, comme quand c'est toi qui le fait quand ils sont longs. Oui. Je pense que ce serait amusant et tendre. Puisque j'ai encore beaucoup de tendresse à t'offrir et des sourires. Des baisers. Tout. J'ai encore quelques rires qui étirent le coin de ma bouche et je dois tourner les yeux pour te voir fouiller tes cheveux et je dis en levant les mains en l'air et en haussant les épaules:

-Ne me demandes pas, je pensais que les cheveux poussaient aussi vite. Sinon je ne me serais pas permis de couper tes cheveux. Ou peut-être. Après tout, je suis taquin. Je perds soudainement mon sourire quand tu te remets à parler de mon état. Mais alors que je pensais que tu allais demander, poser des questions tu te rues sur la poêle et je dois m'écarter pour te laisser faire.

Tu attrapes mon poignet, celui qui tient la spatule, et tu me dis que je mourrai si je mangeai les coquilles et tu me réprimandes. Pas forcément dans le même ordre, mais cela me fait un peu plisser les lèvres. Je pensais les avoir réussi. Quand même. Il suffit d'enlever les coquilles ? Et ce sera bon ? Je vais chercher ton regard. Je voulais tellement te les préparer. Je suis très déçu que tu ne complimente pas mes efforts. Que tu ne me dis pas que j'ai retenu comment faire, que j'ai été attentif, malgré le contexte (celui où tu ne faisais que me frustrer). Mais tu ne dis rien de cela. Pire. Tu dis que tu ne mange pas des œufs le matin.


Et je me sens très bête.  Je crois que je ne veux plus te préparer un œuf. Ni aujourd'hui ni demain. Puisque ce n'est pas bon. Que toi tu n'en manges pas. Je ne veux pas les manger si tu ne le fais pas, aussi. J'enlève ma main de la tienne et je croise les bras. Mon ustensile sous le bras. (Une grande fourchette ne bois). Je dis quand même :


-Du café.


Puisque je ne veux pas revoir comment faire, puisque je sais parfaitement comment les faire. Mais tu ne sembles pas m'entendre. Pire. Tu mets l’œuf que j'ai essayé de préparer dans le l’évier. Avec la poêle. Je suis un peu vexé. Surtout que tu veux toujours m'apprendre. Et que je n'ai plus envie. Tu tiens même à me signaler que j'ai oublié d'allumer le gaz. Alors que ce n'est pas franchement si grave. Je m'en serai rendu compte. À un moment ou à un autre. Et j'aurais cuit l’œuf. Pour toi. Mais puisque tu l'as jeté. Alors. Je n'en ai rien à faire. Pour la peine je ne regarde même plus ce que tu fais. Ou ce que tu peux ne pas faire. Je fixe la machine que tu as mis en route, que je devine servir à faire le café. Avec un intérêt limité puisque je comprends à peine comment elle fonctionne.


Et pendant tout ce temps j'ai fait de mon mieux pour ne pas te regarder. Mais quand tu me parles de nouveau je ne peux que tourner la tête. Dans un soupire. Puisque je suis toujours très vexé. Mais il est surtout vaincu. Ma colère n'est qu'une poussière que tu peux balayer au grès de tes sourires et de tes soupires. Franchement. Je ne sais pas trop ce que tu me fais, Sucre, mais tu sais très bien t'y prendre. Je lève la tête vers toi et je décroise les bras pour les ranger dans mon dos sagement. À aucun moment tu me touches et quand tu me scrutes si fort, j'ai envie de baisser les yeux. C'est certain que tu vas remarquer. Sur mon torse. Est-ce que tu vas finalement faire un commentaire ? Ou crier. Je voudrais que tu ne cries pas. Si tu ne cris pas alors je crois que cela ira. Et je crois que j'ai besoin d'être un peu rassuré (alors que je n'en éprouve jamais le besoin habituellement).


Tu ne cries pas. Tu ne cries pas. Tu dis bonjour. Tu me dis bonjour et tu me dis que je suis beau. Je pense que je pourrai me contenter de cela. Vraiment. Surtout quand tu viens me ravir les lèvres. Délicatement. Un peu trop.  Alors qu'il y a plus de chaleur et de tendresse d'ordinaire. Mais je suppose que je peux m'en satisfaire. Puisque quand tu m'embrasses c'est toujours pour me faire palpiter et trembler d'aise.


Je ne me formalise même plus lorsque tu attrapes mon poignet pour me refaire casser un œuf. Alors que je ne veux pas en manger si tu n'en manges pas. Et que tu me redis encore et que tu me remontres comment casser l’œuf. Alors que j'ai fait exactement comme tu le montre. Ce n'est pas si grave de le casser à la base, non ? Je n'ai même pas oublié le sel et le poivre. Vraiment. Je voulais tellement te faire cet œuf. Je suis sur le point de protester quand ta voix s'étire un peu dans les aiguës et que je constate que tu es passé en quelques secondes de la patience et la douceur à la  colère. Celle qui t'empourpre la figure et qui fait gronder ta bouche.


Je me fige. Je ne suis pas très à l'aise d'un coup. Je fixe la poêle. Penaud. Puisque toute ta fureur m'assaille d'un coup et que je ne sais pas vraiment d'où elle sort. Ni comment l’interpréter. Je me pince les lèvres et je me dis qu'il vaut mieux que je garde le silence et que j'attende de voir, pour comprendre et essayer de la chasser. Je ne suis pas très certaine de tout comprendre, mais dans le doute j'essaie de montrer un peu plus d'intérêt sur ta leçon de cuisi-. Ou peut-être pas. Puisque tu balances trop abruptement les coquilles. Que je n'aimerai pas que tu me balances ainsi.


Je baisse les yeux en signe de pénitence-et c'est rare que je le fasse, c'est dire comme ta colère me désarçonne entièrement- mais tu recommences à t'exclamer encore. Plus véhément. Je pose la grande fourchette et je glisse mes deux bras le long de mon corps les sourcils froncés d'incompréhension. Mais qu'est-ce que je fais et qui te mets tant en colère ? Peut-être que tu t'es cogné trop fort les fesses sur le sol et que tu as mal ? J'effectue un pas en arrière et je plisse plus encore la bouche. Je ne sais pas ce que tu dis. Je ne comprends même pas le rapport entre les œufs, moi et tes envies, mais je crois qu'il n'y a rien à comprendre.


Tu te jettes sur ce que je suppose être le paquet de café. Puisqu'il sent comme du café. Et que tu mets un peu de son contenu dans la machine. Et beaucoup sur le plan de travail. Je fixe ton dos et les mouvements un peu raides de tes bras. Tu as dû vraiment te cogner trop fort sur les fesses. Ou alors tu es agacé par les œufs ? Je crois que je vais faire plus attention quand tu en prépareras de nouveau. (Puisque tu n'as pas l'air de plaisanter avec les œufs) Je veux si peu que tu sois en colère. Et en plus aujourd'hui on doit sortir. Acheter des choses. Ensemble. Et j'ai trop d'impatience pour gâcher la journée avec des œufs et des mots maladroits.


Au bout d'un moment  tu parles. Plus calme cette fois et tu me dis que tu ne crieras pas. En réalité tu l'as déjà fait, mais c'était de colère et pas de peur. Alors peu importe. Je hoche la tête et je refais un pas en avant. Il me semble qu'il n'y a plus de colère sur te bouche. Mais je ne peux pas en être certaine. Puisque tu ne m'as toujours pas regardé, depuis, facilement une éternité et demie. Peut-être plus. Depuis ton dernier baiser, en réalité. Comme si tu voulais un peu éviter de le faire. Tu ne m'as même plus touché aussi depuis que tu m'as fait casser l’œuf sur la nouvelle poêle. Tu te poses devant moi. À quelques centimètre. Mais j'ai une drôle d'impression qui me raidit la nuque et la colonne.


J'ai l'impression que quelque chose ne va pas. J'ai l'impression que quelque chose ne va pas et je ne sais pas si c'est toi ou moi. Je pense que que nous ne va pas. Il ne va sans doute pas parce qu'il n'est pas habituel. Et il n'est pas habituel parce que tu agis différemment. Tu nous mets dans un ailleurs et cet ailleurs je ne suis pas certain de l'aimer. Je fais de mon mieux pour ne pas remarquer. Que tu ne me regardes pas. Pas un seul instant je n'ai pu accrocher ton regard bleu. Et tu ne me laisses pas la possibilité de le faire. C'est cela je crois qui est le plus étrange et qui ne va pas. Tu nous entailles silencieusement. Tu égratignes un peu ce qu'il de plus tendre dans nous. Tu découpes dans le silence un peu de ce qu'il y a de plus complice dans nous. Tu me repousses, tu me repousses et c'est dans la distance que tu imposes entre mon visage et tes doigts, dans la souveraineté de l'air entre deux-entre nous- que tu me repousses le plus brutalement.


Ma lèvre tressaute. J'ai un mauvais coup au cœur. Je pose main là où il me semble que tu voulais la poser. Et elle n'y est pas. Et même moi je ne suis pas dans tes bras. Sur ta peau. Sur ta bouche. Quelque part sur toi. Et toi non plus. Tu n'es pas quelque part sur moi. Mais c'est si étrange. On passe tellement de temps à se chercher et se trouver. Je fixe le bout de tes doigts que tu n'as pas déposé sur mes hanches. Et je palpe pour être certaine. Mais tu n'y es pas. Tu n'y es pas. J'ai l'impression que quelque chose ne va pas. Mais je ne comprends pas pourquoi. On était si bien hier et au réveil ! J'ai embrassé ta peau. Je t'ai dit bonjour. Toi aussi. Alors tout devrait bien aller. J'avale un peu de salive et je tente d'esquisser un sourire. De chercher une boutade pour te la lancer. Mais rien ne vient. Rien ne sort. Rien. Je crois que j'ai déjà le cœur au bord des lèvres et qu'il menace de s'échapper. Ou d'éclater.


Mon œil cherche un peu de Sucre sur ton visage. Pour me rassurer. Parce qu'il me semble avoir un peu trop d'inquiétude dans la gorge et dans les tempes. Et je ne t'ai plus retrouvé. Et c'est peut être un peu vaniteux à dire. Présomptueux. Mais je pensais nous connaître. Et dans nous il n'y avait jamais d'hésitation et de malaise. C'est ce qui cloche. Surtout quand tu demandes-alors que tu ne demandes jamais- si tu peux me toucher. Je reste interdit. Hébété. Et je crois que j'ai dû ressasser la phrase deux fois pour la comprendre tellement elle m'a semblé incongrue. J'ai fouillé ton visage. J'ai cherché une nouvelle fois à accrocher tes saphirs, puisque c'est ce que je fais quand je doute. Quand je pense mal comprendre tes mots. Mais comme je n'y arrive pas, parce qu'ils sont trop accrochés au sol je dis :


- ... Euh?


Et j'ai l'air très idiote. Mais je ne sais pas quoi répondre d'autre. Parce que ce n'est pas quelque chose que tu devrais demander. Tu ne devrais pas non plus ne pas me regarder. Tu ne devrais pas non plus ne pas me toucher. J'ai un peu de mal à comprendre comment nous avions pu en arriver là. Puisque je crois même que je trouve cela plus maladroit et peu naturel. Je crois vraiment que quelque chose ne va pas et que ce n'est pas une impression. Il y a trop de distance entre nous et ce n'est pas seulement à moi que tu l'imposes, mais à nous. Je remarque alors que c'est la première fois qu'elle est aussi palpable. Je dis d'une voix mal assurée:


- Qu'est-ce que tu fais Sucre?


Trop incertaine. J'attrape les pans de ton t-shirt-celui que tu portes- je tire dessus comme si je voulais le lisser. Mais ce n'est pas tant ton vêtement, mais mon apparence entière que je veux lisser. Puisque que tu ne fais pas comme d'habitude. Qu'il y a trop peu de toi dans ta retenue. Trop peu. Est-ce que c'est si étrange ? Est-ce que tu me trouves tant changé ? Est-ce que tu détestes ? Est-ce que c'est trop disgracieux sur moi ? Daigneras-tu m'accorder un regard? Il faudrait que je t'expliques et peut-être que … Mais c'est vrai que c'est étrange. Même si tu sais que je suis un vagabond ? Mes phalanges se pressent plus sur le coton. Moi-même je fixe le sol et l'écart entre nos deux pieds nus. Mes orteils se plissent aussi sur le parquet. Tressautent. À chaque fois que je veux esquisser un pas en avant. Puisque je n'ai pas le courage de le faire et que tout dans ta posture m'indique que tu ne souhaites pas que je le fasse. Et c'est étrange parce que cela n'a jamais été aussi froid et si peu impulsif entre nous.


Même quand on buvait ensemble et qu'alors nos bouches ne se connaissaient pas encore. Il me semble même qu'à ce moment là je n'ai jamais voulu mettre de distance entre nous. Je ne t'ai jamais considéré que comme Sucre. Et j'ai aimé chacune de nos discussions, provocations et tes rires qui savaient déjà attraper les miens. Et je crois que la distance que j'installe avec les autres je ne l'ai jamais érigé entre nous. Et toi non plus. Jamais. Même quand je t'ai parlé de ma profession. Quand d'autres se seraient éloignés après m'avoir jeté de l'indignation à la figure. Tu t'es toujours tenu au plus proche de moi. De mon corps. Et mon cœur. Comme pour t'y ancrer et faire de cette proximité quelque chose de naturel. Et je me suis fait cette réflexion souvent, mais si tu n'avais pas été Sucre alors il y a longtemps que je t'aurais repoussé loin. Plus loin. Pour que tu restes coincé derrière l'écart respectable et poli que j'aurais imposé à nous. Mais puisque tu es Sucre je ne comprends pas. C'est très étrange parce que nous n'avons jamais été aussi éloigné.


Est-ce que tu me rejettes? Je pince les lèvres et me raccroche plus fort au coton. Ta bouche a dit, elle a dit que j'étais beau. Et elle a demandé aussi si tu pouvais me toucher. Aussi ridicule que cela puisse paraître. Tu as demandé? Tu ne le fais jamais. Jamais. Tu m'enlaces et tu m'embrasses. Tu me touches. Tu ne demandes pas. Mes orteils se plissent encore. Je me rappelle encore du bout de tes lèvres sur ma bouche et de tes doigts sur ma peau. Légers. Trop timides pour être tendres. Est-ce que tu me rejettes, Sucre? J'ai beau y réfléchir. Je ne vois que cela. Et c'est étrange. Mais je crois que j'aurais préféré que tu cries.


Je n'aime pas cela. Je n'aime pas penser que peut-être tu me rejettes. Que peut-être tu ne m'aimes pas parce que tu n'aimes pas les femmes. Et pourtant je sais que tu les aimes suffisamment pour les étreindre jusque dans leur reins. Ma bouche se plisse. Plus encore. Peut-être que tu n'aimes pas que je ne sois un peu femme. Et que tous tes éclats passionnés se sont envolés. Peut-être que j'aurais dû prendre le temps d'expliquer? Dire que ce n'est pas définitif? Je tangue un peu. Je ne pensais pas que cela nous mettrait si mal à l'aise. Est-ce que tu me rejettes Sucre? J'esquisse un pas en avant et je dis:


- C'est toujours moi. Mais comme je n'ai pas fait attention ma voix sonne trop féminine et s'étrangle dans ma gorge. Je geins, maudit corps. Je fais des efforts et je ramène un plus d'accent masculin quand je dis. - C'est pareil qu'hier. Pareil, d'accord? J'ai l'œil trop brillant. Pourquoi faut-il que cela arrive maintenant? Je refais un autre pas en avant. J'attrape ta main et je veux la poser sur mon torse. - C'est pareil juste différent à l'extérieur? D'accord ? Je répète comme si j'attendais ton approbation. Je ne suis tellement plus sûre de rien. Je voudrais me tromper. Tellement. Mais je suspends le geste. Secoué par une nouvelle angoisse.  Et si tu retirais ta main ? Je déglutis encore. Et si tu n'aimais plus mon corps? Je relâche ta main, alors précipitamment. Je crois que je ne le supporterais pas. Je renifle. Une fois. Deux fois. Oh. Non. Je ne. Vais pas. Je m'écartes et je sors de la cuisine, trop raide.


Juste avant de fondre en larme. Et dignement. Silencieusement.  Même si ma gorge est trop serrée d'angoisses irrationnelles. Je n'ai pas éclaté. Ainsi de dos tu ne pourras pas voir mon œil couler ridiculement. Peut-être le mouvement saccadé de mes épaules? Je sers trop la mâchoire pour laisser mes sanglots s'exprimer et briser le silence. Je ne comprends que trop peu ce qui se passe. Les dernières fois je n'ai pas pleuré. Les dernières fois je n'ai pas été si chamboulé. Tu n'aurais jamais dû voir. Si ce n'était pas arrivé. Si je n'avais pas été de nature si changeante. Si j'avais été damné. Sauvé. Non. Il ne faut pas que j'y pense. Parce que ce n'est pas important. Que je suis fière d'être vagabond. Ou fier ? Je ne sais plus. Ce n'est pas grave. Il y a plus grave. Il y a plus grave encore et je ne sais pas exactement ce qui est le plus grave, mais j'en pleure. Juste un peu vraiment. Quelques larmes irrationnelles. Je ne sais pas d'où elles viennent. Ou peut-être que je sais.


Je crois que je suis blessé. Puisque je me rends compte que ce nous est si nouveau et si fragile que je ne supporterai pas qu'il soit détruit simplement parce que mon corps n'en fait qu'à sa tête. Tu as pourtant dit que tu m'aimes. Et moi aussi. Alors cela ne devrait pas avoir d'importance. Ou peut-être que cela en a? Je ne sais plus. Mais je crois que j'ai trop de terreur dans le ventre. Et il faut que je fasse quelque chose. N'importe quoi. Il faut que j'arrange tout. Avant que tu ne me touches ou que tu refuses de le faire parce que tu n'aimes plus mon corps. Je renifle. Est-ce qu'après tu me prendras dans tes bras? Et ces fichues larmes et ce fichu corps. Je crois que je pourrai tout tuer pour reprendre le contrôle. C'est si agaçant. Je suis si usé. Si elles continuent de couler je vais les tuer toutes et les écraser avec mes paumes. Mes doigts. Les griffer. Les blesser. Puisqu'elles me blessent et plus encore.


Et je crois que ce que je ressens est proche de la honte. Parce que je pensais que cela ne poserait pas de problème. Que cela en pose. Visiblement. J'attrape mes cheveux et je tire dessus, rageuse. Des ciseaux. Il me faut des ciseaux. Je renifle encore. Il y avait des ciseaux hier. - Je vais les couper et ce sera pareil. Puisqu'ils sont agaçants. Ils ne devraient pas pousser autant. Et même mon corps. Il ne devrait pas changer. Osciller. C'est d'une grande injustice. Je subis déjà trop de fièvre. Celle de l'or. Et la tienne. Celle de ton amour que je ne connaissais pas encore et qui me tues. Je refuse en plus de subir ce changement si tu me rejettes. Est-ce que tu me rejettes Sucre? Je renifle et j'essuie mon œil. Puisque évidemment, il faut que je subisse aussi les humeurs de mon corps qui semble encore plus prompt à s'emporter lui-même et à emmener mes émotions dans des extrêmes.


Le pire dans tout cela c'est que j'ai bien conscience que cette situation est ridicule. Tu as demandé si tu pouvais me toucher? J'essuie mon œil. Ridicule. - Est-ce que tu as des- Bien sûr que tu as des ciseaux, j'ai coupé tes cheveux l'avant-veille. - Est-ce que le voleur les a pris?  Je crois que je vais pleurer si je ne trouve pas ces fichus ciseaux. Ah. Mais je suis bête. Je pleure déjà. - S'il les a pris je le tuerai. Je grommelle en reniflant. Je ère péniblement entre les meubles et le lit. L'attention fixé sur le sol. Comme si je m'attendais à ce que cette paire de ciseaux surgisse d'elle-même du sol. Je retourne le tas de draps taché de sang. Pas de ciseaux. Regarde en dessous du lit. Pas de ciseaux. Des meubles. Pas de ciseaux.


J'éclate. J'ai dit que je le ferai si je ne les trouvais pas. Et je le fais. J'ai des hoquets dans la gorge qui font tressauter mes voyelles et mes consonnes et tous mes mots. -... Je ne trouve pas les ciseaux Sucre! C'est la fin. Même si ce n'est pas vraiment cela le problème. Ou peut-être que si. Tout ce que je sais c'est  très grave. C'est  même catastrophique. Je renifle: - Je ne peux pas les couper et tu ne peux pas voir que c'est pareil! Je frotte mon œil. Et je crois bien que je veux mourir. Et de honte et tout court. Comme cela je ne serai plus femme. Et j'oublierai ce qui se passe en ce moment même. Puisque c'est douloureux et ridicule. Et il faudrait que je te tues pour que tu oublies et que tu m'aimes encore après tout cela. - Les ciseaux. Si j'avais les ciseaux. Puisque c'est la seule chose que je peux arranger. Que je ne peux pas forcer mon corps à changer de lui-même. Je frotte mon œil avec ma paume, mais ce n'est pas très efficace puisqu'il y a trop de larmes honteuses dessus. Alors je soulève ton t-shirt et je m'essuie le visage dedans. Je renifle encore. - C'est de la faute des ciseaux. Je me sens usé. Fatigué d'avoir si peu de contrôle sur moi-même. Je renifle encore et je passe bien une minute entière à parler des ciseaux et du voleur et de tout ce qu'il va subir si je lui mets la main dessus, le nez dans le t-shirt.


Quand je ressors, il me semble que je suis plus calme. Je ne hoquette plus tellement et ma gorge est moins douloureuse. Je plisse le vêtement jusque sur mes cuisses pour y retrouver un peu de dignité et je dis en pointant ma poitrine: - Je préfère que tu ne me touches pas si cela te dérange. Demain. Demain ce sera redevenu pareil. Mais comme je ne veux pas entendre ou voir du dégoût ou du soulagement je vais m'enfermer dans la salle de bain. Surtout que j'ai de nouveaux sanglots dans la gorge.


Je m'y engouffre et je prends le temps de fermer la porte. Je vais jusqu'au lavabo pour me laver le visage. Quand j'aperçois mon propre reflet dans la glace je m'immobilise. Bon sang. Que je suis laid. Avec l'œil rouge. Les cils mouillés. La lèvre tremblante. Et je crois que je pourrai pleurer ou mourir. De honte. Comment avais-je pu te montrer une apparence aussi peu flatteuse? Je geins. Je jure. Pourquoi a-t-il fallut que cela arrive maintenant? Alors que tu as dit que nous irions acheter des choses. Tout ce qu'il me plaira. Et qu'on ferait ce que je voudrai? Je fixe mon reflet. Encore. Je pince mes hanches trop fines. Ma poitrine, petite, en plus, alors que je suis certaine que tu les aimes plus généreuses. Je grogne peu gracieusement. Je tire sur les pointes de mes cheveux trop long et je jure. Je suis si différente. Et pareille. Dans une même mesure. Alors que je préférais rester la même. Le même. Comme tu m'aimes.  


Je renifle encore et j'ouvre les armoires pour trouver de quoi couper mes cheveux. Je n'en trouve que des petits. Et du désinfectant. Je lève l’œil au ciel. Est-ce que ta maison s'amuse à se moquer de moi ? Je me le demande. J'entreprends de couper grossièrement quelques mèches. Mais c'est une mauvaise idée. C'est une mauvaise idée parce que je ne parviens pas à couper correctement mes mèches épaisses et que je ne suis pas certaine d'avoir la patience de tout couper, mèche après mèche. J'y passerai sans doute la journée entière. Je relâche les ciseaux alors avec humeur. Tu as dit que nous irions faire des achats et je ne veux pas passer l'éternité sur ces maudits cheveux. Je souffle encore quelques insultes sur le voleur et les ciseaux (qui sont responsables de tout) et aussi je maudis l'esprit qui m'a créé si imparfait et oscillant.


Et c'est de colère que j'éclate cette fois. Je crois que j'en veux à tout. Au monde. Je me mets à tourner en rond dans la salle de bain carrelée. Et je maudis. Je maudis vraiment tout ce qui me passe  par la tête. Des ciseaux à toi en passant, bien évidemment par moi et ma poitrine. L’imbécillité de mon corps. De mes humeurs. Je le fais les mains crispées. Je ne m'approche pas non plus trop des murs et du miroir que je pourraia fracasser. Craqueler. Et comme je suis imbécile je dois encore griffer toutes les larmes qui coulent encore sur mon visage. Et quand je vois mon visage je l'insulte. Parce qu'il est laid et bouffi. Trop laid.


Je ne sais plus exactement contre qui j'en veux le plus. L'existence ? Ton soudain changement de comportement  ? Mon comportement et mes sautes d'humeurs ? Toutes ces choses qui m'arrivent et que je ne comprends pas. J'essuie mon œil encore en grognant et en promettant la peste à ces fichus larmes si elles osaient encore enlaidir mon visage. Et aussi j'en veux à Thémis, puisqu'elle est aussi coupable que les ciseaux. Et bien plus encore. Je maudis ma naissance comme je la bénis, mais elle m'épuise quand elle me pousse dans de tels retranchements et si tu ne m'aimes plus à cause de tout cela que tu me rejettes alors je tuerai la cupidité. Je la tuerai de mes mains.  


Je me fige.  Et je m'écroule. Presque. Je m'accroupis en vérité et je plonge ma tête entre mes bras.  Je soupire toutes ce qui me reste d’inquiétude et d'angoisse. J'expire toutes mes colères et les dernières menaces qui n'ont pas encore eu l'occasion de franchir ma bouche. Je me sens encore usé, mais cette fois, c'est d'avoir insulté le monde entier et de mettre infligé pareil indignité. J'éclate si peu. De rire. De larme. De peur. De colère. Et quand cela arrive en même temps. Ou presque je ne suis pas capable de gérer. Je crois que je ne suis pas capable de gérer tout cet amour et ses conséquences. Et toutes ces émotions qui me foudroient et me contrôlent, je crois qu'aujourd'hui j'ai encore plus de mal à les retenir. Chaque sursaut devient alors un tremblement et chaque tremblement un séisme qui m'emporte et me fait m'emporter tellement. Extrêmement. Et c'est trop usant. Et je ne veux pas que tu les subisses toi.


Je soupire. Plus calme. Mais encore tremblant. Je retire ton t-shirt et je m'engouffre dans la douche. J'ouvre l'eau chaude et je pose mon front contre le carrelage. Il me faut au moins cela pour me remettre les nerfs en place. Je reste immobile quelques minutes entières sans jamais ouvrir l’œil ou esquisser ne serait-ce qu'un geste. Et puis je bouge. Finalement. Puisque je suis dedans autant me laver. Je lave mes cheveux trop long avec le savon. Et c'est quand je le fais que je me dis qu'il faut que je les coupe. Et le plus tôt serait le mieux. Je grogne encore quand je frotte énergiquement la tête et que du savon vient dans mon œil. Je me rince. Et c'est quand j'effectue ma toilette que je remarque finalement qu'il manque quelques chose. Je crie de stupeur. Il manque quelque chose. Et ce quelque chose ne devrait pas avoir disparu. Vraiment pas. Ce n'était jamais arrivé. Non. Il devrait y avoir. Encore. Mais il n'y a plus. Alors. J'ai la réaction la plus digne que je n'ai jamais eu. Je dis :


- Sucre ! Sucre c'est terrible. Quelque chose ne va pas !


Je referme le robinet et je m'extirpe de  la douche en me bagarrant dans la panique avec le rideau de douche (que je manque d'arracher). Et quand je me rappelle que je ne sais toujours pas si tu aimes toujours mon corps je dis :


- Non ! Ne vient pas Sucre. Ce n'est pas grave. Je palpe mes cuisses, mon ventre, mon bas-ventre. Rien. - En fait c'est très grave. Mais ne vient pas. D'accord ? Je jure encore et je continue de goûter sur le carrelage froid. J'attrape la serviette et je m'essuie sommairement. Et les cheveux et le corps. Il n'y a pas plus rien. Il y a autre chose. Et par déduction, purement, je me dis que je ne suis peut-être pas seulement un peu femme. Cette fois. Est-ce que j'ai dit que j'étais usé ? Je ne suis plus usé. Mais désespéré. J'ai trop oscillé. Trop. Et cela ne devrait pas arriver. Et si je restais ainsi plus qu'un jour ? Je crois je préférerai mourir.


Je m'inspecte, minutieusement cette fois, pour être certaine de ne pas passer à côté d'un détail majeur. J'enfile de nouveau ton t-shirt. Que puis-je faire d'autre ? À part paniquer. Pleurer. Crier. Soupirer. (Et je l'ai déjà fait.) J’essore mes cheveux et je reste planté dans la salle de bain. En plein milieu.  


Après quelques minutes je me rends compte alors d'une chose. Je ne pourrai pas rester éternellement caché dans cette salle de bain. Même si sur le moment cela m'avait paru être une très bonne idée. Il faudra à un moment que je sorte et que je t'explique. Même si je ne sais toujours pas comment. Ni par quoi commencer. Mais si je reste trop longtemps je ne sortirai plus. Je fortifierai cette place jusqu'au lendemain. Et ce serait bête. Stupide. Il nous reste tellement peu de temps et de jour à passer. Et je ne brise jamais mes promesse. Était-ce vraiment une bonne chose que de laisser les choses comme cela? Sans doute pas. Vraiment pas. Si j'expliquais? Peut-être? Tu as dit que tu m'aimes. Et moi aussi. Et que j'étais beau. Tu l'as dit même si tu n'étais pas comme d'habitude. Et si tu ne me rejetais pas? Et si c'était moi qui rejetais mon corps et sa mutinerie? Je crois que je ne veux pas laisser les choses ainsi.


Je soupire et je retourne près de la porte. Je mets la main sur la poignet. Je l'enfonce. Délicatement. Je glisse mon œil entre l'interstice. Je cherche quelques secondes après toi. Ton ombre. Ta silhouette. N'importe quoi. Et c'est quand je te vois que je me dis que je dois ouvrir. J'ouvre la porte. J'ouvre la porte et je fais quelques pas. Jusqu'à toi. Je me fige parfois. Hésitante. Je ne sais pas encore par où commencer. J'esquisse encore quelques pas. Peut-être devant du café et des œufs ? J'ai fait une telle scène que je pense que je devrais m'expliquer. Ou alors ne pas y revenir ? Peut-être. Je me place devant tes pieds et sans attendre je prends ta main pour la poser sur mon cœur et je dis, les doigts tremblotants puisqu'il y a si peu de courage dans mes phalanges. Je ne suis pas certain de ce que je vais dire. Ou comment je devrais le formuler. Alors qu'il y a si peu d'hésitation dans ma bouche et sur mes lèvres, habituellement. Je redresse la tête et je dis :


- Tu peux me toucher. Mais tu ne dois pas demander. C'est pareil ici. C'est pareil et ça cogne pour toi d'accord? C'est pareil ici. C'est pour cela que tu ne dois pas demander et le faire si tu en as envie.


Je presse mes orteils sur le parquet et je relâche ta main. Peut-être que j'aurais dû rester dans la salle de bain. Je tends les bras et je me presse alors contre toi. Peut-être que j'aurai dû faire cela dès le début parce que je me sens apaisé. Même si je ne comprends toujours pas, ou trop peu ce qui m'arrive exactement.


- Il faudrait que je coupe mes cheveux. Ils sont agaçants. Tu pourrais le faire ? Ou me dire où sont les ciseaux ? Et ce sera pareil. Ou presque. Je me presse plus encore et je resserre mon étreinte et je m'agrippe à toi. À nous. Il y a trop d'incohérence quand on ne s'étreint pas. - C'est pareil. Je t'aime pareil. Et c'est peut-être plus pour moi que je le dis. - Même si aujourd'hui c'est comme ça. Demain ça reviendra comme hier. Sur mon torse et en-dessous. Je hoche la tête convaincu. Pas un seul instant je me détache de toi puisque j'ai trop peur que toi tu ne t'en ailles. - Parfois ça arrive. Parfois. C'est trop difficile de gérer mes émotions quand elles arrivent aujourd'hui. Et je comprends si peu pourquoi c'est comme cela. Pourquoi j'oscille ? Mais c'est comme cela que l'on m'a fait naître.  Est-ce que tu vas quand même m'étreindre ? Sans demander. Et m'embrasser aussi ? Aujourd'hui quand même ? Je détesterai que tu ne le fasses pas. Vraiment. Je détesterai  
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaLun 27 Avr - 3:59


J'ai suspendu mon geste.
J'ai suspendu mon geste ; ce genre d'interruption est très délicate, presque insensible. Presque rien ne bouge autour de mes doigts qui s'apprêtaient, dévoreurs, à s'emparer du bout d'une longue mèche d'or de Bermuda. Eux même ne sont plus en mouvement ; j'ai comme l'impression d'avoir des fils translucides et coupants qui enserrent les articulations de mes phalanges.
Je vais me blesser.

Je ne bouge plus.
Il est possible que ma respiration se soit effacée aussi ; je suis dans un temps mort et dans ce temps ma main est immobile. Je trouve ma propre réaction étrange et je me demande, soudain, s'il m'est déjà arrivé de ne pas toucher Bermuda.
M'est-il déjà arrivé de refuser de toucher Bermuda.

Je suis un peu chamboulé.
J'ai très peu dormi – je crois vraiment que j'ai très peu dormi, que mes paupières se sont fermées sur l'aube pour se rouvrir sur le petit jour. Mais, à cet instant, j'ai bien suspendu mon geste ? C'est étrange, cette sensation de stupéfaction (mes lèvres aussi se sont suspendues, tout mes muscles se sont suspendus comme si c'étaient à mes doigts de décider de diriger le monde).
C'est à mes doigts de décider de tout caresser ou de tout casser.

J'ai peur qu'ils prennent la mauvaise décision.
Je crois que je ne suis pas capable de bouger. Tout vibre autour de mes phalanges et, mes yeux posés sur ses chutes de miel, j'imagine la texture que ma peau éprouverait si j'osais y passer mes doigts. Je pourrais avoir des frissons, des murmures de plaisir rien qu'à imaginer mes mains dans ses cheveux, remontant sur sa nuque, balayant ses longueurs en le rabattant en arrière sur son front.

J'aurai l'impression de dépouiller un astre ; mais je n'ose pas.

Je pourrais partir rien qu'en m'imaginant le découvrir encore ; aller à sa conquête ; le vaincre ; l'emporter ; lui arracher ses soupirs ; le faire tomber dans mes bras.
Mais mes doigts se sont arrêtés à mi-chemin comme si la distance à parcourir entre son écrasante présence et mon désir étranglant était sur le point d'exploser.

Je le sens bien, que quelque chose est sur le point d'exploser. J'ignore encore de quoi il s'agit, si ce sera mes doigts, si ce sera mon désir, le sien, sa beauté qui m'éventre, ses colères intempestives, mes rancœurs corrosives, mais je sais que quelque chose va exploser.

Pitié, faites que ce soit notre désir.

Les nouvelles lumières qui le drapent le rendent infiniment beau ; c'est pourquoi, je me demande, tout bas, timidement dans ma gorge.

Est-ce que je peux le toucher ?
Et c'est aussi ce que j'ai dit à voix haute puisque, debout face à Bermuda, un bras le long de mon corps, l'autre figé dans le vide, je crois que je ne suis plus digne.

Si je formulais mes pensées avec ma langue acerbe, je crois qu'elle voudrait se fendre en deux ; ou rouler au fond de ma gorge pour m'étouffer.

Moi, Sucre, téméraire Sucre, abominable Sucre, méprisant Sucre, je suis frappé par la soudaineté de mon indignité.

Bermuda m'apparaît trop beau pour que mes doigts aient l'autorisation de passer dans ses cheveux.

J'ignore ce qu'il arrive à arracher dans mon œil que je cingle obstinément sur le sol – pourtant, il essaie de remonter et tressaute mille fois sur ses cuisses, sur ses mains, sur la pointe abîmée de ses cheveux. Jamais mon œil fuyant, couard, lâche, ridicule ne remonte plus haut que ses reins et je me condamne au supplice de détailler la craie de ses cuisses blanches et la démarcation de mon haut gris sur sa peau désirable.

J'ignore ce qu'il arrive à tirer sur mes cils dans lesquels je me cache, mais j'ai peur qu'il y discerne trop de choses ; j'ai peur qu'il y voit mon désir ; mon envie ; mon amour ; ma faiblesse ; ma soumission ; ma dévotion ; ma peur ; mon hésitation.

J'ai peur qu'il s'emparer de toutes ces contraintes qui viennent me serre si fort, et si soudainement que je me vois obligé de suspendre mon geste.
Je me vois obligé de refuser de toucher Bermuda.

C'est une pensée horrible qui m'estomaque, un peu, et qui me retournerait l'estomac si je n'étais pas si sonné.

J'entends les œufs crépiter. La fragrance du café s'enroule dans mes poumons.

J'ai peur de toucher Bermuda.
Cette révélation me frappe tant elle est ridicule et, si je n'étais pas dans cette peau seconde, cette peau où mes yeux ne cillent plus, où mes doigts s'arrêtent et où mes lèvres quémandent des autorisation, je crois que je japperai un rire.
J'ai peur de toucher Bermuda – c'est absurde, c'est ridicule, bête, imbécile, idiot.

Moi, je n'ai peur de rien.
Moi, je n'ai pas peur de toucher Bermuda. Je n'ai pas peur de m'approcher de Bermuda. Je n'ai pas peur de froisser Bermuda. Je n'ai pas peur de blesser Bermuda. Je n'ai pas peur de mes maladresses ; de mes gestes déplacés ; des idioties qui soulèvent ses colères.
Je n'ai pas peur de faire du mal à Bermuda, moi.

J'en suis terrifié, et je m'en rends compte.
Et si je n'ose pas (je n'ose pas ! Ça n'a pas de sens, je ne comprends pas), si je n'ose pas le toucher, là, tout de suite, c'est parce que j'ai peur, j'ai si peur de l'abîmer.

A quel point a-t-il changé ; et si il ne m'aimait plus ; et si mon contact je gênait ; et s'il rejetait mes avances ; c'est tout nouveau, après tout, ce n'est peut-être pas tout à fait pareil pour lui, ce n'est peut-être pas le corps que j'ai déjà conquis, ce ne sont pas les longueurs que j'ai volées et peut-être qu'il détesterait que je vienne y apposer mes mains.

Et il est si beau.
Il est si beau à regarder que ça en est meurtrier – j'ai l'impression d'avoir quelque chose de précieux et de fragile entre mes doigts et qu'ils vont manquer leur caresse et tout casser.

Je vais tout casser ; tout ce qui est beau, magnifique et splendide ; tout ce qui est Bermuda.
Je n'ai pas envie de tout casser, et c'est pour ça que je lui demande. Est-ce que je peux te toucher ?

Je me sens ridicule, mais j'ai peur.
Je crois que je brise trop facilement le bonheur lorsqu'on vient me l'offrir dans un paquet de soie. Est-ce que je dois tout recommencer depuis le début ? Est-ce qu'il aime toujours ces caresses que je sais poser aux endroits où sa voix se pare des plus beaux aigus ? Est-ce que je peux découvrir de nouvelles barrières à faire céder ?

Et sa poitrine ; est-ce que je peux la toucher.
J'en tremble d'envie – mais ne le prendrait-il pas mal, ne dois-je pas ignore, ne dois-je pas rester immobile, ne dois-je pas demander avant, je suis perdu.

En un souffle, quelques mots, deux phrases, il m'a perdu et je me sens m'effondrer comme s'il avait posé son index sur mon front pour me faire basculer en arrière.
Il est une bourrasque qui me ravage ; j'ai des ruines de plaisirs et de vestiges de crainte.

Soudain, je l'entends.
J'entends Bermuda – la voix de Bermuda, est-ce qu'elle est différente aussi ? Est-ce que je vais devoir aller fouiller dans sa gorge pour lui extirper des gémissements que je n'ai jamais entendu jusqu'à maintenant ? Je vais en trembler si j'y pense, je vais en trembler, alors je n'y pense pas, je sors de mon absence.

Mes doigts sont toujours suspendus en l'air.

― Qu'est-ce que tu fais Sucre ?
― Quoi ?

Hébété, je laisse mes paupière se battre entre elles. Mes yeux confus tombent sur mes doigts figés ; je les recroqueville dans ma paume et ramène lentement mon poing près de ma cuisse. Qu'est-ce que je faisais – qu'est-ce que je suis en train de faire.

Je crois que sa présence m'étourdit.

― Quoi qu'est-ce que je fais ? Je répète, stupide.

Je manque de me morde la langue tellement je dois avoir des cicatrices imbéciles sur mes deux joues prêtes à rougir. A un moment, j'essaie de le regarder ; mais il y a tant de force dans son regard péridot que mes yeux tombent.

Il vient attraper mon tee-shirt ; il s'approche de moi ; ses doigts sont près de mon ventre nu, de mon bassin, de ma peau, de moi.
Je frémis. J'ai encore ce murmure qui remonte de mes reins à ma nuque et il me faut toute ma concentration pour ne pas lever mes mains et le tenir tout entier.

Je ne sais toujours pas si j'ai le droit.
Je ne sais toujours pas si je peux brûler sa peau, ses coudes, ses genoux, ses reins. Je ne sais pas si je peux attraper cette mâchoire qui n'a pas changé et mordre ses lèvres.

Mordre ses lèvres avec toute la violence de mon amour.
Je crois que je suis un peu confus – est-ce que ça se voit ? J'espère, j'espère que non. Il tire sur mon tee-shirt, je reconnais difficilement son attitude.

Il m’esbroufe toujours dans ses revirements, mais je crois que je les aime tous. Mes yeux trébuchent sur ses cuisses et parfois, parfois, entre deux secondes étouffantes, j'ose les remonter jusqu'à ses clavicules.

Bon sang, je voudrais y claquer des baisers déchirants.
Et je suis tellement obsédé à l'idée de garder mes yeux bas que je ne vois pas que lui aussi, il les a laissé tomber.

C'est quelque chose qui aurait dû m'alerter, mais je ne le vois pas. C'est risible, comme situation – mais je ne le vois pas, je ne l'ai pas vu, sinon j'aurais pu comprendre, peut-être, j'aurai pu anticiper, prévenir, désamorcer.

J'aurai pu éviter que Bermuda ne m'explose encore entre les mains et jusqu'aux coudes.
Il va m'ensanglanter.

Quand il tire sur mon haut et quand il s'approche de moi, j'ai la tension de l'interdit qui raidit de plus en plus ma nuque. Je ne sais toujours pas – il n'a toujours pas répondu ! J'attends juste des mots, quelques mots, juste des assertions ou son refus, je veux savoir si je peux le toucher.
Je veux savoir si je peux l'emporter.
Je veux savoir si je peux l'épuiser à nouveau, et s'il n'a pas de gêne.

Tout ce que je veux, c'est que Bermuda aille bien.
Il m'incendie les joues et j'arrête de respirer. Je ne peux pas respirer, lorsqu'il est si proche de moi – son parfum, son parfum me rend affamé et couvre l'odeur de l'huile, de l’œuf, du café, couvre toutes les fragrances pour me faire fléchir.

Je suis encore prêt à tomber à genoux pour lui.

Avec ses mots, il me porte des coups comme des petites gifles que je ne comprends pas.

― C'est toujours moi.
― Hein ?
― C'est pareil qu'hier. Pareil, d'accord ?

Je fronce les sourcils, relève mes yeux vers lui ; sa voix à changé, j'ai senti l'effort qu'il a planté dans sa gorge pour la ramener dans les graves et l'hébétude vient de nouveau stupéfier mes traits. Il n'a pas besoin – je ne comprends pas, j'ignore d'où il tire ses phrases, dans quel gouffre de réflexion, quel ventre anxieux il est allé nourrir ses interrogations.

― Je s-

Ma langue se fait écraser entre mes molaires – quel stupide et écœurant tribut. Je veux juste lui dire que je sais ! Je veux poser mes deux mains sur ses bras mais je n'en ai pas le temps. Il attrape ma main dans la sienne et rien n'est plus rassurant que cette étreinte brève. Et je crois, je crois entendre dans ses paroles des vrombissement rassurants.

Si c'est pareil, alors, peut-être, ne dois-je pas craindre de l'embrasser. Je ne le froisserai, ni ne le blesserai, ni ne l'empourprerai de colère. Je crois que je suis moins confus et que je comprends mieux.

Jusqu'à ce, qu'à son tour, il laisse mourir ses gestes.
Bermuda a abandonné ma main à mi-chemin. Elle est de nouveau seule, dans le vide, suspendue et je la détaille, l'hébétude aux lèvres.

C'est vraiment très étrange, de ressentir cette sensation avec une intervalle si courte.
Aussi, c'est que ça ressemble peu à Bermuda – très peu, est-ce que je l'ai froissé, déjà ? Est-ce que j'avais raison de croire qu'il était plus vulnérable ?

Je relève vers lui un œil inquiet, froncé, un visage crispé, des lèvres tendues comme un coup.

― Bermuda qu'est-ce que-

Mais je ne terminerai jamais ma phrase puisqu'il s'en va.
Il s'en va, loin de moi – non, ce n'est pas exactement ça, il ne s'en va pas. Bermuda se dérobe.

Bermuda me glisse entre les doigts et je me demande vraiment, si je tends la main, si elle va se refermer sur du vide encore une fois.

Je ne tends ma ma main ; elle est toujours suspendue, à mi-chemin de moi et de là où il était il y a un souffle. Lentement, je serre mon poing, ramène mes doigts contre la paume comme s'ils étaient blessé.

Je ne comprends pas pourquoi je ne tiens ni sa main, ni ses cheveux, ni ses lèvres, ni son corps. Je reste une, deux, trois secondes peut-être à regarder ma main qui empoigne du vide alors qu'elle devrait empoigner sa chaleur solaire.
Puis, je relève mes yeux vers lui.

― Bermuda ?

Je ne suis pas sûr de comprendre la déflagration à venir – à quel point, à quel point vais-je être brûlé.
Je suis fatigué ; je n'ai même pas dormi, je suis fatigué. L’œuf crépite dans la poêle. Le café sera bientôt prêt.

Dans le salon, je ne vois que son dos. Il est à demi-coupé par le mur de l'entrée. Je fais un pas de côté, un pas très lent et très prudent, comme s'il allait se retourner et détruire le monde entier. Je demande une seconde fois alors que la seconde moitié de sa silhouette se dévoile.

― Bermuda ?

J'ai envie de lui demander, est-ce que tout va bien, Bermuda ? Non, ce n'est pas comme ça, plutôt, est-ce que ça va ? Tout va bien ? Tu es sûr que tout va bien, Bermuda ? Il se passe quelque chose, Bermuda ?

Dans mes désirs les plus douloureux, je voudrais lui dire : hé, tout va bien, Bermuda.
Mais je sais que cette délivrance là me sera à jamais interdite.

Alors je fais encore un pas pour dévoiler tout son corps (son corps magnifique, de dos, le haut qui mange ses omoplates, ses cuisses à moitié révélées et alors je me rends compte.
Je pose une main sur le bar ; c'est un geste qui se veut nonchalant, mais je pense qu'il va m'empêcher de tomber.

Je crois que Bermuda pleure.
Je n'en suis pas sûr – je ne suis plus sûr de rien, ce matin, le réveil a été trop brusque, je doute, j'ai tellement de doutes – mais je crois qu'il pleure.
Je vois ses épaules qui se soulèvent, erratiques. Des hoquets percent ses os. Pourtant, je n'entends rien.

Je sais que je dois lui dire – Bermuda, est-ce que ça va ?
Je sais que je dois avancer et le prendre dans mes bras, comme hier, lorsqu'il pleurait. Pourtant, il y avait eu beaucoup de beauté et dans les larmes libres qui avaient zébré ses joues.

Là, je ne comprends pas. Bermuda, est-ce que tu pleures ?

Soudain, il attrape ses cheveux, ses longs et beaux cheveux dans ses doigts de corsaire et tire dessus comme s'il souhaitait se les arracher. Le geste est très violent. J'en perds mon souffle et esquisse, de crainte et de surprise, un pas en arrière.
J'aurais dû faire un pas en avant et me précipiter vers lui.

J'ignore qu'elle est la folie qui a déchiré les mains de Bermuda.

Je les vois remonter vers son visage qu'il me cache – non, ne faites pas de mal à son visage, ne faites pas de mal à Bermuda – et il me parle.
Je ne comprends pas les mots qu'il me jette et je suis incapable de desserrer mes lèvres. Si j'y parvenais, ne sortirai de ma bouche qu'une incrédulité inutile.

Je dois me rendre auprès de lui.
Mais je sais qu'il est en train d'exploser ; je sais qu'il est en train de se fendre en mille éclats de violence et de destruction et que, si je suis trop proche à ce moment là, alors, je vais avoir tellement mal.

Je vais avoir tellement mal, bien que j'ignore encore si ce sera pour lui, ou à cause de lui. Je déglutis. Mes mots retrouvent leur chemin vers ma bouche et je demande, entre deux battements de cils craintifs :

― Qu'est-ce que tu cherches ?

Il ne semble pas m'entendre, alors qu'il furète dans l'appartement, fou, furieux, et que je peux voir le versant de ses larmes.
J'en ai le cœur crevé.
Je répète, la voix trop basse et trop cassée :

― Qu'est-ce que tu cherches, Bermuda ?

Et je voudrais lui donner un ordre, lui dire : dis-moi ce que tu cherches, bon sang, espèce d'imbécile de pirate au lieu de tourner en rond en pleurant. Mais je ne peux pas – c'est drôle, n'est-ce pas ? Je ne peux pas, à cause de ma damnation, je suis obligé de formuler des phrases complexes, qui demandent toute ma réflexion et qui m'épuisent.
Elles m'épuisent.

Je quitte le bar, fait un pas en avant dans sa direction.
Cette phrase me coûte tellement d'effort et de soumission, d'obéissance à mon tribut que ça me dégoûte :

― Bermuda, est-ce que tu veux bien me dire-

Et je ne peux même pas la terminer.
Le voilà, le moment où Bermuda devait exploser ; et il le fait.

Bermuda explose, et c'est plein de larmes.

― Je ne trouve pas les ciseaux Sucre !

C'était donc les ciseaux, que Bermuda cherchait ? Mais ça n'a plus d'importance, maintenant, puisque je suis foudroyé.
Ça n'a plus d'importance puis que je ne retrouve ni mes muscles, ni des os, et que ma cage thoracique est en train de s'effondrer sur elle même.

C'est vraiment très étrange.
Je crois que je suis dévasté. Je crois que sa voix qui ployait sous sa détresse m'a arraché un râle muet. Je crois que mon dos se casse. Je crois que j'ai une peine, immense, une souffrance – de l'empathie ?
J'avais dit que je ne voulais pas que Bermuda aille mal et là, il va très mal.

C'est étrange parce que je suis en colère, aussi. Je suis dévasté, écrasé, mais en colère – c'est très incohérent, je me demande si c'est la fatigue. Est-ce que c'est la fatigue qui me fait suivre sa silhouette furibonde avec les yeux rouges ? Est-ce que c'est la fatigue qui me laisse sans cordes vocales, sans langue, sans bouche pour venir vers lui ? Est-ce que c'est la fatigue qui m'a brisé les deux jambes.
Ou bien, c'est la colère.

C'est incohérent – et tellement dément ! Est-ce que c'est la colère qui me fait tout ça ? Surtout lorsqu'il me dit :

― Je ne peux pas les couper et tu ne peux pas voir que c'est pareil !

Et que j'ai envie de répondre : mais c'est pareil, Bermuda, je ne sais, c'est pareil !
Mais comme je ne peux pas – il ne faut pas l'oublier, je n'ai pas le droit, ce serait trop gentil, bon et magnanime si l'ont m'avait offert l'immortalité et la liberté de m'exprimer, il ne faut pas oublier, je suis une mauvaise personne.

Et comme je suis une mauvaise personne, je ne peux pas rassurer celui que j'aime.

Est-ce que j'ai le droit de venir fou ?
Je conserve ma lucidité qui, intenable, ne demande qu'à s'échapper en me griffant les doigts. Mon pas est chancelant quand je m'approche vers lui – j'ignore si le parquet est instable où si mes chevilles vont s'effondrer. Je grogne :

― Bermuda.

Il ne m'entend pas. Il ne m'entend pas et à chaque pas que je fais dans sa direction, il s'éparpille dans toutes les directions opposées. Parfois, je lève ma main pour retenir son bras ; je chercher à m'emparer de sa main ; agripper son épaule, mais il se dérobe à chacune de mes attentions.
Et moi je répète son prénom, en grondant, tout bas, trop bas : Bermuda, Bermuda, Bermuda, Bermuda.

Parce que je suis si en colère, si triste et si fatigué que toutes les autres phrases m'ont esseulé.
Il y a tant de choses que je ne peux pas dire et là, maintenant, j'en ai tellement besoin.

Il finit par s'arrêter.
Je me suis arrêté aussi, en même temps que lui. Pas un seul instant je n'ai réussi à le rejoindre – il est doué, Bermuda, pour m'échapper. Il est doué pour faire que mes mains n'empoignent jamais que du vide. Pourtant, j'ai insisté pendant toute cette course où il m'ignorait, où il n'entendait pas mes appels et méprisait les mains que je lui tendais. Je ne l'ai pas abandonné, puisque je voulais le prendre dans mes bras et lui dire : Bermuda, les ciseaux sont dans la cuisine.

Ah, non, c'est vrai, je n'aurais pas pu le dire, ça aurait plutôt été : est-ce que tu sais que les ciseaux sont dans la cuisine ?
Je suis pathétique – je crois bien que je vais rire, je crois bien que je vais m'effondrer. Mon visage est un albâtre survivant de la tempête.

Puis, il me dit de ne pas me toucher et s'en va encore, s'enferme dans la salle de bain sans me crever d'un regard.

Et moi ? Et moi, que puis-je faire désormais ?
Mais, ce que je fais toujours, dans toute ma noblesse pathétique, dans mon obsession honteusement abjecte.

Je m'accroche à Bermuda.
Je suis ridicule (je crois que je vais m'effondrer), pathétique (je crois que je vais tomber), pitoyable (je crois que je vais m'écraser), bouffon (je suis une honte).
Comme un chien fidèle, je me rends devant la porte close de la salle de bain. Je n'aime pas les portes closes, mais je ne suis pas derrière celle-ci. Je pose mon front contre la porte. Le bois est très froids sur ma peau, c'est presque agréable. Je ferme les yeux, lève une main hésitante et tape deux coups tout en retenue.
Je l'appelle à nouveau :

― Bermuda.

Je recommence, une fois, deux fois, trois fois, coupant les bruits de fouille que j'entends de l'autre côté de la cloison de bois. A chaque fois, c'est le même manège : je prends une inspiration brûlante pour me donner du courage, donne deux coups timides à la porte, hèle son prénom, rauque, dans l'espoir qu'il me réponde.
Il ne répond jamais.
Peut-être que je ne parle pas assez fort – la fatigue me casse la voix.

Quand il commence à insulter tout, j'abandonne. Rien ne sert d'essayer de raisonner cette colère – cette folie là. Je n'ai pas envie de rester près de la porte et d'entendre les insultes qu'il vient frapper sur ma nuque. Je n'ai pas envie d'entendre sa violence. Je n'ai pas envie de recevoir sa violence.

Je fais trois pas en arrière, sans cesser de détailler la porte qui hurle.
Peut-être que je devrais partir ?
Peut-être est-ce à mon tour de partir, puisque moi aussi je suis en colère. Tout serait plus simple si je n'entendais plus les lames de sa folie qui me désemparent.

C'est donc ça – je cherchais ce mot, je cherchais cette précision de vocabulaire qui m'échappait jusqu'à maintenant mais, j'ai trouvé.

Je suis inutile.
C'est hilarant ! Je suis absolument et totalement inutile – quelle sensation délicieuse, quelle extase, quelle exquise palpitation de mon cœur qui s'écrase.
Je suis totalement inutile pour contenir la colère de Bermuda – que faudrait-il, des mots ? Mais quels mots ! Je n'en ai plus aucun, on me les vole tout alors je reste debout comme un imbécile devant une porte qui vocifère, puisque je suis inutile !

J'écoute la porte, malgré moi.
Je comprends des choses, malgré moi – des choses qui m'avaient échappé, des histoires d’œufs, de histoire de visage, des histoires d'inquiétudes, et je me dis que je pourrais toujours partir, si je le voulais, mais que je n'en ai pas envie tant que ça.

Pas lorsque, tout ce que je veux, c'est prendre Bermuda dans mes bras.
Je suis un peu cassé lorsque je vais jusqu'au lit pour m'asseoir et, quand mon corps tombe sur le matelas, il était sur le point de se disloquer. Je pose mes coudes sur mes genoux. Je me prends la tête dans les mains.

Je ressasse mon inutilité.
C'est long. C'est très long – c'est long, l'inutilité. L'impuissance, l'incapacité, c'est long, c'est terriblement long, ça s'étale sur deux, trois, vingt morts et cette mort là est déjà tellement éternelle. Il ne crie plus. Je crois qu'il prend une douche. J'entends l'eau du jet fouetter la faïence des murs. Et moi, que puis-je faire ?

Rien.
Je me frotte le visage dans les mains, écrase mes index sur mes paupières qui me piquent et me démange. J'essuie mes traits comme si je voulais y chasser une saleté invisible puis passe mes deux mains en arrière dans mes cheveux.
Mes cheveux sont si courts, je déteste ça. Mes mains se rabattent sur ma nuque où elles s’aplatissent.

Toute ma posture hurle à la défaite.
Je reste un moment comme ça, écrasé sur moi-même à écouter la grêle de la douche. Puis je fais remonter mes mains sur mon crâne, dans mon cou, tape du pied plus de cent-cinquante fois en dix secondes. Je porte mon pouce à mes lèvres, ronge brièvement un coin de l'ongle, me frotte encore le visage.

Rien ne sert à faire partir ni ma fatigue, ni ma tristesse, ni ma colère.
Tout est là en même temps et se superpose ;  je ne sais jamais qui domine, mais je crois que c'est trop lourd pour moi.

Soudain, un cri.

― Sucre ! Sucre c'est terrible. Quelque chose ne va pas !

Je réagis plus vite qu'un coup, bondit sur mes rotules et me précipite vers la porte de la salle de bain. Il n'est plus question de colère, de tristesse et de fatigue.

Je ne suis plus que porté par une inquiétude unique pour Bermuda.

― Bermuda ? Est-ce que tout va bien ?

Ma voix tremble contre le bois, mais très vite il me rejette encore. Il me dit de ne pas rentrer. Il me dit que c'est grave, mais que je ne dois pas venir. J'ai ma main qui est posé sur la poignée, prête à l'enfoncer. Est-ce qu'il a tiré le verrou ? Je ne sais pas si il sait que j'en ai, parfois il est si ignorant, crédule, et attendrissant.

J'ai eu, l'espace de son appel à l'aide, un regain de moi-même.
Un peu moins d'amertume, un peu plus de Sucre. C'est parti aussitôt qu'il m'a rejeté encore.

Je suis retourné, abattu par le silence de la porte, m'asseoir sur le lit. Je suis retourné macérer mon amertume sur le lit ; brasser mon inutilité ; croupir dans ma vanité ; mon insuffisance ; mon pathos poisseux.

Je dégoulinais de noir sur les draps froissés.
Je m'étonnerai presque de ne pas pleurer – mais on ne pleure pas, lorsque l'on n'a plus de courage.

J'entends la poignée de la salle de bain en inox grincer. J'entends la porte grincer, s'entrouvrir et je relève la tête vers cette direction là. J'ai les mains jointes sur mes genoux, comme si je venais de perdre quelque chose de très important.
C'est sûrement ce qui a dû se passer.

Bermuda s'approche de moi, hésitant. Je me lève. Mes mouvements sont très lents et je pense que c'est parce que mes muscles sont froids. Je crois que j'aimerai sourire pour lui, puisqu'il vient de nouveau me voir et qu'il n'a plus de larmes accrochés à ses cils, juste des boursouflures du chagrin, mais j'en suis incapable.

Quand il approche, j'approche à mon tour – mais je suis si lent. Il s'arrête en face de moi, prend ma main et cette fois, il n'arrête pas son geste à mi-chemin. Il n'abandonne pas mes doigts qui ne demandent qu'à tenir les siens.

Il les presse contre son cœur.
J'ai un sursaut qui me fait trembler jusque dans les yeux. C'est une première secousse. Je touche son cœur, je ne suis pas assez concentrer pour en sentir les contractions régulières. Ce que je sens, par contre, c'est la courbe de sa poitrine.
La poitrine de Bermuda.
Je veux le serrer contre moi mais mes muscles sont si froids et engourdis. Il me parle, il me dit des choses que j'avais déjà comprises et auxquelles je n'ai pas envie de penser.

Il me prend dans ses bras.
Je suis si bien, là. C'est comme si il ramassait tous les morceaux de moi que j'ai perdu dans l'appartement et qu'il les replaçait minutieusement dans ma poitrine. J'ai tellement moins mal, et j'ai tellement moins froids. Mes muscles, plus vigoureux, viennent s'enrouler aussitôt autour de lui. Ils ne demandaient que ça – je ne demandais que ça alors je l'enserre de toute mes forces.

Je le serre, serre, serre si fort que ses os comprendront que je ne le lâcherai jamais. J'enfouis mon visage qui ne demande qu'à se réfugier contre son cou. Ses cheveux, longs, sont très doux, et ils sentent très bon.
Je pense que je les aime beaucoup.

Je pourrais rester là pour beaucoup de morts et beaucoup de vie.
Mais Bermuda parle et non, je ne veux pas qu'il parle, je ne veux pas qu'il ressasse ça, je n'ai pas envie qu'il extirpe encore cette terrible souffrance que j'ai ressenti pendant sa folie.

La constatation de mon inutilité.
J'en grimace lorsqu'il commence à parler, à expliquer, puisqu'il y a tant de choses que je voudrais dire. Je voudrais répondre à chaque de ses questions et il ne se rend pas compte, lorsqu'il énumère ses douleurs ainsi, à quel point j'ai envie de tout dire pour le rassurer.

J'ai envie de tout dire et je suis privé de tout.
Je ne peux pas lui dire comme je m'en fiche, de toute ça, comme je m'en suis toujours fichu, comme ce n'était pas important, comme ça ne me dérange pas, comme je m'en moque, comme j'en ris ! Je ne peux pas dire comme je le trouve beau, comme je le trouve désirable, comme je n'ai pas peur pour demain, avec lui, et comme je l'accepte, tout entier.

Non, Bermuda, tais-toi.
Il faut qu'il se taise, puisque enfoui dans son cou, je ne peux pas lui dire comme ça me met en colère lorsqu'il parle de sa véritable nature. Je ne tolère pas sa souffrance.
Je la refuse. Je la rejette. Je l’exècre.
La colère fuse en moi et fait crépiter mes veines. Il faut qu'il se taise, il ne se rend pas compte comme j'ai envie de dire des choses.

Je ne peux pas lui dire que je l'aime.
C'est terrible ! Je ne peux pas lui dire que je l'aime – est-ce que c'est normal ? Je ne peux pas lui dire que tout va bien. Je ne peux pas répondre oui à toutes ses interrogations. Ou plutôt, je pourrais dire tout ce que j'ai envie de dire, mais ça me coûterait tant d'efforts, et je suis si fatigué.
Je suis si fatigué.
Je ne peux pas lui dire que je l'aime.

― Tu veux bien ne pas me lâcher, Bermuda ? Sinon, je crois que je vais détruire quelque chose.

J'ai plus de colère que l'humanité toute entière.

Pourquoi est-ce qu'il ne s'est pas contenté de son étreinte salvatrice.
Je retombe encore, morceaux après morceaux, à force de trébucher sur les mots il ne reste plus rien de moi. C'est à mon tour de me rompre.

C'est à mon tour de m'effondrer.

J'ai un unique sanglot, sans larme.
Un jappement plaintif, crève-cœur, électrisant de souffrance qui s'échappe de mes lèvres parce que je n'arrive pas à les plisser assez fort pour le retenir. Tout mon corps s'arc-boute contre lui et mon étreinte se resserre, désespérée. Je me niche plus fort dans son cou, comme si je cherchais à y enfouir des larmes honteuses.

Sauf qu'aucune larme ne sort. Je suis bien trop fatigué pour ça.
J'ai juste ce sanglot unique, seul, abandonné. Cette manifestation solitaire, la seule suffisamment forte pour se tailler un passage à travers ma poitrine. L'aboutissement de toute ma détresse ; l'effondrement de mon courage.

Des spasmes irréguliers suivent ma reddition. Ils ressemblent à des sanglots mais n'en sont pas, puisqu'ils sont silencieux. Mon corps est juste un gros cœur, une immense cœur qui déborde et qui se contracte en mille endroit différents. Pourtant, rien ne sort – aucune larme, aucun sel, aucune tristesse et évidemment ça ne peux pas marcher comme ça.

Je n'en peux plus.
Ma voix est très aiguë lorsque je jappe près de son oreille :

― J'en peux plus, j'en peux plus, j'en peux plus, j'en peux plus, j'en peux plus...

Je le pleure sans fin et sans larmes.
Je le pleure sans cesse, comme un crachin d'automne. Je pleure à l'infini, comme ma mort, comme mon tribut, et j'ai conscience que mes mots sont déformés par ma malédiction alors j'en pleure davantage, et toujours sans aucune larmes.

Elles se sont perdu dans la dévastation de mon existence.

Je continue d'autres litanies, d'autres appels qui ne réclament que son aide et qui n'ont aucun sens. C'est juste que je n'en peux plus et qu'il faut bien que ça sorte quelque part :

― Pas pitié, pas pitié, pas pitié...
― Supplie, supplie, supplie...
― Plus, plus, plus...
― Pas, pas, pas...
― Possible, possible, possible...

Presque je suis sur le point de céder et de laisser mon esprit formuler cette phrase que je désire tant faire vibrer sur mes lèves : je t'aime.
Mais l'idée de ce qu'il pourrait recevoir me dégoûte tant que j'ai une nouvelle salve de pleurs sans larmes et sans bruits. Sont-ce seulement des pleurs ?

Je finis petit à petit par me calmer, dans ses bras.
Je finis mon effondrement ; mon long, lent, pénible effondrement. Je pense que je pourrais me tenir à genoux mais que c'est bien parce qu'il m'enlace que je suis toujours droit.

Je lui ai demandé de ne pas me lâcher, pour que je n'aille pas détruire le monde. Et s'il l'avait fait, je pense que j'aurai vraiment tout brisé avec mes mains : en commençant par moi. Même s'il ne reste plus grand chose à mettre à terre.
Ma tête chancelle.

Je suis plus calme.
Je respire posément.
Je suis toujours dans son cou.
Tout va bien.

Je renifle, replace correctement mes bras autour de son cou et raffermis ma prise. Je dis :

― Comment tu vas, Bermuda ?

Et je poursuis en replaçant encore mes bras comme pour chercher la meilleure étreinte possible :

― Bermuda, est-ce que tu souffres ? Est-ce que tu souffres ce que qui t'arrive ? Est-ce que tu souffres de comment on t'a fait naître ?

Mais je n'ai plus de colère dans mes mots ; c'est bon, elle est partie, elle s'est enfuie en prenant la main à la folie de Bermuda.
Elles reviendront. Ma voix est grave comme le fond de l'océan.

― Est-ce que tu vas mieux ? Tu veux bien me dire ? Est-ce que tu as compris -

Je dois m'exprimer et ça me bloque, m'angoisse, m'étrangle. Je prends sur moi pour me rhabiller de mes habitudes destructrices.

― Est-ce que tu as compris que je m'en fichais ? Tu es, tu es Bermuda, tu es -

Non, elle va revenir trop tôt.
Je m'écarte de lui, un petit peu. Je dégage mon visage, le présente au luminaire éteint du plafond comme si je redécouvrais la puissance du soleil. J'ai un rire léger qui secoue mes côtes, mais il n'est pas très heureux. Je replace mes bras autour de lui puis enfin, enfin j'abaisse mes yeux dans sa direction.

Je lui fonds dessus.
C'est brutal, intense, passionné. C'est une brûlure, une morsure, un poing d'amour. C'est un baiser, mon baiser, que je viens plaquer sur ses lèvres en le dépouillant de ma tristesse, de ma colère et de ma fatigue.

Je l'embrasse de toute mes forces, avec tout mon amour, avec tout ce que je suis. Je redeviens un peu moi même, et je l'embrasse si fort que je force son dos à se cambrer sous ma puissance. Je happe, je vole, j'arrache avec mon amour chaque petit pli minuscule de ses lèvres.

Mes bras l'enserrent de toutes leur force et j'ai peur que ce soit un peu trop. Mes mains finissent par remonter et passe sur son visage, et caresser ses paupières gonflées, ses joues asséchées par le sel et elles caressent absolument tout.
Puis elles passent dans ses cheveux. Je grogne – ses cheveux sont magnifiques et j'y passe mes mains en exultant le désir.

Je suis vraiment trop violent, je crois.
Mes mains ignorent quel territoire conquérir exactement alors elles se posent partout à la fois, et de toute leur force, comme s'il fallait le marquer définitivement comme le réceptacle de mon amour. Elles serrent ses hanches, ses épaules, sa nuque, ses bras, ses mains, sa taille, remontent dans son cou, s'abaissent sur sa poitrine, passent entre ses cuisses et à chaque caresse sauvage et animale, j'ai un frisson qui manque de me faire basculer la tête en arrière.

Je vais le plaquer contre le mur et je continue de l'embrasser. Je pourrais nous faire traverser le béton avec la simple force de mes baisers. Ses lèvres vont être si rouges, après – je m'en moque, elles seront comme mes yeux, c'est tout.

Je veux qu'il sache comme je l'aime, vu que je ne peux rien dire.
Il est hors de question que des aveux factices franchissent encore mes lèvres ; je ne ferai que plaque ma bouche contre la sienne, à l'infini, et mon bassin contre le sien, et peut importe qu'il soit homme, qu'il soit femme.

Je l'aimerais.

Je finis par m'arrêter.
Je n'ai plus d'air, je halète. J'ai du avoir de la violence amoureuse longtemps, sans interruption, sans jamais froisser le rythme, sans jamais cesser ma passion. J'écarte mon visage, plonge mes yeux sans les siens, embrasse encore ses paupières, ses joues, son menton.

Je me sens mieux, même si j'ai toujours une bosse dans la poitrine.

Je repasse une main dans ses cheveux long et appuie mon front contre le sien. Je respire fort, contre lui, contre ses lèvres. Je suis essoufflé.

― Est-ce que tu es sûr que tu veux les couper ?

Je repasse encore ma main dedans, pour lui montrer à quel point je les aime, à quel point j'aime tout ça et à quel point je l'aime tout entier et dans toutes ses oscillations. Je l'embrasse encore,  trop impatient, sans le laisser répondre.

― Si jamais tu veux vraiment les couper alors, je le ferai. Je le ferai, ça ne me dérange pas, tu sais ? Je suis doué, doué comme toi, je ris un peu en l'embrassant sur le nez.

Je glisse mes deux mains dans sa nuque pour voler un énième baiser puis je dis :

― Je crois que les ciseaux sont dans la cuisine. Il faudra s'habiller, après. Par quoi veux-tu commencer, dehors ? Il y a tellement ! Bermuda, oh, Bermuda. Bermuda. Comment faire ? Comment faire ?

Qu'il m'aide, je n'arrive pas à arrêter de l'embrasser.



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conscience vouée à l'errance
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaMer 29 Avr - 2:25

J'ai trop marché. J'ai trop marché sur le carrelage de ta salle de bain. J'ai trop distillé la fureur. J'ai trop balancé de la colère. J'ai trop incrusté ma douleur. J'ai trop marché. J'ai marché mille fois et à chaque pas j'ai taillé à mon tour trop de distance entre nous. Et quand tu me serres, tu me serres si fort que je sais que mes muscles, mes os, s'en souviendront toujours, je me dis que j'ai trop marché. J'ai parcouru trop de chemin et c'est si étrange comme je me suis laissé perdre. Pour quelques tracas. Trois fois rien. Des soucis. Des angoisses. Qui m'ont tordus trop fort les boyaux. C'est si étrange. Est-ce qu'on rêve ? Est-ce qu'on cauchemarde ? Comment ai-je pu ? Comment ai-je pu en être à ce point submergé que j'ai oublié l'effet de tes étreintes et le son de ta voix. Ton odeur, celle qui s'accroche à ta peau et que je vais chercher sur ton menton et tes lèvres quand j'y passe la pointe de mon nez. J'ai l'impression de me disloquer. De m'effondrer encore. Mais c'est ma bêtise qui écartèle mes os. C'est mon manque de toi, trop silencieux-comment peut-il être si silencieux ?!- qui enfonce des aiguilles dans ma nuque. C'est la façon dont mes mains n'arrivent presque plus comment je dois m'accrocher à toi qui me tues. Entier.


Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Mes muscles tressautent. Tous. Ceux de mes épaules quand tu les serres. Ceux de mes bras qui t'étreignent. Ceux de ma bouche qui s'entrouvre et se referme comme si j'étais un poisson et qu'on replongeait brutalement dans l'eau après y avoir été arraché violemment. Mes genoux tremblent. J'ai insulté le monde. Et toi. J'ai hurlé tant et si bien que chaque mots véhéments ont cloué des stigmates douloureuses sur ma voix et ma gorge. Et toi. J'ai failli cogner les murs. Éclater le miroir. Faire saigner mes phalanges. Et toi. Je crois qu'il y avait trop de douleur et que je ne savais pas que j'en portais tant. Et toi. Je crois que si je ne m'étais pas enfermé dans la salle de bain ce n'est pas les murs que j'aurai assassiné, mais un peu de notre amour. Et toi. Je n'aurai pas pu le supporter.


Et je ne le supporte pas. Pourquoi mes mains peinent-elles tant- je bouge encore maladroitement, sur tes omoplates, ton dos, en bas, en haut-  à t'enlacer alors que les tiennent me soutiennent sans faillir ? Mes doigts se recroquevillent. Ma bouche s'entrouvre encore comme si elle peinait à respirer. Mais je crois que je n'arrive plus à inspirer correctement. Je crois que je n'arrive plus non plus à expirer. Et j'ai des tremblements dans chacun de mes os-chacun de mes os- et des spasmes dans chacun de mes muscles-chacun de mes muscles- et une douleur dans la poitrine. Mon œil est grand ouvert, écarquillé, quand je me rends compte d'une chose. Une chose.


Il y a trop violence dans mes mains.


Il y a trop de violence dans mes doigts. Et je ne le savais pas. Même quand ils s'accrochent à ton dos avec la force du désespoir. Et dans mes ongles aussi puisque la pulpe de mes doigts ressentent encore des traits sur ta chair et des marques. Rouges. Peut-être trop. Il y a trop de violence dans mes paumes quand elles étreignent la peau de ta nuque et que je sais que j'ai déjà voulu la briser. Il y a aussi trop de violence dans mes paumes quand elles abreuvent mes désirs vengeurs. Il y a aussi trop de violence dans mes paumes. Surtout quand elles étreignent cette fois des lames, des milliers de lames et qu'elles se font les instigatrices de trop grandes douleurs. Et ton épaule. Et ton cou. Et ton visage. Il y a trop de violence aussi dans mes phalanges quand elles blanchissent trop fort. Quand elles veulent se perdre pour passer à tabac des corps décors encore et encore. Il y a trop de violence dans mes mains quand elles s'accrochent à mes joues pour tuer-assassiner- mes larmes.


Et alors que je voudrais bien te donner des caresses. Abreuver ton corps de douceurs. De mille tendresses. Que mes doigts palpitent contre la perfection de ta chair. Que mes phalanges veulent saisir les tiennes pour les serrer et les rassurer. Que mes paumes cherchent désespérément à saisir, délicatement ton cœur puisqu'il m'est si précieux. Que vraiment j'ai besoin de te donner mon amour je me rends compte que je suis trop maladroit. Que je ne sais pas, je ne sais plus vraiment, ou si peu. Et pourtant je pourrais blesser les yeux fermer. Faire souffrir. Faire saigner. Arracher. Saisir et trancher. Les yeux fermés. Vraiment. Même avoir toi-surtout avec toi.


Il n'y a pas assez de douceur dans mes mains.


Et c'est la première fois que j'en souffre. Je me demande. Je me demande qui m'a fait naître ainsi. Si je suis né avec plus de colère que d'amour. Si je peux corriger cela. Avec toi ? Si je peux apprendre. Mais même quand j'essaie il me suffit d'un maelström pour chambouler mon corps et mon esprit et mon corps. Je tremble. Je crois que j'ai oublié comment faire. Et c'est terrible. C'est terrible !Je crois que je ne me souviens plus de  ma tendresse puisque quand je la recherche désespérément en moi pour te l'offrir je ne la trouve plus. Et même quand je la trouve elle reste coincée entre mes paumes à plat sur ton dos et mes doigts tendus et froids. Est-ce que c'est possible d'oublier ? Mes doigts ont des soubresauts quand j'essaie de les reposer sur ton dos. Qu'est-ce que je fais ?


Et je me demande encore. Je me demande pourquoi je suis trop habile pour détruire et briser. Je me demande aussi pourquoi. Et je me demande surtout ce que je ferai si, je m'emporte de nouveau et que je t'oublie encore. Alors que je veux si peu t'oublier. Même pour toute la colère. Mais que tu finis par t'en aller. Et les autres. Et les autres ? Je m'en contrefiche. Ils peuvent tous mourir sous mes doigts, mais je mourrai si je traçais sur ta peau plus de mal et de haine que du bien et de l'amour. Mes doigts n'osent plus et ils ont toujours des soubresauts. Je crois que je vais étouffer. Si je ne sais pas. Si je ne sais plus. Est-ce que je devrai te le dire ? Je crois que je sais plus comment te donner. Tout. Et pas moins.  Puisque tu donnes toujours tout. Que tu t'es retrouvé quand moi je me suis perdue.  Puisque tu te raccroches à moi. Que mon dos brûle et geint comme tu le sers avec amour. Que ton visage cherche refuge dans mon cou.


Et c'est quand tu me reparles. Que tu quémandes. Cassé. Brisé ? Pourquoi tu sembles brisé, Sucre ? Que je me rappelle comment te respirer. Et ma bouche avale de l'air, quand je pense que je me rappelle comment faire. Et mes doigts. Et mes mains. Elles se plaquent. Elles s'agrippent. Elles se pressent. Mes jambes se tendent, puisqu'il faut que je te soutienne, et arrêtent de trembler. Je ne fais plus attention, puisque tu as besoin de force et que je sais que je peux t'en donner. Je sais que je peux devenir un pilier-le tien, juste le tien-  et que même si je ne sais plus comment donner de la douceur je sais encore te retenir. Te garder. Et que je n'ai pas oublié que je peux encore t'encager. Que je peux me permettre d'enfoncer mes ongles dans ta peau si c'est toi qui le demande, attraper tes éclats, tous, sans faillir et les retenir avec mes paumes. Puisque je sais faire cela aussi. Je ne sais que faire cela. Ressentir cela aussi. La fureur et la colère. La vraie. Je suis tellement forte pour la laisser m'envahir et tout emporter. Même ce qui est précieux. Surtout ce qui est précieux. Je sais trop accueillir la fureur, l'ouragan. Celui qui fait trembler-est-ce que tu trembles, Sucre ?- quand il n'y plus qu'elle qui fait cogner les tempes et qu'elle menace d'engloutir le cœur et l'esprit tout entier. Et puisque moi je me suis déjà fait engloutir une fois, je peux au moins t'empêcher toi de sombrer.


Est-ce que ce sera suffisant ? Est-ce que je suis assez fort ? Je ne doute pas en vérité que je sois capable d'extirper ta tête de l'eau. En accrochant tes cheveux et en les extirpant de force. Je suis tellement trop brute. Et même mon amour est trop abrupte. Est-ce que cela t’ira quand même ? Parce que moi je suis si peu certaine que cela m'aille. Je voudrais. Mais je ne sais plus. Je te soutiens de tout mon corps. Avec mon cœur aussi. Est-ce que c'est suffisant ? De ne jamais te lâcher ? Même pas par altruisme. Parce que je suis égoïste, si possessif que c'est pour moi que je t'étreins je crois. Pour moi. Parce que je te veux tant dans mes bras. Je te veux tant. Et c'est plus que de l'amour-mais tu ne sais pas à quel point c'est brutal, à quel point il est brutal et corrosif et que je suis persuadé que c'est ta peau qu'il finira par corrompre-, c'est devenu un besoin qui m'incendie les veines et m'assoiffent. Comme l'or m'incendie. Qu'il me brûle. Tu ne sais pas que je suis trop cupide de toi. Je ne sais pas jusqu'où je suis capable de me damner pour toi. Mais je sais que je suis capable de tout t'accorder pour que toi aussi tu aies besoin de moi. Même dans tes insomnies. Et que dans le vide et la solitude tu en viennes à étouffer. À suffoquer. Et si je te jetais à la figure tout mon amour et même ce qu'il y a de plus mauvais encore, resterais-tu ? J'en doute. J'en doute.


Alors je t'étreins plus fort encore. Avec plus de force-j'en ai trop, je voudrais en avoir moins et avoir plus de chaleur et de douceur dans les mains- puisque je ne sais pas être moins extrême et exclusif. Tant pis. Tant pis. Si je suis trop mauvais, trop violent, trop maladroit, trop trop. Tant pis. Je ne sais pas pourquoi que je suis né comme cela et après tout personne ne saurait dire pourquoi. J'existe. Et j'aime. Toi. Entièrement. Et tant pis. Je crois que je vais te dévaster. Que j'en serai meurtri. Que toi aussi tu vas le faire. Tu vas me dévaster. Et je vais encore hurler. Je vais encore t'étreindre comme s'il ne me restait plus qu'une minute d'existence. Et je vais t'user. Je vais t'user comme tu vas m'user. Et c'est si mauvais comme amour, mais je ne suis pas capable de moins. Je suis pire. Pire que tout ce que tu peux imaginer. Et tant pis si tu as mal à m'en faire mal. Tant pis. Je t'ai. Je te garde. Tu veux que je te tienne ? Tu ne devrais pas me demander que je le fasse. Un jour viendra où tu me demanderas et quand tu le feras. Quand tu le feras je t'étreindrai encore jusqu'à t'étouffer. Briser tes os. Je te mordrai. Te ferai saigner. T'écorcherai pour que tu restes toujours. Toujours. Tu ne sais vraiment pas. Même quand ma main remonte pour caresser ta nuque. Tu ne le sais pas encore. Mais un jour viendra où tu vas pleurer et regretter. Et je ne serai alors même pas capable d'être désolé. De soulager ta peine et de m'effacer. Jamais. Tu vas pleurer. Et je vais pleurer d'arracher à tes yeux à tes larmes.


Soudain. Une plainte. Qui me déchire entier. Je vacille. Je vacille plus fort. Je crois que tu pleures. Pourquoi tu pleures ? Pourquoi tu trembles ? Je sais que tu pleures. Même si je ne vois pas tes larmes et que je ne les sens pas se déverser dans mon cou. Je le sais. Je ressens chaque tremblement, jusque dans ma moelle. Et je ploie. Je ploie puisque tu m'étreins plus et que ton corps bascule en avant, sans jamais, jamais desserrer une seule fois ton étreinte. Je ne me sens pas assez forte finalement. Pourquoi tu pleures, Sucre ? Je devrais le demander, mais j'ai trop d'appréhension dans la gorge. Je ne m'inquiète jamais assez pour les autres, même pas pour moi et je me rends compte que je ne sais pas. Comment le formuler ? Serais-je assez forte pour saisir tes angoisses et les soutenir ? Je ne suis pas certaine de l'être suffisamment. Je veux bien prendre ta colère, mais ta tristesse je ne sais pas le faire. (Je peine déjà à la reconnaître moi-même.) Je crois que j'aurai peur de le faire. Je crois que je suis trop faible. Je crois que je vais te lâcher.  Je crois que je vais te lâcher et que tu vas tomber. Avant que moi je ne tombe. Je ne veux pas tomber. Pourquoi me fais-tu ployer ? Et même le silence, celui qui m'étrangle et qui vient de toi, je ne sais pas quoi faire. Faut-il que je le brise ? Que je le prolonge ? Est-ce que tu pleures Sucre ? Est-ce que tu as de la peine ? Est-ce qu'il faut que je te demande ? Si je disais « Comment tu vas, Sucre » est-ce que cela t'aiderais ? Pourquoi tu vas mal Sucre ?


Tu vas mal Sucre. Et cette certitude me foudroie. Je cligne plusieurs fois de l’œil. Hébété. Tu ne vas pas bien Sucre. Tu ne vas pas bien puisque tu pleures. Puisque tu ne souris pas. Depuis quand tu ne souris pas Sucre ? Et tous les spasmes douloureux de ton épiderme arrachent la mienne. Me font trembler aussi. Est-ce que tu es triste ? Est-ce tu as trop de colère ? Je crois je préférais ta fureur.  Je vacille. Je ne suis plus certaine. Il y avait tellement de violence en moi, où l'as-tu donc fait partir, Sucre ? La sollicitude ne me sied pas. Et tu ne peux pas m'arracher ma fureur et extirper ma fureur ainsi. Tu ne peux pas. Pourquoi est-ce que tu trembles, Sucre ? Est-ce que tu as peur ? Me diras-tu ? Et le silence. Ce fichu silence. Je ne vais pas tenir. Je vais tout lâcher. T'abandonner. Si tu continues.


Et c'est quand je suis certain que je vais le faire que je me rappelle. Je ne peux pas.  Jamais. Parce que je ne veux pas le faire. Je ne veux pas le faire. Même si je suis trop faible. Pour nous soutenir nous, toi et moi. Comment je vais faire ? Je ne sais pas. Et c'est certain, je vais finir par lâcher si tu sanglotes encore. Si tu me dis ce qui te fais tant souffrir. Je vais te lâcher pour plaquer mes paumes contre mes oreilles. Fermer mes yeux. Devenir muet. Je suis trop faible et lâche. J'ai trop peu de douceur. Et la violence. Elle va ressurgir et te griffer. Tu ne devrais pas. Ne fais pas.


Mais ta bouche le fait. Elle le fait. Elle continue. Elle sanglotes ou elle crie Elle craque. Elle répète. À l'infini. Que tu n'en peux plus. Et je crois que c'est de moi. Que c'est de moi que tu n'en peux plus. Et même si quelque chose se fissure dans ma poitrine je retrouve encore ce qu'il y a de plus mauvais dans mon amour et il ressurgit. Alors je ressers mon étreinte. Et tant pis pour tes os à toi. Tu fais déjà tant craquer les miens. Quand bien même tu en hurlerai. Quand bien je serai le responsable de ton mal être et de tes pleurs je ne te lâcherai pas. Et tant pis si c'est de moi que tu n'en peux plus. Oh. Tu peux le répéter. Mon esprit lui continue d'accrocher des tant pis à tes mots. Tu l'as cherché. Et même si tu ne l'as pas cherché je n'en ai cure. Je ne te lâcherai jamais.


Je ferme mon iris et même quand je crois que j'ai un peu la gorge nouée quand je le fais, à aucun instant je ne songe à te laisser. Tu es mien et tu ne sais pas. Même si tu n'en peux plus je ne te libérerai jamais, puisque je crois que mon amour a trop besoin de t'entraver pour être certain. Tu peux sangloter. Mes jambes, elles ont retrouvé de la force. Je ne ploie plus. Je ne suis même plus certain de te soutenir, puisque je dois  te sceller à moi. Et combien même ce ne serait pas de moi que tu n'en peux plus, je ne te lâcherai pas. Et puis, je préfère ne pas y songer, parce que je ne le supporterai pas. Puisque je suis si mauvais et exclusif et cupide qu'il ne peut en être autrement. Je dois être ton pire tourment. Il faut que tu pleures pour moi, à cause de moi. Uniquement. Il faut que tu trembles pour moi et à cause de moi. Il faut que tu sois en colère pour moi et à cause de moi. Grâce à moi aussi. Surtout. Tant pis si cela nous fait mal à tous les deux. Je crois que la douleur que je ressentirais si je venais à apprendre que tu n'aimes et ne déteste pas que moi et uniquement moi me ferait mourir. Disparaître. Pour toujours. Puisqu'il me semble que je l'ai déjà dit, mais je crois, je suis certaine même que je n'ai pas de plus belle raison d'exister que pour inspirer ton air. Elle est belle et terrible. Un peu comme mon amour. Tant pis si tu suffoques. Si tu as mal. Si moi aussi. C'est tout ce que j'ai à offrir et pas moins. Et c'est tout ce que je sais dire. Tant pis. Et tu ne sais pas ce que je ferai si un jour je découvrais que je ne suis pas l'unique. Ce dont je suis capable. Tu te dois de m'avoir tellement dans la peau que tu finisses un jour par ne plus le supporter. Me sais-tu si terrible, Sucre ? J'en doute. J'en doute.


Même quand tu supplies. Que ta respiration me crève, comme elle s'essouffle, se bloque dans ta poitrine. Que toutes les secousses de ton corps me font crever aussi. Que ton visage que j'imagine rouge et désespéré me crève. Je ne desserre mon étreinte. Tant et si fort que je crois que j'ai de nouveau lacéré ton dos. J'ai gardé le silence aussi. J'ai gardé ma mâchoire close, alors que j'ai tant de mots. J'ai toujours de jolis mots dans sur les lèvres et même des sourires aussi. Mais il n'y a pas de place pour des sourires sur ma bouche, quand tu vas mal. Il n'y a pas non plus de jolis mots. Qu'est-ce qu'il y a de joli dans « Tu peux pleurer. Tu peux geindre. Tu peux souffrir. Tu peux. Je te tiens. Je te tiendrai toujours » ? Rien. Vraiment rien. Parce que je n'ai pas la place pour dire « ça ira Sucre. » Parce que je n'ai pas assez de mensonge pour le dire. L'affirmer. Puisque c'est certain. Tout va mal aller Sucre. Tout va mal aller Sucre. Parce que tu  m'aimes. Que moi je t'aimes Alors je ramène de nouveau une main sur ta nuque pour la caresser. Et tes cheveux aussi. Et tes omoplates. Je ne peux rien faire d'autre qu'attendre que cela passe. Que tes nouveaux sanglots, qui font secouer de nouveau tes épaules passent. Jusqu'à la prochaine. Et là encore je serai là. À t'assurer que tout ne peut qu'aller mal à la fin. Puisque j'ai toujours trop de violence et que je ne fais que te les distiller, sur ta peau, en même temps que mon amour.


Je t'ai retenu longtemps. Très longtemps. J'ai caressé ta peau et j'ai souvent fait trop craquer mes articulations tant je mettais de force dans mon étreinte. Et même quand je te caressais je me disais que toutes ces caresses n'étaient pas suffisamment tendres, puisqu'il m'en restait accroché sur les doigts et que je ne pouvais pas sertir correctement ta peau. Et je ne le faisais même pas dans le but de te rassurer, mais pour faire passer le mauvais moment et la tristesse.  Jusqu'à la prochaine. Je me sens un peu hypocrite. Je me sens un peu mauvais. Un peu mal. Mais pas désolé. Jamais.


Et tu as finis par te calmer. Par ne plus trembler. Ou si peu. Tu as fini par respirer. Mieux. Bien mieux. Et moi aussi sans doute. Je me suis calmé. J'ai arrêté de trembler. J'ai arrêté de mal respirer. Tu as desserré ton étreinte. J'ai desserré la mienne. Je me suis rendu compte que j'avais des crampes dans mes bras. Des fourmillements dans mes jambes et le bout de mes doigts (encore cette fameuse tendresse). Mais je ne me suis pas détaché. Tu ne l'as pas fait non plus. Même si tu n'es plus caché dans mon cou. Même si tu n'as plus les épaules courbées et mal, si mal. Je n'ai pas bougé, parce que j'ai toujours peur, maintenant que tu renifles de voir tes larmes, si elles ont bien coulé. Puisque je voudrais les tuer. Avec mes doigts. Pour leur faire payer. Pour les punir d'avoir osé imposer de tel tremblement à ton corps. Je les tuerai comme je crois que je pourrai tuer ta tristesse. Comme je pourrai tuer tes ennemis qui n'ont même pas le droit de te blesser. Je suis le seul à pouvoir et c'est déjà presque au-delà de ce que je peux supporter.


Et alors que c'est toi qui vas-allais ?- mal tu me demandes si moi je vais bien. Je cligne une fois. Deux fois. Je retiens un soupire. Attendri. Vaincu. Que puis-je faire quand toi tu ne fais que t'inquiéter pour moi. Que je ne suis même pas capable de le faire. Je ne suis pas capable de le demander. De te le demander. Parce que je ne sais pas encore quoi faire de ta tristesse. Est-ce que c'est suffisant pour toi ? Est-ce que le silence et une étreinte suffisent à chasser ta peine ? C'est ce que moi je voudrais te demander. Ou il faudrait que je te dise que moi je vais bien. Je vais tellement bien que je ne tremble plus. Que je n'ai plus de force dans mes bras, mais que j'ai aussi des blessures ou des caresses dans mes mains et que je ne sais toujours pas ce que je vais finir par te donner. Ou alors je vais mal. Je ne sais pas trop. Est-ce que tu le sais ? Je hausse les épaules. Je crois que je vais bien et que j'ai été à peine amoché par ta peine. À peine. Trop profondément, mais à peine. Comment tu vas, Sucre ? Est-ce que c'est si difficile à dire ?


Cependant je n'ai pas le temps de te répondre que tu m'assènes encore une nouvelle blessure. Au corps. À l'esprit. Au cœur. Tu poses une question. Trois. Semblables. Tu parles de souffrance. Je fronce les sourcils. Je plisse la bouche. Est-ce que je souffre ? Est-ce que tu saurais le dire, pour moi ? Est-ce que je suis prête à dire que je souffre ? J'en doute. J'en doute tellement. Je vais bien. Il faut que je te le dise que je vais bien. Et d'ailleurs quelques rires viennent secouer ma bouche. Des rires cassés. Des rires déformés. Je ne vais pas. Je ne vais pas. Tout simplement. Tout cloche en moi. Mais j'ai déjà trop éclaté pour le dire. J'ai déjà trop cassé ma voix et mes dents. J'ai encore des douleurs dans la gorge quand je m'apprête à formuler une phrase négative. Est-ce que je souffre ? Est-ce que souffre de ma naissance ? Il n'y a rien de plus faux. Je vais bien. Je tiens sur mes jambes. Ne vois-tu pas ? Et c'est toi qui allait mal. Tu allais si mal. À vrai dire. Tu vas sans doute encore mal. Mais je ne comprends pas, Sucre. Faut-il que tu sois meilleur que moi ? Moi qui réussi à t'oublier complètement quand je vais mal, alors que je tellement d'amour pour toi ! Est-ce que ton amour est plus beau que le mien ? Moins mauvais ? Alors que cela ne me dérangerait pas que tu sois mauvais avec moi. Je le suis déjà tant avec toi.


Je vais si bien. Je vais tellement bien. Et je suis toujours fière d'être un vagabond. Ne te l'ai-je pas dis ? J'ai de nouveau des rires déformés dans mon ventre. Je ne vais pas mal, même quand il faut que j'en vienne à subir mon corps. Et ma fièvre. Celle qui ronge. Et mes phalanges craquent encore. Alors que j'ai déjà éclaté tant. Faut-il que je sois si enclin à armer mes poings pour mieux blesser ? Et si j'ouvrai la bouche c'est toi que j'écorcherai. C'est toi. Alors qu'on s'inquiète si peu pour moi ! Jamais. Tu es le seul. Et je ne veux que t'inquiéter toi, puisque la sollicitude des autres je m'en contrefiche. Si tu savais. Mais je vais si bien. Je le jure. Je vais si bien que je ne suis pas capable de répondre. C'est moi qui n'en peux plus, mais cela, tu ne dois pas le savoir. Tu le sais déjà trop.


Même quand tu insistes et que tu veux tant le savoir je reste silencieux. Il faut que je maintienne ma bouche fermée parce que je sens qu'il y a encore des mots que je pourrai regretter.  Je suis si fatigué de hurler. D'être furieux. Contre moi-même. Cela me ressemble si peu. Trop peu. Et j'ai la voix trop déformée. Je secoue la tête. Je me sens très lasse. Comme si tu avais drainé mes forces avec ta peine. J'ai tout sacrifier dans cette étreinte. Mon courage. Ma lâcheté. Ma force. Mes faiblesses. Mon énergie. Ma fatigue elle-même. Il ne me reste plus rien. Sauf ma violence. Mon affection. Ma tendresse. Toujours à se perdre dans mes doigts. Dans ma bouche. Je ne sais plus. Je ne sais plus comment la donner et elle me démange tant. Il y a un peu de désespoir dans cet aveu.


Et puis, finalement tu me demandes si j'ai compris ? Je crois que je ne comprends rien depuis le début du petit jour. Quand je croyais qu'on s'aimait et que tout allait bien, la seconde d'après je pensais que tu me rejetais et que tout allait très mal. Alors je secoue la tête. Lasse. Vraiment. Qu'est-ce qu'il y a à comprendre quand tu ne me regardes même pas. Quand tu ne souris pas. C'est à  cela que l'enfer devrait ressembler. À ton visage qui ne sait plus sourire. À tes yeux qui ne savent plus me voir. À mes mains qui ne savent plus comment t'aimer. À ton corps voûte. Et le mien qui peine à te soute-


Mais soudain. J'oublie. Tout. Tu me regardes. Est-ce que tu me regardes vraiment ? Mes épaules se relâchent. Brutalement. Je ne vais plus tenir. Je ne savais pas que j'étais si tendu. Est-ce que le savais toi ? Parce qu'une vague de soulagement m'envahit. Et m'apaise. Et elle vient de tes yeux. Tes si jolis yeux. Est-ce j'ai déjà dit comme j'aime tes yeux ? Surtout quand il y a de l'amour dedans. Il y a de l'amour. Et je peux le voir. Je peux le voir, puisqu'il me cloue sur place. Il me foudroie de nouveau. Et quand tu me regardes ainsi je crois que je peux dire sans rougir que je retombe encore une fois amoureuse. Je le sais. Mon cœur à flanché. Vacillé. Raté trop de battement. Et c'est à cela que ressemble mon amour. Je me rappelle. Comme je me rappelle instantanément de ma tendresse. Je me souviens comment il faut que je te la donne. Et. Pour me faire écho tu retrouves ma bouche.


Et tu m'embrasses. Avec toute ce que j'ai laissé sur ta peau quand je t'étreignais. Il y a d'autres passions sur ta langue, mais je ne les reconnais pas. Je reconnais ta Passion. Et je l'accueille et l'accepte. Parce que je sais de nouveau t'étreindre. Je brûle. Entièrement. Mais comme puis-je ne pas brûler alors que tu m'embrasses comme si la fin de l'éternité était proche. Imminente. Et qu'il fallait que tu me donne tout, dans la seconde, la minute. Je ne sais plus. Depuis combien de temps ne nous sommes-nous pas embrassé ainsi ? Trop longtemps en vérité et il devrait durer au moins le double du temps que l'on a perdu à aller mal. Aller trop mal pour s'embrasser. C'est à ne rien y comprendre alors que sur ma langue il y a tant d'amour et sur tes lèvres aussi. Je ne sais pas bien où se trouve mes mains. Puisque je ne sens que les tiennes. Sur mon dos. Et tant pis si mes reins se cambrent trop pour attraper tes lèvres. Ou alors c'est toi qui me presses trop ? Quelle importance ?


Je pensais qu'il ne me restait plus que de la violence. Et je crois qu'il m'en reste vraiment. Mais que c'est mélangé à de l'adoration, de l'amour, du soulagement, de la tendresse. Tout en même temps. Alors moi aussi je t'embrasse comme s'il ne nous restait que quelques heures (et le plus beau c'est qu'il nous reste encore l'éternité après cela) à consumer. Mes mains s'accrochent encore à ton t-shirt et glissent sur ta nuque. Sur tes cheveux courts. Encore. Je retourne dans ton dos et cette fois je te caresse. Avec tout ce qu'il me reste de douceur sur tes omoplates. Et je crois que j'en ai encore. Mais je n'ai plus de fourmillement maladroit. Et même s'ils étaient maladroits, mes doigts, je ne peux plus ne plus le laisser te caresser. Même si j'ai si peur que parfois la violence de mes mains se confondent avec mes douceurs. Puisque mon amour n'est pas patient. Qu'il m'en faut peu pour confondre amour et rage, c'est parce que c'est trop intense. Que les deux me brûlent les doigts. Et maintenant que je me souviens comment faire il faut que je le fasse. Frénétiquement. Entièrement. Je crois que je suis vraiment trop violent.


Tes mains fouillent mon visage. S'accrochent sur mes pommettes. C'est comme si tu mettais un peu d'onguent sur mes joues qui ont trop reçu les griffures des mes doigts qui tentaient te tuer ma tristesse à même mes yeux. J'ai des soupires d'aises sur ma bouche. Et c'est pour toi que je souffle. Que je soupire. Que je m'extasie. Je respire mieux, alors qu'il y a encore trop peu de temps je luttais pour respirer. Quand elles remontent dans mes cheveux, je me surprends à les aimer un peu. Juste un peu, parce qu'ils m'ont causé du chagrin. Trop. À pousser comme cela. À masquer mes traits. Mais je peux leur pardonner un peu. Puisque tes mains s'y sont perdues. Juste un peu.


Et puis ce n'est plus mon visage que tu t'acharnes à conquérir. Envahir. Bousculer. Toucher. Tout en même temps je crois. Tu déposes un peu d'onguent, un peu de magie, un peu d'amour, partout. Sur mes hanches trop qui ont manqué tes doigts un peu plus tôt et que je pardonne un peu, maintenant. Mes épaules trop tremblantes et faibles, comme mes bras qui ne savent tellement pas comment te soutenir. Et mes mains. Trop violentes. Comment peux-u les serrer si fort. Comment peux-tu alors qu'elles ont t'en fait. Qu'elles ont tant accroché. Qu'elles ont manqué mille fois de te blesser. Je frissonne. Même mes mains je pourrai leur pardonner. Un peu. Juste un peu. Et ma taille, trop fine, trop différente, que je pardonne, juste un peu. Et mon cou, qui s'est trop baissé, qui n'a pas su me faire accrocher tes yeux avant, mais qui a reçu tant de ta peine, je pardonne, encore. Et ma poitrine. Elle aussi. Elle aussi. Même si elle ne devrait pas me faire trembler comme elle le fait. Elle ne devrait pas, puisqu'elle protège déjà mon cœur. Je lui pardonne. Un peu. Pour cette fois. Pareille pour mes cuisses. Et le reste de mes jambes. Tout le reste. Je pardonne un peu. Parce que c'est toi. Que tu aimes toujours me caresser. Et que m'embrasser. Et je n'aurai pas pu supporter que tu me rejettes. Vraiment pas. Et alors que j'étais dans l'incertitude, je n'ai plus aucun doute maintenant. Alors je peux affirmer que tout va bien. À présent. Et que le paradis devrait ressembler à cela.


On se retrouve contre le mur.  Est-ce que tu nous as fait reculer ? Je ne sais plus très bien. Tout ce que je sais c'est que mon dos et appuyé sur le mur. Que ton corps est contre le mien. Comme ta bouche est contre la mienne. Et il me semble aussi que j'ai encore quelques rancœur, principalement contre cette bouche qui a bien failli hurler encore. Crier. Alors qu'il faut beaucoup de silence pour dire des mots d'amour.  Et je crois bien que je lui pardonne tout et plus encore puisqu'elle est encore capable de t'embrasser si fort. De sertir ton visage entier de ce qu'il y a de meilleur dans mon amour. Et je me rappelle, soudain, que s'il y a du mauvais dans quelque chose il y aussi forcément du meilleur. Et j'avais fini par oublier que j'avais tant de meilleur à offrir (et c'est maladroit, mais je ne peux pas le formuler autrement). Et je ne sais pas combien ce baiser de la fin de l'éternité à duré, mais je ne serai même pas surpris alors, si j'apprenais que nous venions de voler des bouts de cet éternel pour l'incruster un peu sur nos deux bouches. Et c'était si beau. Si intense. Si beau, vraiment. Si délicat. Si tendre. Si beau. Si apaisant. Si beau. Et merveilleux.-Merveilleux, parce qu'il y a trop longtemps que nos lèvres se sont ainsi donné. Que je crois que j'ai un peu tout pardonné. À mon corps et les errances de ma naissance. Je ne suis plus qu'un souffle. Je ne suis plus qu'un frisson. Je ne suis plus rien. Et pourtant je me sens de nouveau entière. J'ai retrouvé un peu de Bermuda en toi. Et en moi. Grâce à toi.


Tu me caresses de nouveau  les cheveux. Ton front contre le mien. Tu es si près ! Si près de moi que je me demande encore nous avions pu passer tant de temps ainsi éloigner. On passe tellement de temps sur la peau de l'autre ! Je ne comprends pas. Vraiment pas. De quoi avais-je eu si peur ? Et toi. De quoi avais-tu si peur ? Mais tu ne me le diras pas. Tu préfères parler de mes cheveux, quand je cligne encore de l’œil et que j'ai trop de souffle dans la bouche que j'expire contre la tienne. Je ne suis plus très certaine de ce que je vais faire. À leur propos. Et tu m'embrasses encore pour que je perde encore le fil.


Je plaque mes mains contre le mur. Je ne suis toujours pas certaine de pouvoir en contrôler les violences et les égarements. Surtout les égarements. Parce qu'il te reste des choses à me dire. Et moi à demander. Même si je ne suis pas certaine de savoir comment amener les choses. Tu me dis que tu es doué-comme moi, et il doit y avoir un peu d'ironie dedans- quand tu me le dis, mais je hoche la tête. Fronce le nez quand tu viens l'embrasser, alors qu'il est encore un peu douloureux de l'avant-veille. Je ne suis pas encore certaine de ce que je vais dire. Il faut que je trouve les bons mots pour le dire. Les bons gestes pour le faire.  


Des nouvelles questions franchissent tes lèvres et moi je m'y accroche. Puisque juste avant tu m'as embrassé. Tu reparles de notre sortie, mais à cet instant je suis à mille lieu d'elle. Mille. Et pourtant j'avais beaucoup d'impatience. Et j'en ai toujours beaucoup. Cependant, je sais qu'il y a quelque chose d'important à faire. Et dire. Tu m'embrasses encore, une autre fois. Une autre fois encore. Alors que tu m'embrasses, je me dis que toi aussi tu penses qu'il y a plus important à faire. Mettre au clair. Je me dis que je pourrai te laisser m'embrasser  encore et encore. Ce serait si facile. Je dépose un doigt sur ta bouche pour la séparer de la mienne. Pour m'empêcher de l'embrasser encore moi-même. J'ai quelque chose à dire et il faut que j'embrasse tes yeux rouges et les cernes sous tes yeux pour commencer.


Je me glisse hors de tes bras et j'attrape ta main. Pour que tu me suives. Que tu ne doutes pas. Que tu saches que je ne te laisse pas. Je suis toujours silencieuse. Et quand j'y pense, je me dis que je le suis depuis longtemps. Depuis trop longtemps peut-être. Mais tout ce que j'ai à dire n'en aura sans doute que plus de force. Je m'installe au beau milieu du lit, sur mes genoux et je tends une main vers toi, pour que tu viennes me rejoindre toi aussi. Mes phalanges s'agitent. Sursautes sur les tiennes. Mais ce que j'ai à dire est d'une violence inouïe. Même pour moi. Surtout pour moi. Comme je sens mes jambes trembler aussi, alors que je suis sur mes genoux, je finis par les relâcher et m’asseoir sur le lit. Les genoux de chaque côté de ton corps, à plat. Je déglutie un peu. Je suis peu courageuse. Et encore moins courageux. Et vraiment.  Ce sera violent. Sans doute. Pour toi. Surtout pour moi.

J'attrape ta paume. Tes doigts. Et je les dépose, après une inspiration, sur mon œil mort. J'ai tressaillis. Entièrement. J'y ai plaqué tes doigts pour tu ne les retire pas. Pour que je ne les chasse pas non plus. Tu sais sans doute ce qui m'en coûte. Moi-même je n'y dépose jamais les mains. Les doigts. Personne ne la jamais fait. Depuis. Depuis. Mais je sais que si c'est toi alors, tu pourras y laisser te lèvres. Tout guérir. Puisque tu me fais tout pardonner. Tout. C'est si facile pour toi. Si difficile pour moi. Mais je veux le faire. J'en ai tellement besoin. Que tu puisses me toucher partout. Je ne veux plus te repousser. Et tant pis si tu laisses des marques trop brûlante sur ces cicatrices, qui me font tellement de mal, encore. Et la douleur. Peut-être que j'en aurai moins peur. Je dis :

- Tu peux toucher. Ici. Si c'est toi. Tu peux.

Ma voix est encore rauque d'avoir tant crié. Et même un peu cassé. Mais je crois que je suis toujours un peu cassé. Il y a encore beaucoup de violence dans mes mots. Dans mes gestes. Mais tu ne peux pas savoir. Tu ne peux pas parce que je susurre trop bas pour masquer tous les tremblements et le manque de courage. Pour illustrer mes mots je relâche tes doigts un peu et je ferme les yeux. J'inspire. Je n'ai pas peur. Puisque ce sont tes doigts qui me touchent. Et je suis si fatigué de te repousser. De me rendre inaccessible. J'ai aussi d'autres demandes. D'autres mots. Aussi violents. Et je pèse mes mots. Je ne me savais pas si violente.  Vraiment. J'attends un peu. Quelques secondes.


J'attrape tes doigts et je les embrasse. Ce qui vient de se passé est terrible. Terrible. Mais j'en suis heureuse. Soulagé aussi. Qu'il faut que je te le dise en marquant tes phalanges de mes lèvres. La paume. Le poignet. Je crois que j'aime vraiment embrasser ta main. Qui sait tant m'offrir. Et me donner. Qui ont aussi beaucoup de tendresse à donner. Je le sais. J'embrasse même la peau entre tes doigts. Et le dos. Tout. Avant de le poser encore sur mon corps. Et mes phalanges qui tressautent encore. C'est si compliqué.

– Je voudrais te toucher aussi. Pas comme hier. Pas comme avant-hier. Presque. Je veux te toucher doucement. Avec douceur. Avec mes doigts. Avec ma bouche aussi. Pas mes ongles. Pas mes dents. Tu comprends ?

Il faut que je te touche doucement. Et c'est effrayant.  C'est effrayant parce que je t'ai toujours touché avec trop d'empressement. Et c'est violent aussi, comme demande, tu ne peux pas savoir, tu ne peux pas savoir comme c'est si contraire à ce que je fais habituellement. Et c'est dans cette différence, dans ce besoin nouveau qu'il y a le plus de violence. Puisqu'il y a trop de violence dans mes doigts.

Je veux te toucher doucement. Pour tout découvrir. Tout connaître. D'accord ? Je demande puisque j'attends vraiment ton approbation, avant de le faire. J'ai les doigts qui tremblent, mais je sais aussi que c'est parce que je veux te toucher. Chaque centimètre de ta peau. Sans jamais rien blesser. Je veux tellement te caresser. Je veux tellement. Je presse ta main plus encore contre moi. Et jamais, jamais je ne baisse les yeux. - Toi aussi. Toi aussi tu peux me toucher. Tu veux bien ? Je rajoute. Alors que j'ai si peu confiance. Que mon corps est si différent. - Je veux tout donner. Tout. Mais tu dois tout me donner aussi. De ta peau. De ce qu'il y a de plus beau dans tes caresses. Et les miennes. Et je me sens un peu bête de le préciser. Tu me caresses toujours comme si j'étais la plus précieuse et la plus délicate, la plus belle que tu n'ai jamais caressé. Et cela me fait tellement palpiter le cœur que c'est ce que je veux t'offrir à mon tour. - Tu es mon plus beau trésor Sucre. Et je veux tellement que tu le comprennes, comme je le comprends seulement maintenant. Alors que c'est moi qui l'ai dit le premier. Le front pris par la fièvre. Mais aujourd’hui je vais mieux. Je n'ai plus de fièvre et je sais ce que je dis.

Je tends les bras vers ton visage et je le caresse. Je le caresse. De la racine de tes cheveux à ton menton. Je retrace tous les contours. Tout tes traits. Tes yeux. Tes paupières délicates. Tes cernes. Ton nez. Les ridules que j'aime tant sur le coin de tes yeux. Le nez. De l'arête délicate jusqu'au bout que j'aime aussi embrasser. Tes pommettes. Tes joues. Ta barbe. Ton menton. Celui que j'aime tant embrasser. Tes lèvres. Mais je pense que tu sais comme j'aime les embrasser.  J'y passe encore un peu de temps et je passe dans ton cou et caressant des mes index la lobe de tes oreilles. Et je dis :


- Comme cela. Tu vois ? Et tu me diras ? Tu me diras où tu préfères que je te caresse. Moi je te dirai. Je te dirai tout. Je te donnerai tout.


Et vraiment. Il y a trop de violence dans ce que je dis. Je ne suis pas certaine moi-même de pouvoir tout entendre et de pouvoir tout dire. Mais je le veux tellement. J'ai tellement frissonné en te caressant le visage.


- Je vais enlever ton haut. Pour caresser ton torse ? Est-ce que c'est d'accord ? Et toi tu enlèveras le mien? Quand tu le voudras. Et moi quand je le voudrais.


Puisque je vais tout te donner. De mon corps à mon cœur. Entièrement. Comme je t'ai toujours tout donner. Ou presque. Et c'est ce presque que je veux donner. Pas un seul instant je ne doute. Et je dis :


- Vraiment tout, Sucre. Est-ce que tu veux bien ? Je saisie ta main pour l'embrasser encore. Une fois. Deux fois. Les lèvres plissées. Et je la pose de nouveau contre mon œil éteins. Sans plus trembler puisque cette fois, je suis plus déterminé. Je relâche tes doigts et je dis, les joues rouges d'avoir trop demandé. D'avoir demandé des choses dont je n'ai tellement pas l'habitude de recevoir et d'offrir. Vraiment. J'entrouvre encore la bouche et cette fois c'est pour dire :

- S'il te plaît, Sucre.

Je dépose mes mains sur le lit et j'attends. Puisque je n'ai plus rien d'autre à dire de violent. Je n'ai plus de mots. Et ils m'ont tous écorché la bouche. La gorge. Encore. Pas de la même manière. Parce qu'ils étaient tellement dénué de tout. D'égoïsme. De brutalité. De douceur. De force. C'est au-delà de tout cela. Je n'ai jamais crié. J'ai toujours susurré. Et je crois vraiment que c'est dans le silence qu'on dit les plus belles choses. Et que l'amour se transmet mieux du bout des lèvres. Et je parle de l'amour tendre, de cette chose qui me vrille le cœur entièrement depuis que je suis venue dans ta maison. Que tu m'as appris à ressentir et à vouloir offrir. Et vraiment. Je crois que ce sont les choses les plus violentes que je n'ai jamais dit. Et que je m’apprête à faire.  Mais qu'y puis-je ? Je crois que c'est comme cela que je t'aime et que je n'ai plus de demies-mesures. C'est moi entier que je te propose et toi tout entier que je quémande. Rien de moins. Je n'ai vraiment rien de moins à t'offrir.
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coeur souillé de noirceur
Sucre
Sucre
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Féminin

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DATE D'INSCRIPTION ▲ : 09/01/2015
AVATAR ▲ : France ▬ Hetalia
DIT ▲ : chevalier.
ANECDOTE ▲ : son tribut est qu'il est condamné à ne plus jamais dire la vérité. il est accessoirement confiseur et claustrophobe.
FICHE RS ▲ : crache ton miel •

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MessageSujet: Re: Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.]
Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaVen 1 Mai - 3:11

Arrivera un jour où je ne parlerai plus.
Je n'aurai jamais cru que je serai mutilé à ce point. Malgré le vol et la séquestration de mes souvenirs, et malgré le sceau mensonger apposé sur ma langue dès les premières inspirations de ma seconde vie (il n'y en aura pas de troisième), j'ai toujours su que j'aimais beaucoup les mots.
Je les aimais écrits, griffonnés sur un papier froissé par les sursauts d'un poignet douloureux ; je les aimais parlés, coupants, tranchants, tombant sur des tympans comme une balle en pleine poitrine ; je les aimais lus ; je les aimais partout et, comme je m'aimais beaucoup, je les aimais surtout sur moi.

Au début, il a été très dur de ne pas abandonner les mots.
Il me semble avoir eu un bref écroulement, il y a longtemps, où plus aucun son ne remontait de ma gorge et où plus aucune syllabe n'agitait ma langue. Il me semble avoir eu un bref instant (quelques semaines, quelques mois tout au plus), où mon existence consistait à me prendre la tête dans les bras, m'enrouler sur moi-même et me taire.
Il me semble juste – je crois que j'ai oublié, ça fait longtemps, si longtemps.

Je sais que malgré cette entaille de quelques semaines ou quelques mois, j'ai fini par revenir au langage. Il n'était plus châtié ou vif, et mes réflexes amers étaient noyés dans la douceur, mais j'ai de nouveau accueilli le langage sur le bout de mes lèvres.
Je m'en suis contenté.

Je ne pouvais certes plus étaler ma haine pour le monde, l'univers, l'humanité toute entière – c'est quelque chose qui s'est collé à moi dès mes premiers jours de mort, comme une habitude rouillée – mais je pouvais toujours m'exprimer.

J'avais, bien sûr, énormément de colère.
Oh, j'avais tellement, tellement de colère. Une bête tapie dans mes veines, prête à sectionner chaque artère pour me faire cracher un sang putride et infect au moindre débordement.

Mais j'étais – je suis ? - Sucre, j'étais Sucre, lucide, intelligent, supérieur.
Alors j'ai pris sur moi.

J'ai pris sur moi pour continuer de m'exprimer et d'exister.
Je n'avais, après-tout, et il faut quand même le préciser, je n'avais pas eu le choix. On m'avait volé ma mort (de quel droit cette traînée a-t-elle osé me retirer le soulagement d'une véritable fin ?), et forcé dans l'existence. On m'avait forcé à me tenir encore sur mes deux jambes, à chercher de l'air dans mes poumons, à ouvrir les yeux sur un monde qui m’écœurait mille fois plus que le précédent (je suis certain qu'il m’écœurait, j'ai gardé ce genre de vérités absolues et indéniables).

Je n'ai pas eu le choix.
J'ai détesté ça – je me rends compte que j'ai détesté tellement de chose, comment puis-je encore garder mon dos droit, je n'en sais rien. La force de l'habitude, j'imagine.
J'imagine que l'on s'habitue.

Je crois que, si l'on m'avait laissé le choix, ce jour là, lorsque l'on m'a jugé, j'aurai préféré mourir.
J'en suis même certain.
C'est un sadisme fou que de condamner un homme aussi usé que moi à l'immortalité – je ne pense pas que nous soyons au paradis, malgré tous les prés verts et les rues blanches, malgré les sourires et les cœurs bondissants, ce concept est en ruine et l'enfer n'est pas assez précis pour décrire la souffrance qu'il est possible d'endurer ici.

Il n'y a rien, ici.
J'ai beaucoup oublié de ces premiers jours, ces semaines, ces mois de silences, mais ce dont je me souviens (malgré moi, je n'en ai pas envie, je suis lâche et sans courage), ce dont je me souviens, c'est d'avoir essayé beaucoup de fois de mourir.

J'ai essayé tant de fois de me tuer.
J'espérais y mettre fin – mettre fin au silence, est-il possible d'imaginer la souffrance de ses mots qui ne sortent jamais et du sens que l'on vole sans cesse ? C'est à devenir fou, et je suis devenu fou.
J'ai essayé tant de fois de mourir, sans jamais y arriver. Alors, de plus en plus, je crois, que je m'enfonçais dans un mutisme qui conservait jalousement mes derniers éclats de raison.

Je ne m'en souviens plus trop.
Pourquoi je cherche à tirer sur ses souvenirs – je n'ai pas envie de me rappeler.

J'ignore pourquoi je pense à tout ça, ni à quel moment j'ai bien pu y penser mais j'en viens à buter contre une conclusion terrifiante.
Une conclusion terrifiante, insensée, choquante.

Je n'ai pas envie de mourir, lorsque je suis près de Bermuda.
Lorsque je suis avec Bermuda – et je m'en rends compte à cet instant – je n'ai pas envie de mort. Au contraire, je crois bien que c'est tout l'inverse. J'ai envie de tellement de vie – j'ai envie de tellement de passions ! J'ai envie de devoir tous les supporter, qu'il me les appose tous sur les épaules avec ses deux paumes fortes, j'ai envie de tout recevoir.

J'ai très envie de vivre, lorsque je suis auprès de Bermuda.
C'est une pensée absolument horrible et, peut-être que si j'étais plus lucide, là, tout de suite, je me mettrai à rire doucement en fermant les yeux et en enfouissant la tête dans le cou de Bermuda.

Bon sang, le cou de Bermuda – le corps de Bermuda, le parfum de Bermuda, j'en ai tellement envie.

Tout est devenu si compliqué.
Et c'est parce que j'ai envie de vivre pour Bermuda, parce que j'ai envie de vivre auprès de Bermuda que j'ai cette certitude, désormais, que je vais petit à petit sombrer dans un mutisme nouveau.

Je deviendrai le silence, pour Bermuda.
Je deviendrai le silence pour lui ; je serai des sourires, des baisers, des caresses. Je serais de la tendresse, de l'amour et parfois, de l'amertume. Je serai mes mains sur ses hanches et mes lèvres claquants sur ses clavicules mais, c'est certain, je n'en doute pas, c'est inexorable, que je deviendrai son silence.

Il me faudra remplacer tous mon vocabulaire par des baisers et j'ai beaucoup, beaucoup de vocabulaire.
Nous pourrions continuer à parler juste avec mes yeux dans les siens, mon nez contre les siens et mes lèvres taillant sur son corps tout un alphabet.

Viendra un jour où je l'aimerais tant – et je ne doute pas que ma dépendance envers lui grandisse, elle a été si soudaine et si intense que je ne peux déjà plus me passer de lui – viendra un jour où je l'aimerais tant que je ne voudrai plus prendre le risque qu'un seul mot violent  ne sorte de mes lèvres.
Je l'aimerais tant que je ne voudrai plus jamais le blesser.
Ou alors, je l'aimerais tant que je deviendrai idiot et imbécile, à me perdre dans la contemplation de son profil.
Ou alors je l'aimerais tant que j'en serai épuisé, incapable de confesser à demi-mot les excès qui crèvent mon cœur.
Ou alors, je l'aimerais tant que je n'en pourrais plus d'exister, à nouveau (un peu comme à l'instant, ou j'ai cédé).

J'ai envie de rire.
Nous fonçons droit dans un mur ; une chance que nous soyons immortels.

J'en veux tellement à Bermuda de me donner envie de vivre.
Tout aurait été plus simple, avec mon tribut, si j'avais continué à abhorrer mon quotidien et à le traverser comme un crachin agaçant.

Je ne pourrais jamais lui pardonner ça.
Je ne pourrais jamais lui pardonner, non plus, de me faire tant avoir besoin de lui ; d'être si dépendant de lui ; si accroché ; si nécessiteux ; si avide ; si affamé ; si misérable de lui.

Et c'est pourquoi je presse autant de baisers contre ses lèvres que je rêve d'effacer sous les miennes. Je commence déjà à remplacer chaque mots de mon vocabulaire mais, je crois bien que cette fois-ci, ça ne m'effraie pas : même avec des mots, je ne pourrais pas lui dire à quel point son existence est importante. Mes phrases auraient l'air de déclarations énamourées, naïves, bancales.

Tout à tellement plus de sens à travers les baisers.
J'ai tellement besoin de lui – s'en rend-il seulement compte, dans les dizaines et les dizaines de baisers que je souffle à sa bouche ? S'en rend-il compte dans mes doigts et mes paumes ne tolèrent aucune distance et n'ont de cesse de le plaquer contre moi ? Se rend-il compte comme je l'aime ?

Se rend-il compte avec quel violence je suis tombé amoureux de lui.
Probablement pas – mais ça n'a pas d'importance puisqu'il me reste encore l'éternité pour m'exprimer avec l'embrasement de mon corps.

Voilà pourquoi je n'ai de cesse de l'embrasser.
Nous avons été séparé pendant si longtemps – il me semble que notre déchirure à été si violente que j'en ai presque oublié la courbe de ses lèvres sous les miennes, et c'est intolérable.
Il faut que je l'embrasse.
Il faut que je l'embrasse encore plus – j'ai même parlé pour lui, pour ne pas m'oublier, pour ne pas le brusquer dans mon désir de mutisme, mais parler est tellement inutile lorsque l'on peut se toucher.

Je ploie dès que sa peau entre en contact avec la mienne.
J'ai un vide si grand à combler, taillé par la brutalité de notre distance, que toute cette semaine ne suffira pas pour le combler. Il faudrait que je lui demande de rester davantage mais je n'arrive pas à penser quand je l'embrasse (son souffle m'obsède, les halètements de nos poitrines, nos gestes perdus, nos joues brûlantes, nos langues folles).

D'un coup, un doigt surgit et stoppe ma frénésie.
Un index se dresse entre nos deux bouches (c'est un blasphème, une honte), jusqu'à ce que je me rende compte, l’œil brillant de folie, qu'il s'agit de celui de Bermuda. Brièvement, je vois son visage derrière ce doigt mais mon attention est trop éparpillée par le besoin pour que j'en comprenne son geste.

Il faut que j'embrasse le doigt de Bermuda.
Il faut que je le couvre de baiser lui aussi, sur chaque phalange, sur chaque pli et chaque empreinte – je dois tout, tout, tout embrasser !

Insatiable, mon visage se presse en avant et mes yeux se ferment pour déposer des baisers d'adoration sur ce doigt qu'il fiche sur ma bouche – est-ce pour me faire taire ? Il n'en a pas besoin, je me tairai pour lui, je deviendrai le silence pour lui.

Mais mes assauts ne le désarçonnent pas. A son tour, il vient couvrir d'attention mes deux yeux et la tendresse de son attaque me fait rentrer le menton dans mes épaules.
A chaque douceur je me soumets davantage, assujetti par sa nécessité.

Je crois que je ne suis plus qu'un animal de manque et que je ne réfléchis plus.
Quand il s'écarte de mon étau en passant sous mes bras, j'ai la certitude qu'un air abruti et pitoyable fouette mes traits. Il est aussitôt démonté par sa main qui s'empare de la mienne.

Heureusement qu'il a pris ma main, sinon je serai devenu fou – déjà qu'il me prive de baisers, comment vais-je pouvoir tenir deux souffles supplémentaires si je ne l'embrasse pas ? Ou vais-je trouver mon air ? Je t'en supplie, Bermuda, laisse-moi t'embrasser encore.

J'ai tellement besoin de lui.

Mais Bermuda n'entend pas mes supplications, ni même la prière qui crisse dans mes yeux épuisés. Alors, je n'ai pas d'autre choix que d'obéir à son autorité. Ai-je dit qu'il me faisait exister ? C'est aussi qu'il me fait exister pour lui alors, dans ces moments où je ne me possède plus, je ne peux que m'abandonner aux directives de Bermuda.

Surtout lorsqu'elles sont si douce – je ne peux que le suivre.

Sage, trop sage, je suis la main, le corps, le visage, le silence de Bermuda. Je regarde ses genoux se plier sous lui comme si je contemplais ma toute première aube ; mes yeux remontent sur ses cuisses comme si je ne les avais jamais enlacées ; mes cils grimpent sur son visage et la réflexion qui le plisse comme si nous nous rencontrions ; et je ne contrôle plus rien.
J'admire, juste.

Je me sens tellement bête.
Je me sens tellement animal, tellement domestiqué à cet instant – je ne sais même plus comment fonctionnent mes articulations et il faut qu'il me tire par la main pour que j'aie l'initiative de le rejoindre, sur le lit. Je suis grand, gauche et je passe ce qui me semble des heures à plier mes jambes pour mimer sa position.

A aucun instant je ne quitte son corps.
J'aime tant me perdre dans sa peau blanche.

Je suis bancal, fébrile ; mes muscles tremblotent encore un peu, ou alors est-ce la fatigue ? Est-ce l'amour ? Est-ce le silence ? Est-ce le besoin ? Je n'en ai aucune idée et, à vrai dire je m'en contrefous.

J'attends juste son ordre pour pouvoir commencer à l'embrasser.
Qu'attend-il pour me dire que je peux l'embrasser ? J'ai posé mes deux paumes sur mes genoux et mes doigts ne cesses de se contracter comme s'ils imaginaient ses reins sous leur prise. Je ferme les yeux pour me concentrer, pour ne pas me laisser envahir par ce besoin qui est en train de me défoncer chacune de mes vingt-quatre côtes. Ma bouche a ses contractions violentes et mes tempes doivent rebondir de chaque côté de mon front. Il est long. Il est trop long. Il est si long. Et pourtant j'obéis toujours, parce que j'ai l'impression que c'est ce que je dois faire à cet instant ; qu'il attend quelque chose, et que je dois attendre avec lui.

Il faut que je me concentre sur quelque chose pour me retenir de me jeter sur lui alors je pousse toutes mes sensations sur mes doigts, là où il me touche. Mais ça ne suffit pas alors, j'ouvre un œil hésitant et le pose sur son visage. C'est une mauvaise idée – très mauvaise, je vais lâcher un cri, alors je le ferme aussitôt et écoute les mouvements de son corps. Sa position a changé (j'ai besoin de savoir comment il est maintenant mais je n'ose pas rouvrir mes paupières, je pourrais en devenir fou), je crois que je sens ses cuisses qui entourent les miennes, je crois aussi que mon cœur n'approuve pas ce qu'il est en train de m'infliger mais que mon adoration pour lui me rend trop sage.

Puis, d'un coup, j'expire doucement.
Je ne m'étais pas rendu compte que j'avais bloqué tout mon air, ni depuis combien de temps je le faisais. Je me calme, me détend. Mes muscles cessent de trembler – ils cessent d'être nécessiteux, indomptables, impatients.
L'attente qu'il force sur mes épaules fini par m'apaiser tout entier. La fatigue remonte sur mes os aussi, prête à m'enserrer avec sa lourdeur suffocante. Mon avidité, ma faim insatiable se calme en se focalisant sur les respirations de Bermuda.

Quand j'entends son souffle, je me dis qu'il existe près de moi et c'est très important.

Je crois que je suis plus calme.
Je crois que je reprends un peu de raison que j'avais perdue, morceau par morceau, dans tous les baisers que je lui ai donné. Et vu le nombre de baiser que j'ai versé sur sa bouche et sur sa peau parfaite, je crois que je suis devenu très bête.

Mon esprit reprend ses droits sur mon manque et ces minutes d'infini qu'il fiche dans l'immobilité de mes muscles me permettent de redevenir un peu moi-même – un peu plus digne.
Après avoir expiré, j'inspire.

L'air est chargé de sa fragrance ; tout reprend du sens et une certitude domine.
Je l'aime.

Je suis enfin capable de rouvrir mes yeux sans craindre de m'écrouler sous mon besoin de lui. Je le fais et c'est cet instant qu'il choisi, lui aussi, comme si nous nous attentions, pour bouger à nouveau. Sa main s'empare de mes doigts et les soulèves vers son visage. Et alors que je crois qu'il va les embrasser, et que ça va me pourfendre, il me frappe mille fois plus fort encore.

Bermuda me laisse toucher sa plus belle faiblesse.

Sous le bout de mes doigts je le sens le tremblement qui le frappe et qui remonte, le long de mon bras, pour me cogner en pleine poitrine. D'un coup, mon torse s'enfonce sur lui-même et mes épaules qui, jusqu'à alors étaient très droites et étaient enfin redevenues dignes, s'écroulent encore une fois.
Mes lèvres s'entrouvrent, exhalent une surprise qui n'a pas de bruit.

Et c'est très étrange car, à ce moment là, je me fiche un peu de sa cicatrice ; je n'ai d'obsession que pour l'autre moitié de son visage qui me semble frappé par une tempête, que pour les courbes de sa peau qui se serrent l'une contre l'autre. Je reste interdit ; mes yeux oscillent de son œil vert à son œil de chair.

Ma poitrine se creuse ; c'est douloureux et chaud à la fois. Quand j'entends sa voix, je redresse ma nuque et le regarde puisque je me rends compte que je ne l'ai pas entendue depuis des années. Je ne m'en fige que davantage, sans air.
Je crois que je sais ce qu'il m'arrive et pourquoi ma réaction est aussi inappropriée.

Je suis touché.

Et j'aurai du prendre plus garde à son œil puisqu'il me retire mes doigts trop vite. Je sais que je l'ai déjà touché, lorsqu'il dormait, mais là c'était la première fois qu'il ne bloquait pas ma main d'un geste brutal.
Il m'a invité.
Et je suis déçu de ne pas en avoir profité pour éprouver la douceur de son œil, la chaleur, la texture, les plis, le bruit de mes caresses sur sa plaie mais il chasse très vite ma déception.

Bermuda couvre ma main d'attentions si tendres qu'elles en deviennent insoutenables.
Ce n'est pas la première fois qu'il me brûle avec ces baisers là, mais je n'y arrive pas, je n'y arrive jamais, je m'écrase sur moi même encore en clouant mes paupières comme si je voulais m’effacer. Il baise mes doigts – chacun de mes doigts et si d'autres fois j'avais eu peur de ce plaisir, si d'autres fois j'avais dit non, là, maintenant, ma bouche reste close.

Je suis prêt à recevoir tout le plaisir qu'il voudra me donner.

Et, quand il dépose un baiser au centre de ma paume, ça me crève le cœur.
J'aime tellement, tellement ! Comment fait-il pour savoir que je vais gémir quand il me touche ici ; comment fait Bermuda pour savoir si précisément comment me faire du bien ; et comment me faire du mal ; et comment me courber ; et comment m'anéantir.

Je suis si fatigué, je ne comprends plus la violence des sentiments qui me traversent.
J'ai la sensation fantôme de son œil blessé sous mes doigts.

Quand Bermuda a fini de me supplicier avec ses baisers et que je me suis encore drapé dans la honte de ma dévotion, il guide ma main en feu jusqu'à son cœur. Elle même bat trop fort pour que je puisse percevoir sous mes doigts le rythme de ses excès.
Je ne sais plus quoi faire.
Je lève vers lui mes deux yeux qui l'implorent, fracassés. Il est tellement, tellement difficile de soutenir son regard, surtout lorsque Bermuda me dit qu'il veut me toucher.

Je suis si pressé de lui répondre que je ne trouve plus aucun mot.
Et il me demande, Bermuda, il me demande (pourquoi ? Pourquoi ? Je n'ai jamais refusé aucune de ses caresses, je me suis toujours soumis pour ses caresses, j'ai toujours céder à ses caresses), il me demande si il peut me toucher.
Ma bouche s'ouvre, aspire de l'air pour lui répondre : oui.

Mais je ne le fais pas.
J'avais oublié, que je devenais petit à petit le silence.
Ma bouche se referme comme si j'avais trébuché sur mes pensées – ce n'est pas tout à fait faux, c'est un tel capharnaüm, mon front est obsédé par son visage et mes doigts par son corps brûlant. Il faut que je lui dise que je suis d'accord.

Je suis d'accord pour qu'il me touche.
Je suis d'accord pour qu'il découvre tout de moi.
Je suis d'accord pour pour le toucher, moi aussi.
Je suis d'accord pour qu'il me donne tout.

Par contre, je ne peux pas lui dire que je suis d'accord pour tout lui donner ; c'est déjà fait depuis trop longtemps.

Et alors que je suis sur le point de retrouver le chemin de l'air jusqu'à mes poumons et que je me résous, privé de mots, mué dans le silence, à hocher la tête pour lui manifester mon accord le plus dévoué, Bermuda me donne le coup de trop.

― Tu es mon plus beau trésor Sucre.

Non.
Non – non, il ne peut pas dire, il ne peut pas redire ça.
Bermuda ne peut pas me dire cette phrase, la sienne, celle taillée avec ses mots si précieux et auxquels je fais si attention, il ne peut pas m'avouer ça avec son timbre rauque et cassé, tout bas, alors que je suis si fatigué.

Il ne peut pas, non plus, alors que je me fige, pris d'un tremblement au cœur et aux lèvres, il ne peut pas poser ses deux mains sur mon visage. Il ne peut pas me happer de cette façon et m'aspirer pour que je m'effondre encore contre lui.
Ne voit-il pas que je hurle à l'aide dans le regard que je lui lance ?
Je n'arrive plus à respirer, encore, ma bouche est obstruée par l'émotion qui noie ma gorge et, quand il commence à s'emparer de chaque parcelle de mon visage, cette fois, j'essaie de lui échapper.

Il n'y a aucune conviction dans la fuite de mes joues ; on dirait, au contraire, qu'à chacune de ses caresses j'essaie de me lover davantage contre ses paumes. Et c'est ce que je fais, avec des soupirs insensés qui ressemblent encore à des sanglots, avec la ligne de mes sourcils qui commence à trembler, avec ma bouche qui se contracte, vacillante et surtout, surtout, avec mes paupières qui se ferment.

Elles aussi, elles tremblent comme un cœur que l'on chamboule.
Tout mon corps se démantèle et, à chaque nouveau toucher, il me fait tomber encore à ses genoux.

A la fin, je ne respire plus.
Il ne faut pas que je respire, ou même, que j'ose un seul geste, même le plus petit, même rouvrir mes yeux pour voir son magnifique visage et ses cheveux longs. Je retiens mon souffle et me vrille dans l'immobilité comme si j’essayais de supporter une douleur.

C'est un peu ça – je crois que je vais exploser, encore un peu. Et je peine tellement, tellement à me maintenir que je n'arrive plus à saisir le sens de ses paroles.
J'ai l'impression que sa voix est devenue une caresse, elle aussi, et que chacun de ses contacts me précipite à ses chevilles.

Mais Bermuda – Bermuda ! - piétine tous mes efforts lorsqu'il me fait toucher son œil encore.
J'en avais si envie, j'avais été si déçu que j'en ai ouvert les deux yeux brutalement. J'ai hoqueté. J'ai perdu mon air. J'ai retrouvé de l'air. J'ai trouvé Bermuda. J'ai envie pris garde à tous les reliefs de sa plaie sous mon index. J'ai tremblé. Je me suis voûté. Et ça a recommencé à monter, à monter alors que je cherchais à enfouir cette explosion, et ses mots m'ont fait hoqueter encore, une fois, deux fois.
J'étouffe.
J'étouffe de bonheur.

Je n'ai pas entendu grand chose de tout ce qu'il m'a dit et c'est le timbre étranglé que j'ai retrouvé quelques mots en me perdant dans son œil vert :

― Où je préfère... ?

Mais mes paroles n'avaient aucun sens, alors je me suis pincé les lèvres et j'ai de nouveau lancé mes yeux suppliants vers la douceur désemparant de Bermuda – pourquoi y ai-je droit, pourquoi ai-je droit à tant de douceur ?
Je crois que je suis épuisé et que je n'en peux vraiment plus.

Et d'un coup, parce que je pensais ça peut-être, parce que je me disais que je ne pourrais pas lutter contre ce maelström de fatigue, d'impuissance, de bonheur et de douceur, je me suis relâché tout entier. Mon diaphragme a cessé ses hoquets désemparés, mes yeux leurs supplication et se sont fermés.

Mon corps à confessé sa reddition ; j'ai hoché la tête.

J'ai hoché la tête pour Bermuda et, dans cette nuque qui se courbait une, deux, huit fois, des milliers de fois, il y avait le désespoir de mon amour pour lui.
C'était un désespoir très doux.

Et puisque j'étais désespéré et que je savais que je ne pourrais plus me sauver de lui désormais, mes mains sont parties à la recherche des siennes. J'ai tâtonné près de son corps, les paupières solidement closes et quand j'ai enfin retrouvé sa main gauche, je l'ai levé jusqu'à mon visage avec mes deux mains, comme si elles tenaient la plus précieuse des couronnes.
J'ai enfoui ma joue contre sa paume.

Au moment même où le creux tendre de sa main à recueilli ma joue, un soupir de mille an s'est échappé de mes lèvre.

Ont goutté, avec lui, trois petites larmes.
Trois petites larmes tapies sous mes paupières depuis aussi longtemps que le soupir ; trois petites larmes qui n'avaient pas réussi à sortir de mes yeux secs lorsque j'avais sangloté ; trois petites larmes qui ont réussi à franchir le barrage de la fatigue ; trois petites larmes qui pleuraient de soulagement.

Je ne m'en suis même pas aperçu.
Je savais juste que je souriais. A un moment, j'ai perçu du sel en me léchant les lèvres, mais je n'ai pas fait attention, puisque j'étais lové contre la main de Bermuda.

J'ai lâché un deuxième soupir dans lequel grésillait les inflexions de mon bonheur ; mon sourire s'est fait plus grand encore, je crois. Il devait ressembler à la lune, lorsqu'elle est en croissant et que ses pointes sont courbées vers les étoiles. Ma bouche se courbe pour lui ; elle se courbe vers lui.

J'ai niché ma joue plus encore dans sa paume que je tenais à deux mains, puisqu'il aurait été trop irrespectueux que de la soutenir que d'une seule. J'y ai frotté ma pommette en souriant, en riait aussi, de manière très silencieuse. J'y ai frotté le bout de mon nez, qui m'est apparu un peu mouillé, comme si j'avais pleuré puis, à mon tour, j'ai planté un baiser en plein centre de sa paume.

Les lèvres enfouies dans sa main, j'ai relevé mes yeux vers lui.
J'ai regardé Bermuda. J'ai vraiment regardé Bermuda avec toute ma raison, sans ma bêtise, la folie de mon besoin, l'irrationalité de ma nécessité. Je l'ai regardé, sans ciller, sans frémir, lorsque j'ai déposé deux, trois autres baiser dans sa paume chaude comme un soleil d'été.
Puis j'y ai remis ma joue.

― Ce que je préfère ?

Puis, j'ai ri, encore très doucement, puisque sa demande était impossible ; j'aimais chacune de ses caresses de manière létale.

Néanmoins, je suis vite redevenu sérieux lorsque j'ai reporté mes yeux sur le sien. J'ai enfin libéré sa main de mon visage en la serrant fort, très fort entre mes doigts et en la posant sur ma cuisse. J'ai regardé l’œil de Bermuda. J'ai regardé l’œil vert de Bermuda, puis mon regard a pivoté sur l’œil blessé de Bermuda. Mes lèvres se sont pincées, déterminées. Furtivement, j'ai déposé un baiser sur ses lèvres parce que je n'en pouvais plus.

Puis, après un silence immobile, j'ai hoché la tête, très lentement.

Puisque je ne pouvais pas lui donner mon accord clairement – je l'ai dit, que je deviendrais le silence, un jour – je m'en suis remis à mon corps.
J'ai recommencé, au cas où si mon message était peu clair puis, à mon tour, les coudes tremblants, j'ai levé mes deux mains vers le visage de Bermuda.

J'ai pris son visage entre mes paumes.
J'en ai vacillé tout entier, tellement ça m'a cogné le vendre. J'ai encore un peu perdu mon air mais, cette fois là, je me devais de rester fort, je ne pouvais pas me laisser aller à la voûte soumis de mon dos. Je me suis redressé un peu, j'ai inspiré de l'oxygène loin de ses lèvres (il n'a pas la même richesse), puis j'ai continué.

J'ai caressé le visage de Bermuda comme il l'avait fait pour moi.
J'aurai voulu déposer mes touchers amoureux dans le même ordre qu'il l'avait fait pour moi. Mais à cet instant, j'avais été tellement étranglé par sa douceur que ma mémoire n'avait retenu qu'une la violence aveuglante du bonheur. Alors, j'ai choisi de partir à la découverte du visage de Bermuda comme il ne m'avait jamais laisse le faire.

Au début, mon propre visage était très sérieux.
Mes sourcils étaient froncés, mes yeux ne cillaient pas. Ma bouche était une ligne d'albâtre un peu instable. Puis, au fur et à mesure de mon ascension, mes traits se sont relâchés comme une bête que l'on apprivoise. Ma bouche s'est entrouverte sous l'émerveillement de ce que je trouvais ; mes yeux se sont fait plus grands, comme s'ils s'apprêtaient à avaler l'univers – et c'était très semblable. Mes sourcils sont tombés, eux aussi, et ils disaient dans leur chute adoucie : pourquoi es-tu aussi beau, Bermuda.

J'ai possédé le visage de Bermuda.
J'ai passé mes deux pouces sur les deux moitié de sa bouche, en partant du centre et en la caresse jusqu'au commissure. Dans une parfaite symétrie, mes pouces sont descendus sur son menton, sous sa lèvre inférieure et on pu éprouvé la douceur imberbe de sa peau. Puis, mes index ont commencé a frémir d'impatience et son aller tracer de la curiosité sur chaque tempe en descendant jusqu'à la mâchoire.
J'ai touché ses deux yeux, en même temps. J'ai tracé les pourtours de son nez. J'ai effleuré ses pommettes. Je suis revenu sur ses yeux. J'ai pressé un baiser sur sa paupière crevée (je n'arrivais pas à me retenir). J'ai glissé huit de mes doigts sur son cuir chevelu.

Mais comme ce geste à commencé à m'exciter, je me suis retenu en expirant tout mon air d'un coup.
J'ai fiché mes yeux dans les siens, et j'ai encore hoché la tête.

Je ne pense pas qu'un jour Bermuda aie idée du courage que m'ont demandé ces caresses.

Mes mains, qui avaient tout à l'heure fouillé pour ses mains, sont aller chercher ses hanches. Elles ont saisit le bas de son tee-shirt et, avec une grande délicatesse, le lui ont retiré par dessus la tête. Je lui ai laissé faire la même chose pour moi en sentant le rose chauffer sur mes joues.

Nous nous sommes retrouvés presque nus tous les deux, face à face, dans le silence le plus tendre que je n'ai jamais entendu.

Et jamais je ne m'étais senti aussi pudique.
Brièvement, j'ai baissé les yeux vers le matelas, embarrassé – mais je me suis ressaisis puisqu'il n'était pas question d'être faible, et aucune fatigue ne justifierait que ma nuque se courbe encore.

Alors, je me suis approché de lui de quelques centimètres, pour que nos corps soient le plus proches possibles et, prenant une énième inspiration, j'ai plongé à nouveau dans les ruines splendides de son corps.

J'ai découvert le torse de Bermuda.
J'ai découvert ses épaules qui m'ont toujours parues rondes et fragiles lorsque je les prenais dans ma paume. J'ai découvert ses clavicules qui, lorsqu'elles pointent hors de ses cols évasés, me donnent des décharges de désir qui me font grogner. J'ai découvert sa poitrine, toute nouvelle, que je n'avais jamais touché auparavant. Mes yeux sont devenus très brillants, à ce moment là, à l'idée de toucher enfin la chaleur de la nouveauté. J'ai été très doux, avec mes pouces, mes index, mes paumes, lorsque j'ai tracé le contour de ses seins. Je l'ai regardé aussi pour qu'il voit, dans mes cils, que je n'avais que de l'amour pour lui. J'ai découvert ses côtes que j'ai si souvent compté sous mes caresses. J'ai découvert son ventre que je ne touche pas assez. J'ai découvert ses hanches qui ont reçu tant de griffures. Puis, je me suis laissé découvrir à mon tour.

Nous avons continué cet échange parfait longtemps encore.
Nous nous sommes découverts comme l'on soulève des voiles ; sauf qu'il suffisait simplement d'apposer des mains sur la peau de l'autre. Nous avons découvert chaque creux, chaque bosse, chaque angle de nos corps. J'ai essayé de ne pas trop l'embrasser, parce que je ne voulais pas que nous basculions dans le désir là où il y avait l'intensité de cette incroyable curiosité.

Je sais que nos regards nous avalaient tout entiers lorsqu'ils suivaient les arabesques de nos caresses.

Puis, une fois que tout a été découvert, que nous joues étaient roses, que nous souffles commençaient à se faire précipités, j'ai posé mes deux mains sur ses épaules rondes et je l'ai embrassé chastement.

J'ai vrillé mon regard vulnérable sur son œil et, d'une poussée, je nous ai fait basculer tous les deux sur le flanc, face à face.
Puis, le nez contre le sien, mon sourire défiant sa bouche, j'ai recommencé à la caresser avec cette même douceur avide. Tout changeait, lorsque nous étions allongé – ce n'étaient pas le même angle, ce n'était pas la même vue, alors il nous fallait tout recommencer.

Le sourire sur mes lèvres la poitrine sans bosses, j'ai repris mes toucher de Bermuda, mais partout cette fois ; je rebondissaient de son bassin à ses joues, de ses cuisses à sa poitrine, de son dos à ses clavicules, sans jamais me lasser.
Cette fois, je l'ai embrassé, beaucoup. C'était langoureux, tendre, et j’attrapais souvent son visage entre mes mains.

Il y avait tellement de paix, tellement de silence dans ces milliers de caresses que j'ai fini, entre deux baisers et deux découvertes de trésor, par m'assoupir.

Mais je suis presque sûr qu'à un moment, de mes lèvres ensommeillées s'est échappé un mot qui ressemblait à :

― Merci.





*





Je me suis réveillé lorsque j'ai cru entendre mon prénom. Mes paupières, égarées, ont battu l'une contre l'autre pour chasser la lumière cinglante de la matinée. J'avais probablement dû rêver puisqu'il n'y avait plus que le silence dans l'appartement dévasté.

Et, en face de moi, l'homme dont j'étais tombé amoureux trop brutalement.

Je me suis aussitôt rendu compte que quelque chose était différent, à l'intérieur de moi (dans mon ventre, ma poitrine, mes bras, même mon cou et mon visage). Je me suis rappelé ce qui c'était passé, la tête encore brumeuse, tous les caresses exploratrices qu'il m'avait donné et que j'avais donné, et j'ai eu cette impression que chacun de ses toucher avec réparé mon amertume.

Je savais que c'était temporaire – elle revenait toujours, fidèle – mais cette paix légère était une sensation très agréable.

Bermuda, le visage face au mien, me brutalisa par sa beauté.
J'en profitai pour continuer de détailler tous ces angles et tous ces ressacs océaniques que j'avais exploré de mes doigts. Mais quand un frisson griffa mes reins, je m’aperçus que nous nous étions endormis par dessus les draps. Je retins un grognement – je n'avais pas envie qu'il tombe malade, encore – et rabattit maladroitement, du mieux que je pouvais sans le déplacer, le drap par dessus ses épaules.

Puis, j'observai les cheveux de Bermuda.
J'observai ses cheveux longs, si longs qui tombaient jusqu'au bas de ses reins et qui avaient une texture si souple, si nouvelle. Je levai une main et saisit, entre le pouce et l'index, une longue mèche d'or qui barrait sa joue. Je la replaçai, attentif, la dévotion perlant sur mes lèvres, derrière son oreille. Puis, mes doigts suivirent la mèche jusqu'à la pointe, comme si ses cheveux pouvaient ressentir mes caresses.

Je me rendis compte que j'étais à nouveau très heureux.
Bermuda était un extrême, un extrême que j'aimais, que j'adorais et qui avait ce pouvoir de me faire basculer dans la joie ou la fureur en claquant sa langue son son palais. Bermuda était un oxymore ; mais j'étais prêt à empoigner chaque extrême de son excès.

Je me perdais toujours un peu plus dans son visage, incertain de savoir s'il fallait briser le silence que nous avions débuté il y a quelques heures. La scène m'est étrangement familière – ce moment où je détaille les teintes de sa peau, ses cheveux aux pointes sèches, ma voix qui n'est pas certaine de réussir à s'exprimer clairement, mes doigts qui se lèvent jusqu'à la cicatrice de son œil.

Doucement, très doucement, sans aucune appréhension, je les pose sur sa plaie. J'ai encore une décharge jusque dans les rotules. Avec la même délicatesse, je caresse sa chair brillante, rose et neuve comme si elle était sacrée.

Alors, ma bouche s'anime et je dis, dans un murmure amoureux :

― Comment est-ce arrivé ?




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Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaLun 4 Mai - 21:03



Mes doigts tremblent. Ils sont agités. Ils sursautent sur les draps. Et ma bouche, ma bouche se plisse. Se mord. Soupire. Expire. Je ne suis pas certaine d'aller bien. Malgré le silence. La sérénité. Et mes mots. Tous jetés. Ils m'ont écorché. Ils m'écorchent toujours. La gorge. La bouche. Les lèvres. Mon cœur aussi. À vif. Je pense que je vais mal. Je vais très mal, puisque je ressens toujours tous les tremblements de ton visage. De ta paupière à tes lèvres. J'ai soulevé trop de frisson. Accroché trop doucement tes pommettes. Tant et si bien que mes phalanges en tremblent encore. Et il y a pire. Il y a la chaleur de ta paume, sur mon visage, mon œil blessé. Imprimé. Pour l'éternité. Je crois que mon œil mort a eu des sursauts lui aussi. Sous tes doigts et leur douceur. Et j'ai aimé cela. J'ai aussi aimé faire frissonner tendrement ton visage. Et cela me ressemble si peu que j'ai encore plus de mal à savoir où j'en suis avec moi-même.


Je vais si mal. Je me sens un peu cassé. Usé. Malmené par tant de douceurs, elles sont terribles, si terribles. Tu n'as pas idée. Il y a tant de tendresse accroché sur mes doigts, sur ma peau. Alors que je la connaissais si peu. Avant de te rencontrer. À vrai dire, je l'ai imaginé. Durant mille nuits d'ennui. J'ai imaginé la donner et la recevoir. Les sois-disant frissons et le bien être qu'elle était censée m'apporter. Et j'en ai tellement ri. Tu n'as pas idée. J'en avais si peu besoin. Et je ne comprenais pas tous ces autres qui y étaient si assujettis. Puisqu'à ce moment elle était encore ersatz et imposture. Trop distante et intangible que je ne pouvais encore vraiment effleurer sa véritable essence. Il m'a toujours semblé en avoir trop peu pour les autres et pour moi. Mais c'était avant. Et avant ton amour tout était trop vide. Maintenant je pense que j'en ai trop. Trop de douceur, d'ardeur et d'impatience tendre à déposer. Et c'est étrange. Mais j'ai besoin de l'offrir. À toi. Dans le silence de notre amour. Tu ne sais pas comme j'ai le cœur qui palpite. Et mes joues. Elles sont roses. Ou rouges. Trop. Je le sais. Il y a trop de chaleur dans mes pommettes. Trop de bonheur. Un peu de gêne aussi. (comment puis-je ne pas ressentir de gêne, alors que j'ai dit, j'ai avoué que je voulais tout t'offrir, de moi ?)


Je ne suis pas certaine de pouvoir tout supporter. De pouvoir tout donner finalement. Je crois que mes violences pourraient m'écorcher moi. Elles m'écorchent déjà quand je tends les mains vers toi sans vraiment savoir si c'est du plaisir ou de la souffrance qu'elles s'apprêtent à donner. Puisque je suis si maladroite, si encline à tout confondre. Mes doigts ont de nouveaux sursauts. Impatients.Je sais que toutes ces tendresses m'écorcheront dans une semaine quand il faudra que je retrouve l'âpreté d'une dague et que ce sera pour distribuer de la souffrance. Je crois que je suis né avec plus de douleur que de douceur. Que je suis trop encline à donner le mal et à refouler le bien. C'est peut-être pour cela que j'en veux tant et que j'en ai tant, dans la paume, la bouche. Des caresses douces. Elles m'écorcheront. Elle m'écorcheront terriblement dans la solitude et les souvenirs qu'elles ne manqueront pas d'incruster sur ma peau. Je suis encore à me demander, un instant, ce qu'il adviendra de ce nous. Dans une semaine. Dans la distance. Et le manque.


Je repousse ces pensées dans un coin, j'ai déjà assez de tracas maintenant. Mes désirs me tourmentent trop. Ils me dévastent. C'est cela. Je suis dévasté. Je suis dévasté par la violence de mes désirs. Qui me crèvent. Me tordent. L'estomac. Il n'y a pas assez de douceur en moi. C'est certain. Ce sont des griffes que je vais déposer. Je veux si peu, si peu blesser ta peau. Peut-être faut-il que je renonce. Me diras-tu ? Saisiras-tu ma main ? Et quand tu la regardes, est-ce que tu peux y voir la violence ? Ou la douceur ? Sous mes ongles. Mes phalanges. Ma paume. Me diras-tu, s'il y en a plus ? Autant ? Moins ? Suis-je prête à l'entendre ? Je secoue une première fois la tête, penaude et je déglutis. Je crois que je pourrais te briser si je te touchais.


Je suis brisé aussi et je ne sais plus à cet instant ce que tu me réserves et ce que je te réserve. Si ce sont des soupirs contentés que tu distilleras sur ma peau et moi sur la tienne. Ou des cris courroucés. Mes phalanges tremblent encore. Je crois que j'ai de nouveau trop d'air dans la gorge. Des angoisses nouvelles. Et anciennes. Il faut que tu me dises. Que tu me dises vraiment si je peux. Parce que j'ai besoin de le savoir. C'est une nécessité. C'est comme inspirer. Comme vivre. Je crois que je peux dépérir si je ne le fais pas. Mes doigts se recourbent, machinalement, quand ils imaginent la douceur de ta peau. Il faut que je confirme. Il faut que ma pulpe glisse délicatement sur ta peau pour que je sache. Est-ce qu'il y a autant de meilleur que de pire dans mon amour ?


En guise de réponse j'ai le droit à des mots étranglés. Tremblants. Ma gorge est nouée. Nouée comme la tienne et je voudrais vraiment presser ma bouche sur ton cou. Je veux la presser et te faire respirer. Retrouver de l'air encore, dans la moindre de tes inspirations. J'ai l'impression d'étouffer aussi. Dans l'attente. Non, je crois que j'étouffe. Et que ma peau va dépérir d'impatience. Il y a tant d'impatience naïve dans ma poitrine. Je crois que je ne t'ai jamais tant désiré. Et ce n'est pas de brûlure que je rêve, mais de la tendresse. Des caresses. Comme du satin. Il faut que je sertisse chacun de tes muscles. Chaque précieux centimètres de ta peau. Je ne veux pas y déposer des perles. Des rubis. Des pierres. Rien de tel. Quelque chose d'infiniment plus précieux. Je ne sais pas encore ce que c'est, mais il me semble que c'est le plus terrible et le plus délicat. Le plus doux et le plus précieux. Le meilleur et le pire. Ce que je redoute le plus d'offrir. Puisque quand je commencerai tu comprendras alors. Tu comprendras alors ce qu'il y a de plus secret et de plus vulnérable. Tu comprendras. Et ce que je m'apprête à donner. Tout ce presque de mon être que je n'ai jamais donné, montré, à personne, est si lourd. Et me consume tant. Je ne suis plus certaine de vouloir le faire. Je crois que je pourrai descendre de se lit. Tout arrêter. J'ai si peu de courage.


Je tends mon visage vers toi. Je crois qu'il n'est pas trop tard pour déposer mes lèvres sur ton cou. Il n'est pas trop tard et je pourrai extirper toute cette peur, ces tremblements, ces millions de soubresauts pour les transformer en souffle d'amour. Est-ce que ce serait suffisant ? Est-ce qu'alors je pourrai te toucher ? J'en ai tellement besoin. Il faut que je confirme quelque chose. Alors que j'ai si peur de comprendre. Si peur de voir. Que la fièvre qui me secoue les veines, la tienne, celle qui me déchire le corps. M'écorche vive. À chaque fois que tu me regardes. Je la sens. Dans mes veines. Mes os. Mes muscles. Dans les millions de soubresauts qui m'agitent, les micros-secousses que tu infliges à mon corps. Avec tes yeux. Ta bouche. Tes doigts. Chaque fois. Je crois que je pourrais courber l'échine à mon tour. Enfouir mon visage dans mes paumes pour te l'offrir. Je pourrais jeter des millions de suppliques. Des larmes. Des éclats. Des soupirs. Des mots. Mille. Je sais qu'ils m'écorcheront tous. Qu'ils vont m'entailler. C'est si brutal. Si primal. Alors que je veux l'amour. Je veux l'amour, le silence, les caresses, la tendresse. Comme toi tu sais le donner. Je crois que je pourrais mourir si je découvrais que la fièvre de toi est comme celle de l'or. Un poison. Une tromperie. Je ne veux pas de la cupidité et les maux qu'elle engendre. Puisque tu es mille fois plus précieux. Je ne veux pas que tout se confonde. Je crois que j'en mourrais vraiment.


Tu es si tangible. J'existe. Je vacille. Je meurs. J'inspire. Je tremble. J'expire. Mille fois. Pour toi. Et je ne veux pas souiller cet amour. Puisque je crois vraiment que ma naissance est une souillure. Une peine. Un poids. Et j'en mourrais alors, de ne jamais savoir si c'est l'amour qui me pousse vers toi et qui m'étouffe ou cette fichue cupidité. Je crois que je vais me rompre. Je vais me rompre sur le drap. Me disloquer dans l'attente. Il faut que je sache. Que je comprenne. Et j'ai tant besoin de te toucher. Tant besoin. Nouveaux sursauts. Dans mes doigts. Si tu ne dépêches pas je crois que l'impatience va transformer ma tendresse, si violente soit-elle, en quelque chose de moins sacré et toutes ces envies ratées deviendront des lames. Traîtresses. Je perdrai tout encore. Tout de cet amour tendre qui est si proche.


Et puis. Tu as hoché la tête. Tu as hoché la tête quand mes épaules se sont courbées et que mes doigts ont voulu agripper mon visage pour te l'offrir en pénitence. Tu as hoché la tête. Fermés tes yeux bleus. Et je n'étais plus sûre de rien. Mon iris n'avait plus les tiennes pour s'y raccrocher. Est-ce que les millions d'assertions que t'as tête m'offre est un oui ? Est-ce que je peux ? Est-ce que tu soutiendras mon regard quand je le ferai ? Il faudrait que je puisse me raccrocher encore au bleu de tes yeux. S'il y a plus de pire que de meilleur dans mes doigts et que ta bouche hurle je crois que je m'effondrerai. Et c'est une certitude. Et j'en suis à peu près là dans mes errances que tu attrapes ma main. Tu attrapes ma main et tu la déposes contre ta joue. Mes doigts tressautent sur ta peau. Est-ce que c'est vraiment bon ? Est-ce que je peux… ?


Il y a eu un soupire. Long et doux. Et des larmes. Non. J'ai secoué la tête. Mes mots se sont étranglés, tous, il faut que je ferme la bouche, que je range ma langue pour ne pas la mordre et la sectionner. J'ai secoué encore la tête. Non. Non. Non. Je veux si peu… J'ai pris une inspiration. Recroquevillé plus fort mes doigts. Et j'ai cherché à retirer ma main. J'ai cherché à retirer ma main pour l'enfouir quelque part-où ? Je ne sais pas, je ne sais plus- où elle ne pourrait plus t'atteindre. Plus te toucher. Plus te faire pleurer. J'ai tenté de recroqueviller mes doigts si fort, que si tu n'avais pas déposé ta joue dans ma paume c'est un poing fermé qui se serait reposé sur tes joues. J'ai secoué une nouvelle fois la tête en fermant l’œil, à mon tour. Mon corps tout entier a ployé sous la peine, peut-être la tienne ou la mienne ? Il faut que je retire ma main. Il faudrait. Pourquoi tu ne relâches pas mes doigts ? Peut-être qu'il y a vraiment trop de violence et de douleur dans mes phalanges. Peut-être qu'il serait sage que je les éloigne. J'ignore ce que tu fais. J'ignore même ce que tu attends que je fasse, que je dise pour qu'enfin tu me laisses retirer mon ma paume. Tu sembles si fragile et moi aussi, je crois que je pourrais me briser en mille morceau et t'écorcher toi. Est-ce qu'il faut que je m'excuse ? Je pense que je ferai tout. Pour que tu ne pleures pas. Pas maintenant. Alors que je veux tant décrocher tes soupirs et tes sourires. Et je ne m'excuse jamais. C'est vrai. Et si j'essayais je crois que cela sonnerait un peu faux.


J'ai secoué encore la tête, mais comme tu ne relâchais toujours pas ma main j'ai rouvert l’œil.


Et il y avait un sourire. Un sourire nouveau qui a tant souffert et éclaté sur ton visage que je me rends compte alors, qu'il y a trop de temps qu'il n'a pas caressé mon cœur à l'en faire trembler. Mille ans peut-être. Et comme tes yeux ont ce pouvoir, et ton sourire aussi, une vague de soulagement a chassé tous mes tremblements. Mes angoisses. J'ai retrouvé du courage dans tes yeux si bleus. J'ai arrêté de vouloir m'enfuir. Puisque tu me laisseras pas le faire et que je suis certaine d'aimer faire fleurir sur ta bouche des sourires aussi doux. J'ai arrêté d'hésiter. J'ai posé mes phalanges proprement sur ta peau. J'ai laissé tes larmes, des petites, trois, si petites, puisqu'il y avait ton sourire et qu'il les a happé à lui seul. J'ai laissé tes paumes presser la mienne contre ton visage et je me suis tendu subrepticement vers toi, comme pour effleurer ton souffle délicatement avec le mien. Je ne sais pas et je crois même ne pas pouvoir comprendre d'où vient ce sourire. Peut-être l'as tu retrouvé dans ma paume, ce ne serait pas étonnant, je me connais si peu, alors que je sais que mon sourire à moi se cache toujours quelque part entre tes yeux, ta bouche et caresse.


Un second soupire à suivit le premier. Un soupire infini, lui aussi, doux, mais chaleureux puisque ton sourire s'est étiré encore. Et que le mien, plus timide, a fleuri à son tour sur mes lèvres. Oui. Je crois qu'il était caché là. Sur ta bouche. Et mes sourcils se défroissent délicatement, comme si tu savais parfaitement comment lisser mes traits et y déposer de l'assurance et du bonheur dessus. Juste avec un sourire. Je me suis tendu encore et ma main libre s'est tendu vers toi. Timorée, elle aussi, je ne sais plus qui je suis ? Est-ce que tu le sais ? Il y a trop peu de moi dans ces hésitations, trop peu de pirate. Trop peu de Bermuda. Je crois que c'est cela, je suppose que c'est toujours un peu moi, toujours, mais je n'ai jamais su jusqu'alors qu'il y avait autant de pudeur et de retenue. Extrême. Mais en cela je me reconnais bien, puisque je suis toujours extrême, quoi qu'il arrive, je n'ai rien de moins à offrir. J'ai apposé ma main sur ton ventre. Par dessus ton t-shirt et je l'ai remonté un peu. Juste un peu. Et je crois que je voulais atteindre ton cœur, mais que j'ai perdu un peu de cette intention, quand tu as pressé plus fort ton visage contre mon autre paume et qu'il a fallu que j'accorde à cet instant toute mon attention.


J'ai de nouveau regarder ton visage et j'ai osé bougé le bout de mes doigts sur le haut de tes pommettes, puisqu'il me semble que je peux te toucher maintenant ? Sur ta peau. J'ai fixé ton grand sourire et le mien s'est agrandit encore, même si parfois ma bouche s'entrouvre pour s'écarquiller toute entière. Il y a trop de beauté je crois, dans cette scène. Dans cet instant. Tu as niché-et c'est un grand mot, un mot important- dans ma paume, ta joue. Ton visage. Et je me rends compte que c'est geste est intime. Sacré. Important. Puisque tu te recueilles dans ma paume, ton visage et bientôt ton nez. Que tu sembles y trouver du bonheur aussi. Et je ne savais pas qu'il y avait toutes ces choses dans ma main. Et alors. Peut-être qu'il y a peut-être autant d'amour, ailleurs, partout et beaucoup de meilleur et que je devrai pas m'inquiéter pour mes maladresses à venir.


Forcément. Tu n'as toujours pas crié. Et même si tu as eu des larmes, elles sont toutes venu se tarirent dans ma paume. Elles ont même fait naître des rires. Je ne souris plus à présent. Ce qui se passe est important. Puisque les secondes s'éternisent et que j'ai plus de rouge sur ma joue. Parce que je suis heureux-mon bonheur dépend trop du tien- et que tu embrasses ma paume trop tendrement et que mes palpitations s'accélèrent. Je crois que je dois avoir l'air un peu ridicule. Et simplement parce que tu me regardes sans jamais faillir. Je ne sais vraiment ni ce que tu fais-de moi, principalement, mais pas que- ni même comment tu arrives à les faire, mais à chaque battement que tu me fais rater j'ai l'impression d'exister.


J'existe. C'est un fait. J'existe et je crois que je suis le centre de ton attention, comme tu es mon centre et mon équilibre. Mon déséquilibre. Je crois que c'est effrayant d'exister si intensément dans la vie d'une autre. Même dans la mort. Surtout dans la mort. Parce que tu ne sais pas que l'éternité est longue et que je ne supporterai pas que le temps qu'il nous soit accordé ne soit pas aussi infini. C'est aussi réconfortant d'exister. Si intensément. D'être le besoin. Le remède. Le manque. Puisque c'est ce que je cherche ardemment à faire. À me graver. Puisqu'il n'y a rien de plus beau que d'être aimé par Sucre. Rien de plus terrible. Je crois qu'il y a beaucoup de pire en toi aussi. Et je les ai un peu effleuré. Puisque tu m'as dit que tu es cupide et jaloux-pas autant que moi, mais je connais assez ces mots pour ne pas en frémir entier- plusieurs fois.


Et je sais surtout que je suis loin de savoir, comme tu es loin de savoir comme je suis terrible et que les larmes que j'ai tant haï je sais qu'un jour je les voudrais, comme je veux ton bonheur et ton malheur. Puisque je suis encore persuadé que c'est ce qui nous attend au détour d'un chemin. Un gouffre. La fin du monde, la catastrophe, le bonheur absolu et la félicité. Un peu d'enfer et de paradis. Dans mon amour. C'est une promesse. Et je sais qu'il y en a aussi dans ton amour. Je le crois, avec beaucoup de ferveur. De dévotion. De crainte.(Puisque je crois que je suis un être pétri d'angoisse et de prétention et qu'il te faut toujours me rassurer et te rire de ma belle vanité). D'abnégation. Et même dans ma tête tous ces mots semblent trop vide puisque je crois que je ne sais pas encore dans qu'elle extrémité tu comptes m'emmener et moi te traîner. Mais j'ai confiance. J'ai confiance et c'est une notion trop abstraite que mon esprit tente de m'imposer.


Je te crois comme jamais je ne pourrai croire un autre. Et même tes mensonges je pourrai y croire sans jamais douter. Toutes tes explications. Je croirai puisque je ne remettrai pas ce que tu dis en question. Je n'en ai pas l'envie d'aller vérifier auprès des autres. Puisqu'ils sont trop inintéressants et tous leur mots superficiels. Je veux bien reconnaître que je suis peut-être sourd. Stupide. Ignorant. Futile et un peu trop heureux pour faire preuve de jugeote. Puisque je sais qu'il est ridicule de s'en remettre autant à quelqu'un. Surtout si ce quelqu'un c'est toi. Je devine qu'il y a encore des trahisons cachées sur les coins de ta bouche. Des taquineries. Des mensonges. Que j'en souffrirai mille colères et que tu feras encore soupirer mes lèvres. Que tu feras encore courber mon échine. Je crois que je suis si proche de toi que je ne peux qu'en être blessé moi aussi. Et comblé. Terriblement. Je sais qu'il y a toute ces choses. Que je mourrai un peu trop à chaque nouvelle trahison. Qu'il y aura sans doute de la colère sur ma bouche et mes doigts. Que c'est le monde entier qui en tremblera et qui en mourra, une fois, mille fois, avec moi. Que je pourrai encore en pleurer et en hurler. En souffrir mille ans. Crever. Dépérir. J'en perdrai tout mon air. Toute ma tendresse encore. Toute ma clémence. Jamais mon amour puisque c'est lui qui me fait si souffrir. Quand il est si immodéré et intense, mon amour de toi. Mon amour est ma fièvre. Un délice et une peine. Je vais me disloquer si tu me trahis.


Je crois que c'est la pire blessure que tu pourrai m'infliger toi, la trahison. Je l'ai déjà connu et il n'y a rien de pire sur cette terre de fous, de nouveaux nés et de morts-vivant. Et vraiment, c'est la pire, si tu venais à trahir en ne m'aimant plus alors, je crois que j'en crèverai. Puisqu'il n'y a rien de plus sincère et de fidèle dans toute la dévotion que je m’apprête à te dévoiler et qu'elle m'insupporte déjà. Que c'est un tourment qui me fera tout crever. Tout tuer. Tout sauf toi. Puisqu'il faut que tu tiennes debout et que tu contemples, que tu frémisses, que tu souffres, devant la désolation que tu auras toi-même provoqué. Puisque j'aurai tout tué et qu'il ne te restera alors plus rien ni personne. À part moi. Je me tiendrai seul, dans les décombres. Et tu n'auras d'autre choix que de mettre un genoux à terre. De supplier. De pleurer. De crier. Et que moi j'étreindrai encore ton visage je sécherai toutes tes larmes et je poserai encore ta tête contre mon cœur. Je t'étreindrai fort encore. Avec le goût amer de ta souffrance dans mon gosier.


Mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave. Regarde comme tu embrasses ma main. Comme elle te fait sourire. Je ne doute pas un seul instant qu'après tout ce malheur et cette colère il ne me restera plus qu'à t'offrir tout mon amour et le meilleur pour te garder toujours. Et je te couvrirai de tellement d'attention, de présent et de caresses que tu te relèveras et que tu m'étreindras encore et tu accepteras tout puisque j'accepterai tout. J'accepterai toutes tes trahisons, mais ton monde en souffrira. Mais cela encore ce n'est rien. Ce n'est rien à côté de ce qu'il pourrait advenir si tu ne m'aimes plus quand même et que tu me repousses et que tu refuses de me voir et que plus jamais tu ne m'accordes le même regard qu'à cet instant. Puisque c'est celui-là même qui me fait exister. Et que s'il disparaît je disparaîtrai moi. Après tout, à quoi sert de marcher dans un monde si tu me voles mon ciel et mon air ? J'en crèverai à chaque pas.


Et c'est ce tout là je crois. Ce tout là. Tout mon être. Pour l'éternité. Que j'offre cette fois. Et tu ne peux pas savoir ou tu ne dois pas comprendre vraiment. Parce que tu ne vois que la douceur, comme quand tu niches ta main encore dans ma paume. Tu ne sais pas qu'il y a tant de violence dans mes désirs et mes besoins. Sinon tu partirais. Tu courrais. Loin. Là où moi je ne pourrai plus jamais t'atteindre. C'est ce que tu devrais faire avant qu'il ne soit trop tard. Même si j'ai l'impression qu'il est trop tard pour moi et pour toi. Depuis longtemps.


Et alors, que je me dis que cela fait longtemps que tu n'as pas parlé tu répètes encore mes mots. Une interrogation fiché derrière. Moi je hoche la tête doucement, puisque c'est ce que je veux savoir. Je veux tellement tout savoir, connaître, partager. Et j'aime tant, aussi, comme il y a tant de question et de phrase incertaine ou ignorante dans ta bouche. Car j'existe dans les réponses que je t'apporte et dans l'intérêt-que j'imagine et j'espère- te poussent à me dire. Ou peut-être que c'est parce que tu sais que je les aime tant que tu en poses temps. Ou encore que c'est cette chose inconnue qui t'empêche de t'exprimer clairement, comme tu le voudrais qui te fais tant en poser.


Qu'importe. Qu'importe puisque tu as dit que que toi aussi tu me donnerais tout. Dans ces millions de hochement de tête. Alors je veux tous tes mots. Même ceux qui blessent. Ceux qui m'enchantent. Ce qui me font rêver. Ce qui me font peur. Ce qui n'existent encore que dans mon esprit et que tu n'as jamais dit clairement. Ceux qui n'existeront jamais que maladroitement. Je veux tout, sans avoir à les extirper de ta gorge puisqu'ils doivent m'être offert. Je veux leur éclat aussi. Et toutes ces choses encore que je ne peux qu'imaginer, ancrées dans un quotidien trop nouveau et peut-être un peu inaccessible. En échange je t'offrirai moi tous mes gestes. Tous. Des plus beaux aux plus terribles. Des plus maladroits aux plus assurés. Malgré mes hésitations et toutes les protestations de mon esprit, qui parfois, me fait comprendre à quel point ils sont vains, trop ridicules et trop nouveaux, trop imparfaits, trop importants et intense et qu'ils pourraient me blesser et toi avec. Je t'offre tout cela, alors je répète :

- Tout, Sucre. Tout. Il faut que tu donnes tout, parce que ne donnerai pas moins que cela. Pas moins.


C'est comme un accord. Je crois que nous sommes en train de passer un accord. Je n'en ai jamais passé de ce genre. Jamais. Peut-être que toi si ? Je ne sais pas. Je préférerai être ton unique alors je n'y pense pas. Je pense que tu connais-et que moi aussi- presque tous les tenants et les aboutissants de cet accord, ou presque, mais ce presque je ne peux encore l'expliquer ou le connaître. Je crois que ce n'est pas quelque chose qui se dit, mais qui se ressent. Qui se vit. Et j'ai l'impression que tu me fais beaucoup vivre et que tu me feras vivre encore. Je connais un peu les pièges. Je sais qu'il doit y en avoir d'autres. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, puisque je pense qu'il y a aussi beaucoup de belles choses dont j'ignore encore l'existence-et certaines, je m’apprêtes à les découvrir-, des choses terribles aussi. Mais je ne veux rien de moins. Rien de plus. C'est suffisant si tu me donnes tout. C'est suffisant.


Ma paume a perdu ton visage mais retrouvé ta cuisse. Tes doigts. J'ai glissé mon regard de tes yeux à tes cuisses, en passant par mon cœur. J'ai attendu. Pas longtemps. Si peux. J'ai attendu sur le bord de tes lèvres, jusqu'à ce que tu embrasses les miennes. Que tu hoches la tête. Encore. Une fois de plus. Je pense qu'on peut se toucher maintenant. J'ai souris encore, mais cette fois c'est de bonheur. Puisqu'on va se toucher. Que tu vas me donner. Moi aussi. Tout. Que je pourrai découvrir tous les trésors de ta peau et les caresser délicatement. Tu découvriras ma peau et tous ses secrets. Tu vas me posséder, entièrement. Je te posséderais, entièrement. À la fin, je saurai vraiment si c'est la cupidité qui m'étouffe ou l'amour.


Tu as levé les mains vers moi. J'ai suivi leur mouvement sans vraiment d'appréhension, puisque je savais ce qu'elle voulait faire. Me caresser. Et elles ont saisi mon visage. Elles sont devenues écrins et mon cœur une pierre d'amour précieuse. À cet instant. J'ai fermé l’œil. Je me suis concentré sur tes phalanges. Chacune. Elles ont déposé de la tendresse de mon menton à mes pommettes. Lentes et silencieuses. Du bout de tes doigts jusqu'au bas de ta paume. Je n'ai pas bougé une seule fois. J'ai regardé ton propre visage. Je suis resté forte. Même quand tu te glissais près de mon œil je n'ai pas laissé ma main détruire cette intimité nouvelle.


Je n'ai pas protesté non plus. J'ai juste gardé mon bonheur sur mes lèvres, même quand tu les caressais, parce qu'à chaque fois que t'arrêtais, même quelques secondes, quelque part sur mon visage je repensais moi-même à tes traits. À mes caresses. À toute la beauté de ton visage. Qui a tant vécu. Que le temps à marqué. Je me demande à quoi tu ressemblais, à mon âge. Les humains parlent d'enfants et de bébé, parfois, je me demande si toi aussi tu l'as été ? Sans doute que oui. Si tu étais si beau ? Sans doute que oui. Différent ? J'en suis certaine. Je crois que j'aime tout ton passé et le temps que tu as passé dans cet ailleurs inaccessibles où vous n'étiez pas encore vous et où moi je n'étais qu'une chimère. Je l'aime puisqu'il a déposé des jolies choses sur ton visage. Qu'il t'a appris à sourire et rire avec beaucoup de chaleur. Que ton sourire sait tout chasser ce qu'il y a de plus mauvais dans mes propres passions et me ravir mille fois et me faire tomber mille fois pour toi. Je l'aime puisqu'il a fait de toi Sucre. Dans tous tes bonheurs et tes malheurs. Même ceux qui n'existent plus pour toi et dont tu ne te rappellera jamais. Je l'aime aussi puisque dans ton passé nous nous sommes rencontrés. Parlés. Je l'aime chez toi, uniquement chez toi, parce que mon passé n'a jamais été beau avant toi. Parce qu'il est trop récent et qu'il ne m'a jamais rien appris. Parce qu'il n'a pas marqué et ne pourra pas marqué mon visage. Pas de manière aussi belle que sur ton visage et toutes les jolies rides qui se plissent tendrement avec ton sourire ou gravement avec ta colère. Quand tu es concentré sur mon visage. Ou quand tu me regardes. C'est si beau.


Moi, je n'ai qu'une cicatrice et le souvenir de la douleur sur le mon visage. Tout le reste est lisse. Trop. Puisque le temps n'a jamais eu d'emprise sur moi. Qu'il n'en aura jamais. Puisque tout ce que je sais du temps, je les devine en fixant l'horizon qui décline. En comptant les aurores. Je sais que qu'il passe. Artificiel. Mais qu'il passe quand même. Quand je compte il passe. Et c'est tout ce que je sais. On m'a raconté des choses. On m'a parlé d'enfance et d'adolescence. Je n'en connaîtrais jamais les subtilités puisque je suis né déjà adulte. Déjà pourri. Prêt à souffrir l’ignorance. J'ai tendu la main pour effleurer les coins de tes yeux et de ta bouche. Il y a des choses que je ne connaîtrais jamais. Je m'y suis fait, je crois. Je m'y suis fait puisque je peux le deviner un peu avec toi et imaginer un demain-je ne veux pas trop me projeter- où tu seras là quand je me réveillerai. Quand je m'endormirai. Et c'est suffisant.


Tu caresses mes lèvres. Mon menton. Je fais de même. Encore. Je caresse ta barbe sur ton visage, lentement. Curieux. Je n'ai pas sur le mien. Nul part. Et comme j'aime quand elle vient effleurer me peau il faut que je la caresse pour tout connaître. Lentement. J'ai si peur de manquer quelque chose. Tu caresses mes pommettes encore et cette fois, tu remontes vers mon œil. Mes yeux. Je me fige un peu et je referme ma paupière. Je crispe un peu mes traits, sans le vouloir. J'inspire doucement. J'ai déposé mes deux mains sur les draps. J'ai lâché quelques soupirs d'aises. De contentement. Et c'est si différents des hurlements que j'ai poussé, quand on m'a crevé l’œil. Je ne me doutais pas que je pouvais y recevoir de la douceur. Des tes doigts. Puis de ta bouche. Je soupire encore. Je suis persuadé qu'il y a un peu de magie dans tes doigts ? Puisqu'ils arrivent à me faire tout pardonner. À tout soigner. Ma lèvre tremble un peu, elle n'est pas la seule. Je crois que je ne suis plus qu'un frisson. Qu'il est doux et agréable. Il y a vraiment beaucoup de beauté dans tes caresses aussi et j'espère que les miennes le sont autant.


Et puis, après une éternité, tu as passé tes mains sur mes tempes. Dans mes cheveux. Et tu es revenu te perdre sur mes hanches. J'ai retenu un peu mon souffle. Rouvert l’œil, puisque je ne veux rien perdre de ce que je vais voir et ressentir. Tu enlèves mon t-shirt. Tu en soulèves les pans et je tends les bras en l'air pour que tu puisses l'enlever correctement. Et quand tu le fais j'essaie de ne pas vaciller. De river mon œil vert dans le tien. Mais j'ai dû rouge sur les joues quand je pense que tu vas voir mon torse. Même si je sais que mon apparence ne te dérange pas. Je ne sais pas d'où vient cette gêne, précieuse et douce, qui s'accroche tant à mes joues depuis le début de nos caresses. Et peut-être qu'il y en a aussi sur les tiennes. Sûrement. Mais je sais aussi qu'il y a beaucoup de dévotion dans ton regard et sans doute dans le mien, comme il y en a dans tes gestes. Je retire ton haut avec les mêmes précautions. Même plus, puisque je ne veux pas blesser davantage ton épaule.


Quelques souffles plus tard nous nous retrouvons nus. Et silencieux. J'ai posé mes deux mains à plat sur les draps pour maîtriser mon émotion et mes tremblements. Je crois que je n'ai jamais touché ton torse de cette manière auparavant, alors j'ai un peu d'appréhension. Et c'est principalement lié à quelques angoisses et ma nature si encline à les laisser s'emparer de ma raison et mon être. Ce n'est pas la première fois que l'on se touche. On s'est même beaucoup touchés. Embrassés. Étreints. Avec toute la passion et l’empressement du monde. Mais à cet instant tout est si différent. Tu vas me toucher pour me découvrir et me saisir tout entier. Pour tout connaître. Moi aussi je vais te découvre, te saisir et te connaître. Tout. J'entrouvre les lèvres, j'inspire un peu d'air. J'ai hâte. Si hâte.


Tu te rapproches de moi et tu poses tes deux mains sur mes épaules. Je baisse les yeux pour accrocher un instant tes mains. Avant que tu ne commences. Tu vas tout connaître. C'est certain. J'agrippe le coton du drap blanc après un soupire et je me plonge dans ton regard, sans trop ciller. Juste un peu vraiment, mais je n'ai de nouveau plus d'angoisse. Tu glisses alors sur mes clavicules. Sans trembler une seule fois, alors que crois bien que si tu me presses trop je me briserai entier. Je suis si vulnérable, à cet instant. J'ai déposé toutes mes barrières. Pour te laisser voir et toucher. Ma peau frémis à chaque sursaut de tes phalanges et j'ai quelques soupirs sur les lèvres à chaque fois. Tu pourrais briser ma nuque. Arracher mon cœur avec ta main. Enserrer ma nuque et me priver de mon air. Tu pourrais même murmurer mille vérités. Mille horreurs. À vrai dire je pense que tu le fais déjà en un sens. Tu me brises entier à mesure que tu me découvres et que tu prends d'assaut de la façon la plus tendre et la plus terrible qui soit. Et toute ma peau répond à ta caresse. Comme mes épaules qui s'effondrent. Ma poitrine qui me fait inspirer plus fort, pour maintenir mon palpitant en place et l'empêcher d'éclater d'amour. Mon souffle attendris et docile. Chacun de mes muscles. Chaque parcelle de mon corps. Ma bouche qui s'entrouvre un peu trop parfois pour expirer et mes lèvres qui frissonnent. Et c'est avec la plus grande docilité et dévotion que je m'offre. À ta paume. Mon corps se recroqueville un peu plus. Mes joues sont roses. Je crois que je suis trop honnête avec toi. Il n'y a plus de doute possible maintenant. Ou si peu. Il faut que je confirme. Il faut que je confirme. Et pour cela il faut que je te touche.


Alors je tends mes mains et je les dépose sur ton cou pour reprendre là où je m'étais arrêté. Je dépose la pulpe de mes doigts sur ta jugulaire et je glisse lentement. En déposant un peu plus de mes phalanges à chaque fois. Je redessine ta pomme d’Adam. Avec application. Puisque je n'en ai pas sur mon cou. Je trace des arabesques. Jolies, j'espère, mais toujours tendre. Avec toute la retenue et la lenteur que m'impose ce besoin de tendresse qui me secoue les entrailles depuis trop longtemps. Je retourne vers ta nuque, religieusement. La bouche entrouverte et le sourcil plissé sous la concentration. Ta peau est un peu froide et le bout de mes doigts brûle un peu. J'accroche les frissons à ton épiderme comme j'accroche des tendresses. Je passe sur tes épaules. Droites et solides. Plus que les miennes. Qui ploieront un jour j'en suis sûre, à cause de mon amour. Puisqu'il est si grand que j'ai besoin de l'incruster sur ta peau. Elles ploieront. Mais ce jour-là aussi je serai là pour te soutenir, te retenir, alors je n'ai pas peur.


Je continue pour redessiner tes clavicules et j'en profite pour passer lèvres dans ton cou et y déposer un ou deux baisers attendris. Je dépose mes mains à plat sur ton torse, puisqu'il faut que toute ma main te touche. Je descends lentement vers tes côtes. Et puis je remonte vers tes clavicules. Encore. Il faut que j'imprime le rythme de tes battements sur mes doigts, puisque mon propre cœur bat trop fort-depuis que tu me touches et que je sais que tu m'aimes- pour pouvoir ressentir correctement le tien. Je redescends encore, pour trouver tes côtes. De temps à autre je retourne sur la zone de ton torse où se trouve le plus de duvet. De l'index. Je retourne sur ma peau parfois, comme pour y chercher quelque chose de semblable. Mais rien. Ce n'est pas étonnant. Je tends les mains pour retourner sur tes côtes. Caresser ton ventre. Doucement. Il faudrait que je prenne le temps d'embrasser une autre fois ton torse. Mais je veux continuer à apprendre par cœur tout ton corps. Dans ses moindres détails. Alors je prends le temps de le faire, mais je sais que plus tard il faudra qu'on reprenne le temps de se caresser, pour être certain de ne rien oublier.


Il me semble avoir incrusté mille caresses sur ta peau quand tu as posé tes mains sur mes épaules pour m'embrasser. Doucement. Sur les lèvres. Avec une infinie douceur avant de nous faire basculer sur le côté. Je me suis pressé contre ton front et j'ai glissé ma bouche sur la tienne avant que ton souffles ne m'entaille trop et que je crève d'envie de te donner des pressés plus empressés. Avant que tu ne recommence à me toucher dans un sourire. Partout cette fois. Tu n'as plus rien épargné. Sans empressement habituel puisque que ce n'est pas pour arracher mes gémissements que tu le fais. Alors moi aussi je l'ai fait. Encore. J'ai taquiné tes cuisses. J'ai caressé nos différences, toutes, et je suis retourné me perdre mille fois sur ton torse et ton visage surtout quand on s'embrassait.


Ce n'est qu'alors que tu glissais un merci sur mon peau que je me suis rendu compte que tu t'endormais. Et j'ai été touché. Bien plus que je ne l'ai jamais été. Puisqu'on ne me dit jamais merci. Ou alors il n'est jamais sincère. Que le tien l'est à n'en point douter. Et c'est important, alors je range ce mot quelque part dans mon cœur pour en chérir le souvenir. Tu m'as dit merci. Parce que je t'ai tout donné. Même dans mes soupirs. Et même de l'amour. Beaucoup. Et toi aussi. Et peut-être qu'il faudra que je te dise merci tout à l'heure. Merci de m'aimer comme tu le fais. Que je t'avoue aussi que sais que maintenant que ma cupidité est amour quand je manque et je souffre de toi.


Quand tu te réveilleras. Je te dirai. Mais pour l'instant je vais te prendre dans mes bras et veiller sur ton sommeil. C'est le moins que je puisse faire.


***

Je me suis réveillé dans un frisson. Puisque des souvenirs heureux m'ont assailli. Avec violence. Mes doigts ont retrouvé des sensations. J'ai tendu la main vers ton visage, comme pour confirmer que je n'ai pas rêvé. Imaginé. J'ai effleuré délicatement ta lèvre inférieur. J'en ai retracé les contours. La bouche écarquillée. J'ai retrouvé tous les tremblements de tes muscles sur mes phalanges. Ma peau s'est rappelé de la tienne. C'est certain. Je n'ai rien imaginé. Mon sourire s'étire quand je ramène ma main contre ma poitrine. Tendrement. Je fixe tes paupières clauses et leur sursauts. Je crois que je pourrai attendre ainsi l'éternité. Si je peux te caresser et te couver de l'œil. Garder ton sommeil et chasser son trouble d'un simple baiser. Cela ne me dérangerai pas. Et quand tu te réveilleras, je serai là, devant tes yeux et c'est moi le premier que tu apercevra. Mon sourire s'agrandit encore. Je trouve que c'est une excellente idée. Alors j'attends. Engourdis par le sommeil et un peu trop de bonheur.

Au bout d'un moment tes paupières s'entrouvrent. Délicates et légères. Comme si tu te réveillais après cent ans de sommeil réparateur. J'ai commencé à bouger moi-même ma paupière. Mes doigts. Pour chasser définitivement le sommeil et son engourdissement. J'ai échappé un soupire attendris que j'ai masqué en me raclant un peu la gorge et j'ai bredouillé:
- Bonjour Sucre...

Sans même savoir si la matinée est passée ou non. Mais je ne veux pas manquer une seule occasion de te le dire. Je crois que je pourrai te l'écrire aussi sans jamais me lasser. Puisque j'aime tant te le dire et être le premier à le faire. Et je ne doute pas que je puisse en être un jour lassé. Puisqu'il y a tant de beauté dans cette simple phrase. Et de sincérité aussi. Mais avant que je ne puisse répéter ma phrase, puisqu'il me semble que je l'ai trop marmonné inintelligiblement, tu as recouvert mes épaules du drap. C'est à cet instant que je commence à ressentir le froid et que je remarque qu'on s'est endormi tous les deux sur les draps. Et non dessous. Je ris et je me rapproche un peu plus de toi. Je crois que je pourrai me blottir contre ton torse et déposer des millions de baisers dans ton cou. Pour en capter la chaleur. Mais à ce rythme nous ne sortirons jamais de ce lit et la journée s'écoulerait ainsi en quelques battements de cils. Sans que je puisse vraiment le regretter.

Je ne bouge pas plus, puisque j'attends que tu fasses le premier geste. Que tu ouvres la bouche et que tu me dises encore bonjour. Ou mon nom. Ce serait suffisant. Puisqu'il n'y a rien de plus beau. Tu avances ta main vers mon visage, à droite, et je me fais violence pour garder ma main contre moi. Pour ne pas la repousser. Je crois que je mettrai du temps à m'y habituer, mais je n'ai plus la volonté de repousser tes doigts et ta main qui ne m'ont jamais fait souffrir auparavant. Je ferme ma paupière et c'est tremblante et frissonnante que j'accueille ta main et tes doigts sur ma peau. Tu saisis une mèche trop longue pour la replacer derrière mon oreille. C'est vrai. Je n'ai pas encore décidé ce que j'allais faire à leur propos. Je te laisse les caresser et j'en ressens les douceur sur la racine de mes cheveux. Je souris encore. Tu me donnes vraiment l'impression que tu les aimes. Je crois que je pourrais les garder long simplement pour que tu y passes encore tes mains. Puisque ce n'est pas un geste qui nous était familier-sans doute que mes cheveux sont trop secs et un peu désagréable à caresser- et que j'aime cela.

Et puis. Sans prévenir ta main se lève de nouveau jusqu'à mon visage. Pour caresser dans un frisson ma cicatrice et mon œil crevé. J'inspire doucement et j'abaisse ma main qui s'était déjà levée pour saisir la tienne et imprimer mes phalanges durement sur ton poignet. Comme c'est déjà arrivé par le passé. Et comme pour soutenir ma réflexion ta bouche m'assène une question que j'ai déjà entendu et repoussé. Je soutiens ton regard et je n'y trouve aucune malice. Je pense que tu ne me la poses pas pour satisfaire une curiosité malvenue. Puisque tu as soupiré tendrement comme pour ne pas me brusquer. J'ai fermé mon œil et je me suis allongé sur le ventre. J'ai enfoui la moitié de mon visage dans le coussin. Pris une grande inspiration. De quelques secondes. Tourné mon visage de nouveau vers le tiens. Je me suis redressé sur mes coudes et j'ai une nouvelle fois détourne mon visage du tien. J'ai recueilli ma bouche et la pointe de mon nez. Quelques autres secondes. Je me suis alors décidé.

D'un coup je tourne mon visage vers le tien. Sans pouvoir accrocher ton regard. Comme si n'étais toujours pas décidé de ce que ma propre iris voulait faire. Je descends mes bras et les croise sur ma poitrine, tout en m'y appuyant toujours et je dépose la moitié de mon visage dans l'oreiller. J'Inspire. Et je commence par souffler, bas très bas, comme si je ne voulais pas troubler le silence et le bruit de ta respiration.

- C'était un matin brumeux... C'était la première fois que je voyais la brume. Elle était épaisse et trop dense pour que le soleil puisse la percer et illuminer le pont. Comme chaque matin. Caresser l'eau et y faire se refléter mille éclats de lumière. Je.crois que j'aimais encore la mer à cette époque. J'aimais les embruns. L'air salé sur ma bouche. Dans mes cheveux. C'était beau. Quand je pouvais voir avec mes deux yeux! Un rien m'émerveillait. Je marque une pause et je ris doucement pour rajouter. - J'étais encore jeune et naïf. Je ne connaissais encore que les beaux jours. Les chants des marins. Le roulis de l'eau. Je n'avais que quelques jours d'existence. Vingt. J'aimais beaucoup la vie sur le navire. Même si le capitaine ne me donnait que des tâches ingrates. Mais j'ai eu le temps d'apprendre des choses. Le nom des vents. Des vagues. Le nom des voiles. Et parfois le timonier me montrait comment tenir la barre! La vigie me laissait lui tenir compagnie la-haut. Et je me perdais dans l'horizon. Je hissais les voiles, et on me montrait comment nouer les cordes! Il me semblait que je n'avais pas assez d'œil et de bras et mes sens étaient si jeunes et curieux qu'ils me rendaient trop insouciant et curieux! C'était si beau! Et il y avait tellement de joie et de vie dans ce navire! Je raconte, avec beaucoup d'enthousiasme. J'essaie de faire des gestes pour te raconter l'immensité de l'océan. Je glisse encore quelques anecdotes sur ma jeunesse et la simplicité de ma joie quand j'ai découvert le rhum. Le vol gracieux des mouettes et quelques autres aventures quand un jour j'ai dû chasser les rats de la cale, pour avoir essayé de subtiliser au nez et à la barbe du capitaine. Quelques rires ont encore secoué mon ventre et puis j'ai dit. - Mais ce matin-là, il n'y avait pas d'oiseau dans le ciel. On y voyait rien. Ou si peu. Et. Aussi soudainement qu'un éclair a déchiré le ciel ils sont arrivés. Avec leur cordes. Leurs crochets. Sur le pont que je m'apprêtais à frotter. Tout est devenu un peu flou. Tous les marins ont débarqué. L'épée au poing. Ils me disaient "Bermuda, va dans la cale!" Et je sais pas pourquoi je suis resté. C'était très idiot. Après tout je ne savais pas me battre. Ou si peu. Je n'avais qu'un petit couteau dans un étui en cuir que j'avais gagné aux cartes. Je ne sais pas pourquoi je suis resté... Ma lèvre tremble un peu quand je lâche un rire nerveux et que mon iris fuit la tienne presque comme si je ressentais de nouveau le malaise qui m'avait assailli à cet instant sur le navire.- Ils me disaient d'aller me cacher. Tu te rends compte? Alors qu'ils étaient en train de lutter pour garder le contrôle du navire. Qu'ils saignaient! Je n'avais jamais vu de sang. Je n'avais jamais entendu des cris. De douleur! Jamais! De la rage. De la colère. Il y avait le bruit du fer. L'orage dans le ciel. Les hurlements encore ! Et les éclairs. La brume. Trop. Je déglutis et mon débit s'accélère de plus en plus. Comme mon souffle.- Il y avait trop de choses! Des choses effrayantes. Je ne connaissais rien. Vraiment rien de toutes ces choses. Des visages déformés et éteints d'inconnus juste avant qu'ils ne disparaissent. Ceux de compagnons aussi avec qui j'avais bu du rhum encore la veille! Et ils me disaient encore de partir. Mais moi. Je suis resté planté là. Inutilement. J'étais pétrifié. Avec un saut et un chiffon dans les bras. Puisque que j'aurai dû être en train de frotter le pont! Tu comprends? Je n'avais jamais rien vu de plus terrifiant et d'aussi captivant dans une même mesure. Tu comprends? On me bousculait entre deux affrontement féroces. Me repoussait. Mes pieds ne résistaient pas. Et je comprends pas pourquoi je n'ai pas vacillé. Ou fuis. Je suis resté planté là. Muet. Sourd. Incapable de respirer correctement. Je ne comprends même pas comment je suis resté si longtemps indemne quand j'y repense. J'ai été d'une bêtise! Je m'emporte encore un peu. Avant de me taire. D'un coup. J'ai essayé de maîtriser mon souffle. Les sursauts de ma bouche. De ma peau. Il fallait que j'aille agripper ta main pour être certaine d'être bien dans ce lit et non en pleine bataille. J'ai décris d'une voix trop blanche encore l'ardeur de la scène. La mer qui se démonte. Les vagues qui se font fracasser par le navire plus enragé et terrible qu'une tempête. Ma voix a perdu de son intensité quand j'ai dit, en retrouvant tes yeux: - Quelqu'un m'a agrippé l'épaule et poussé. J'ai trébuché. J'ai trébuché. À cause de la pluie. Un homme m'a surplombé. Je me souviens. Je me souviens que je n'ai même pas essayé de dégainé mon couteau. Pas à un seul instant je n'ai eu le réflexe de le faire. Pas même quand il a brandit le sien. Pas même quand je voyais que c'était pour me tuer. Alors qu'il avait des yeux furieux. Des hurlements sur la bouche. Du sang sur la tunique et la lame. Je l'ai laissé faire parce que tous mes membres étaient tétanisés. Même ma bouche. Même ma bouche! Je m'arrête et je pose ma droite à plat sur ton œil droit. Les phalanges tressautant sur ta paupière pour lâcher tout bas. Trop bas peut-être. L'œil brillant et la voix cassée. - Et la lame s'est enfoncé. Pas un seul instant il n'a hésité. Même pas quand ma bouche s'est déliée d'un coup pour pousser le pire hurlement de tout Libra. Le plus douloureux. Et je n'avais jamais eu mal avant. Jamais. Et j'ai pleuré aussi. Du sang. Du sel. Je n'avais jamais pleuré Sucre! Jamais. Et il a retiré sa lame je crois pour me tuer. Une grimace sur la bouche. Et si je n'avais pas eu aussi de douleur dans la gorge je lui aurais supplié de me tuer. De mettre fin à la souffrance. C'est la pire chose qu'il m'est été permis de ressentir. Je voulais mourir. Ardemment. Mais je ne pouvais que hurler et je ne sais pas... Je ne sais plus qui m'a sauvé. Je ne suis pas resté pour la savoir et j'ai fui. Ventre-à-terre. Et je sais que j'ai rampé jusqu'à la cale. Je me suis laissé tomber lourdement dans les escaliers. Je me suis trainé dans un coin, avec mes coudes et mes jambes. Semant des cris, des sanglots terrifié et encore du sang sur le bois. J'ai vomi. J'ai encore hurlé. Je crois même avoir essayé de me tuer. Avec le couteau. Celui-là même qui n'est pas plus grand qu'un coupe papier! Je marque une pause. Je ramène ma main contre moi et je termine par : - Mon œil est mort. Ce jour-là. Un peu de ma naïveté et de mon émerveillement. J'ai perdu d'autres choses aussi. Mais je me suis juré... Pour ne plus jamais...! C'était si douloureux. Si terrifiant! D'être à la merci de quelqu'un. D'être trop bête et hébété pour au moins essayer...? De vouloir à ce point crever pour que la douleur cesse à jamais et...! Je ne peux pas finir. C'est encore trop douloureux. Je grogne: -Tu ne peux pas comprendre! Ou peut-être ? Est-ce que tu sais ce que...? T'a-t-on déjà...? Mais je ne peux pas non plus finir. Je crois que je ne le pourrai jamais.Je sers les poings. Puisque je crois que je tuerai de mille façon tes assaillants si j'apprenais que tu as connu un jour pareille souffrance. J'attrape ta main et ton bras contre ma poitrine pour le serrer contre moi et offrir quelques larmes silencieuses. Une ou deux. Pleurer mon impuissance et ma bêtise. Ma vulnérabilité. Dans me silence. Réchauffer tous mes muscles et le bout de mes doigts glaciales. Les genoux repliés Juste pour chasser les sursauts de mes muscles. Calmer respiration. Quelques minutes.

Et quand je relève la tête je me rends compte que je suis un peu soulagé. Je ne l'avais jamais raconté à personne. J'ai toujours ressassé ma bêtise et mon extrême immaturité. J'ai subi encore tous ces souvenirs sans jamais pouvoir les partager. J'ai toujours noyé ma terreur et mes cauchemars dans le rhum. Je n'avais jamais pu confier tout cela. Et je crois. Je crois que je suis soulagé. Vraiment. D'avoir pu mettre des mots. D'avoir un peu exorcisé ce mal-être en le partageant. Je relâche ton bras. Plus sereine maintenant. Je tremble encore peu, mais ce n'est plus de peur. Plus colère. Plus d'impuissance. Je vais poser un index sur ta bouche pour t'intimer le silence et je dis:
- Quelques mois plus tard j'ai retrouvé mon assaillant. Sur les quais d'Ethernite. Je l'ai attrapé. Attaché. J'ai regardé son visage. Ses yeux. Pour être certain qu'il se rappelle de moi. De ma cicatrice... Je remonte vers ta paupière pour la caresser. - Il m'a reconnu. Il a hurlé. Il a souffert. Il a supplié. Il a pleuré. J'ai à mon tour crevé son œil. Avec une dague. La sienne. Je grimace. - Et cela ne m'a jamais apporté du réconfort. Puisque j'étais toujours borgne. Que j'avais encore des cauchemars. À la différence que j'entendais ses propres hurlements. Qu'ils me donnaient envie de vomir. Et de hurler encore. Je secoue la tête, un air dégouté sur la bouche. - Tu sais tout maintenant. Tu peux rire de ma bêtise maintenant. Je ris, artificiellement quelques secondes, avant de plonger dans ton iris.

Puis. D'un coup je vais contre torse et je te fais basculer sur le dos. Je m'allonge contre-toi et je vais embrasser les coin de tes paupières pour dire, la voix chargée de menace:

- Non. Ne ris pas. Ne laisse personne te faire du mal comme cela Sucre. Jamais. Je serai capable du pire pour te venger. Ne laisse personne d'autres que moi toucher ton visage. Ne laisse personne te mettre à terre. Ne laisse personne te rendre si vulnérable. Ne laisse personne d'autre que moi le faire. Parce que ce n'est plus quelque chose que je pourrai supporter. Jamais. Je reste allongé sur toi et je vais poser mon front contre ton menton. Peut-être qu'il y a vraiment trop de violence dans mes paumes, mais je m'en fiche. Je m'en contrefiche à ce moment-là car je suis certaine de n'avoir jamais été cruel et vicieuse. De n'avoir jamais apprécié blesser autrui. Mais quand il s'agit de toi je perds tellement l'esprit que je suis quasiment certaine d'apprécier la torture que je pourrai infliger aux autres s'il t'arrivait malheur.

Je me redresse et je frotte mon visage entre mes paumes. J'inspire et je chasse les dernières traces de mon courroux. Je me recule jusque sur le bas de tes cuisses. Le visage fermé et la lèvre retroussée. J'ai de nouveau perdu ma douceur. J'ai crois que j'ai remué trop de choses. J'ai encore des souvenirs de fureurs anciennes et de douleurs qui me font encore trembler. Et celles que tu m'inspires vont finir par me détruire et détruire ce qu'il y a de meilleur dans mon amour. Je veux pouvoir fermer les yeux et me rappeler de nous plutôt que du bateau et de la brume. Et le sang. Je secoue la tête. Prends une inspiration. J'ai surmonté tout cela. Et je vais bien. On va sortir. Et tu vas m'apprendre. J'achèterai des choses. J'expire. Je prends le temps de me raccrocher à toi avant de sombrer encore.

- Est-ce que tu veux bien m'enlacer? Et me dire bonjour?




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coeur souillé de noirceur
Sucre
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Féminin

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ANECDOTE ▲ : son tribut est qu'il est condamné à ne plus jamais dire la vérité. il est accessoirement confiseur et claustrophobe.
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaVen 8 Mai - 4:18

Il me semble que tout me ramène sur ce navire.
Il me semble entendre les litanies de la coque qui gémit sur l'océan ; le bois qui grince et qui craque, incessamment ballotté par la mer amoureuse ; les talons qui s'entrechoquent sur le pont et qui résonnent, obtus, jusque dans la cale plongée dans un noir gris ; le froufrou de ses vêtements lorsqu'il les laisse tomber, l'un après l'autre ; sa respiration calme, endormie, comme si une divinité venait d'y déposer un index de paix.

Il est certain que tout me ramène sur ce navire.
Il est certain qu'il m'envahit par son souvenir tant la scène est intolérablement semblable. J'ai le parfum du sel qui noie mes narines et le cri des mouettes qui résonne contre mes tympans. Pourtant, je suis trop loin du rivage pour que les princes des mers s'aventurent jusqu'à mon appartement. Mais quand mes yeux chutent sur lui ils se blessent ; un paysage d'océan et d'infini frappe alors mes paupières.

Je retourne sur le bateau.
Je ressens encore, entre mes deux tempes, la violente migraine alcoolisée qui m'avait prise en otage. Je me souviens des haut-le-cœur qui culminaient les nuages tellement mon ventre suppliait de le laisser de retourner. Je me souviens de ma colère, blanche, noire, rouge, désespérée, confuse lorsque j'ai appris qu'il voulait me vendre.

Je me souviens, à ce moment là, avoir beaucoup tenu à ma liberté ; je l'ai troquée très simplement, quelques minutes après, contre quatre jours avec lui.

Déjà, il m'avait vaincu.
Déjà à cet instant il m'avait arraché, sans dagues, sans lames, juste avec sa peau blanche et ses lèvres gorgées de promesse, l'illusion à laquelle je tenais le plus. Je m'étais vendu comme esclave ; j'avais vendu mes mains pour qu'elles confectionnent des guimauves rondes et carrées pour des cous ronds et adipeux ; j'avais vendu un morceau de ma dignité ; j'avais vendu une partie de mon corps ; j'avais vendu mon temps ; ma supériorité.

J'ignorais encore qu'à cet instant là, j'avais vendu bien plus que ces futilités.
Il ne s'était agit que de quatre heures, quatre petites heures, minuscules dans cette ligne droite et continue d'éternité – quatre heures que je n'avais même pas été capable de tenir. Quatre heures privé de liberté, soumis, assujetti, esclave des autres, attaché à un contrat, dépendant de mots d'encre délavés.

Ces quatre heures m'avaient parut immenses, gigantesques, titanesques.
Et j'ignorais encore qu'à cet instant là, je m'étais vendu à lui d'une façon plus brutale, plus violente et plus totale.

Je ne suis pas homme à parler d'infini ; je peux néanmoins affirmer que, ce jour là, sur son navire, alors que nous étions ballottés par une mer bleue et calme, quelque chose de très important s'est produit. Il s'agissait de gestes, de paroles de signatures ; de baisers, de prénoms que l'on échange, de soupirs que l'on presse contre une gorge.
Il s'agissait d'un peu de tout ça et de plus encore.

Je savais, à cet instant là, que je ne pourrais plus jamais l'oublier.

Et ma crainte s'est parée des atours somptueux et terrifiants de la réalité.
Maintenant que je le regarde, qu'il n'y a plus d'oiseaux des mers ou de tangage nauséeux, j'ai la certitude, entre trois brins de ses cheveux longs, que je ne pourrais jamais l'oublier. Jamais – ce n'est pas dans mon vocabulaire, c'est niais et ridicule, mais il a gravé trop de plaisirs et de violences de ma peau à mes os pour que je puisse un jour en oublier les échos.

Toutes ces émotions – des émotions, moi, le presque imperturbable Sucre – toutes ces émotions soulèvent ma poitrine et, alors que je presse mon index contre les mille plis parcheminés de son œil crevé, je sens ma gorge qui enfle comme le soleil d'une aube.

J'ai l'impression justifiée que Bermuda me fait ressentir trop de choses et que tout a commencé sur les planches de son navire.

D'abord, Bermuda m'a outré.
Puis, Bermuda m'a fait rire en secouant mon amertume. Après, Bermuda m'a rendu faible, très faible pour lui. Il m'a vaincu une première fois. Bermuda m'a provoqué. J'ai provoqué Bermuda. Nous nous sommes répondus, nous nous sommes souris, nous nous sommes piqués de nos mots et de nos gestes. Puis, Bermuda m'a séduit, encore, une fois, deux fois, et cent fois encore à venir à chaque fois que je croise son visage.

Puis, Bermuda m'a touché.
Bermuda a éveillé ma curiosité. Bermuda a secoué la vie devant mon nez comme si je l'avais ratée pendant toutes ces années. Bermuda a menti et il m'a fait aimer ses mensonges. Bermuda a été vulnérable et plus il se dépouillait de sa force, plus je perdais de la mienne. Bermuda a esquissé les contours de ses faiblesses et a dénudé les miennes, les unes à la suite des autres. Il nous a dévêtus de nos mailles théâtrales jusqu'à ce qu'il ne reste plus que soupirs et grognements puis, Bermuda a créé l'impossible.

Bermuda m'a rendu très tendre.
C'était là un exploit – pourtant, je savais que j'étais quelqu'un de tendre, je savais que j'avais ces élans là que je n'assumais pas et que je distribuais avec parcimonie et avarice. Mais Bermuda me les a dérobés, sans demander, sans permission et je me rappelle, je me rappelle très bien ce qu'il s'est passé au milieu de ses draps de satins et de soie qui rehaussaient ses hanches nues.

Je me souviens avoir été tendre avec lui et avoir détesté ça.
J'ai haï mes mains à ce moment là - et mes doigts, et mon bras, et chaque muscle et chaque peau qui participait à cette douceur. Je me souviens avoir trouvé ce désir abject et je pense pouvoir en affirmer la cause.

J'en avais peur.
J'avais peur des gestes qu'il provoquait chez moi et qui étaient si différents des poings et du sang que je faisais ruisseler ailleurs ; j'avais peur de cette douceur ; de la douceur ; de ma douceur.

Si je m'apaisais, la vie allait devenir si douloureuse. Tout est plus facile à rejeter en bloc lorsque l'on a que du pétrole et de la nicotine dans les poumons.

Et je ne pense pas que ma peur, à cet instant, ait été injustifiée.
Alors que je réitère mon geste et qu'il réitère le sien (je l'ai vu, j'ai vu qu'il avait levé sa main comme pour m'arrêter et laisser quatre ecchymoses sur mon poignet), mes craintes n'en sont que confirmées.

Puisque maintenant, je n'ai plus que de la tendresse pour lui et jamais, jamais je ne me suis senti plus en danger.

Il serait si facile de me faire du mal.
Il serait si facile qu'il me fasse du mal – et les autres, aussi, le monde entier, je suis devenu faible, ridicule, inférieur.
Je suis devenu cassable. Rien qu'un coup et je m'étiolerai, perdu entre mon ancienne rancune et ma douceur nouvelle.

Tout ça parce que des choses trop fortes sont nées sur ce navire, entre un pirate et un confiseur. Il est encore plus étrange de penser que je ne regrette rien. La vie éternelle était, de toute façon, trop ennuyeuse.

Je crois que je suis heureux d'être tombé amoureux.
J'ai envie d'aller poser un baiser sur son front mais, je sais que si je cède à mon envie, un chapelet d'autres suivront, puis ce seront mes mains et leurs caresses et mon bassin et ses caprices. Je me retiens, le pouce sur sa plaie, m'écoutant moi-même répéter cette phrase que j'ai posé tant de fois sans jamais en obtenir l'histoire complète.

Je ne pense pas qu'il m'expliquera encore.
J'ai cette certitude qui fait office de barrage de bois ; Bermuda a évité si souvent cette interrogation qu'elle s'est enroulée dans le mystère. J'ai beaucoup fantasmé dessus. J'ai imaginé beaucoup d'histoires héroïques parsemées de combats, d'abordages probablement, de capitaines, de jugulaires tranchées et de tempêtes terribles, de cris et de jurons, de rires francs et d'aventures. Parfois, j'oublie que je lisais beaucoup avant – avant.

Mais je ne pense pas qu'il réponde. Il a déjà laissé tombé tellement de cuirs, tellement de vêtements,  tellement de défenses et tellement d'atours, lorsque nous sommes partis à la découverte l'un de l'autre – aurait-il le courage de se s'exposer encore.

C'est comme si c'était la dernière petite bannière intangible à faire s'effondrer – alors que je sais qu'il en a mille autres, des barrières, et que je vais me heurter à chacune d'elle dans la violence d'un accident.
J'y perdrai plus que des membres.

J'observe les manœuvres hésitantes de Bermuda. L'insatisfaction qui perce sa peau et ses multiples gestes fait s'accrocher sur mes lèvres un sourire, et sur mes cils cette tendresse que lui seul écume. J'entends toujours le ressac dans mes tympans et j'ai ramené mes doigts, si désireux de le happer tout entier, contre mon ventre. Comme il bougeait sans cesse, je rajustai ma position dans un sourire. Je calai ma joue contre mon poing, le flanc enfoncé dans le matelas, prêt à l'observer et à le détailler dans toute sa perfection vagabonde (est-ce à cause de ça qu'il est si beau ? Il faudrait que je lui demande un jour, mais ces pensées me brûlent le crâne).

Je m'amuse, curieux de son manège et observe, fasciné, dévoué, obsédé, ses bras blancs qui se plient, se déplient, se replient, se glissent sous lui, contre le matelas, près du coussin, vers les draps et dans mon œil germe le désir.
Je le retiens.

Et c'est lorsque je m'apprête à lui dire que ça n'a pas d'importance, qu'il n'est pas obligé de parler, de me confier ce qu'il lui est arrivé que ses premiers mots coupent l'air comme le sifflement d'une épée.

Bermuda me raconte.
Non, c'est plus, infiniment plus que ça et je m'en rends compte dès ses quatre premiers mots et avec une telle intensité que j'en ai toute la poitrine qui s'effondre et le sourire qui s'affaisse.

Bermuda me raconte son histoire.
Et je bois et chéri cette confession comme un trésor excavé des abysses - un trésor unique, antique.
Je ferme mes yeux, j'écoute Bermuda.
(et si je ne le regarde pas, je crois que c'est pour ne pas qu'il voit les tremblements dans mes yeux, même si leur épicentre s'étend juste que sur mes lèvres).

J'écoute Bermuda me raconter son histoire.

J'ignore à quoi je m'attendais exactement – et pourtant, j'ai fantasmé cet instant, et je sais que mes évasions chevaleresques ne sont pas loin de mots qu'il m'offre maintenant, mais tout est si différent.

Tout est si vivant.
J'ai les yeux clos mais sur mes paupières dansent les paysages maritimes et le pont que l'on frotte. La brume nappe mes cils et je ressens, sur ma nuque, l'excitation de ses découvertes. L'eau coule dans ma gorge et entre mes phalanges et je me sens presque prêt à l'enserrer lorsque je lève mes doigts pour les poser sur la hanche de Bermuda. Distraitement, je commence à caresser son corps, comme un automatisme rassurant et je me dis que la texture de sa peau n'est pas très éloignée de celle des rivières. Ma tête dodeline un peu, sans sommeil, suffisamment apaisée pour ne pas me laisser aller aux rêves profonds lorsque je ferme les yeux et petit à petit, son enthousiasme commence à faire grandir dans ma poitrine un roc de joie.

C'est seulement à cet instant que je me sens assez fort pour rouvrir les yeux.
Sa vision, euphorique, innocente, naïve, me frappe plus fort que ses mots.
Bermuda est si jeune, lorsqu'il me raconte son histoire. Je me perds dans ses traits sans rides, dans sa peau sans marques en dehors de son œil, dans ses lèvres sans cicatrices. Les caresses aériennes de mes doigts s'arrêtent le temps que je me perde dans ma contemplation. Je me retrouve, elles reprennent.

Je croyais ne rien pouvoir découvrir d'autre après avoir effleuré mille fois sa peau dans tous les sens possibles ; mais je tombe, encore, lorsque je découvre sa jeunesse et sa candeur.

Je me dis, aussi, que Bermuda est un excellent orateur.
J'ai toujours aimé nos rencontres pour les mots qu'il maniait comme des dagues ou du rhum – à la perfection. J'ai toujours envié son aisance, son talent, la liberté qui prend forme dans les ailes qu'il créé du bout de sa langue. Ma tête s'enfonce un peu plus sur mon poing et quand il rit, je ris aussi.

Je crois que je devrais le haïr.
N'est-ce pas ce que j'aurai ressenti, cette haine amère, avec n'importe qui d'autre ? N'importe qui qui n'aie pas ni ses lèvres, ni son visage, ni sa douceur, ni son excès. J'aurai envié l'éloquence de n'importe quel homme n'importe quelle femme et rêvé de les tuer et de leur extirper les mots à même la gorge, tellement sa façon de s'exprimer est belle comme l'océan que fend son navire.

Pourtant, je ne ressens, à cet instant, rien d'aussi violent ou d'aussi noir.
Bien sûr que je l'envie un peu. Je me dis qu'autrefois, je devais aimer m'exprimer avec la même clarté – et je le sais car mes pensées sont toujours enluminées de rhétorique mais que jamais elles ne peuvent franchir le filtre de ma bouche telles quelles.

Mais, désormais, ça n'apporte rien de bon quand je m'exprime.
Alors, je préfère fermer encore les yeux quelques secondes et savourer les phrases éloquentes de Bermuda. Mieux vaut qu'il parle, qu'il parle sans cesse, de sa belle voix aux accents d'or, puisque je ne doute pas que viendra un jour où il faudra qu'il parle pour nous deux.
Mais ce jour n'est pas encore là.

Alors je le relance. Je participe, je m'intéresse – parce que c'est vraiment ce dont j'ai envie, parce qu'il me tire dans sa vie avec la lumière de son visage et le crépitement de sa voix. Je tombe, je me renverse, je bascule dans son existence sans avoir peur et sans rejeter la moindre de ses anecdotes. Je ris en même temps que lui. J'ai parfois la larme qui me monte jusqu'à l’œil. J'ai les doigts qui courent dans son dos, sur sa nuque et parfois même jusqu'à son visage (mais je ne veux pas gêner son élocution). Je pose aussi beaucoup de questions et aucune n'est une contrefaçon (cette constatation est un soulagement brut, je crois que ça pourrait fonctionner comme ça, s'il parlait toujours de lui et que je ne posais des questions que sur lui).

Je lui demande quels sont les chants des marins ; quels sont les vents, même si j'en connais certains ; comment fonctionne un navire ; quelle tâche préférait-il ; s'il voudra bien me montrer les nœuds, à son tour. Et puis j'ai continué de rire, de m'exclamer, de me perdre dans l'emphase et parfois les hyperboles et les euphémismes pour ne pas que mes paroles soient censurées mais j'ai réagi, vraiment.
J'ai réagi, avec tout mon cœur.

J'avais encore un rire dans la gorge et une larme au coin de l’œil lorsque je me suis demandé comment un être aussi innocent avait pu basculer dans l'impétuosité dangereuse qui habille aujourd'hui Bermuda.

Cette pensée, qui petit à petit pénétrait mes os, a fait mourir mon sourire sur mes lèvres. Il s'est éteint comme la tempête de l'océan chasse les rires des marins et je me suis dit, soudain, que je n'avais peut-être pas envie de savoir.
Peut-être fallait-il que j'arrête son récit et son verbe fluide. Je ne savais pas si j'étais capable de le supporter. Je ne savais pas si j'en avais envie.

Je savais que je n'aimerai pas ça.
Après ses rires et ses éclats de joie que je couvais d'un œil attendri et de caresses nonchalantes, sa voix changea. C'était celle que je redoutais, un peu. D'eux-même, mes doigts se crispèrent près de ses cuisses. Sa tessiture était plus basse, plus grave. Les évènements qu'il me contait aussi ; la dilatation qu'il instaurait ; les indices qu'il glissait ; la naïveté qu'il brandissait, confrontée à la violence à venir ; tous les procédés rhétoriques faisaient gonfler ma langue de fer et d'acier.
J'avais un goût de rouille dans ma bouche.

Alors que jusqu'à présent je croisais, complice, son œil vert, désormais je ne levais plus mes yeux. Ils se perdaient sur les angles de son corps, à la recherche d'un relief à accrocher pour se rassurer. Je déglutis ; ma langue devint sèche, râpeuse comme après avoir bu du mauvais vin.

J'ai l'impression de basculer, lentement, dans un roman que je n'aime pas.
Un roman, une histoire, une odyssée trop bien racontée et dont je regrette, désormais, la vivacité. Et rien ne confirme plus mes regrets que lorsque j'ose enfin relever mes yeux vers Bermuda et que je vois sa peau qui tremble et la nervosité qui suinte sur ses paupières.

Puis, ça devient de pire en pire.
Je tombe – nous tombons de plus en plus profondément dans la bataille et moi et je le regarde, impuissant, se laisser emporter par le souvenir et se faire arracher à notre quiétude. Je regarde la peur vrombir sur ses joues et l'horreur poindre dans ses yeux. Son souffle s'enflamme, se casse, s'écorche. Je sens, à l'intérieur de moi, une révolte âcre qui secoue ma nausée et très vite, j'ai envie de vomir.
Je me sens pâle.
Je me sens sans pouvoir.
Je me sens inutile – et j'ai tellement, tellement haï cette sensation. Sauf que je ne le suis pas autant que tout à l'heure, je n'ai pas que de l'argile d’effroi dans les veines ; j'ai aussi ma main sur son corps. Et même si je ne peux rien prononcer (que dire dans cet instant où Bermuda souffre de sa mémoire ?), je tente de lui faire savoir que là, tout de suite, tout va bien.

Mutuellement, nos mains se cherchent et s'agrippent. Il semblait que nous étions animés par le même besoin de se raccrocher l'un à l'autre ; et si Bermuda a besoin de s'accrocher à moi, ou ne serait-ce qu'à ma main, je ferai de ma main l'immuable.

Mais j'ai toujours envie de vomir.
J'ai tellement envie de vomir puisque ce qu'il me raconte est insupportable mais que je dois le supporter. Puisque Bermuda me raconte son histoire et je dois l'écouter – alors que je n'ai que ma main autour de la sienne pour tenir et, c'est très égoïste, mais je voudrais ne pas en entendre davantage. Je voudrais lui dire de se taire – je voudrais le prendre dans mes bras si fort que j'en couperai son air et ses mots mais je me noie dans les paroles de Bermuda.

Je croule sous ses mots comme je me suis souvent enlisé dedans ; sauf que, cette fois-ci, c'est un mal nécessaire, et c'est à moi de prendre sur mon écœurement pour que Bermuda termine.

J'entends son souffle fou qui s'apaise ; moi, je ne respire plus. Je sens une pellicule de sueur coller sur mes tempes et, si mes cheveux étaient encore longs, probablement qu'ils y dessineraient des tentacules.

Bermuda pose alors sa paume contre mon œil. Nerveux et pris par surprise, je tressaille. Je tremble une seconde et étouffe tous mes autres tremblements. Je resserre la prise de ma main pour la sienne. Je ne cherche pas d'air, incapable de remplir mes poumons.

Je l'écoute.
Je ne peux faire que ça.
Même si je voulais le rassurer je ne pourrais pas – je me suis déjà heurté à cette réalité il y a quelques heures. Je m'asphyxie pour lui.

J'écoute son œil lui être arraché.
J'écoute la souffrance de Bermuda. J'écoute son éloquence qui, désormais, ne m'arrache ni émerveillement, ni attendrissement – juste l'horreur, la nausée, le dégoût. J'écoute sa terreur. J'écoute sa panique. J'écoute sa peine, son mal, sa douleur. J'écoute ses tremblements, sa fuite, sa chute. J'écoute son désespoir et le choc sourd de son indolence qui meurt dans ses souvenirs. J'écoute ses sanglots, ses cris, sa détresse, j'écoute et je recueille chacun de ses cauchemars en étant parfaitement incapable de les contenir.

Je me laisse traverser par ses mots qui, désormais, sont bien trop vivants pour moi.
Je crois que je vais vomir.

Je n'aurai jamais dû poser cette question.
J'abhorre dans toute son abjection la souffrance de Bermuda et je suis certain de ne pas tolérer qu'il puisse avoir mal encore. Je suis coupable ; confus ; nauséeux ; malade.

Mais je suis aussi et surtout, à ce moment là, emporté par une colère glaciale.
Un silence. Il retire sa main de mon visage et cette rupture me ramène dans notre présent, là où la colère n'a pas lieu d'être et que je dois la vider de mes veines. Ses mots crèvent mon cœur un peu plus à chaque liaisons et, je n'en peux tellement plus que je me surprends à vouloir parler. Ma bouche s'ouvre, plusieurs fois, sur du vide et se referme sans avoir rien prononcé (j'ai recommencé à respirer, néanmoins). Ma main aussi se lève, hésitante, tirée en arrière par le sang et la violence du souvenir qu'elle n'arrive pas à assimiler. Je ne sais pas où la poser – je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce que je devrais faire et j'ai peur, soudain que Bermuda n'explose encore.

Mais après ses sursauts et même des questions sur moi, et sur ce que je devine la souffrance que j'ai pu ressentir, Bermuda s'empare de mon bras et le serre fort, contre lui. Je me redresse un peu pour le lui offrir tout entier – puisque c'est tout ce que je peux faire, là, et que je n'ose rien faire parce que j'aurai peur de l'écorcher davantage.

Je laisse le souvenir de Bermuda glisser hors de lui et sa fureur et sa panique s'apaiser.
Je me sens, à cet instant, toujours aussi inutile (c'est une sensation qui va me coller, comme mon amertume, je crois bien que je tombe petit à petit dans le mutisme encore, je ne peux pas freiner ma chute, mais je tiens).

Cependant, à aucun moment mon regard ne quitte le visage mouillé de Bermuda.
Je crois que je ne cille même pas. Mon autre mains même vient caresser sa cheville et, dans ce toucher doux, il y a mes phalanges qui disent : je suis là, Bermuda.

Puis Bermuda fini par revenir et me fait revenir aussi (j'étais perdu dans mon impuissance et dans ma colère, encore, mais il arrive toujours à m'en hisser) et pose son doigt sur ma bouche. C'est pour me faire taire, mais il ignore à ce moment là que mes muscles tremblent trop de fureur pour que ma langue ose s'animer – et que je m'enlise dans le mutisme.

Je prends sa caresse et tressaille, encore. J'écoute sa revanche. J'écoute sa conclusion qu'il raconte avec une voix plus calme mais qui a bravé une tempête trop coupante pour en ressortir indemne. J'écoute sa respiration. J'écoute sa peau. J'écoute son cœur dont je suis presque certain de pouvoir percevoir le battement, aussi fou que le mien.

Et quand je me dis qu'il n'aurait pas du crever l’œil de cet homme mais les deux, et lui couper la langue, et le castrer, et faire de lui un eunuque, Bermuda me surprend d'un rire contrefait.

― Tu sais tout maintenant. Tu peux rire de ma bêtise maintenant.
― Pourquoi je ri- je commence, retrouvant soudain la place de ma langue.

Mais je n'ai pas le temps de protester (trop durement, peut-être) qu'il me plaque en arrière et que tout son corps s'écrase contre le mien.

Et je me rends compte, encore, comme son corps m'a manqué. Comme si plonger dans le souvenir avec lui avait effacé notre rencontre – comme si nous n'avions plus été complices et tactiles, comme si nous ne nous étions plus découverts et que les jours de l'éternité avaient enfoncé leur poids entre nous.

Je l'écoute, avec ses menace, avec son ton grave mais mes mains ne savent pas où se poser – et je voudrai tellement lui répondre, lui répondre tant de choses ! Je n'ai pas le temps, il parle, m'écrase de son corps, de ses mots, l'inutilité louvoie, il se redresse, se frotte le visage, mes yeux le regardent, il ne savent faire que ça, je ne sais faire que ça, j'ouvre la bouche, ne trouve rien, il ouvre la sienne, trouve des demandes.

Alors, comme je n'en peux plus, j'implose un petit peu, doucement.
Ma main s'empare brusquement de son poignet et je le tire contre moi sans ménagement. C'est un geste sec, décidé ; mais lorsque mes deux bras viennent s'enrouler autour de son dos, il y a toute la tendresse de notre complicité dedans.

Et je le serre.
Et je serre Bermuda – comme j'aurai dû le faire, depuis tout à l'heure, mais que je ne pouvais pas parce qu'il avait été emporté loin de moi. Je me replace, sur le lit, remonte un peu sur le coussin plat, écrase l'arrière de ma tête contre le mur. Mon nez fourrage dans ses cheveux longs et je dis, d'une voix que j'espère douce mais qui tremble encore de colère :

― Je vais peut-être faire tout ça, t'enlacer, te dire bonjour. Mais tu veux bien ne pas bouger, avant ?

Je me rends compte, maintenant qu'il s’emboîte de nouveau sur moi (parfaitement) que j'ai retrouvé ma respiration. Elle était jusqu'à présent écrasée sous le dégoût et la rancœur (et l'impuissance), mais maintenant, ma cage thoracique mime la sienne.
Il me réapprend à respirer.

Je me calme.
Lentement, je me détends, je laisse partir toute cette horreur qui s'est accumulée dans mes muscles et la nausée qui a menacé de me faire vomir sur le lit. Je ferme mes yeux, respire son parfum, le serre encore, le serre toujours plus et impose le silence le plus absolu.
Cette étreinte ressemble à celle de tout à l'heure sauf que, cette fois, si il me lâche, je sais que je ne vais pas détruire quelque chose ; juste le plaquer de nouveau contre moi.

Comme si cette pensée me délivrait, un soupir gonfle ma poitrine et siffle entre mes narines. Mon étau de son corps se relâche et, enfin j'ose bouger plus normalement. Doucement, mes mains commencent à s'activer sur son dos mais, comme son haut me gêne, je les fais passer toutes les deux sous le tissu. Je caresse sa peau nue. J'y trace des chemins. J'y trace des trajets, de Libra à Canaan, puis d'Ethernite à Rhode. J'y trace les allers et les retours, les détours, les raccourcis. Je trace une carte de ce monde sur le dos de Bermuda à travers ces caresses silencieuses qui feraient rougir d'imprécision des arabesques. Je le caresse, longtemps, peut-être cinq minutes, peut-être dix et je n'autoriserai pas un seul mot venant de ses lèvres – je claquerait mes langues sur son palais et dirais : chut.

Chut, Bermuda.
Retrouvons le silence de nos caresses – puisque je ne peux pas t'apaiser avec mes mots alors, je t'en prie, laisse-moi le faire avec mes mains.

De ses reins à sa nuque, j'ai tout effleuré. Quand je sens que sa peau est repue de mes douceurs, je pose une main de chaque côté de son visage et le place en face du mien.
Son magnifique et irréel visage. J'embrasse son œil crevé, très doucement (et je ne le laisse pas se reculer), puis, j'embrasse ses lèvres.
Trois fois.

― B-

Je me coupe tout seul parce que je l'embrasse, encore. Je ne peux pas m'arrêter. Je l'embrasse, chastement d'abord, puis j'entrouvre mes lèvres, presse ma langue contre la sienne, dérobe son air humide et mes jambes en viennent à bouger contre les siennes.

Je m'écarte alors, haletant. Je n'ai pas lâché son visage lorsque je dis en cherchant à me lover dans le vert de son œil :

― Bonjour, Bermuda.

Bonjour, Bermuda, et je suis désolé de t'avoir demandé comment tu as eu ta blessure.
J'ai mes muscles qui se contractent involontairement à cette pensée, mais je la chasse. Si j'y pense trop, je vais vouloir partir – je vais être nauséeux encore, et avoir besoin d'air frais et de pencher la moitié supérieure de mon corps par la fenêtre pour être sûr d'avoir assez d'air.

Je niche de nouveau mon visage dans ses cheveux longs et, comme pour répondre à une de ses phrases, je dis, un sourire crochetant ma bouche :

― Quand tu es venu ici, tu voulais me couper la langue, n'est-ce pas ?

Mes doigts reprennent le tracé de la carte à l'arrière de son crane. Je ris. Après un silence, j'ajoute un peu bas :

― Ça ne me dérangerait pas, si c'était toi qui me la prenais.

Et je suis presque certain, à ce moment là, que je ne mens pas énormément. Je ris encore un peu et, lorsqu'il s'estompe dans le silence, je suis pris d'une impulsion soudaine.
J'ai besoin d'être hors d'ici – que nous soyons hors de ce souvenir qui est en train de coller à nos os. Je pousse sans ménagement Bermuda sur le côté du lit et, d'un bond, je me redresse. Je suis encore nu mais je ne m'embarrasse pas de m'habiller lorsque je m'empare de son poignet et, autoritaire, le tire vers moi avec un sourire cocasse. Je plie mes jambes, m'abaisse à la hauteur du matelas, glisse un bras sous ses genoux, l'autre dans son dos et je le soulève.

Je ne peux m'empêcher de rire quand je lance, à demi euphorique :

― Petit déjeuner, princesse !

Mais j'avais oublié un détail, important néanmoins : Bermuda m'a planté une dague dans l'épaule. Et j'ai encore mal. D'un coup, je me rends compte de la douleur, à le soulever comme ça. Mon visage se stupéfait, je pousse un cri et étouffe un juron. Dans l'empressement de le relâcher, je nous fais tomber tous les deux à la renverse sur le lit, mon nez écrasé dans son ventre.

J'ai tellement mal.
J'ai tellement mal que je commence à rouler dans tous les sens, mais la situation est tellement ridicule que je suis pris d'un fou rire dont j'ignore si il est du à la joie où à la douleur.

― Aha, j'ai pas mal – Bermuda, j'ai pas mal, aha.

Je roule, enfant, incapable de gérer la douleur, de droite à gauche, ma main ramenée sur mon épaule et l'autre sur mon ventre, dans l'espoir de faire taire la souffrance. J'ai des larmes jusque sur les yeux, mais celles là, j'en ai la certitude, ce sont des larmes de rire.

Je finis par apaiser mon rire fou mais je hoquette encore quand j'essaie de lui dire :

― Je voulais juste – j'avais prévu, enfin, tu sais, comme - comme quand, sur le bateau ? C'était - c'était un peu raté.

Quand mes hoquets sont tout à fait dissipés, je redeviens un peu sérieux, même si je souris encore. Je renifle, à cause de la douleur, à cause de mon euphorie et je viens déposer un baiser sur sa cuisse. Je lève mes yeux vers lui et cherche, avec mon regard, à attirer ses caresses – sur la tête, ce serait bien, juste comme ça.

― Tu devrais aller t'habiller pendant que je prépare le petit déjeuner, d'accord ? Je vais faire réchauffer le café. Je t'apprendrai à en faire, je rajoute avant qu'il ne demande. Mais tout à l'heure, il est possible que la journée soit un peu avancée.

Et je sais qu'elle est bien avancée vu la luminosité qui a crevé ma rétine au réveil. J'ai un soupir heureux et, alors que je vais pour me redresser, j'attrape la main de Bermuda et j'y dépose un baiser sur le dos. Puis, je remonte ; un baiser sur le poignet, deux sur l'avant bras, trois sur le coude, cinq sur le bras, six sur l'épaule, sept dans le cou.
Un sur les lèvres.

Un autre soupir.

― Oui, tu devrais aller t'habiller, sinon nous ne quitterons jamais ce lit. Ne voulais-tu pas que nous sortions ?

Encore un baiser et je me lève sur mes chevilles, sans le porter, cette fois. J'ai ri, mais je crois que je n'ai fait qu'empirer la situation. Une brûlure lancinante me démange l'épaule. Je m'habille rapidement, tee-shirt, caleçon, me rends dans la cuisine et esquive les bouts d'omelettes qui m'avaient endoloris le coccyx quelques heures plus tôt. Je grogne :

― Tu me rappelleras de faire venir une femme de ménage ? Tu as foutu un bordel incroyable ici.

Et je chantonne un air qui m'est étranger en atterrissant dans la cuisine. Je sors de la cafetière le café froid, le verse dans une casserole et le met à chauffer. J'ai le soleil sur les joues. Je passe une main dans mes cheveux. Je chantonne encore. Je forme sur mes lèvres des mots d'amour qu'il m'est interdit de prononcer. J'oscille sur mes jambes, danse un peu sur place au rythme d'une musique imaginaire. Je souris. Je suis bien. Nous sommes dans le présent, pas les souvenirs – et j'ai encore un peu d'autorité sur lui, c'est rassurant.

Je verse le café dans deux tasses, les poses sur le bar et m'installe sur un des tabouret.
Là, je l'attends. Je chantonne toujours un peu. Je sais que je n'aime pas les formules d'infini, mais là, je sais que je l'attendrai toujours, la tendresse sur les lèvres.
Même jusqu'à ce que les cafés deviennent froids.





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conscience vouée à l'errance
Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaDim 10 Mai - 3:31

Je tente de m'installer convenablement sur le bas de tes cuisses. Quelques soupires sur les lèvres. C'est peine perdue. Puisque que ce n'est pas ma position qui est inconfortable, mais les quelques secondes qui s'imposent abruptement entre mes mots et les tiens. Mes gestes et les tiens. Peut-être faudrait-il que je tende les bras vers toi pour que tu accèdes plus vite à mes demandes? Je me retiens de grogner contre ma propre impatience. Tu m'as tellement donné d'étreintes. Et d'autres choses aussi. Même plus que je n'en demandais. Tu as tellement répondu à tous mes caprices-même si je refuse catégoriquement de les voir comme tel, mais plutôt comme des demandes nécessaires un peu irraisonnables,certes- que je ne peux même pas un instant douter que tu le feras. Simplement. L'impatience et le délai mettent à mal ma patience et mon contrôle.


Et puis quand je pense que tu vas enfin daigner y accéder. Te lever et me recueillir doucement dans tes tes bras. Embrasser mon front du bout de tes lèvres pour me dire bonjour. Mon nom. Ou des excuses. Des excuses pour avoir laissé trop de temps s'installer entre tes gestes et ma demande. Tes tendresses. Comme des bonjours. Des jolis questions pour me dire comme tu aimes mes cheveux. Mon visage. Ma paupière blessée. Mon nez que tu as frappé il y a une éternité. Mon corps. Ma peau. Ou moi? (J'ai peut-être un peu trop d'espoir je l'avoue). Ou que tu me dises que tu ne laisseras jamais personne te toucher comme je te l'ai demandé. Te blesser. T'étreindre. Tu pourrais dire aussi, piteux, comme nos étreintes t'ont manqué, alors que la dernière ne remonte qu'à la matinée (je ne dois pas être la seule à en manque). Ou d'autres affection encore. Oui quand je pense que tu vas faire tout cela. Je ne doute même pas un seul instant, tu es si doux habituellement. Que tu brises mes rêves, surtout les plus candides. Je grogne et proteste un:


- Qu'est-ce qu-


Indigné, que je ne termine jamais, puisque tu me coupes en saisissant rudement mon poignet. Je savais bien que j'avais trop d'espoir. Je m'écrase contre ton torse le nez et la bouche contre ta peau. Au moins cela m'empêche d'exprimer ou même de te montrer mon visage déçu et la moue sur ma bouche. Je laisse tomber mes bras autour de toi et j'ai un frisson soulagé quand tu déposes tes deux bras plus ou moins tendrement autour de mes omoplates. Voilà qui est mieux. Même si cela reste très éloigné de ce que j'avais imaginé.


Tu gigotes encore quelques instant pour te mettre confortablement contre le mur. Moi-même je bouge pour m'appuyer sur ton ventre et non plus en bas puisque je doute que tu sois d'humeur taquine. C'est certain même puisque tu me demandes la voix encore un peu grave et rauque- de chagrin? De colère? De tendresse? Je ne sais pas trop- de ne pas bouger encore. Et comme je suis discipliné quand tu me demandes quelques choses je reste immobile. La bouche contre ton épaule intacte. Le bassin écrasé sur ton nombril. Les bras ballants. Décontenancé. Tu as dit que je ne devais pas bouger puisqu'il était possible que tu accèdes à mes demandes, bon prince. Sur un ton un peu tendre et malgré tout trop sec pour ressembler au timbre doux et chaleureux qui me plait tant. Et je crois bien que j'y pense trop de fois et que je suis trop peu habitué à la colère quand elle vient de toi. Que je préfère quand même tes provocations et tes indécences vraiment douces qui rythme habituellement tes phrases. Ou la patience quand tu m'expliques. Je trouve que j'ai assez entendu de tristesse et de fureur de toi pour aujourd'hui. Je reste tranquille et je je ne proteste pas. Et même si la réalité ne colle pas exactement à ce que j'imaginais, je hoche la tête. Silencieuse. Même si je pourrais demander mille fois d'où viennent les tressautements de tes muscles. Les errances de ton cœur que je sens encore battre follement sous moi. À moins que ce ne soit mon cœur à moi qui bat encore trop fort. Agité misérablement par des souvenirs. Ou par notre câlin imaginaire. Ou encore par notre étreintes réelle, qui n'est du reste pas si mauvaise et même très agréable, malgré la manière un peu sèche dont elle a commencé. Je vais rester immobile. Même pas bouger mes lèvres. Sauf pour respirer.


Tu presses la pointe de ton nez dans mes cheveux long. Je ne bouge pas ma main pour aller caresser les tiens. Même si j'aimerai bien. Je me contente d'accueillir dans le silence et l'immobilité tout ton être. Et c'est rare que je m'y assujettisse, mais je ne puis faire autrement quand tu me le demandes. J'écoute ton cœur et ton souffle et c'est tout. Je me dis que ce n'est décidément pas trop mal comme étreinte. Même si mes épaules sont encore trop tendues. Les tiennes sont encore un peu tendues aussi et je ne pense pas que ce soit d'inconfort. Je maîtrise subrepticement ma respiration. Elle se fait lente et mesurée puisque je crois dans même temps que je cherche à garder la tienne calme et à distiller beaucoup de douceur en toi. Même si je ne pense pas que tu soit capable de l'oublier toi, je préfère ne pas être brusque dans tout ce que j'expire.



Et c'est étrange si je pense qu'il y a quelques secondes j'étais impatiente et j'avais peur de ne pas me souvenir de la tendresse. Quand c'est toi qui semble en détresse je ne peux que m'habiller de douceur pour t'en donner beaucoup. Vraiment beaucoup. Et tout ce que je sais d'elle tu me l'as appris alors je pense qu'à cet instant on partage beaucoup. Vraiment. Je sais que tu le ressens. Dans tous tes muscles et tes os qui cessent de trembloter. Dans les battements de ton cœur qui se calme avec le mien. Dans ton souffle qui cherche à se caler au mien. J'ai un sourire discret quand je m'en fait la remarque.


On se dit beaucoup de chose. Et je peux faire comprendre beaucoup aussi les lèvres clauses et le corps parfaitement immobile. En étant simplement contre le tien. Je ne suis pas encore capable de comprendre tout ce que se disent nos corps, mais je suis à peu près certain que mon corps te dis tout ce que moi j'aurais aimé que tu dises. Et c'est important. Je suis certaine que le tien me dis la même chose et j'en rougis, de plaisir je crois. De mes pommettes jusqu'à mes oreilles puisque c'est tout ce que je sens chauffer sur mon visage.


Tu ressers de plus en plus ton étreinte comme pour sceller mon corps au tien et que je ne bouge plus jamais. Presque furieusement, mais toujours avec beaucoup de tendresse et d'amour. Beaucoup. Je savais bien que tu m'aimes! Je le savais et je le sais, même si ta bouche ne l'as pas dit sans détour et que je doute que tu y arrives un jour, ce n'est pas grave. Puisque tout ton corps me le dis. Et il me le dit alors que j'ai trop oscillé et que je suis un peu différente. Il me le dit alors que j'ai avoué comme presque toute ma faiblesse, mais ma plus grande. Quand je t'ai dépeins le portrait d'un être niais. Et lâche. Et misérable. Incapable. Que j'ai tout dit de la peur et des tourments qu'elle m'inspire encore jusque dans mes rêves. Que je m'en cache encore dans le fond de ma bouteille de rhum. Quand je te raconte tout cela. Qu'avant j'ai pleuré et j'ai présenté un visage très laid. Que j'ai crié ma fureur jusqu'à casser ma voix. Il me le dit malgré tout cela et c'est important. Très important même parce qu'il arrive à aimer toutes ces choses que je déteste ardemment chez moi et qui si tu les aimes alors moi aussi. Et je comprends que je pourrai aimer toutes ces choses chez toi aussi que tu détestes-peut-être même que je les aime déjà?- et que tu pourras tout aimer toi aussi. Même si cette pensée est peut-être naïve. Ridicule. Après-tout je ne connais rien de tes tourments. Je ne suis pas assez curieuse ou courageuse plutôt pour te le demander. Et je veux croire que tu me le diras de toi-même. J'ai beaucoup d'espoir là encore, mais je crois qu'il n'y a pas de mal dans cet espoir-là. Puisque même si tu ne m'en parle pas je ne resterais pas ignorante. Tu compense tellement en m'apprenant beaucoup de choses! Et même les sentiments tu me les apprend. Ceux d'amour que je n'aurais sans doute jamais pu comprendre sans toi.


Tu relâches tes épaules. Ton souffle. Ton étreinte. Tout ce qui était jusqu'alors tendu et fermé. Je soupire discrètement aussi et j'embrasse ton épaule. Soulagé aussi. Et fier. Mais je le suis toujours quand je pense que moi aussi je peux avoir des effets bénéfiques sur toi. Tu passes tes deux mains dans mon dos. Très doucement. Mais comme j'aime trop quand tu me caresses là je me tends au départ. Je ferme la bouche et je presse mon visage contre toi. Tout ceci n'est qu'une simple affaire de self-control. Et je crois que j'y arrive très bien quand je me rends compte que je n'ai pas encore gémis. Je fais des progrès. Tu nous ramènes à il y a quelques heures encore. Quand nous étions occupés à nous découvrir mutuellement la peau. Mais, à ce moment-là je n'ai pas osé poursuivre dans ton dos. Puisqu'il y avait tant à découvrir sur ton torse. Que je n'avais encore jamais pris le temps de caresser. Je pense par exemple à tes épaules droites et fières. Ton cœur qu'il a fallu que je palpe plusieurs fois dans mon émerveillement. Aux poils sur ton torses, mais aussi sur tes bras et que je possède même pas. C'est trop lisse chez moi. Et je me demande même ce que tu y trouves d'agréable à caresser tant moi j'aime ta peau et tous ces frissons.


Penser à cela. Au calme et au bien être qui m'avais assaillis durant nos tendresses. À l'émerveillement de mes doigts. Et ma bouche. Et la prochaine fois peut-être que je baiserai ta peau mille fois et avec mes lèvres. C'est une bonne idée. Je crois que j'aimerai apposer mes lèvres partout. Que j'éprouverai tous les tremblements sur mes lèvres avec autant d'émerveillement et de bonheur qu'avec mes doigts. Et si je peux t'entendre soupirer et même grogner de contentement alors j'en serai très heureuse et même des gemi-. Je me mords la lèvre. Self-control et maitrise de soi. Ce n'est pas encore cela, finalement. J'essaie de me reconcentrer sur nos caresses ingénues puisque vraiment cela m'aide à garder mon calme. Pendant que tes mains redessines sur ma peau. Y grave des motifs secrets que je ne pourrai jamais contempler. Peut-être même des messages d'amour aussi? Qui sait? Je n'arrive tellement pas à me concentrer sur le motif. Je préfère tout oublier à mesure que tu découds tous les soucis incrusté sur ma colonne et qui fait parfois ployer mes épaules. Depuis trop longtemps. Je veille juste à ne pas laisser sortir plus de contentement de ma bouche. Même quand tu t'approches trop de mes reins et ma nuque. Une chance que je sois si inconfortable au niveau de mes épaules (même si je pense que je peux sans problème me mettre à mon aise maintenant et que tu me permettrais de bouger). Que je n'ai plus rien entre les cuisses qui puisse se manifester. Et surtout que je sois capable de tant de contrôle sur moi-même. Si je te l'avouais tu approuverais et féliciterait mes efforts. Mais ce n'est pas comme si je voulais que tu me félicites. J'ai juste besoin d'un peu de considération. Un peu. Mais tu me l'offriras. Un jour. Même quand je te referai des oeufs. Tu les mangeras et tu me diras qu'ils étaient très bons et que j'ai bien tout retenu comment faire. Et s'il y a des coquilles je les enlèverais discrètement. Pour que tu ne meurs pas quand tu en manges. Je ne voudrais pas que tu meurs. Et pour que tu ne te fâches pas je t'en ferai le soir. Puisque tu n'en manges pas le matin. Voilà. Encore une bonne idée. Je suis certaine que cela te ferait plaisir. Alors quand on sortira je t'en achèterai. Beaucoup. Des oeufs. Et je t'en ferai tous les jours.


Et je crois que j'en étais presque allé trop loin dans mes égarement quand tu me ramènes au moment présent. En posant tes deux paumes sur mon visage. Je papillonne de la paupière pour chasser la somnolence et l'apaisement irréel que toutes tes caresses m'ont apporté. Je pense que toute la tension et le mal-être que j'avais pu ressentir auparavant et que tu m'as fait oublier m'ont quitter définitivement à présent. Me voilà prête à tout laisser de nos disputes maladroites et de nos sursauts chagrinés pour me réjouir du reste. Je n'oublie pas que je vais sortir ensemble, avec toi. En réalité nous allons sortir. Ensemble. Puisqu'on le fera tous les deux. Et qu'on marchera côte-à-côte. Pour aller dans les mêmes endroit en même temps pour y faire des achats. Il faut que je me répète cette phrase quelques fois encore pour y croire et à chaque fois que j'en réalise le sens. Je ne fais jamais rien ensemble ordinairement. C'est à dire pas seul. Et avec quelqu'un. Diantre. J'ai trop de mal à y croire. Avec toi Sucre. Toi qui ne m'ennuie pas et que j'aime. Même si tu es énervant parfois. Pas même mes achats. Et de toute façon je n'aime pas passer trop de temps seul. C'est ennuyeux. Très. Mais puisque toi aussi tu viens ce ne sera pas ennuyeux. Nous allons sortir tous les deux ensemble pour faire des achats. Beaucoup. Et je te ferai beaucoup de cadeaux et tu m'offriras des sourires reconnaissant et ce sera suffisant. Ou peut-être que toi aussi tu m'offriras quelque chose? Ce serait bien je crois. On ne m'offre jamais rien. Mais là encore j'ai beaucoup d'espoir et il n'est pas déplacé encore puisque même si c'est un sourire que tu m'offres il me sera d'autant plus précieux que n'importe quel objet. Et il n'est pas exagéré d'espérer que tu vas m'offrir tes plus beaux sourires, puisque que tu m'aimes? Mais tu me réponds en déposant un baiser sur mon œil crevé pour y déposer un souvenir d'amour que je chérirai. Ainsi que trois baisers sur mes lèvres que je compte et que j'ajoute à mon compteur personnel. Et j'ai tout compté, même ceux quand on faisait l'amour et qu'il y avait mille autres choses dans mon esprit ou qu'il était trop blanc et enfiévré pour le faire. Un peu obsessionnellement. Mais compter m'aide à me rappeler de toutes les fois que je n'oublie pas. Mais comment oublier? Après tout ma mémoire est si jeune et si peu pleine. Qu'il y a beaucoup d'espace là-haut pour que je puisse t'y graver précieusement.


Tu saisies mon visage et tu me regardes comme si tu ne m'avais jamais vu. Ou peut-être trop, mais qu'il y encore des choses nouvelles que tu ne connaissais pas et qui te font penser " Qu'il est beau!". Ah. Non. C'est moi qui te regarde ainsi. Mais je suis quasiment certaine que regard que tu m'offres à au moins autant d'intensité. Puisque je me dis que tu es à couper le souffle. Surtout quand tes lèvres esquissent mot tout en se rapprochant de ma bouche pour y déposer un baiser. Cela ne me dérange pas au contraire. Moi je presse ma bouche contre la tienne, encore un peu engourdi par la joie et l'apaisement. Et quand tu entrouvres les lèvres et que tu fais entrouvrir les miennes je me presse plus encore. Notre dernier baiser remonte à quelques milles secondes, je crois? Et même si ce n'était pas le cas, après tout. Quelle importance? Tes jambes s'emmêlent aux miennes pendant nos baisers et je constate à cet instant que j'ai dû mes allonger pendant tes caresses. Et les y emmêler aussi. (Pas de la même manière j'espère, parce que cela voudrait dire que j'ai moins de self-control en moi. Et pourtant je ne me suis même pas trop cambré. C'est dire l'effort et le progrès!)


Au bout d'un temps- minuscule trop minuscule-, tu te détaches. Et on expire tous les deux trop d'air. Quand tu viens te cacher quelque part entre mon cou et le sommet de ma tête je ris et je tends les mains pour caresser tes cheveux à toi et ta nuque. C'est la première fois qu'une étreinte dure si longtemps. Et je ne savais pas qu'il était possible de s'étreindre aussi silencieusement, mais tendrement tout de même autant de temps.. Sans ressentir le moindre ennuis. Et je ne savais même pas que c'était possible, alors que je cours si souvent après l'or! Mais je crois qu'à présent c'est après toi que je cours et que je m'assoiffe, mais tu ne me laisses pas le temps d'en souffrir ou d'en manquer si bien que j'en suis heureuse et comblé. Tu me demandes soudainement si je me rappelle des raisons de ma venue ici. Je hoche la tête et je grimace un peu. Je dois bien avouer que je ne pourrai pas l'oublier. Et que je ne suis pas certaine de pouvoir le faire si tu me refais un coup pareil. Et alors que je suis sur le point de le dire tu me dis que cela ne te dérangerais pas si c'était moi qui le faisais. J'ai un sourire en coin quand je dis:


- Évidement que cela ne te dérangerait pas. Je sais pertinemment que tu es masochiste.


Mais je ne te laisserai pas le temps de regretter. Ou l'envie même. Mais tu ne devrais pas parler si facilement de ta langue. Déjà parce que je suis pratiquement certaine que je voudrai la recouper. Dans un futur proche. Sous le coup de l'emportement. (Mais je te ressortirai cette phrase, quand tu voudras te défiler.) Et ensuite parce que maintenant j'ai d'autres plans. Plus tendre. Même s'ils incluent quelques morsures, mais je crois bien que cela ne te déplaira pas.


Mais quand je crois bon de t'en parler tu me repousses sur le côté. Fort abruptement je dois dire. Si bien que j'en perds toute envie. Je grogne et je me redresse en te lançant un regard mauvais. On verra bien la prochaine fois quand je te repousserai avec si peu de douceur quelle tête tu feras. Oh. Je me pavanerai nu aussi. Pour bien enfoncer le clou. Mais ce n'est pas grave absolument pas puisque je suis une fem- je veux dire un homme nouveau. Capable de se contrôler. Je n'en ferai pas une histoire non. Pas du tout. Sauf que je trouve que tu es bien indélicat avec moi. Mais encore une fois tu me prends de court et tu me soulèves. D'un coup. En m'annonçant que nous allons déjeuner -je tique sur le princesse et roule des yeux faussement agacé puisque ton enthousiasme arrive à disperser toute ma mauvaise humeur. Surtout que je me dis que si tu es capable de me porter c'est que ton épaule va quand mê-


Non. Ton visage ne semble pas dire que tout va bien. Au contraire. Mais quel idiot. Quel idiot. Je suis atterré. Et bien sûr. Tu cris. Mais moi aussi je vais crier! Je vais crier "mais quel idiot"! Tellement je suis certain que tu as ouvert un autre point de suture. Voilà. Tu gagnes tout. On ira voir le médecin. Même si pour cela je dois t'assommer pour le faire. Et te traîner. Ou simplement mentir. Au lieu de relâcher mes genoux tu nous fais tomber tous les deux.


Je ferme la mâchoire pour éviter de mordre ma langue. Et ce n'est pas exactement à cela que j'imaginais quand je parlais de morsure. Je rouvre l'œil et je cherche ton visage en m'appuyant sur les coudes. Et je te retrouve vite. Niché contre mon ventre. En train de rouler- mais qu'est-ce que tu es en train de faire exactement? Ton nez me chatouille et je vais rire alors que je suis hors de moi!- sur mon ventre en geignant que tu n'as pas mal. Mais tu ne fais pas exactement bonne figure si bien que je n'en crois pas un mot. Je te regarde faire en pinçant les lèvres. Parce que tu me chatouilles- et je paris que c'est intentionnel, simplement pour que je ne m'indigne pas et te force à me laisser regarder ta blessure pour constater que toutes les coutures sont parties- et que je ne veux rien laisser paraître du soucis qui creuse mon front. Et même ton rire mets ma concentration à mal surtout que je si faible et que je te trouve idiot à en pleurer de rire. Une semaine ne suffira jamais à guérir ta blessure. Tu fais exprès j'en suis sûr pour que je reste plus longtemps. Mais cela ne marchera pas. Je crois. Parce que je préférai revenir plus tard. Ainsi ma culpabilité ne me sauteras pas aux yeux chaque fois que j'aurai le bonheur ou malheur de poser l'œil sur toi. Et tu as beau dire que c'est de ma faute. Mais tu aggraves ton cas tout seul. Et. Tu m'as frappé le premier. Avec ton front. Je place mes mains sur mes deux yeux et je m'écarte un peu pour te laisser rouler et mourir de rire. Tant mieux si tu trouves cela drôle maintenant. Plus tard tu vas regretter. C'est à dire quand le médecin te fera de nouveaux points. Même si je suis persuadé que tu feras le difficile en t'imaginant bien entendu qu'il suffira d'arroser ta blessure comme on arrose des fleurs. Et d'emballer ton épaule gauchement en posant ici et là des compresses. Bon sang. Est-ce que tu feras au moins l'effort de bander correctement cette satané blessure. Je te regarde d'un œil nouveau tandis que tu continue de rouler comme un enfant. Peut-être que tu le fais exprès et que tu cherches vraiment à me faire rester. Tu m'expliques alors que tu voulais me porter comme sur le bateau. Je réponds:


- Mh mh. Je vois.


Persuadé qu'en réalité tu es très idiot et que tout ce que voulais faire c'était ton malin. Ton séducteur. Mais ce n'est pas en me portant ainsi que tu réussiras le plus à me séduire. Ou peut-être pas vraiment. Je claque ma langue sur mon palais. En tout cas. Je préférerai que tu le fasses rétabli. Tu viens poser ta tête trop vide parfois pour m'embrasser la cuisse et je croise plus les bras contre ma poitrine. Je te fixe quelques secondes. Je suis très fâché. Toi aussi tu me fixes avec tes yeux bleus. Très fâché, disais-je. Tes sourcils peinés. Non. Tu ne vas pas m'avoir comme cela. Une moue sur tes lèvres. Tu perds ton temps. Tes cils battent tristement. C'est vrai que tu as sans doute eu suffisamment pour te repentir. Encore un regard insistant. Je soupire. Consterné par ma propre faiblesse et je tapote gauchement ta tête. Je peux me consoler en me disant que tu n'avais pas voulu te faire mal-il ne manquerait plus que cela tient!- et que c'est un élan romantique passager qui t'as poussé à être aussi inconscient. Oui. C'est cela. Un simple élan. Je frotte plus doucement tes cheveux en espérant t'apaiser un peu.


Tu me dis que je dois aller m'habiller pendant que tu fais le petit déjeuner. Je me ranime alors quand tu me parles de m'apprendre à faire du café. Peut-être tout à l'heure? J'acquiesce doucement. On doit encore sortir et il est certain qu'on ne pourra pas le faire si on reste dans ta maison. Je ferme la paupière et je me pince l'arrête du nez dans un soupire. Je dis beaucoup de choses très idiotes ce matin. Enfin. Que je pense. Il ne manquerait plus que je t'en fasse part. Tu récupères d'un coup ma main. Pour y déposer des baisers. Peut-être pour expier ta faute. Tous tes gestes ratés de ce matin. Ou que tu es en train de chercher et de trouver mon sourire qui fleurit très naturellement sur mes lèvres. Ces mêmes lèvres que tu viens embrasser dans un sourire. Tu me demandes d'aller m'habiller de nouveau pour sortir. Et quand tu y fais référence je me dis que je ne suis peut-être pas la seule à attendre cela avec beaucoup d'impatience. Sans doute que tu ne sors pas souvent pour acheter des choses. Ton appartement est tellement vide. Un autre baiser plus tard et te voilà parti grogner quelque chose sur une femme de ménage. Je hoche la tête même si je tique sur la deuxième partie de ta phrase puisque je ne suis pas entièrement responsable du bazar.


Mais peu importe! J'ai retrouvé de l'enthousiasme dans tes mots et tes sourires. Je me suis levé et j'ai été chercher mon sac pour m'enfermer dans la salle de bain. (C'est à dire que je la ferme avec beaucoup d'enthousiasme et que je manque de faire sauter la poignet. ) J'enlève mon t-shirt et je considère d'un œil les vêtements que j'ai laissé la veille. J'attrape le t-shirt et je l'enfile pour me regarder dans le miroir. Même au travers du tissus on peut voir ma poitrine. Et on la devine même juste avec le col. Je le délaisse. De toute façon je crois m'être essuyé les doigts dessus hier. Je le jette-tu as parlé de femme de ménage- sur le sol et je m'accroupis. J'ouvre mon sac et fait l'inventaire de mes vêtements. Ou du moins je comptais le faire. Mais il y en a trop peut pour appeler cela un inventaire. Mon choix est vite fais. Puisque de toute façon j'ai une poitrine. Je ne pense pas qu'il existe de meilleur jour pour la mettre. Je fixe le corset. Je n'ai pas de seconde paire de main pour m'aider à le lacer. Je suis tenté un instant de le laisser. Mais je fixe ma poitrine. Ne faut-il pas que je les soutienne un minimum? N'est-ce pas pour cela que les femmes portent ces choses? Hormis pour affiner leur taille et aplanir du ventre. Mais je n'en ai pas vraiment besoin puisque je suis naturellement svelte. Et que ma nature m'aide un peu. Au moins. Je n'aurais pas à me couper le souffle. Je m'attèle à le mettre, après avoir récupéré la robe que je comptais mettre et le dessous. Je penche la tête pour examiner le laçage.


Au bout de quelques minutes à m'échiner et jurer sur l'habileté des femmes et leur anatomie je parvins à refaire un nœud au laçage. Après l'avoir déjà trop serré et pas assez. Coincé dans mes cheveux. Il faut que je pense à en acheter des moins complexes pour la prochai- Mais il n'y aura pas de prochaine fois avant très longtemps. J'espère. Oh. Oui. J'espère. J'enfile mon dessous et quand je le fais je me rappelle qu'il me reste une dague! Je souris, victorieuse et m'abaisse péniblement pour attraper la lanière de mon sac. En fouillant dedans je retrouve un étui et une petite dague que j'attache à la cuisse quand je sors ainsi affublé. Je redépose mon sac sur le côté et je l'attache sur le haut de ma cuisse gauche. Voilà qui est parfait. S'il nous arrive quoi que ce soit je pourrai nous défendre. J'enfile sans plus attendre ma robe rouge. Je lisse les volants et le buste un peu froissé. Tire bien sur le bas pour qu'elle me tombe en bas des cuisses. Et je vérifie que rien ne dépasse surtout ou ne se devine. Il serait fâché que l'on anticipe ma dague simplement parce qu'elle dépasse un peu. Je réajuste les bretelles tombante sur mes bras et le haut de la robe. Ne sachant pas si je devrais tirer dessus ou le remonter. Qu'est-ce qui te plairais le plus? Je songe un instant à demander. Mais je ne crois pas être capable d'avouer que je me fais beau pour toi. C'est si ridicule. Comme démarche. Je préfère me dire que je fais tout cela pour ne mas être ridicule dehors. Voilà.


Je me redresse et j'observe le résultat dans la glace. Mon œil tombe sur mon cou. Et ma clavicule. Mais quand...? Je soupire. Mi-heureuse mi-indigné. Ce n'était pas quelque chose qui m'attristait. Ces suçons. À vrai dire ils me faisaient plus sourire que soupirer. Néanmoins. Je n'étais pas certaine que les montrer à la vue de tous m'enchante. Ils étaient des marques de mon bonheur et je ne voulais les partager avec personne. Sans parler du fait que cela ne donne pas bon genre. Mais en réalité je m'en fiche un peu et je presse mes doigts sur ma peau marquée une minute ou deux avant de retourner dans mon sac et récupérer mes brosses, à dent et à cheveux-dont je ne me sers jamais que pour peigner ma perruque- des fausses boucles d'oreilles rouges qui ne tiennent sur les oreilles qu'avec un petit aimant. Discrètes, mais féminine. Je les accroche et j'entreprends de me brosser les cheveux. Première fois de mon existence que je le fais, mais je veux à ce point soigner mon apparence que je m'y astreint, bon gré, mal grés.


Et je perds quelques minutes encore à les coiffer. À pester fortement quand je tombe sur un nœud. Et à décider aussi comment je vais les coiffer. Surtout. Au début je commence par vouloir les attacher en hauteur. Sur mon crâne. Mais quand je remarque le nombre de bosses sur le devant j'abandonne cette idée. J'essaie de séparer cette masse épaisse pour en faire deux couettes, sur le coté, mais là encore je change d'avis. Cela me rajeunit plus encore et je ne suis pas certaine que cela te plaise à toi. Et si je prends l'effort de les coiffer c'est pour que tu me trouves bel- Non. Que tu ne me trouves pas ridicule voilà tout. (Je ne suis plus certaine d'arriver à me convaincre moi-même. Tu me fais faire trop d'idiotie.) Je songe au chignon. Mais je me rends bien vite compte qu'ils sont trop long et épais. Je finis par faire une tresse que je sers très peu et que je commence basse et que je noue grâce à un ruban rouge. (Heureusement que je me débrouille en nœud) C'est, à près la seule chose dont je suis capable seul. Voilà. Je reconsidère un instant l'investissement de mon second. Qui passe tant de temps à m'aider avec mon corset. Et les cheveux de mes perruques. Disons que je sollicite son temps et que je menace de le tuer quand il fait la mauvaise tête. Je crois que je lui dirai qu'il devait être coiffeur ou alors aimer beaucoup les cheveux dans sa vie mortelle pour arriver à faire des choses si complexe avec des cheveux longs.


Je me brosse les dents. Plisse encore quelques minutes ma robe et m'inspecte une dernière fois après avoir enfilé mes jolies chaussures. Rouges aussi et qui laisse apparaître mes orteils. Avec une jolie boucle sur le côté. Je récupère mon sac. Je vais poser mon sac sur le lit et je vais dans la cuisine. Je pose mes deux bras sur le comptoir et je pose mon menton sur mes deux mains. Et je dis, bien caché derrière le comptoir dans l'espoir que tu ne vois pas tout de suite comme j'ai mis du temps pour me faire joli. Parce qu'on va sortir. Tous les deux. Et que je voulais vraiment soigner mon apparence.


- Voilà! Je suis là pour le caf. Est-ce que tu v- Oh...


Enthousiaste. Mais j'exagère à peine quand je dis que je suis très heureuse de pouvoir sortir.


- Tu as déjà mis le café dans les tasses? Tu me montreras une autre fois, dans ce cas?

J'attrape la tasse et je bois. Même si c'est déjà trop tiède. Presque froid. Et ce n'est pas très bon froid. Mais je sais que tu l'as déjà réchauffé pour moi alors je ne fais pas de commentaires. Je pose la tasse sur le comptoir et je le contourne pour venir chercher ta main.


- Regarde. Est-ce que c'est bon? Est-ce que c'est joli? Est-ce que toi tu trouves mes chaussures jolies? Et ma robe? Mes cheveux? Avec un peu d'espoir dans les cils et les sourcils que je fronce quand je te demande. Je veux si peu te paraître étrange. Je relâche de nouveau ta main pour plisser de nouveau les volants.

- Je peux me changer si toi tu ne trouves pas ça joli. Je hoche la tête avec conviction. Je peux bien mettre mon dernier pantalon et prendre un de tes t-shirt.


- Et après on pourra sortir? Ah. Et il faudrait que tu me donnes ma bourse pour que je mette l'argent dedans et que je te la donne. Ils ne mettent pas de poches sur les robes . Je dis en riant. Même s'il y a beaucoup de gêne dans mon rire. Je passe une main peu assurée sur ma nuque. C'est bien la première que j'ai peur qu'on me trouve disgracieuse alors que j'ai passé tant de temps à me préparer.

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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaLun 11 Mai - 23:55

Rien ne pourrait gâcher ma bonne humeur.
C'est même au delà de la bonne humeur – je ne sais pas vraiment la qualifier, ce n'est pas de l'euphorie, peut-être une légèreté, mais j'ai tellement d'affection dans la façon dont je pose mes yeux morts sur le monde que ça en est un peu effrayant. Je sais aussi que je souris ; que le nez penché vers la mousse sépia de mon café, mes lèvres sont courbées comme si elles s'apprêtaient à amortir la chute du soleil. Je sais que lorsque je lève mes cils vers la petite fenêtre carrée qui donne sur les rues de la citadelle, il n'y a aucune ébullition de mépris accroché dessus ; et même mes joues, d'ordinaire craies de désintérêt, s'empourprent d'un vieux rose juvénile.

Je passe une main dessus, vaguement. Ma barbe crisse sur l'intérieur de ma paume sèche. Il va falloir que je la taille un peu, ce soir ou demain, si je ne veux pas qu'elle devienne trop longue. Je glisse le pouce et l'index sur mes deux paupières et je remarque que je suis beaucoup moins fatigué que lors de mon premier réveil.
Aussi, je crois que je préfère ce second réveil. Me rappeler de l'autre noue une angoisse sur ma nuque. Il y a beaucoup de choses, qui ont pris la forme de cris et de larmes, de fureur et d'amertume, que je n'ai pas aimé dans les échanges qui ont frappé nos os. L'impuissance m'a laissé un trou sur la langue que je peine à reboucher. La culpabilité, une crevasse béante. La peur des stigmates et la colère des ébranlements dangereux.

Mais là, tout va bien.
Et j'aime me répéter ces mots qui enrobent l'arrière de mon crâne jusqu'au bout de mes lèvres et s'enfuient sur les chansons que je fredonne. Sous le tabouret, mes jambes se balancent presque, candides. Mes chevilles s'emmêlent l'une à l'autre et cet entrelacs puéril continue de vaciller d'avant en arrière. Mon menton est enfoncé dans ma main comme si j'allais écouter Bermuda me raconter un autre fragment de ses souvenirs (sauf qu'il n'est pas là, il s'est enfermé dans la salle de bain pour se préparer et, il a d'ailleurs claqué la porte si fort que ça m'a fait sursauter). J'ai les embruns du café qui remontent jusqu'à mes narines comme le feraient ceux du ressac de l'océan. Je regarde et compte les bulles qui éclatent, les unes à la suite des autres, sur le lac noir et chaud.

Oui, rien ne pourrait gâcher ma nouvelle, bonne et excellente humeur.
A part, peut-être, les deux ou trois larmes qui sont en train de croître sur la ligne inférieure de mes cils.

Je n'en peux plus.
D'un coup, je lâche le gémissement à demi étouffé que ma gorge retenait jusqu'à maintenant, vaillante, et j'écrase mon front brutalement sur le bar en bois. Le choc est si fort que les deux tasses, une bleue ciel, l'autre verte anis, tremblent. Deux gouttes de café tombent à côté.

Bon sang, putain, merde, je me suis fait vraiment mal à l'épaule.
Bien sûr que je suis de bonne humeur ! Bien sûr que je suis heureux, là, tout de suite, de la tendresse que m'a donné Bermuda et des rires qui ont soulevé mon ventre mais, franchement, j'ai vraiment été con sur ce coup. J'ai tellement mal à l'épaule – je crois que j'ai vraiment fait une connerie. Je gémis, rauque, en m'écrasant sur le bar et en plaquant ma main gauche sur l'épaule blessée (comme si ça allait aider de faire ça, autant demander un baiser magique à Bermuda). Mes jambes, que j'essayais de maintenir ingénues, se contractent dans un spasme de souffrance. J'écrase ma bouche contre le bois en contreplaqué beige et y appose mon souffle erratique.

Non, vraiment, j'ai super mal et c'est même pas drôle.

Je me redresse, hésitant, couinant au moindre mouvement puisque ma capacité de résistance à la douleur est absolument nulle, et ose un regard craintif en direction de mon épaule, comme si poser sur elle un de mes deux yeux allait aggraver la situation.

Je lève les yeux au plafond et lâche un soupir dépité qui m'est principalement adressé. Rapidement, je fais le tour de la situation : les deux cafés sont prêts, chauds, et sont en train de se refroidir rapidement ; il est presque midi ; les oiseaux chantent comme s'ils annonçaient le printemps mais, en même temps, c'est toujours le printemps dans ce paradis stérile ; j'ai mal ; j'ai très mal ; j'ai vraiment très mal.
La solution s'impose d'elle-même.

―Bermudaaaa ? Je geins, hésitant.

Je pivote sur le tabouret haut et présente ma posture profondément meurtrie à la porte de la salle de bain. A l'intérieur je perçois du mouvement, des bruits de chiffons que l'on froisse et de vêtements que l'on retire, enfile, plie, déplie.
Encore craintif – je le sais, il va me tuer, pour de vrai, si je lui dit comme j'ai mal, et je sais que ça n'a pas d'importance de mourir ici, mais quand même, je n'ai pas envie de voir sa dague s'enfoncer dans ma poitrine, même si normalement, il n'a plus de dague – je descends de la chaise et traîne mes pas vers la salle de bain.
En chemin, je m'arrête et renifle, des larmes mouillées au coin des yeux. Incertain, je soulève le col de mon tee-shirt et tire dessus pour percevoir les pourtours cotonneux du bandage. Bien sûr, je ne vois rien – pas même une trace de sang où un panneau électrique qui indiquerait : deux points ont sauté, imbécile.

Quel imbécile.
Quatrième, cinquième, sixième soupir, je vais traîner mes rotules jusqu'à la porte en adoptant une des postures les plus pitoyables que mes épaules ont jamais portées. J'inspire une grande bouffée d'air, résigné à lui demander de l'aide – de l'aide, à Bermuda, qui m'a enfoncé une dague d'au moins cinquante centimètres dans l'épaule ! - lève la main pour toquer et héler son nom comme une bête glapissante.

Mais à ce moment là, de superbes jurons et de véhémentes protestations traversent le bois fin de la porte. Je me dis, tout compte fait, que c'est peut-être une mauvaise idée de l'interrompre maintenant.  Après une grimace et un sursaut désespéré de mes sourcils, je laisse retomber ma main, abattu. Quant à ce qu'il se passe dans la salle de bain, je crois que je ne vais même pas essayer de savoir – ce qu'il se passe dans la salle de bain reste dans la salle de bain.

Mes talons tâtonnent sur mon parquet, évitant les embûches d'omelette et de vaisselle cassée, mon âme en proie à la mélancolie. Ma main enrobe mon épaule comme un nourrisson mort-né et, errant dans les trois mètres carrés de la cuisine, je cherche une solution entre deux reniflements. Finalement, je me rappelle que j'ai peut-être de vieux, vieux antalgiques que j'avais acheté à l'apothicaire et qui traînent dans un placard (si je ne les ai pas jeté par la fenêtre). Requinqué, je pars à la recherche de ces petits cachés salvateurs en songeant qu'il faudra peut-être que je replace mon bras en écharpe pour éviter davantage de maladresses.

Je fouille partout, de mon bras qui fonctionne encore sans trop me faire pleurer (pour l'instant), des placards à casseroles à celui des draps et, au bout de longues minutes exténuantes d'appréhension, à la limite de la rupture de mes nerfs, je parviens à dégoter la boite translucide. J'en fais tomber quatre dans ma paume et les avale avec un verre d'eau.

Voilà qui devrait aller mieux.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à poser mes fesses sur le tabouret, faire comme si de rien n'était (et vraiment, il se passe rien), et me laisser bercer par les protestations aiguës de Bermuda qui crèvent les murs comme du papier mouillé.

Petit à petit, la médecine fait son effet et se distille de mon sang à ma souffrance. Les gonflements lancinants qui me brûlaient l'épaule s'estompent et je me fais la remarque que Bermuda prend beaucoup de temps, si les cachets ont le temps de faire effet avant qu'il ne sorte.

Cette remarque suffit à me faire retrouver mon humeur grincheuse qui me sied à merveille et, plongeant le petit doigt dans ma tasse, je me rends compte que mon café est déjà froid. Je peste et grogne, suffisamment fort pour qu'il m'entende :

― Je peux savoir que ce que fiches, Bermuda ?

Mais il n'a pas l'air de m'entendre puisqu'une nouvelle salve de protestations rampent jusqu'au bar. Je lève les yeux au plafond, encore, soupire, hausse une épaule avant de m'accouder. Je n'aime pas boire mon café froid alors, après une autre minute à patienter en lâchant des soupirs exaspérés, j'avale ma tasse d'un trait.

Infect, le café froid.
Puis, je croise les bras sur le bar et plonge ma tête dedans.
Et je pense comme j'aime beaucoup Bermuda.

Je me fais la réflexion, aussi, que j'ai beaucoup moins mal à l'épaule et que je suis sûr, si je portais Bermuda dans mes bras maintenant, il n'y aurait aucun problème. Peut-être que je devrais le faire, quand il sortira ? Je suis sûr qu'il protesterai et je crois que j'ai toute ma poitrine qui se réchauffe quand je l'entends râler, ou rire, ou m'embrasser, ou soupirer, ou me toucher, ou gémir, surtout quand il gémit mon prénom.

Non, mauvaise trajectoire de pensée – je me redresse et me replace sur ma chaise, soudain inconfortable. Je crois que je n'entends plus ses emportements depuis la salle de bain. Peut-être va-t-il sortir bientôt. Je me demande où nous devrions aller, en premier. Ah oui, nous devons aller chercher une femme de ménage, mais je devrais dire à Bermuda que je n'ai plus d'argent pour la payer, où alors il faudrait que je passe à la banque, mais je ne suis pas certain d'avoir envie de mettre au courant Bermuda au sujet de mon compte en banque. Quoique, après tout, qu'elle importance ? Si jamais je suis un peu trop à sec un jour, j'irai gratter un ou deux trésor sur son navire, ou bien je me ferai embaucher sur son bateau. Être payé pour se rouler dans ses draps et épuiser ses vivres, ça me semble un excellent plan de carrière.

Aurai-je pris trop de médicaments ?
Non, impossible – en vérité, je ne me rappelais même plus que j'en avais, je me demande si ce n'est pas cette petite fille à demi-avortée qui me les a filé, un jour, je ne pense jamais à m'en acheter, à quoi bon de toute façon, puisque nous ne sommes même pas vivants et que le paradis cache des crasses décrépies sous ses ornements de fleurs.

Je n'aime pas devoir m'appuyer sur les autres – même lorsque ce sont des cachets ronds et blancs.

Je grogne encore un peu, le nez enfoncé dans mes avant bras quand j'entends soudain le déclic de la porte de la salle de bain. Merde, avec tout ça, j'ai oublié d'aller m'habiller – je saute immédiatement sur mes chevilles, confus, prêt à enfiler quelques vêtements propres (je crois que je n'ai plus de chemises), mais je me rassois aussitôt en ayant la tête qui tourne.
J'ai été trop vif. Je prends une inspiration et replace le siège dans le bon sens, face au bar en faisant tomber mon œil dans la tasse de Bermuda – peut-être que je devrais aller le lui réchauffer ? Le café froid est imbuvable, je n'ai pas envie qu'il en fasse l'expérience, et pourquoi est-ce que j'entends des bruits de talons ? Une nouvelle voisine ?

Alors, je le vois.

Je vois Bermuda et je crois, à cet instant là, que je n'ai jamais autant regretté de ne pas avoir enfilé de pantalon. Si j'avais la tasse a café au bord des lèvres, je crois que j'aurai tout recraché, que je me serai étouffé avec et que j'aurai fini par mourir.

Je crois que je ne suis pas très loin de la mort.
Je crois que je ne sais plus où je suis, exactement, que je n'entends plus mon cœur, ni ma respiration, ni ma douleur, ni les effets étranges du médicament et que je n'ai plus qu'une seule obsession qui fait vrombir mon crâne.

Bermuda est magnifique.
Je me fais souvent la réflexion que Bermuda est beau. J'ai toujours aimé, dès notre première rencontre, entre les trois murs vitrés de la confiserie, son manteau de pirate ourlé d'or et de tissus précieux. J'ai toujours aimé son tricorne, les atours dont il se pare, l'élégance avec laquelle il enserre un corps que j'ai toujours voulu, comme beaucoup, enserrer dans les hoquets de la nudité.

J'ai toujours dit, le cœur crevé, que son visage était beau ; que ses traits fins donnaient à mes phalanges des désirs de tendresse, que sa peau sans imperfection était un outrage à mes lèvres qui ne réclamaient qu'a y apposer des suites de baisers. J'ai toujours aimé ses cheveux – courts, piquants le ciel comme une auréole de provocation, d'or comme ses trésors, scandaleux comme ses soupirs. J'ai toujours aimé son cou blanc, tendre, l'angle qu'il forme avec ses épaules, ses épaules rondes, ses clavicules pointues, le manque d'ombre et d'aspérité de sa peau, toutes ses côtes, l'étroitesse de ses reins, ses jambes, ses fesses, ses genoux, tout me crevant de désir et de fascination.

Combien de fois me suis-je perdus dans les plis antiques de sa cicatrice.
Combien de fois ai-je rêvé de m'agenouiller devant lui.
Combien de fois ai-je voulu me vendre, rien que pour pouvoir toucher encore sa peau – et ça, je crois que je l'ai fait.

Combien de fois me vendrai-je encore pour toucher sa peau – si un jour il se refusait à moi, je crois que j'en deviendrais bestial, que je hurlerai, en rage, que je pleurerai, supplicié, et que je signerai furieusement tous les contrats qu'il me tendraient pour pouvoir embrasser ne serait-ce que le bout tiède de ses doigts.

J'ai bien trop d'amour pour lui ; comme j'en ai pour son corps.

Mais là, je suis pétrifié par l'effondrement de la surprise et par la beauté féminine qu'il vient poser devant moi, nonchalant, comme si ni la tresse qui tombe jusque dans le creux de son dos, ni les bretelles fines sur ses épaules, ni la mousseline qui enlace sa poitrine étaient capable de me mettre à terre.

Je suis assis, mais je suis à genoux pour Bermuda.
Et ses questions, ses inquiétudes, la main qu'il tend vers la mienne, sa spontanéité, les tressautements de sa joie m'écrasent un petit peu plus, me courbent un petit peu plus chacun. Je crois bien que ma lèvre inférieure tombe de stupéfaction et que, dans mes yeux parfois si rocailleux ne germe plus qu'un désir presque religieux.

J'entends les mots de Bermuda et sa gorge chantante – presque comme la mienne, tout à l'heure, lorsque je chantonnais moi aussi. J'entends sa voix, j'entends son rire et je vois ses gestes nerveux, peut-être timide. Je suis le mouvement de son poignet lorsqu'il passe dans sa nuque et je dévisage sa peau comme si je le découvrais nu à nouveau. J'ai beau me dire que nous sommes partis à la découverte l'un de l'autre il n'y a même pas quelques heures, les tissus qu'il drape autour de sa silhouette, la longueur de ses cheveux qu'il sculpte, tout donne de nouvelles couleurs à sa peau.

Voilà pourquoi il était si long – il a l'air d'avoir mis tellement de soin, et moi qui ai oublié de m'habiller, je crois que je serai capable de m'empourprer si je n'étais pas en train d’étouffer d'adoration.

Il faut que je le lui dise.
Il faut que je lui dise à quel point je l'aime, à quel point je le trouve beau et comme là, tout de suite, oui, je le trouve joli.

― Tu es...

Ai-je fini ma phrase ? Je dois essayer encore, dire correctement les choses. Je me racle un peu la gorge, incapable de ciller, de figer le temps, de me rappeler de respirer. Ma main, incertaine, cherche la sienne à l'aveuglette, ou alors peut-être son visage, je ne sais pas.

Je ne sais plus rien ; plus rien à part lui.

― Tu es...

Oui, c'est ça, je cherche bien son visage. Ma main, qui tremble juste à peine à cause du désir, de l'excitation, de l'adoration vient s'emparer de sa paume chaude.
Je met, dans cette main trop lente qui enserre parfaitement la rondeur de sa joue, toute la douceur de mon amour. Et je crois bien que j'ai enfin le plus amoureux des sourires quand je lui murmure :

― Tu es si laid.

Enfin, je l'ai dit.
Mes yeux s'écarquillent d'un coup et de la glace foudroie ma main – quoi.
Quoi ?

― Quoi ?

Jamais je ne suis devenu aussi pâle de toute ma vie.
Le sang quitte mes joues, mes lèvres, je sens de la rouille jusque sur le bout sec de ma langue. Je m'écarte de son visage comme si je venais de me faire arracher la main. Je recule mon buste en arrière, train le tabouret avec moi.
Ma tête se secoue de droite à gauche comme pour tout effacer.

― Oui, oui, oui, oui, oui, oui oui. Ce n'est pas – c'est tout à fait ce que je voulais dire je – Bermuda !

Et plus j'essaie de m'expliquer, plus je m'embourbe et dans tribut gluant dont je n'arrive pas à me défaire quand mes émotions sont trop brutales. J'expire violemment tout mon air et, descendant trop vite du tabouret haut, je le fais tomber au sol dans un bruit métallique.

Je n'ai pas le temps de réfléchir.
Je ne suis plus que de la précipitation, plus que des mouvements hachurés, stupides, la langue mordue et l’imbécillité qui me gifle lorsque je me jette sur Bermuda. Je m’empare de ses deux mains que je joint entre les mienne, devant mon visage :

― Bermuda, Bermuda surtout ne – je n'ai rien dit, d'accord ?

Et comme j'ai l'impression que ça ne suffira pas et qu'il interprétera mal, je saisit son visage entre mes deux mains et j'approche mon visage au plus près du sien. Je vole son regard, tout entier et avec tout mon sérieux je lâche :

― Tu ne dois pas écouter ce que j'ai dit, est-ce que c'est d'accord ? Est-ce que tu as compris, pour mes mots ? Est-ce que tu sais que je ne pensais pas un seul instant, mais absolument aucun instant les mots qui viennent d'être prononcés, Bermuda ? Est-ce que tu as compris, j'insiste fort sur le mot, je ne tolèrerai aucun refus, que tu ne dois pas croire ce que j'ai dit ? Est-ce que tu as compris, Bermuda ? Est-ce que tu sais comme c'est très, très, très important ? Est-ce que tu as compris que je n'accepterai aucune autre réaction de ta part ? Est-ce que tu sais que tu es prévenu, et que je suis très sérieux ? Bermuda, tu m'écoutes ? Tu m'écoutes, Bermuda ? Est-ce que tu me fais confiance, Bermuda ?

Je ne souris plus et c'est comme si dans mes yeux passaient les effrois de la fin du monde (et c'est à peu près ce dont est capable Bermuda, de mettre fin au monde, et dans d'atroces souffrances en plus).
Je plaque mon index sur sa bouche pour l'empêcher de parler. J'appuie peut-être un peu trop fort mais ça n'a pas d'importance – il doit comprendre, absolument comprendre ce que j'ai voulu dire.

D'un geste vif, je m'empare de sa taille et le plaque contre moi. Mon bassin s'appuie contre le sien et mon désir aussi. Je le presse un petit peu.
Je dérobe encore son regard, pour qu'il n'aille nulle part ailleurs que dans la détermination du mien. Je relâche sa bouche, prisonnière de mon index, déplace ma paume sur sa joue. Je presse doucement  mes reins contre lui.

― Est-ce que tu connais bien mon corps, Bermuda ?

Et alors que je le regarde dans l'attente de sa réponse – non, de sa confirmation, je couperai court à toute autre explosion, c'est impossible qu'il comprenne autre chose que mon amour brutal pour lui – alors que je fixe le moindre tressaillement de son visage, je me perds.

Je me perds dans sa beauté et je l'embrasse, fougueusement, presque animal en faisant glisser mes paumes sur ses côtes – bon sang, il porte un corset ou je rêve ? Je l'agrippe contre moi, je le vole, l'enserre, le menotte à mon corps, le séquestre dans mon étreinte et mes caresses et je me fais violence pour ne pas semer du désordre dans ses cheveux.

Quand ce baiser de cataclysme est fini, je suis haletant.
Je recommence en attrapant son visage moins vivement :

― Tu écoutes, Bermuda ?

Je prends une courte inspiration.

― Beau. Magnifique. Superbe. Éblouissant. Désirable. Excitant. Désir. Envie. Splendide. Joli. Mignon. Excitant. Énormément. Fascinant. Brillant. Beau. Beau. Beau. Beau. Beau.

Et je peste, je peste tellement contre moi-même et mon imbécillité – que je reproche si souvent aux autres mais que je devrais éradiquer chez moi avant de me permettre quoique ce soit. Quand j'ai fini mon énumération, je lève les yeux au ciel, grogne et plonge encore sur ses lèvres pour un deuxième baiser de désir pur.

C'est aussi pour l'empêcher de parler – il faut absolument que je l'empêche de parler avant de l'avoir conquis totalement. Je ne sais pas ce qui pourrait se passer sinon (et je ne préfère pas prendre le risque).

Mais mon désir pour lui est si fort, dans cette robe rouge légère, avec ses chevilles qui semblent si menues dans ses sandales, et ses cheveux noués, et ses bretelles fines que mes caresses en deviennent plus éparpillées, plus erratiques, plus soumises de lui.

Mes mains se perdent sur lui et pour lui. Il faut que je le fasse – j'ai envie de le faire. Je m'abaisse un peu ; elles viennent effleurer ses genoux puis remontent sur sa cuisse, si douce, si excitante et j'ai tellement envie de faire remonter mes doigts jusqu'en haut quand je tombe sur un bracelet de cuir. Tiens donc ? Je le tâte, le palpe, curieux, une seconde à peine, jusqu'à ce que j'en devine le contenu.

Je me fige en pleine caresse, foudroyé.

― Qu'est-ce que c'est que ça...?

Et cette question stupéfaite est couinée par mes lèvres qui grimacent un sourire nerveux, trop effrayé à l'idée de comprendre que oui, Bermuda possède encore une dague et que, à mon goût, elle est bien trop proche de moi.





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Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaJeu 14 Mai - 1:34

Je continue de te fixer. Ma main quitte ma nuque pour se poser sur ton t-shirt. Je me raccroche à chaque sursauts de ton visage. Depuis le coin de tes yeux à tes lèvres. Je laisse s'épanouir un sourire discret sur ma bouche. Je ne trouve ni d'agacement, ni de déplaisir sur ton visage. Juste une immense surprise qui agrandit tes beaux yeux et l'espacement entre tes deux lèvres à mesure que les secondes s'étirent. Je cherche une réponse sur le creux de tes yeux ou dans les écarquillements de tes cils. Même si je sais, je suis même convaincu que je te plais même ainsi. Il faut juste que tu le dise. Que tu te remettes de tes émotions. Ou pas. Je pourrai t'enserrer, avec beaucoup de bonheur. Beaucoup. Puisque tu ne sais même pas à quel point tu m'en donnes quand tu m'offres sans retenue toutes tes émotions. Que tu me laisses contempler ton visage ou tout ressentir des tremblements de ton être.

Je savais si peu au sujet des sentiments. De leur expressions. Je ne connaissais que la colère. Le dédain. Le dégoût. La moquerie. La haine. La peur. La douleur. La violente souffrance. L'inconscience. L'inconstance. Les mensonges et les plus laides vérités. Je ne connaissais rien d'autres. Ou si peu. Puisque le reste je l'observais mi-envieuse, mi-amusé. Et maintenant que tu continues d'imprimer le sens, parfois douloureux ou effrayant des autres passions je ne peux qu'en être reconnaissante. J'étais si ignorante et dans mes prétentions je croyais tout savoir. Connaître. Obstiné. Orgueilleux. Jusqu'à ce que tu souffles sur ma peau comme on souffle sur des braises pour faire un feu brûlant. Que tu m'étreignes comme on étreint le plus fragile et le plus désirable des êtres. Que tu me couves du regard comme si de ta mort et de ta vie tu n'avais jamais rien vu de plus beau. Que tu m'emportes dans le rire, dans le bonheur, dans la douceur. Que tu redonnes toutes les couleurs aux choses et leur éclats. Je ne savais rien. Je ne connaissais rien du bleu avant d'avoir vu tes yeux et d'y avoir pu m'y plonger vraiment, dans le secret de nos ballades extatiques. Je ne connaissais rien de l'or avant d'avoir pu le caresser sur tes cheveux et ta barbe. Je ne connaissais rien des perles et de l'albâtre avant d'avoir pu apposer mes lèvres sur ta peaux. Je ne connaissais rien de beauté avant d'avoir pu observer celles qui se cachent quand tu plisses tes yeux et ta bouche pour rire ou m'appeler ou soupirer. Je ne connaissais rien non plus de ma cupidité avant de t'avoir étreint trop fort pour pouvoir comprendre l'intensité de la fièvre qui pouvait m'animer. Je ne savais pas qu'il y avait de l'amour dans ma cupidité. Non. Je ne connaissais rien.

Tu as tout fichu par terre et j'ai le souvenir d'avoir détesté. D'avoir eu peur. D'avoir été à ce point convaincu que tu allais tout retourner sur ton passage que j'ai menti. J'ai menti. Et c'était alors les pires mensonges que je n'avais jamais raconté de toute mon existence. Les pires et les plus mensongers quand j'ai soufflé que je n'aimais pas tes mots, tes caresses et tes baisers. Les pires vraiment parce qu'alors que je voulais y mettre toute ma véhémence. Ma hargne. Ma peur a tout pris pour les transformer en aveux éhontés quand mes mains se pressaient, mon souffle et ma bouche. J'avais tout entrevu. Ma fin et le désastre. J'ai tout vu venir. Depuis le moment où j'ai consenti à t'offrir un baiser, alors que rien ne m'y obligeais. Rien. J'ai trop accordé. Trop concédé. Offert et étreint.

Dans la solitude et la pénombre de ma cabine j'ai eu le loisir de tout ressasser. Obsessionnellement. J'ai tout ressassé. J'ai tout regretté. Tout. Avec la mauvaise volonté d'un perdant. Perdu en réalité. J'ai tout aimé aussi. J'ai tout trop regretté et aimé. Il avait fallu que je retrouve pour arracher à ton oisiveté tout ce que tu m'avais volé. Pour essayer de reconstruire en somme ce que tu avais savamment détruit. Je pensais qu'en te retrouvant j'aurais pu tout arranger. Te traiter comme je traite les menteurs. Les autres. Réduire notre proximité. Cet intérêt qui prenait trop de place dans mon esprit.

Au lieu de cela j'ai été en colère. C'est vrai. J'ai été furieux que ma venue ne t'ai pas plus bouleversé. Elle aurait dû, puisque toi tu as tout bouleversé. Tout. J'ai été en colère et vexé. Outré. Si bien que j'aurais pu t'arracher la langue et partir avec éclat. Sans rien régler. Profondément blessé dans mon amour-propre. Celui-là même qui n'est pas souvent de bon conseil. Mais au lieu de me laisser faire, tu t'es défendu. Pire encore. Tu m'as blessé. Tu as frappé mon visage. Voulu attraper mon arme pour te défendre. Tu as fait cela. Mais en réalité c'est des ruines que tu as frappé. Que tu m'as fait abandonner. Et tu m'as fait tomber. Et tu m'as vaincu.


Et j'ai été abasourdi. Personne ne se défend quand je viens. Personne n'ose. Et tu n'aurais pas dû. Même pas pu me frapper. Au visage. Celui-là même qui te plaisait suffisamment pour me faire des avances. Tu n'aurais pas dû. Et j'ai été abasourdi que tu blesses ainsi mon visage alors que tu l'avais tant embrassé. J'ai été surpris. Puis, je peux bien l'avouer maintenant, admiratif. Un instant. Infini. Puisqu'il faut du courage pour frapper une fem- un homme qui a tant menacé, expliqué avec quel soin il brisait ses ennemis. De l'inconscience aussi. Et un peu de bêtise aussi. Je me suis rendu compte alors que si tu avais été capable de me blesser ainsi c'est que tu t'es toujours tenu trop proche de moi. Ou moi de toi. Que cette proximité était-elle qu'en un simple coup de tête tu avais réussi à m'atteindre. Et moi également. Puisque j'ai blessé ton épaule par la suite. (Ce n'était que justice après tout.)

J'ai réalisé alors. Quelque chose de très important. Il n'y a pas plus stupide que de laisser une fem- un être tel que moi t'approcher de si prêt que mes doigts ont même enserré ta gorge. Alors que tu savais pertinemment que je n'étais pas vraiment capable de discernement quand je suis en colère. Ou simplement parce que je suis si changeant. Il n'y a pas plus stupide que de laisser un homme tel que toi m'approcher de si prêt qu'il t'a fallu que quelques coup de langues et quelques mots irrévérencieux réduire en lambeau mon arrogance en pointant du bout des lèvres mon ignorance, ma faiblesse et mon immaturité. C'était très stupide. En effet. J'ai réalisé que je n'avais eu qu'une envie. Celle de réduire plus encore notre distance pour voir ce que je trouverais dans le fond de tes yeux abyssales.


Et quand je riais de tes déboires. De nos éclats. Quand je pensais encore naïvement qu'il ne me restait plus rien. Ni dignité. Ni même de pardon. Que je te haïrai pour le restant de l'éternité. Que toi aussi. Qu'il n'y aurait plus de complicité. Ni de retour en arrière. Que la douleur nous ferait perdre les tendresses maladroites que nous nous étions donné. Que je jubilais, mauvaise, en entendant tes éclats et ta souffrance. Que je souffrais encore depuis mon orgueil malmené à mon nez ensanglanté. Tu m'as surpris. Tu m'as outré. Encore. Hébété. Tu as tout soufflé. Alors qu'il ne restait plus rien de moi-même et de mes prétention. Tu m'as donné une poche à glaçon pour soigner mon nez. Un regard mi-soucieux mi-furieux pour passer un baume chaleureux sur les blessures de mon égo. Et c'est stupide. Incroyablement. Surtout si on considère que je t'ai blessé. Que je suis rentré par effraction chez toi. Dans le but de te blesser. Je t'ai repoussé. Et j'ai même dit que tu sentais mauvais. J'ai dit et fais tout cela et tu as offert de soulager mes peines. Et personne ne s'est jamais inquiété pour moi. Personne ne s'est jamais préoccupé de ma souffrance. De mes mot. De mes maux. De mes gestes. Personne. Personne ne m'avait appris la sollicitude et tu venais de le faire.


Ce n'est d'ailleurs pas la seule chose que tu m'as enseigné ce soir-là. Ce n'est pas non plus la toute première chose que tu m'as appris. Je pense que tu m'as fait connaître le sucre en premier, quelques secondes après que nous ayons fini d'échanger notre premier regard. Son goût désagréable, doux, qui reste dans la bouche. Ses textures. Molles. Ou dures. Les différentes choses que tu peux créer. Guimauves ou bonbons multicolores. Et je ne savais pas qu'il était possible de faire tant de jolies choses. Avec de la poudre. Et même en faire des petites pierres jolies, presque précieuse. Et j'ai beaucoup aimé. Puisque j'aime les jolies choses. Comme j'ai beaucoup aimé et été intrigué par Sucre. Toutes ces choses-là étaient belles. Les émotions, le goût, le nom des choses. Les manières de faire les choses. Tout était beau. Et ce tout est toujours aussi beau. Et il le sera toujours aussi. Même dans la douleur. C'est certain.

J'ai vraiment détesté que tu réduises toutes mes certitudes. Mes connaissances. Tout ce que j'avais. Mais j'ai vraiment aimé que tu prennes le temps de reconstruire. Pour m'en forger des nouvelles. Élargir mon horizon. Avec moi. Et j'aime toujours. Et je ne regrette plus rien. Même pas d'avoir trouvé de l'amour dans tes prunelles. D'y être à ce point soumis et dépendant. Puisque le bonheur et la joie accompagne les doux sentiments en même temps que les ennuis et la douleur. J'étais effrayé. Et je le suis encore parfois. C'est effrayant d'exister, de respirer, de tenir pour quelqu'un d'autre. C'est effrayant d'être nous. Mais c'est très beau aussi. Et cela me rend très heureuse. Et je sais aussi que je veux que tu sois heureux. Principalement. Même si tu finissais par être malheureux avec moi je le déplorerai, mais je ne tolérerai pas que tu me laisses. Jamais. Je préfère quand même quand tu es heureux.

Et j'ai mis tellement d'effort dans ma préparation. Jusque dans le choix de ma coiffure. Alors que c'est ridicule. Et que je suis pratiquement sûr que si j'étais sorti mal habillé, je t'aurai tout de même plu. (Tu m'as trouvé beau avec un bleu sur le nez et des vêtements trop grands. Quand même.) Oui. J'ai mis tellement d'effort pour te plaire qu'il m'est inconcevable de penser que tu n'en seras pas touché et heureux. Et je crois que tu l'es. Maintenant. Même dans ton ébahissement. Et tu as plutôt intérêt parce que je ne fais jamais d'effort pour les autres. Surtout si je ne peux rien en tirer.

Soudain tu t'animes. Ta main cherche quelque chose et ta bouche expire deux mots. Moins qu'une phrase en réalité. Je suis toujours attentive et je me suspends au sens que je devine dans tes soupires. Ton sourire. Tes yeux qui me fixent sans oser trop ciller. Je me demande comment tu le diras? Moi chaque fois que je pense à ton visage il n'y a que trop de qualificatifs qui me viennent et je préfère dire beau. Même si tu mériterais que je t'en dises mille autres en vérité pour décrire parfaitement ta beauté et l'emprise qu'elle à sur moi. Deux autres mots suivent. Les mêmes. J'esquisse un sourire amusé. Fier aussi. J'ai mis tant d'effort pour te plaire. Je ne regrette plus alors d'avoir tant souffert. En brossant des cheveux épais et trop long. En enfilant ce fichu corset. (Trop serré il m'empêchait de respirer. Trop lâche, il ne rehaussait pas assez ma poitrine. ) Et quand tu viens poser ta main sur ma joue pour l'envelopper tendrement. Quand un joli s'étire sur ta bouche et soutiens le mien. Quand tes yeux continuent de briller je suis à peu prêt certain que tu vas me dire comme je suis beau.

Mais en réalité. Tu dis que je suis laid. Tu le dis avec un air très heureux et satisfait. Moi je fixe mes orteils. Très surpris et vraiment déçu. Alors je dis, gêné:

- Oh... D'accord.

Et je n'ai pas plus intelligent à dire. Ou peut-être Ah? Mais je doute que ce soit plus intelligent. Je relâche le coton de ton t-shirt et je vais passer de nouveau ma main dans ma nuque. Très embarrassé. Je crois que je ne l'ai jamais tant été. Et pourtant j'étais persuadé...? Sur ton visage il y avait un sourire. On ne dit pas ce genre de chose avec un air si niais et dévoué. Je le sais, puisque quand tu ne regardes pas-ou plutôt que je suis persuadé que tu ne regardes pas- je t'accorde le même. Quelque chose ne va pas. Peut-être que tu t'es trompé? Ou que j'ai mal compris? Je redresse alors la tête, sur le point de demander:

-Qu-

Mais ta voix couvre la mienne et tu t'exclames, comme si c'était moi qui venait de dire que tu es laid. Tu te recules alors en faisant grincer le tabouret. Tu abandonnes ma joue et les tiennes deviennent livides. Je fronce les sourcils. Plus que perplexe.

- Ce n'est rien je peux mettre autre chose d'accord?

Je tente de dire. Ou de faire entendre. Mais c'est vain. Tu secoues la tête et tes oui couvrent mes mots. Tremblants d'émotions - est-ce de l'agacement? De la tristesse? De la colère je n'arrive pas à comprendre. S'ensuit alors une tentative d'explication, qui ne semble pas te satisfaire et qui se termine par mon nom. Il y a trop de panique dans ces trois dernières syllabes pour que je reste immobile. J'esquisse un pas en avant et je lèves mes paumes pour étreindre ton visage et tenter de te demander de te calmer. Je ne suis pas sûr de tout comprendre, mais je veux bien faire l'effort d'e-

Mais tu ne me laisses pas le temps de concrétiser puisque dans un énième sursaut tu te lèves. Un fracas métallique détourne mon attention. Quelques secondes. Le tabouret tombe par terre. Et avec lui un peu plus de ton calme. Tu attrapes mes deux mains avec les tiennes. D'un coup. Avec trop de précipitations pour que ce geste soit doux. Je fronce les sourcils. Tu me hèles deux fois pour me dire que tu n'as rien dit. Je hoche la tête. Et comme tout est confus je ne peux pas formuler de phrase cohérente et même si je pouvais tu n'y entendrais rien. Puisqu'il y a beaucoup de panique et peut-être un peu d'autre chose aussi, de l'inquiétude je crois. Tu relâches mes mains pour attraper mon visage. Trop vivement encore. Et je voudrais dire. Je voudrais vraiment te dire que j'ai compris. Et que tu ne voulais pas dire que tu me trouves laide. Laid. Peu importe. Puisqu'il y avait beaucoup d'adoration et d'émerveillement sur ton visage. Mais tu ne me laisses rien dire ou faire. Ton visage s'approche du mien si près qu'il est fou de voir que tu n'entends rien! Je dis.
- J'ai compr- Tu me redemandes si j'ai compris tes mots. Je rétorque: - Oui j'ai bi- Tu me précises que tu ne pensais pas tes mots. Je tente: - Évidemment qu-! Mais tu ne me laisses pas encore terminer. J'inspire profondément. Absolument agacé. D'ailleurs tu me redemandes si j'ai bien compris- en insistant très fort sur ces syllabes, ce que c'est agaçant, fichtre!- pour me dire de ne pas croire tes mots. -Sucre écou- Mais tu n'écoutes pas. Je lève l'œil au plafond et tu me redemandes si j'ai compris. Je grogne voilà. Tu me dis que c'est important que je comprenne-alors que j'ai compris bien avant que tu ne commences à expliquer, mais imbécile comme tu tu te laisses complètement envahir par la panique tu restes sourd. - Sucre! Bon sang! Laiss- Mais tu continues de m'ignorer. Ce que c'est frustrant bon sang. Et je n'aime pas être frustré. Je grogne une nouvelle fois. Tu dis que tu n'accepterais aucune autre réaction de ma part. Mais si tu me demandes encore une fois si j'ai compris je me verrai dans l'obligation d'écraser tes orteils pour que tu me laisses en placer une. C'est certain même. Je ne sais juste pas si c'est avec mon talon ou le bout de ma semelle. Au lieu de cela tu me demandes si je t'entends. Deux fois. - C'est toi qui n'entends ri- Rien. Oh. Et puis zut. Je pince les lèvres. Ne nous énervons pas. Je suis calme. Absolument. Si je m'énerve et que tu continues ta crise de panique nous ne nous en sortirons pas. Voilà. Self-control. Maîtrise. J'y arrive parfaitement. Et quand tu me demandes finalement si j'ai confiance en toi j'explose, agacé:

- Oui! Mais bien sûr que j-

Mais tu plaques ton index sur mes lèvres pour faire taire. Fortement. Je sers la mâchoire et je laisse tomber mes bras le long de ma taille. En signe de réédition. Je n'y arriverais pas. Bien. Puisque tu ne sembles pas vouloir entendre. Je te lance un regard qui se veut mauvais, mais il est bien vite désarmé quand j'aperçois l'absence de sourire. Je suis trop peu habitué à te voir si sérieux. Il faut que je te fasse comprendre que j'ai compris et que je n'ai pas douté un seul instant qu'il s'agissait d'autre chose que d'une maladresse ou d'une confusion.

Tu attrapes mes hanches d'un coup et tu plaques les tiennes contre moi.

Oh.

Je baisse le regard pour seulement constater, que oui, tu ne porte pas de pantalon. Et, un instant je suis très contente de ne pouvoir parler. Une fraction de seconde. Moins. Parce que tout ce que je trouve à dire pour l'instant ce sont des oh et quelques autres exclamations pour commenter très bêtement ce qu'il se passe précisément entre tes jambes. Je relève la tête et ton index quitte soudainement ma bouche pour ma joue. Et ta paume vient de nouveau cueillir mon visage. Tu perds tes deux yeux dans le mien. Et je me dis à ce moment précis qu'il faudrait que je songe à mourir au moins une fois pour essayer de retrouver mon autre œil. Juste pour te graver complètement dans mes iris. Et tout comprendre des éclats précieux de tes yeux. Puisque je n'y vois jamais assez qu'avec mon œil gauche. Un jour je mourrai. Et je viendrai te voir en premier, un main sur mon œil guérie pour pouvoir observer ton visage à toi avant le reste du monde. Avec mes deux yeux.


Mais j'ai d'autres choses à penser quand tu te presses une nouvelle fois contre moi. J'inspire. Tu me demandes si je connais bien ton corps. Je cligne une fois. Deux fois. Pas très sûr de bien comprendre le sens de ta phrase à cet instant. Je lève les mains pour attraper ta taille. Il y a des choses. D'autres choses que tu dois me laisser dire avant. Il faut que je dissipe tout avant que tu ne retrouve la parole.

Ou le chemin de ma bouche. Mais tu le connais par cœur. Et c'est de l'amour que tu déposes sur mes lèvres. Pur. Mais brutal aussi. C'est tout cela que tu me dis. Et c'est avec ardeur que j'y réponds. Puisque je suis faible et vaincu. Que je veux dire tellement de choses que tu n'entends pas. Rien. Et je suis convaincu de détester cela. Alors il y a un peu de fureur. Et de frustration aussi. Sur ma langue. Et d'autres choses aussi plus belles et dévouées. Qui me font parfois oublier de respirer. Des choses comme mon amour. Inconditionnel. Je le sais. Même quand tu m'agaces. Que tu paniques et que tu t'inquiètes. Oh. Je devrais détester. Mes doigts se tendent pour mêler mes phalanges à tes cheveux quand toi c'est sur mes côtes que tu viens te perdre. Il y a trop d'espace entre nous. Décidément. Je caresse ta nuque et je me presse plus encore.

Je ne sais pas combien de temps dur cet échange. Tout ce que je sais c'est que lorsque tu t'écartes, j'ai encore bien trop d'air à expirer. Et mes joues brûlent très fort. Tes deux mains viennent attraper mon visage encore. Mais avec plus de douceur cette fois. Il semblerait que tu aies retrouvé un peu de contenance sur mes lèvres. Tu me demandes une nouvelle fois si je t'écoute. Et moi je suis sur le point de te répondre que oui, je t'écoute, depuis le début même. Et très sincèrement, si tu me le demandes encore je vais écraser tes pieds nus. Avec mes jolies chaussures. Oui. Je vais dire cela. Et je vais m'énerver. Ou plutôt je ne vais pas le faire puisque tu m'auras enfin laissé parler. Mais tu ne me laisses pas en vérité. Tu ne me laisses pas faire. Pire encore. Tu me cognes. Avec des mots. Et ils frappent fort à chaque fois. Je ne vais pas y arriver. Je perds contenance. Je me perds tout entière. Puisque c'est en plein cœur que tu frappes. Trop proche de mes lèvres. Mes doigts viennent s'agripper au coton. Mes cils battent. Se plissent. Mon iris tentent d'échapper aux tiennes. Mon visage à tes mains. Je ne vais pas y arriver. Je vais craquer. Il faut que je me cache le visage. Parce que je sais qu'il arrive ce sourire très idiot. Il arrive et il va s'accrocher sur ma bouche. Et je ne doute pas un instant qu'il va s'y accrocher trop fort. Et c'est peut-être le plus beau aussi de mes sourires. Mais le plus idiots certainement puisqu'il s'accompagne de pourpre et d'adoration.

Et je crois que tu en vois à peine les prémisses quand tu m'embrasses une seconde fois. Et ce baiser a un peu le même goût que notre tout premier. Celui du désir. De l'envie. Mais il y a plus aussi tellement plus. Alors que j'essaie de dire:

- Attend Su- Mais je crois empêcher les mots de franchir mes deux lèvres retroussée tendrement puisque je les presses avec dévotion contre le tiennes. J'ai quelques rires heureux dans le ventre, mais là encore tu presses trop fort tes lèvres contre ma bouche. Et c'est révoltant. C'est révoltant puisque je sais pertinemment que tu refuses de me laisser dire. Et rire. Et même respirer. Et tu ne devrais pas profiter ainsi de mes faiblesses pour me faire taire. Je le sais. Je ne le sais que trop bien et pourtant ma bouche et ma langue se presse contre la tienne. Avec ardeur. Tes mains me caressent. Pour me perdre encore un peu plus. Oh fichtre. Je déteste tellement perd-

J Mais j'oublie de respirer quand tu glisses ta main sur mon genou. Et que tu remontes. Trop lascivement.

Je me presse contre toi. Oh. Et moi aussi je suis certaine d'être excité maintenant. Depuis quelques baisers déjà. Je le sais puisque je respire. Que dis-je. Je halète. Et c'est très bas de m'exciter ainsi pour me faire taire. Oh. Oui. Je suis révolté. Mais c'est parce que tu ne m'embrasses plus et que tu as suspendu ta caresse. Pourquoi tu ne m'embrasses plus? Je suis sur le point de demander, mais je retiens ma question puisque tu t'acharnes à m'empêcher de parler depuis trop longtemps maintenant pour que je ne sois pas méfiante.

Je te regarde, le sourcil froncé. Toujours haletante et l'œil un peu trop enfiévré. Un peu hébété. Aussi concentré que je peux l'être à cet instant précis. Je croyais que nous allions faire l'amour. Pas parler. Je grogne puisque je ne comprends pas. Et puisque je n'ai absolument pas compris ce que tu as dit, une de mes mains glissent le long de ton bras pour toucher ta main et savoir ce qui t'as ainsi stoppé net. Mes phalanges caresses les tiennes au passage et je baisse la tête pour ne plus te présenter mon visage trop rouge. Puisque je suis absolument révolté, rappelons-le. Et que je refuse de voir l'ombre d'un sourire victorieux puisqu'il est parfaitement évident que je crève littéralement de tes lèvres et qu'il doit avoir aussi un peu trop d'amour sur mes pommettes.

Je trouve sous le bout de mes doigts ... mon étui en cuir. Je pince mes lèvres. Est-ce que c'est l'acier qui t'as ainsi stoppé. Ah. Non. Je ne peux pas le concevoir. Tu ne peux pas avoir plus peur de ma dague que de moi. Tu ne peux pas ainsi me museler. Que dis-je, te permettre d'être si abrupte avec moi depuis notre réveil. Simplement parce que tu penses que je n'ai pas de dague. Et tu ne devrais pas arrêter de m'embrasser, capricieux jusque sur la pointe de ta langue et briser notre baiser. Et ta caresse. Je ne sais plus trop ce qui me mets hors de moi. Peut-être un peu de tout. La frustration ne me sied pas. Ma main remonte sur ta main et vient agripper la tienne pour la retirer de ma cuisse. Je dis:

- Ce n'est pas d'elle que tu devrais le plus te méfier.

Un air mi-amusé, mi-furieux sur la bouche. Et le visage. Je la relâche avec dédain et je dévoile le haut de ma cuisse, savamment, et je prends une minute pour enlever mon étui. Je le jette sur le sol. Puis sans ménagement j'attrape ton poignet et je te traîne derrière-moi. Et si tu crois que tu peux te défiler ou même réussir à libérer ton poignet tu trompes lourdement. Mais tu peux bien essayer. Mes phalanges serreront plus fort et c'est ton bras blessé que je tire.

- Tu ne sais pas tout ce que tu fais depuis ce réveil. Moi je vais te le dire. Te le montrer. -Fais attention en marchant il y a de l'omelette par ici.- Tu m'as tirer aussi fort pour m'étreindre. Sur le lit. Je dis, en faisant claquer mes talons sur le plancher. Je t'amène devant le lit. Sans lâcher un seul instant ton poignet dont je dessers l'étreinte. Je me plaque contre ton torse et he vais embrasser ton menton pour dire:

-Est-ce que tu sais ce que tu as fait d'autre? Je te pousse sur le lit, les deux mains à plat sur ton torse.- Tu m'as repoussé. Sur le côté. J'enlève une chaussure. - Avec moins de ménagement que cela, encore. J'enlève l'autre et je les laisse sur le sol puis je viens te rejoindre sur le lit.

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coeur souillé de noirceur
Sucre
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Féminin

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DATE D'INSCRIPTION ▲ : 09/01/2015
AVATAR ▲ : France ▬ Hetalia
DIT ▲ : chevalier.
ANECDOTE ▲ : son tribut est qu'il est condamné à ne plus jamais dire la vérité. il est accessoirement confiseur et claustrophobe.
FICHE RS ▲ : crache ton miel •

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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaLun 18 Mai - 1:34

Évidemment, que j'ai peur de Bermuda.
Évidemment que j'ai de la peur, de la crainte, de l’effroi pour Bermuda et je crois bien que plus je me fais proche du tambourinage de son cœur, plus je le redoute. Je n'ai jamais eu l'audace de ne saisir Bermuda que dans sa demi-mesure, et c'est parce qu'il est immense, titanesque et redoutable que jamais je ne commettrai l'affront de le sous-estimer.

Je croîs dans une peur constante de ses excès.

Plus je le découvre, que ce soit avec mes mains longeant ses côtes où mes yeux plongeants dans la ligne de sa nuque, plus je soulève des voiles qui font germer dans mon ventre la terreur. J'ai la gorge qui se serre ; mes yeux, si provocateurs, deviennent lâches ; ma salive gluante ; ma langue sèche ; mon cœur au bout des doigts ; ma sueur sur les tempes ; mon cou se rompt ; mes épaules se cassent.
Docile, soumis, je n'ose plus un bruit – à peine le chuchotis de ma respiration fuit entre mes lèvres.

J'ai peur de beaucoup de choses que peut lourdement offrir Bermuda.
J'ai peur de ses colères qui, si elle font souvent se gondoler mes lèvres d'un sourire, ont aussi suffisamment de rage et d'aigus pour que mes rotules en tremblent. J'ai peur de sa voix lorsqu'elle se  met à gronder et de ses sourires quand ils s'ourlent de mauvaiseté. J'ai peur de ses yeux lorsqu'ils sont plus coupants que ses dagues ; et j'ai peur, j'ai si peur de ses dagues et de toutes les armes qu'il peut nouer à sa taille et à ses cuisses que je préfère nues.
Mais j'ignore quelle est sa lame la plus dangereuse, entre ses coups et ses mots ; probablement la deuxième.

Il ne se rend pas compte, Bermuda, comme il est capable, rien qu'avec le claquement de sa langue, de me retirer toute la vie qu'il m'a enfoncé dans la poitrine jusqu'à maintenant. Ses mains aussi ont ce pouvoir – celui de se presser dans ma cage thoracique, de s'enfoncer, de me faire hoqueter, m'étouffer, et avec un coup, un hématome de souffrance, me casser le dos.

Il éventre ma dignité.

J'imagine que si je pouvais poser sur moi un œil étiré par la distance, j'aurai honte de ce que je suis devenu. J'en rirai, probablement, de m'être métamorphosé dans une faiblesse couarde que je n'ai jamais vraiment accepté déjà dans la façon dont je rangeais mes mains dans mes poches en me détournant du monde. Qui aurait cru – et ce n'est pas moi – qui aurait cru qu'un jour, je plisserai les yeux dans l'attente d'un coup, que je rentrerai mes épaules comme ceux d'une bête domestiquée et que je viendrai nicher ma joue dans le creux d'une paume. Qui aurait cru que je n'attendrai de lui que ses assertions et la fierté de ses sourires – que je me vendrai pour qu'il daigne me regarder.

Qui aurait cru que j'aurai cette crainte muée en adoration ; et surtout tout cet amour.

Puisque au final, j'ai certes peur de Bermuda, j'ai peur de ses violences et de ses coups, mais là où ses mains m'effraient le plus, c'est lorsqu'elles se lèvent vers mes lèvres pour y déposer des caresses.

Oui, j'ai terriblement et brutalement peur de tout le bonheur que peut m'offrir Bermuda et je crois, je crois que jamais rien ne m'a tant effrayé que de sentir ma poitrine se délier lorsque je pose mon regard sur lui. Et même lorsqu'il ne me retourne pas son unique œil, dont je rêve de pouvoir un jour goûter la couleur, j'ai plus de bonheur que mes os n'en ont jamais porté.

J'ai peur des caresses de Bermuda. J'ai peur des sourires de Bermuda. J'ai peur de son rire qui résonne, lorsqu'il est secoué d'un bonheur franc et qui gifle mes joues de couleurs inconnues. J'ai peur de ses airs ingénus qui font vrombir ma poitrine avec la force d'un vent du Nord. J'ai peur des soupirs de Bermuda et de la ligne de sa bouche qui frémit lorsqu'il prononce mon prénom, à moi. J'ai peur des baisers de Bermuda – de tous ses baisers, ceux qui ont le goût du soleil et ceux qui ont le sel de la mer, ceux qui sont abrupts, les complices, les tendres, les sulfureux, les scandaleux, les outranciers. J'ai peur de mains de Bermuda qui avec aisance gravissent mon corps pour y piquer des plaisirs, des douceurs, des griffures parfois, mais toujours les plus extatiques. J'ai peur des mots de Bermuda, surtout ceux qu'il attache pour me dire comme je compte, ou lorsqu'il me dit bonjour ou alors, de temps à autres, lorsqu'il me dit qu'il m'aime.

J'ai peur de l'amour de Bermuda qui, petit à petit, me fait me disloquer en morceaux bruts de bonheur.

Alors là, tout de suite, une main penchée contre l'intérieur de sa cuisse, je me pétrifie à l'idée de le savoir en possession d'une dague. J'ai eu peur, j'ai eu si peur, je me suis tant inquiété à cause de la censure de ma bouche que, maintenant, je me sais un peu ridicule. Énormément ridicule, peut-être, d'être allé jusqu'à l'empêcher de parler en cloisonnant ses lèvres de mes baisers. Mais il fallait bien que je sauve ma vie, comme lorsque j'avais léché ses mains et ses doigts dans l'espoir de sauver ma langue – peut-être que je devrais recommencer ?
Je crois que j'ai bien quelques rires qui se terrent dans mon cou, mais entre la panique et le désir, toutes ces émotions sont trop fortes pour mes veines atrophiées. Elles se chevauchent et trébuchent et m'emportent dans une chute estampillée de son nom.

Alors je n'ose plus bouger. Je continue d'avoir peur, d'appréhender, de trembler pour Bermuda mais je ne sais plus si c'est de crainte ou d'envie. Je ne sais plus si j'ai peur de recevoir sa dague dans ma gorge où si je crève d'envie qu'il y plante ses lèvres.

Je me pétrifie et j'attends, j'attends le courroux de Bermuda, j'attends la spontanéité, j'attends l'amour de Bermuda qui se love même dans ses plus belles colères. Je pense avoir la certitude qu'il m'aime et qu'il continuera de m'aimer – et si un devait arriver un jour où il me rejetterai définitivement, alors je tomberai à genoux.
Je le supplierai.
Je pleurerai.
Je tuerai – moi, lui, je ne sais pas encore.
Je m'étiolerai, doucement.
Mais il devra continuer de m'aimer – je n'arriverais pas à me réhabituer à la mort après la férocité vie qu'il m'a fait connaître. Il lui faudra assumer, jusqu'au bout, toutes ses violences, toutes ses intimidations et tout le bonheur que ses phalanges ont distillé sur mes pommettes.

Je crois aussi, un peu pitoyablement, que mon amour pour lui me rend un peu masochiste – mais je voulais juste qu'il sache comme je le trouvais beau.
Beau comme un prince – un roi des mers, celui auquel je jurerai allégeance, un genoux à terre, les lèvres supplantant le dos de ses doigts.

Je déglutis, la gorge râpeuse.
Mes doigts, sur le bracelet de cuir, n'osent toujours pas esquisser l'ébauche d'un mouvement – comme s'ils étaient posés sur une mine. J'ai les paupières écarquillées, l’œil tremblant, une grimace peu engageante sur la bouche. Mes yeux vont se perdre dans un coin de l'appartement et je feins vaguement le désintérêt – peut-être que, après tout, il n'a pas l'attention de m'enfoncer une dague dans l'autre épaule ?

Ah, bien sûr que non.
Il a dit que la prochaine fois, ce serait dans la jambe (je crois qu'il est temps que j'investisse dans quelques protections, au cas où, mais au moins j'ai la certitude que certaines parties de mon corps seront à jamais exemptes de ses attaques, puisque sinon ce ne serait pas à son avantage et que je sais que Bermuda aime quand les choses sont à son avantage).

Je crois bien que je ne lui en voudrai même pas s'il en venait à éventrer ma cuisse avec son acier ; je me souviens de sa raison, qui était si terrible, timidement drôle et affreusement tendre. Il ne voulait pas que je puisse m'enfuir.
J'espère que, désormais, il sait que jamais je n'en aurai plus envie ; il jour, il me faudra lui dire que ma fuite de Canaan était uniquement motivée par la certitude de le retrouver.

Et oui, je l'ai retrouvé, Bermuda.
Je ne regretterai jamais d'avoir écrasé ces quinze petites minutes dans l'ampleur frustrée de mes paumes.

J'ai son souffle qui cogne toujours mes lèvres statufiées.
Soudain, il bouge. Bermuda fait se mouvoir jusqu'à la mienne et le simple chevauchement de nos doigts me rappelle qu'elle conquête j'étais en train de mener avant de trembler de peur. Je ne suis pas un général très courageux. J'ai juste beaucoup trop d'envies, de caprices et de brûlures. J'inspire un bon coup et bloque mon souffle pour ne pas me faire plus haletant que je ne le suis déjà et, timidement, je cherche l’œil de Bermuda.

Sauf qu'il me dissimule son visage.
Je ne suis pas certain que ce soit très bon signe. Je déglutis. J'ai l'impression de pouvoir lire des fils de colère au milieu de ses cheveux d'or. Que dois-je faire ? Rien, toujours rien. Je fais de mon mieux pour me fondre dans le décor même si j'ai l'impression que, collé contre son corps, ce n'est pas très efficace. Il s'empare de ma main. La dégage. Je me glace et tressaille comme s'il m'avait coupé la main (puisque c'est peut-être ce qu'il va faire, même si j'ai confiance en mes supplications, il ne résisterait pas à mes larmes j'en suis certain).

Et alors que je disserte sur ma capacité à être brave en toutes circonstances, soudain, la menace tombe :

― Ce n'est pas d'elle que tu devrais le plus te méfier.

Je ne suis pas sûr de toute la gravité qu'elle recouvre, mais je crois bien que cette menace là, je l'adore. Brièvement, un sourire mi-intéressé, mi-heureux étire mes lèvres. Je l'efface bien vite – il pourrait être mal interprété et dans ce cas là peut-être qu'il voudrait me le retirer de suite d'une façon où d'une autre et je sais que Bermuda peut-être imaginatif.

Et je crois que j'ai bien fait quand je vois le sourire que lui, tend vers mes lèvres. En tout franchise, j'ignore si je dois fondre sur lui pour l'embrasser ou me pisser dessus, mais on va opter pour la neutralité ; j'instaure une distance de dix centimètres entre nous et passe une main désintéressée dans mes cheveux courts. C'est surtout pour m'occuper, faire mon sage et mon innocent alors qu'il est en train de dénouer le brassard de cuir de sa cuisse.

Surtout pour retenir mon désir de me faire enfler la poitrine – je vois sa cuisse, blanche, sa robe qu'il remonte, sa peau qu'il exhibe et la concentration de son front. De toute façon, à quoi bon ? Mon corps me trahit toujours.

Néanmoins, j'essaie de me faire le plus discret et le plus petit possible. Un peu plus et je pourrais pousser la chansonnette – je me demande si il aimerait que je pousse la chansonnette pour lui ? Je devrais le lui demander, ça ferait un excellent sujet de conversation, là, tout de suite. L'air béat (stupide), je dis :

― Dis-moi, Bermuda, tu aimerais que je p-

Le cuir tombe au sol, lourd (comme ses colères, comme ses joies, comme son bassin sur le mien quand nous nous allongeons). J'avale ma salive, croise son regard et me tais aussitôt. Non, apparemment, Bermuda n'a pas envie de parler de ses goûts musicaux. Il s'empare de mon poignet, sèchement, et je suis si assagi que je ne proteste pas.
Ou presque pas – il tient mon bras blessé !

― Aïe aïe aïe aïe aïe aïe aïe ! Je geins en rentrant la tête dans mes épaules.

Et pendant tout le trajet où il m'embarque, emprisonné dans ses doigts fermes, je sautille en me plaignant, en couinant, en geignant alors que finalement, je n'ai pas si mal que ça. Et puis il est prévenant aussi pour l'omelette, j'en ai même un petit frisson en me rappelant la douleur qui a suivi l'écrasement de mon coccyx sur le parquet. Quand nous arrivons près du lit, ma bouche boude et des larmes factices sont venu attendrir le coin de mes paupières (si j'avais mes cheveux longs, je serai absolument irrésistible).
Tout n'est que technique – la couardise, ça me connaît bien.
Je m'apprête à lui lancer un regard larmoyant à lui fendre le cœur, pour l'amadouer, quand il vient se plaquer contre moi.

Bermuda à le don de métamorphoser mon visage ; je passe du jeu au coup de désir. Mes traits se lisse et mes lèvres s'entrouvrent pour aspirer les siennes. Il vient les poser contre mon menton – et mes larmes de crocodiles, et ma moue boudeuse, et mes artifices, tout s'écroule lorsqu'il n'existe plus de distance entre nos deux poitrines.
Je veux plonger dans ses lèvres.

Je vais pour embrasser sa bouche, pour la mordre, pour la marquer de mon envie et la rougir de mes baiser lorsqu'il me repousse soudain. Je bascule en arrière sur le lit dans un hoquet de désir. Il brinquebale dans ma tête, m'assourdit, m'enfume et je me dis que je devrais peut-être faire l'effort d'écouter ce qu'il est en train de me dire plutôt que de ressasser infiniment sa beauté. Si il sait que ses mots m'échappent, je crois qu'il pourrait me tuer.

J'ai envie d'éclater de rire. J'ai beaucoup d'affection pour les menaces de Bermuda.

Patiemment, je ravale les fantasmes qui crèvent ma rétine et mon front. Je me redresse sur les coudes et contemple Bermuda (je le contemple trop, il me vide la tête, les os, le cœur, il possède tout de moi), et je dis, péniblement :

― Non ?

Puisque j'essaie vraiment, vraiment de savoir, j'empoigne tellement d'efforts mais ce n'est pas vraiment de ma faute si il est si beau. Il retire une chaussure. J'aime quand il est au dessus de moi. J'aime cet angle de vu où je vois davantage la blancheur de son cou. J'aime quand il est plus grand que moi, et j'aime sa robe rouge. Sa poitrine rehaussée, aussi. Il enlève sa deuxième chaussure ; je trouve son geste très désirable. J'aime le voir se déshabiller devant moi, je devrais le lui demander plus souvent. J'ignore totalement ce qu'il va faire – mince, j'ai encore oublier d'écouter. Je me recentre, j’attrape ses mots au vol quand mes mains ne sont pas menottées dans l'envie. Il me raconte notre matinée. Il me raconte ce que j'ai fait, mais je ne comprends pas vraiment.

Se rend-il seulement compte à quel point il est beau ?
(Je ne vais pas réussir à l'écouter de la journée, il va finir par s'en apercevoir et il va me tuer, je crois bien que je ne survivrai pas aujourd'hui).

Puis, il grimpe sur moi.
C'est qui est plutôt dangereux vu l'état d'excitation dans lequel je me trouve actuellement. Mon corps se contracte et mon torse se soulève quand la peau de ses cuisses touche la mienne. Un grognement crève ma gorge et j'expire à bout de souffle :

― Qu'est-ce que tu fais Bermuda ?

Et au vu de ce qu'il dépose sur mon corps après, je me dis qu'il s'agit là de mes tous derniers mots. Tout compte fait, ils ne sont pas si mauvais et si je venais, par un miracle quelconque, à mourir une ultime fois je voudrais que l'on note sur mon épitaphe : qu'est-ce que tu fais, Bermuda ? (les probabilités qu'il soit responsable de ma mort sont d'ailleurs particulièrement élevées.)

Bermuda m'embrasse et à chaque fois que ses lèvres touchent ma peau, je deviens un peu plus soumis, un peu plus faible, totalement terrassé. Il n'y a plus de sourire sur ma bouche ; juste des expirations de fièvre. Il aurait pu se concentrer de m'embrasser une, deux fois sur mes lèvres mais non, il grillage mon visage et le sculpte selon ses caprices. Moi, je le laisse faire ; il pourrait retailler la taille et la forme de chacun de mes os selon son plaisir, je ne protesterai pas. Je respirerai juste fort, j'aurais la poitrine crevée de désir, j'aurai les mains contractées en poings et les reins cambrés. Mes coudes me retiennent difficilement. Plusieurs fois, je glisse en arrière et je me replace, mais j'ai de moins en moins de force.

Je ne sais pas quoi faire de mes mains.
En vérité, si, je sais très bien ce que j'ai envie d'en faire (et ça inclurait déchirer sa jolie robe rouge), mais comme je ne suis pas sûr qu'il apprécie, elles papillonnent près de ses reins lorsqu'elles ne me soutiennent plus. Profondément attirées par la courbe de ses hanches, à l'étroit dans ce drapé rouge que je devrais écharper, elles s'approchent, s'écartent, alors que mes lèvres s'emmêlent aux siennes et que j'ai perdu le compte de nos baisers.

Je cède – je vais pour poser mes paumes sur son corps et planter mes ongles dans sa peau lorsqu'il se saisit de mes deux poignets. Il les écrase contre le matelas. Je grogne ; je ne tolérerai pas cette frustration très longtemps et, au fur et à mesure de ses baisers, mes plaintes graves de muent en gémissement étouffé.

Lorsqu'il s'arrête enfin, je ne sais plus où est mon corps, ni où est ma force. Mes bras ne cherchent plus à se révolter et son affalés de chaque côté de mes flancs. Ma poitrine se gonfle, se dégonfle.  Je sais que mes yeux sont suppliants. J'espère qu'il ne sent pas comme mes jambes tremblent sous lui – non, je veux qu'il le sente, je veux qu'il sache dans quels extrêmes il me jette.

Il se redresse et je me dis que je vais avoir droit à un peu de répit. Je prends une grande bouffée d'air que j'expulse aussitôt.

― Bermuda !

C'est un gémissement trop fébrile et trop aigu qui se faufile hors de mes lèvres pincées. Mes paupières s'écrasent l'une contre l'autre et, à cet instant, je ne me réduit plus qu'à un désir pathétiquement immense.
Je parlais de ses coups, de ses terribles coups de dagues, de ses coups de mots – mais ses coups de reins sont les plus létales de tous.

Je pense qu'à partir de cet instant, je comprends de moins en moins les mots qui effilochent autour de ses lèvres. J'ai les yeux qui brûlent et qui piquent, agacés d'envie, bouffés de désir. Mes mains deviennent des planètes de spasmes et mes respirations saccadées répètes silencieusement son nom.

Je sais qu'il vient embrasser mon épaule. Je sais qu'il me parle, m'explique que nous ne ferons rien (ni baisers, ni caresses, ni soupirs) si jamais je me blesse, encore. Je repense aux cachets que j'ai fait tomber dans mon ventre et je suis si heureux de les avoir pris et de ne pas réellement avoir mal. Je crois que, même si j'avais mal maintenant, je voudrais quand même être touché par lui. Et s'il refusait, je tomberai à genoux et là, il ne pourrait plus refuser.

Je gagnerai.
Je perds, là, tout de suite, mais d'autres fois, je serai celui qui remportera la bataille, et nous nous battrons, millénaires, entrechoquant nos lèvres et cognant nos peaux.

Pour l'approuver, parce que je ne peux que lui obéir, je hoche la tête, une fois, deux fois, cinq fois, ouvrant péniblement mes yeux et écrasant mes lèvres dans une ligne crépuscule. Quand il commence à me déshabiller, très précautionneux, je me laisse faire sa broncher, sans couiner, sans protester des caprices théâtraux. Je suis essoufflé, j'ai les joues roses, encore un peu de peur poudré sur les joues et beaucoup d'envie sur mes lèvres mouillées. Il a cassé, morceau après morceau, toute ma force. Je tremble pour me maintenir redressé, sans mes mains qui effleurent toujours hésitants les pourtours de son corps et, une fois le col retiré je me laisse chuter dans le drap.

Est-ce la plus cuisante de toutes mes défaites ? J'ai l'impression qu'elles le deviennent toutes, plus honteuses et plus belles les unes que les autres.

Il s'est penché contre moi et je n'ai plus eu d'amour que pour ses cheveux qui venaient chatouiller, timide, mon torse nu. J'ai humé son parfum lorsque j'arrivais à inspiré ; j'ai contemplé l'or et l'aube ; j'ai imaginé mes doigts, trop faibles pour être levés, passer dedans encore. J'ignorais ce qu'il faisait – quelque chose près de mon épaule ? C'est vrai qu'elle est blessée, mais je m'en fiche tellement. J'ai entendu son soupir. Je l'ai vu dénouer ses cheveux. J'ai accepté ses lèvres. J'ai supplié pour d'autres baisers, muet. Puis, quand il a parlé de mon abjecte erreur, j'ai voulu protester mais, comme il m'a embrassé, je me suis tut, et il m'a rassuré.

J'ai beaucoup aimé qu'il me rassure mais, pendant ce temps là, il ne m'embrassait plus ; c'était intolérable.

Ah, enfin il a recommencé ses douceurs et moi, j'ai repris mes murmures et mes gémissements. Il me semble que, par moment, je susurrais des phrases incohérentes et hachurées de son prénom mais je ne m'en souviens plus. J'avais beaucoup de tremblements et, dans le même temps, j'essayais d'écouter ce qu'il avait à me dire : mes actions, ses reproches, mes erreurs, son courroux. C'était vraiment, vraiment très dur puisque j'étais obsédé par ses lèvres qui légendaient mon corps de mon cou à mes cuisses.

Ça ne me dérange pas d'avoir, pour chacun de ses baisers, une nouvelle cicatrice ; je les exhiberai toutes de l'adoration au creux des lèvres.

Puis, Bermuda se pare d'abus et de cruauté et c'est entre mes cuisses qu'il vient poursuivre la chute de ses baisers. Moi, allongé, secoué, je perd le contrôle sur chaque vrombissement de ma peau. J'explose, un petit peu.

― Bermuda !

Et je ne lui demande pas, cette fois, ce qu'il est en train de faire – je sais très bien ce qu'il fait et je m'en casse, je m'en romps, j'en gémis et pas timidement, coincé dans ma retenue comme avant. Mes gémissements sont rauques, élevés, ils frappent les draps et ses épaules et mes mains, mes mains cherchent ses cheveux, sa tête, quelque chose sur quoi appuyer mais elles continuent de se recroqueviller dans le vide comme des fleurs fanées.

Et quand il recommence ses indécences sur mon entrejambe nue, on entendrait presque, au fond de ma gorge, la naissance des supplications.

Bien sûr, si j'ai conscience de ce qu'il est en train de faire, ce que je ne sais pas c'est que Bermuda est en colère et que, Bermuda, depuis tout à l'heure, essaie de m'inculquer sa frustration, de la plaquer sur mon ventre et de l'arracher à ma peau. Et j'aurais pu le comprendre et anticiper l'insoutenable frustration qui allait suivre si j'avais fait l'effort, un peu, de l'écouter, et de suivre ce qu'il me racontait au lieu de me noyer dans mes gémissements et la supplication de son prénom.

Ainsi, alors que j'avais les deux paumes plaquées sur mes yeux, Bermuda se retira. Pas comme ça, pas d'un coup, très progressivement, si bien que je ne compris pas ce qu'il venait de se produire avant d'entendre l'élastique de mon caleçon claquer contre mes hanches. Je levais une paume, abasourdis :

― Quoi ?

Et quand je croisais son œil sérieux, la compréhension s'imposa à mon esprit bien, bien lent. Je m'horrifiais :

― Quoi ? Oui oui oui oui oui oui, je protestai, décidément peu convainquant dans l'étau de mon tribut.

Dans un élan de désespoir, je me pris la tête dans le main et le pencha en arrière, vers le mur du fond. Dans ma poitrine se soulevèrent de faux sanglots, des plaintes, des gémissements suppliants, des protestations ridicules.

― Tu ne peux pas, tu ne peux pas –, débutai-je en secouant ma tête emmitouflée de droite à gauche.

Je relevai une main timide, cherchai son regard pour voir si tout cela n'était qu'une plaisanterie mais, il me demanda si j'avais compris et je ne pu que hocher la tête furieusement, de haut en bas. Je n'étais pas sûr d'avoir tout suivi – j'avais entendu, un peu, et je crois qu'il n'avait pas aimé que je l'empêche de parler. Mais sa réponse à ma privation était démesurée – elle me mina. Je relâchais mes bras de chaque côté de mon corps, vaincu, dépouillé, privé, écrasé, escroqué. Même quand il se déshabilla, même si mon corps eut un sursaut, je ne bougeais pas – à quoi bon ? Il le faisait exprès, c'était une vengeance, c'était mesquin. Je passai le temps qui suivit à marmonner, tout bas des « C'est juste » et des « c'est vraiment très juste » entre deux gémissements ; même lorsqu'il m'embrassa la main ; même lorsqu'il embrassa mes lèvres ; même lorsqu'il défit sa tresse ; même lorsqu'il me donna un coup de rein – surtout lorsqu'il me donna un coup de rein et que je manquai de m'étouffer.

Frustré, dépité, j'arrivai davantage à l'écouter et, petit à petit, mon insatisfaction retrouva les frémissements de l'amour. Je voyais, lui aussi, le désir qui s'accrochait à son dos et j'attendais, l’œil hagard, l'instant où il voudrait de moi, où il accepterait de terminer sa plaisanterie torture, où il viendrait contre moi et que je me presserai contre lui. J'écoutai ses inquiétudes, sur son corps, sur les différences, sur la technique qu'il ignorait. J'écoutais ses mots, sur la confiance qu'il avait pour moi, sur l'amour qu'il avait pour moi et mes gémissements devinrent soupirs et ma frustration amour.

Quand il termine de parler – je ne l'ai pas coupé, un seul instant puisque j'ai bien compris, à force, quand même, qu'il n'avait pas aimé ça -, nous sommes tous les deux nerveux, fébriles. Nos souffles, pourtant loin l'un de l'autre, s'alignent sur la même saccade. Son bassin est contre le mien. Je crève de désir. Je crève d'amour. C'est pourquoi je me perds, quelques longues secondes silencieuses, dans ses longs cheveux qui dorent son visage, dans la finesse de ses sous-vêtements.

Puis, soudain, je rabat mon bras sur mes yeux et je bascule ma tête en arrière. Doucement, je ris.
Ce n'était pas la situation la plus idéale pour commencer à se laisser aller à la joie. Mais là, je n'en peux plus – il m'a tellement frustré ! Il s'est tellement joué de moi ! Et maintenant, il prend des airs tendres, il prendre des airs d'amour, de légèreté, il ôte son manteau cruel pour redevenir le Bermuda qui me touche si fort en plein cœur que j'en perd mon souffle.

Ce n'est pas un fou rire – il n'y a pas de folie dans les sursauts de ma gorge, juste beaucoup de joie et bien trop d'amour. Il ne dure qu'un court temps, dix secondes tout au plus et, quand le dernier éclat se meurt je me redresse vivement. J'enroule mes deux bras autour de sa taille, trop étroitement serrée dans le corset finement exécuté. J'approche mon visage du sien, du mieux que je peux, comme si je voulais lui montrer toute les nuances de mon sourire. Je ris encore un peu, l’œil heureux et je lui demande, franc :

― Est-ce que tu as idée comme je t'aime Bermuda ?

Je l'embrasse, chastement, je ris, je le serre plus fort contre mon torse plus bas que lui et je recommence, le bonheur rosissant mes joues :

― Vraiment, est-ce que tu sais à quel point je t'aime, Bermuda ?

Et je suis très heureux, à cet instant, puisqu'il n'y a aucune contrefaçon dans la confession que je viens rire près de lui. Je l'embrasse, encore, entre deux rire, deux aveux d'amour, en passant une main dans ses cheveux longs et dénoués (il avait l'air d'avoir pris tant de soin pour se préparer), et je poursuis :

― Est-ce que je m'habituerai à toi, un jour ?

Comme pour me répondre à moi-même, euphorique, je secoue la tête de droite à gauche, le nez baissé. J'embrasse sa clavicule.

― Oui nous allons faire l'amour, mais c'est bien parce que tu as demandé.

Je pouffe un peu, presse mon bassin contre le sien en me sentant gronder encore. A chaque fois que mon désir m'envahit, je souris un peu moins. Je lutte pour conserver la joie sur mon visage mais elle  s'écaille déjà ; mes lèvres changent de prière. J'avale ma salive plus péniblement et je recommence, le timbre rauque :

― Oui, nous allons faire l'amour.

Quand je l'avoue, mes mains s'affairent déjà, impatientes, à défaire son corser. Je voudrais m'excuser – mille fois m'excuser pour tout ce qui va arriver. Je voudrais m'excuser pour sa lingerie que je ne prends pas le temps de détailler, pour le tissus que je retire à sa peau, pour ses cheveux qui vont s'emmêler sous mes doigts, pour sa bouche que je vais rougir. Je ne trouve qu'une phrase, que je dis tout bas :

― Tu seras décoiffé, après...

Elle est incohérente, insensée, mais c'est parce que tendrement, je me suis emparé de Bermuda pour le basculer sous moi. J'aurai pu être capricieux et vouloir le garder sur mes reins, mais il y a des choses, maintenant, que je vais devoir prendre le temps de lui expliquer. Entre cent baisers, je finis par retirer complètement son corsage déjà délacé, puis je glisse l'index sous sa culotte. J'embrasse son ventre. Patient, je reviens embrasser ses lèvres, sa paupière, ses lèvres, son cou puis je dis en cherchant soigneusement mes mots :

― Est-ce que tu te souviens, quand je t'ai dit que je t'apprendrai Bermuda ? Je t'apprendrai aussi pour ça, pour ce corps, pour cette différence. Je t'apprendrai à n'avoir ni peurs, ni craintes. Tu n'auras pas à appréhender mes caresses et, si je te blesse, si je te froisse, il suffira de me le dire. Est-ce que c'est d'accord ?

J'attends sa réponse, essoufflé – cette longue phrase m'a coûté.
Je reviens l'embrasser en prenant sans joue dans le creux de ma paume. Puis je m'écarte, le regarde avec sûrement une tendresse trop violente dans mes yeux cobalt. Je lève ma main et caresse son visage du dos de mes doigts, de la tempe au menton puis du menton à sa tempe. Je murmure :

― Je serai doux. Ne l'ai-je pas toujours été ? Toute tes inquiétudes – je prendrai en compte toutes tes inquiétudes, n'importe quand.

Je commence à avoir du mal à trouver mes mots ; le désir se fait trop présent et pressent, j'en ai les cuisses tremblantes au dessus de lui. Je rajoute, balbutiant :

― Si tu n'aimes pas, et si tu n'aimes pas on – on pourra faire comme d'habitude. Ce sera presque pareil.

Je n'ai plus de force, dans les bras qui me soutiennent au dessus de lui et, lentement, mon corps chute vers le sien. Mon ventre effleure sont ventre. Mes jambes ses jambes. Mon bassin son bassin. Mon torse ses seins. J'inspire, tentant de me contenir et quémande, une dernière fois, la gorge cassée d'envie :

― Tout ce que tu voudras, d'accord ? D'accord Bermuda ?

Je n'en reviens pas, après tout ce qu'il a fait, après toute cette frustration, d'être encore une fois obnubilé par la réalisation de ses désirs. Je suis vraiment devenu bien faible, pour l'ériger ainsi, intouchable, sur un piédestal.

Peut-être, cependant, n'ai-je jamais été aussi fier d'être aussi faible.
Je l'embrasse encore une fois, caresse son visage d'un sourire. Mon index passe sous la dentelle de ses hanches et, délicatement, la retire.





*





La douche était nécessaire, puisque le plaisir et l'amour laissent des fragrances sur la peau.
En tout honnêteté, j'étais – encore – épuisé après. Mais cette fois là, j'avais été d'une douceur parfaite, d'une tendresse fine, d'une délicatesse qui n'avait même pas laissé une rougeur sur sa peau.

J'étais heureux.
Heureux parce que nous avions fait l'amour, oui, mais peut-être un peu plus parce que je lui en avait donné.

Cette fois, nous ne nous sommes pas endormis après avoir murmuré mille fois nos prénoms. La journée avait encore fait un pas en avant et le soleil tombait dans les prémices de l'après-midi ; je l'avais vu dessiner les diagonales des fenêtres sur le parquet. J'ai coupé l'eau au bout d'une dizaine de minute. J'avais espéré que le jouet de la douche me tirerait de cette légèreté cotonneuse qui m'engourdissait les membres – raté. Devant le miroir, j'ai regardé mon corps en espérant qu'il m'ait laissé toutes les marques de son amour. Je me suis étiré le haut du corps, j'ai passé une main dans mes cheveux à peine essuyés. Je n'ai pas mis trop de temps à m'habiller et, cette fois, j'avais pensé à ramener les vêtements dans la salle de bain. J'avais choisis un jean simple, un tee-shirt gris.

J'avais tenu à être le premier à me préparer à nouveau puisqu'il avait mis tant de temps la première fois. Mais ça ne me dérangeait pas, qu'il se fasse beau (ou belle, qu'importe), pour que nous sortions. La difficulté était de me pas foutre tous ses efforts par terre en lui sautant dessus une nouvelle fois.

Allez, cette fois, j'aurai du contrôle, j'y crois.

Je m'étais mal essuyé le dos, le tee-shirt colla a mes omoplate. Je sortis de la salle de bain et un nuage de buée avec moi. Ma main glissa une nouvelle fois dans mes cheveux, décidément trop, trop courts et je levais mes yeux vers Bermuda.

Aussitôt, je pouffais.
Je l'avais vraiment bien décoiffé – mais pour le reste, j'avais été très doux.

Pour me rattraper, je me raclai la gorge et vint près de lui. Je me penchai vers son front et y déposais un baiser pétillant de tendresse :

― Sortirons-nous pour de bon, cette fois ? Une fois que tu seras prêt, évidemment.

Puis, je répondis à une question que j'avais laissé en suspend, tout à l'heure, et murmurai pour lui en souriant :

― Et non, je crois bien que jamais je ne pourrais m'habituer à toi, Bermuda.






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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaMer 20 Mai - 1:29

Ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin. Si. Mais pas totalement. J'ai oublié de demander. Quelque chose de vraiment primordial. Et vraiment c'est très étrange puisque c'est quelque chose qui m'obsède depuis que j'ai compris que c'était important. Que j'y accordais de l'importance. Pressé comme j'étais de finir mes déclarations je n'ai pas penser à formuler ce qui compte. Réellement.

Cela ne m'étonne guère. Il n'est jamais facile-jamais- d'avouer ses faiblesses. D'avouer son ignorance. Surtout lorsqu'elle est si sertie d'inquiétudes incongrues, mais pourtant réelles. Et si ce n'était à toi, je n'en aurait jamais rien dit. Jamais. Il n'est jamais non plus facile de dire à quelqu'un, de confesser, sans sourciller, sans douter un seul instant de ses mots. D'ignorer autant leurs portés et leur profondeur. De ne pas un seul instant douter du caractère absolu et véritable de cette déclaration. Surtout que j'ignorais moi-même que je puisse un jour, moi, y être contraint.

Non. Ce n'est pas le bon mot.

Soumis? Non plus.

Ce n'est pas quelque chose qui assujetti. Ou du moins. Ce n'est pas l'impression que j'ai. Alors que je le pensais, dans mes insolentes et inconscientes moqueries. Qu'elle n'existait nullement dans la mutualité. Qu'elle ne s'acquiert pas autrement que dans la peur. Que ce n'était après tout que du respect tenté de peur et de soumission. Qu'il fallait que je l'inspire chez les autres et la repousse de mon être. Et qu'elle était prétendue chez les autres et ridicule et qu'il ne s'agissait que de bêtise. Mais maintenant je sais- Non. Je le ressens. Je n'ai pas de peur. Peut-être qu'il y a du respect. Mais c'est bien plus. Et ce que tu as obtenu tu l'as fait sans faire d'effort et sans jamais la réclamer. C'est quelque chose qui s'accorde. Qui se donne volontairement. La confiance.

Et c'est ridicule. Je crois. Ou improbable que, moi-moi!- je sois capable de l'accorder. Et de le dire. Avec autant de ferveur. D'offrir autant d'abnégation à un être. Alors que je ne me crois pas un seul instant.

Je me sais très changeant. Très mesquin. Très calculateur. Très malicieux. Trop soumis à l'or.(Mais pas que.) Trop enclin à la trahison puisqu'elle a alourdi trop de jours mes pas et que j'ai croîs. Je me suis construit. Composé. Inspiré. Du plus perfide et sournois. Et que même si j'ai horreur de m'en rappeler il m'est déjà arrivé de trahir. Et de trouver du réconfort et du contentement dans la trahison. Je sais toutes ces choses et peut-être que toi aussi. Que tu apportes trop peu de crédit à ce que je peux bien dire. Avouer. Surtout quand cela à l'air si beau et terrible. Mais quand j'ai tremblé. Vacillé. Soufflé. Avec tant de confiance. Absolue. Vraiment. Mon iris s'est rivée dans la tienne. Ma paupière n'a pas cligné. Peut-être que ma voix s'est un peu trop cassé quand j'ai dit que je crois. Que j'ai dit que je te fais confiance. Parce qu'avant que je ne le dise je ne savais pas. Et ce n'est pas quelque chose qui se dit facilement. Qui s'accepte facilement aussi.

Je cherche encore dans ton visage des réponses à quelques interrogations. Comment as-tu pu m'inspirer tant d'abnégation, alors que tu es revenu sur ton accord? Notre accord. Celui-là même qu'il a fallu que je paie chèrement. Et il est clair que je devrais au moins être plus méfiant. Au lieu de tout vouloir... Non. C'est au delà de la volonté puisque je crois sans vraiment vouloir le faire. Je sais que je peux te croire. Je sais pourtant très bien, je comprends même très bien que c'est de la bêtise pure. Dangereux. Et qu'à la fin elle m'éclatera au visage. Cette si belle confiance. Si naïve. Je glisse mon majeur et mon annulaire sur ta joue. Comment pourrais-je douter un seul instant de toi quand tu me regardes ainsi? Il y a trop de piège dans l'amour que tu me donnes et même si je le sais je tomberai dedans la tête première.


Et dans toutes ces digressions j'ai oublié de dire, de demander soucieuse: Es-tu heureux Sucre? Et pourtant je n'arrête pas de penser au mien et d'essayer de l'assurer plus encore et de te le montrer. De te le dire. Égoïste, mais généreux aussi puisque ce n'est pas dans mes habitudes de partager la joie quand je la ressens. Et comme je ressens beaucoup de joie je veux aussi que tu en ressentes autant. Pas plus puisque ce n'est pas possible. Je veux faire les choses- Me faire plus beau. T'enlacer. T'embrasser. Sourire. Caresser tes cheveux. Te rassurer. Te toucher. Au cœur et au corps. Rire. Toutes ces choses et plus- pour que tu sois le plus heureux. Avec moi uniquement. Puisque cela m'apporte beaucoup de joie et de satisfaction que de m'importer de ton bonheur à toi. Car toutes ces choses et nous n'ont pas d'autres but que de nous rendre heureux. Et si tu ne l'es pas comment pourrai-je l'être moi-même? Mes doigts tressautent une dernière fois sur ta joue et je l'abaisse sur mes cuisses. Mais comme je ne veux pas quitter ta peau je l'appose sur ton ventre. Sans jamais cesser de me demander alors que nos soufflent se cognent, sur un même rythme-trop effréné et désireux de brûler d'amour- si toi aussi tu es heureux.

Alors que je cherche mes mots et mon souffle pour le demander enfin, toi tu tombes. En arrière. Trop soudainement pour que je n'en sois pas aussi surprise. Je plisse un sourcil, me penche en avant, mais avant que je ne puisse trop m'inquiéter tu ris. C'est léger et trop doux pour être moqueur. Ma bouche s'étire un peu pour sourire aussi, même si je ne suis pas capable de comprendre d'où viennent tous ces sursauts. Et aussi soudainement que tu es tombé tu t'es redressé pour m'attraper. Vraiment. Je comprends trop peu de tes actions et je crois même demander trop souvent ce que tu fais. Je me retiens pourtant puisque j'aime quand tu m'enlaces. Tu poses ton front contre le mien ou alors c'est moi qui le presse. Puisque j'aime aussi entendre ton rire et voir les coins de ta bouche s'étirer si fort. Je lève la main pour l'apposer encore, sur ta mâchoire cette fois. Le majeur replié sur le coin de ta bouche et l'index sous ta lèvre inférieur pour ne rien perdre de la beauté de cet instant.

Et tu me demandes si je sais comme tu m'aimes. Sans le beaucoup. Juste comme toi tu m'aimes. Enfin. Ce n'est pas juste. Ou simplement. Il y a plus de complexité et d'intensité que dans le beaucoup. Ou le très fort. Alors que c'est, comme explicitement dot beaucoup et très fort. -... E. Tu? Est-ce que tu me dis que tu m'aimes Sucre? Je m'écarquille et je susurre, rauque, puisque tu m'as trop essoufflé et surpris aussi. Peut-être que je pense que j'ai trop d'espoir pour m'attendre à ce qu'il réussisse à devenir réalité. Et je fois avoir le visage trop ébahi. Et éclairé. Et ébahi encore. Souriant. Ebahi. Et idiot. Que c'est ce qui te fais rire. Ce n'est pas grave. Je veux bien être idiote et naïve. Et stupidement dépendant de trop de ce que tu pourrais ne pas dire. Tu m'embrasses. Je n'ai pas rêvé. Tu me presses plus contre toi. Ce n'était pas un espoir. Tu souris trop joliment. Ou un rêve. Ma bouche peine à s'accorder sur ce qu'elle devrait dire. Faire. Ou ne pas faire. C'est certain. J'ai très bien entendu.

Tu me redemandes si je sais jusqu'à quel point tu m'aimes. Sans rien rajouter. Pas de beaucoup. De très. De bien. Et c'est très différent d'un"moi oui". Très différent. Est-ce que tu dis- Mais. Oui. Tu le dis. Et tu le dis deux fois. Tu en ris même très doucement. Et c'est peut-être de mon expression. C'est affreux! Tous les muscles de mon visage essaient de sourire! Très idiotement. Alors que je devrai dire qu'évidemment je le sais! Ou que c'est évident que tu m'aimes tout en essayant de paraître convaincu de ce que j'avance et de ce que je dis. Assurément. Ou alors dire que si tu m'aimes pas je te tuerai. Quelque chose. De très beau. Ou de très. Très... Vraiment très... Est-ce que tu as dit que tu m'aimes Sucre? Est-ce que ce que je pense- je veux dire, est-ce que ma pensée est un peu cohérente au moins? Tu l'as dit?! C'est affreux! Je souris encore. Très idiotement. Encore plus idiotement qu'il y a quelques sourires. Non. Elle ne l'est pas. Définitivement pas. C'est affreux ! Vraiment.

Je lève les bras et je les enroule autour de toi. Pour faire craquer tes os. Tes articulations. Je pose ma joue qui brûle trop fort contre la tienne pour que tu ne puisses rien voir de ce qu'il s'y passe. Ce doit être très laid. Et hilarant. Mais quand tu veux embrasser ma bouche je tourne la tête pour que tu le fasses puis je retourne sur ta joue l'œil fermé très fort. Comme si je m'attendais à ce que tout ce bonheur disparaisse quand j'ouvrirai l'œil.


Tu as dit que tu m'aimes. Et vraiment. J'avais espéré que tu le dises sans désespoir. Avec plus de naïveté et d'égoïsme. Puisque c'est quelque chose qui fait plaisir à entendre quand c'est dit. Enfin. Je le supposais puisqu'on ne me l'a jamais dit. Sauf toi. Oh fichtre! Mon sourire. J'ai des fourmillement dans la commissure de mes lèvres. Mon cœur. Mes tempes. Je ne sais plus. Je ne sais plus, mais tu l'as dit! Mais je savais et je sais toujours que tu m'aimes sans jamais avoir besoin de te l'entendre dire pour le savoir. Ce n'était absolument pas nécessaire. Ce ne l'est toujours pas. Mais je ne savais pas. Je ne me doutais pas. À quel point. Et même tu l'as dit deux fois et je sais compter. Sans dire beaucoup. Ou le dire sans le dire. Je t'aime c'est très différent que moi aussi. Même si le sens est le même. Et l'intention aussi. Mais tu l'as dit deux fois. Et je suis certaine-certain que tu ne le dis pas aux autres. Tu n'as pas intérêt à le dire. Que tous tes aime précédé de je et de t' m'appartiennent. Uniquement et totalement. Même si je le savais. C'est évident que tu m'aimes et vraiment je ne devrais pas en faire toute une affaire. Vraiment. Je ne sais pas comment je vais faire!

J'ai toujours le visage idiot et rouge et brûlant et mon sourire est très bête même mon étreinte l'est et je ne te montrerai rien parce que cela te ferait sans doute rire. Je ne sais pas comment je vais faire! Vraiment pas. Déjà j'espère. Parce que si tu le dis encore je vais mourir. Éclater. De bonheur. Et c'est très effrayant d'être aimé et d'aimer à ce point. Puisque je ne suis plus qu'un amoureux idiot qui ne doute pas un seul instant des paroles et des gestes de son amoureux et qui pourrait tout offrir, céder, perdre, pour lui. Plaire. Donner du bonheur. Tout court. Tout. Et c'est très idiot. Je suis très idiote. Vraiment. Cette pensée, cette formulation est très niaise. C'est affreux! Je ne sais pas comment je vais faire. Je me transforme en idiote. Béate. Transie. Et je sais bien. Je sais pertinemment que c'est ridicule de penser à l'éternité et l'immuable quand c'est d'amour qu'il est question.

Voilà. Voilà. À peine deux mots dans une phrase. Deux jours trop intenses. Je ne sais presque rien de toi. Ou peut-être que je sais trop de chose. Et je suis prête à tout accorder. Et je l'ai même déjà fait. Et je le ferai encore. Mais j'ai déjà trop partagé de mes peurs et mes envies. Et mes passions. Je ne peux plus rien reprendre et te faire oublier. Même les choses honteuses et tristes. Rien. C'est vraiment affreux! Je vais trop vite pour moi. Trop vite. Mais je suis déjà perdu. Acculé. C'était le coup de grâce. Tu m'achèves. Je meurs.

Et tout ce qui viendra ensuite est dérisoire. Anecdotique. (Ou ce qui peut venir? Je peine à tout organiser. Dans mes pensées. ) Ou peut-être trop intense. Je n'ai plus trop compris alors que tu disais des choses très belles. Je suis pratiquement sûr. Il y avait amour. Et on. Cela ne pouvait qu'être beau. Mais je ne comprends rien et mes mains à moi s'affairent dans ton dos pour te caresser en même temps que je veux t'enlacer. Toi tu presses ton bassin contre le mien et j'inspire trop fort. Je crois qu'on va faire l'amour. Mais je n'en suis pas persuadé puisque je ne sais plus grand chose. Tout ce qui se passe ensuite après cela est trop flou. Je suis malentendante. Puisque je n'entends uniquement que tu m'aimes. Malvoyante. Mes mains ont crevé mes yeux. Je crois. Ou au moins celui qui reste. (À moins que ce ne sois toi. Et ton amour. Cela ne m'étonnerait même pas. Même pas.)

Je crois que mes mains ont accroché d'autres douceurs sur ton dos pendant que tu délassais mon corset. Avec beaucoup de précipitation. Et d'habileté. À ce moment-là je pensais que je n'avais sans doute pas besoin de demander si tu es heureux. Puis je repensais comme tu m'aimes. Et que tu me l'as dit. Tu as encore dit quelques chose, mais comme je n'y entendais rien j'ai juste hoché la tête.

Je n'ai pas bronché quand tu m'as renversé sur le lit pour me dénuder. Je n'ai plus rien dit. Tu as volé tous mes mots. Mais qu'est-ce que je pourrai dire, maintenant que le bonheur me cloue la bouche? La mâchoire? Rien. Pas même quand enfin mes lèvres s'entrouvrent puisque tu embrasses mon ventre. Je n'ai que des soupirs enivrés. Des souffles. Inspirations. Expirations. Saccadés. Ma paupière close. Puisque j'ai peur de laisser s'enfuir la joie et l'intense perfection qui transparait trop. Est-ce ma pensée est même cohérente? Je ne sais plus. J'ai entendu trop de choses sensées, évidentes qui subliment trop tout ce qui se passe. Je n'ouvre pas la paupière. Ni quand tu embrasses mes lèvres. Ma paupière. Mes lèvres. Mon cou. Pas une fois. Je n'ai pas levé les bras. Les mains. Pour t'enlacer et c'est dommage. Et très idiot. Il faudrait que je t'enlace. Mais je ne sais même plus ce qu'elles font ou ne font pas, mes mains.

Oh. Si. Je sais. Je crois.

Mais je t'entends de nouveau parler et cette fois je veux vraiment faire des efforts. Pour ne pas sourire bêtement. Pour ne pas avoir l'air idiot alors que je sais très bien que tu me regardes. Mais je n'entends qu'apprendre. Bermuda. Et d'accord. Et c'était vraiment une longue phrase. Tu es très beau et excitant comme cela. Au-dessus de moi. Le sourcil plissé par la concentration. Vraiment. Tu as dû dire d'autres choses jolies. Ou importantes. Les deux. Sûrement. Et je n'ai rien entendu. J'entendrai plus tard. Il faudrait que tu t'étendes sur moi maintenant. Parce qud je ne veux plus parler et entendre. Voir. Je veux simplement ressentir. Je n'ai plus d'appréhension. De regret. De frustration. De colè-

Mais tu attrapes mon visage entre tes mains et je cligne de la paupière, délicatement. Je ne sais plus ce que je pense. Je sais que tu m'aimes et que tu es vraiment très beau. Tu m'embrasses d'ailleurs et c'est très beau comme baiser. Mais c'est évident. Comme je sais que ta caresse est belle sur mon visage. Je ris. Même si toi tu es très sérieux quand tu dis que tu es très doux. Que tu l'es toujours. Moi je hoche la tête. Satisfaite d'avoir compris un morceau de phrase. L'autre est plus floue. Mais je crois que je devrais dire que je n'ai pas d'inquiétude. Plus. Peu importe si je ne connais plus mon corps et l'amour que tu peux lui faire ou lui donner. Je sais que ce sera de l'amour. Tu m'as déjà rassuré depuis quelques phrases déjà. Mais je hoche la tête. L'iris rivée dans la tienne. Tu es très beau. J'espère que je te le dis suffisamment. Je lève la tête pour attraper tes lèvres avec les miennes. Mais je n'y arrive pas parce que tu as d'autres choses à dire. Je ne suis pas très certaine de comprendre puisque je perds souvent le fil dans mon impatience et mon désir. Et mes pensées. Qu'est-ce que je pourrai bien ne pas aimer? Je connais trop peu mon corps, mais je connais trop le tien pour savoir que tout me plaira. C'est certain.

Tu te presses enfin contre moi et je crois que tu as dit ce que tu voulais dire. J'espère. Même si je n'y ai pas compris beaucoup de chose. Tu te presses contre moi et moi je m'empresse de venir t'enlacer puisqu'il y a bien trop de minutes que j'attendais cela. Je caresse tes cheveux et tu me dis une dernière fois qu'on fera ce que je voudrais. L'intonation est trop grave et trop sulfureuse pour me laisser indifférente. Je dis:

-Ne fait-on déjà pas ce que je veux?
Puisque ce que je veux et je désire je l'étreins et le touche du bout des lèvres. Toi et ton amour. Pour moi. Rien que pour moi.

Et moi aussi j'ai de l'amour à t'offrir.

***

Tu ne m'a rien laissé dire dans ta cuisine. Tu n'as même rien voulu entendre. Rien. Pas même quand tu avais mon visage entre mes mains et que je tentais désespérément de te faire entendre. Pire que cela. Tu as scellé mes lèvres avec les tiennes. C'est qui m'a-entre autre- énervé. Usé. Frustré. Mais je peux dire que ce qui s'est passé ensuite était différent. Très différent même.

Tu as écouté. Tout ce que je disais. Vraiment tout. Et même ce que je ne disais pas. Tu as été attentif. À tous mes tremblements. Mes soupirs saccadés. Tu as caressé ma peau pour la rassurer quand je peinais à comprendre tous les sursauts de mon corps. Tu as ri et tu as même pris le temps de me rassurer quand, entre deux hoquets et cambrures je te racontais comme ce que je ressentais était différent. Peut-être que j'ai pincé tes hanches pour t'empêcher de rire quand, comme une jouvencelle je gémissais trop fort et que je maudissais mes cordes vocales. (Oh j'ai honte. Très honte.) J'ai dû rire aussi. Soupirer mille fois quand j'étais submergé par ta douceur. J'ai pu caresser ton dos et le découvrir entre mille baisers. Comme je voulais le faire. Tu m'as caressé toi aussi. Et je t'ai laissé faire. Même si j'ai bien dû te demander d'attendre et chaque fois que je le faisais tu attendais. Tu était si attentif et tu voulais tellement me donner et apprendre que j'en étais comblé. Et je m'en suis presque voulu de t'avoir tellement tourmenté. Un peu frustré aussi. Je l'accorde. Presque cependant, parce que je sais que la prochaine fois je ne serai pas si mesquine.

Et quand, enfin, j'ai compris pourquoi tu m'avais dis que tu- que nous pourrions faire comme d'habitude tu as, encore une fois eu la patience de m'expliquer. Maladroitement parfois. Alors qu'il y avait beaucoup de soupirs impatients et haletants sur ta bouche. Je peux dire que cette fois là était très différentes des autres. Plus tendre encore-alors qu'elles sont toutes très tendre vraiment- et très étrange. Pour moi. Puisque définitivement, il y a des différences, même dans le plaisir et la manière de le donner et de le ressentir. Et c'est dans ces moment-là surtout que je me suis écrié d'attendre. Quand j'y repense c'est arrivé quelque fois, peut-être trop et j'espère vraiment que t'y a pris du plaisir toi aussi. J'y ai si peu pensé. J'étais tellement empêtré dans mes sensations chaotiques que je n'ai pas une seule fois penser à demander si cela te plaisais. Je crois que oui. Tu ne serais pas venu si tel n'avait pas été le cas.

Quand à ce que moi j'en pense, je crois que j'étais assez clair. Et très démonstratif. Auquel cas je crois que je l'ai formulé ainsi quand je reprenais mon souffle:

-C'est toujours plaisant de s'aimer de cette manière.




Ou alors je ne l'ai pas dit quand nous avions fini, mais je suis à peu près sûr de t'avoir enlacé et d'y avoir pensé très fort. Et je t'ai embrassé mille fois. En disant ton nom quand j'avais trop et si peu à dire, mais que je ne trouvais plus d'autres mots. Puisqu'il ne restait que toi. Et toutes tes douceurs. Peu importe mon corps tu sais toujours comment me donner de l'amour. De la douceur. Des tendresses. Du plaisir. De l'attention. Tu me fais me sentir bien. Et c'est important. Très important quand on considère que j'ai été à ce point troublé et désespéré par mon corps vagabond que j'ai pleuré. Trop angoissé. C'est important. Puisque tu arrives à me faire tout accepter des choses que je n'aime pas. Et je crois que maintenant je n'ai plus peur de rien. Tant que tu aimes mon corps alors moi je peux l'aimer. Ou du moins accepter les choses. Puisque tu ne trouves pas cela étrange et que tu m'aimes toujours. Et je crois que c'est ce que je voulais. Et tu es toujours capable de me donner ce dont j'ai besoin et j'ai envie. Toujours.

***


Je me redresse, finalement. Je crois que tu es parti à la douche. Et comme je suis engourdis je n'ai pas protesté suffisamment fort pour gagner le droit d'investir en première la salle de bain. Je gagnerai la prochaine fois. Pour le moment je n'ai pas envie de protester. De parler. De bouger. De respirer. D'esquisser la moindre pensée. Je n'ai même plus d'envie puisqu'elles ont toutes été satisfaites et comblées. Toutes. Et plus encore.

Je lève une main pour aller la loger dans mon cou. Il me semble que tu m'as embrassé ici. Et que c'était agréable. J'esquisse un sourire et je retrouve par la même occasion l'envie de respirer. Et même de penser. Au ralenti puisque ma langue est pâteuse. Que ma peau irradie encore d'amour. Que mon cœur bat trop lentement. Que j'ai trop de joie dans l'estomac. Des fourmillements étranges quoique très agréables sur ma peau. Le bout de mes doigts. Mes coudes. Mes bras. Mes genoux. Mon bassin. Mon estomac. Ma tête. Me mes tempes. Mes joues. Mes orteils. Ma paupière. Je crois bien que je suis fatigué. Mais je n'ai pas envie de dormir. Juste de rester ainsi. Parfaitement immobile. De garder toute la tendresse que tu as laissé sur ma peau. Jusqu'à ce qu'elle s'en aille. Je crois que je me sens bien. Et que je recommence à trouver tout très beau. Sauf que, je n'ai pas besoin de me le dire cinquante fois. Tout est très beau et c'est très idiot. Mais c'est le cas. Et je n'ai plus la force de sourire trop longtemps, mais c'est à cause de la léthargie qui a pris un peu d'assaut tout mon être.

Je remonte ma main contre mon oreille. Je passe mon pouce et mon index sur ma lobe pour vérifier. Ma boucle est toujours accroché. Je tâte mon autre oreille et là, je constate qu'il m'en manque une. J'ouvre la paupière et regarde le matelas. Pas de boucle en vue. Mais j'ai peut-être regardé trop peu de temps. Trois secondes. Je chercherai plus encore après. Je remonte ma main pour la passer dans mes cheveux. Qui sont dans tous les sens. Ébouriffés. Ma bouche s'étire dans un sourire. Même si ce n'est absolument pas drôle. Je soupire. Tendrement. Même si c'est un désastre. Qu'il doit y avoir trop de noeuds. Que je souffrirai en les recoiffant.

Je me traîne difficilement vers le rebord du lit. Puisque mes gestes sont encore trop lents et maladroits. Et que je crois bien que j'aurai préféré rester agenouillé en plein milieu du lit. L'esprit brumeux et l'œil faussement concentré sur la recherche d'une boucle d'oreille. Que je n'ai pas vraiment la motivation de retrouver. Je récupère ma robe. Très jolie. Que je crois que je remettrai à l'occasion. Je prends mon corset et je soupire doucement. J'allais encore passer quelques minutes à devoir le remettre. Même si je n'ai pas vraiment de le serrer. Puisque je suis svelte et ma taille parfaite. Mais c'est la poitrine qu'il faut que je remonte et mette en valeur. Je pose le corset sur la robe. Je récupère mes chaussures et je les mets droites sur le sol. Elles sont très jolies. Et je me dis que je n'aurai même pas besoin de me mettre sur les pointes pour embrasser tes lèvres. Je retrouve mon ruban. Pour mes cheveux. Et mon dessous. Effectivement. Un coup de tête vers le bas et je me souviens que je suis nu.

Et je me souviens aussi. J'ai vraiment gémis comme une jouvencelle. J'enfouis mon visage dans mes mains. Oh. Oui. J'ai honte. Même si je me sens toujours très cotonneuse. Et engourdis. Et je suis certaine que tu ne manqueras pas d'y faire référence. Tôt ou tard. Puisque même quand je ne l'ai fais qu'à peine-vraiment à peine- tu me l'as dit. Ou peut-être que tu t'en fiche? Oh. Non. Je ne crois pas. Je soupire. Formidable.

Tu sors à cet instant de la salle de bain. Je me tourne vers toi. Tu mets ta main dans tes cheveux. J'esquisse un sourire puisqu'à force de te côtoyer j'ai pu comprendre à quel point tu tenais à tes mèches blondes. Ton regard croise le mien et tu ris. Quand bien même je sais qu'il est moqueur je ne laisse pas partir si facilement mon sourire. Puisque tu es beau quand tu le fais. Qu'il y a aussi encore beaucoup d'amour et de tendresse sur ma peau. Le tien. Même si ma peau est froide, maintenant. À cause de ma nudité et de tes fenêtres ouvertes.

Tu t'approches de moi et tu poses tes lèvres sur mon front. Pour me rappeler que nous devons sortir. J'ai de nouveau un peu plus d'enthousiasme et la volonté de me mouvoir. Puisque c'est pour cela que je m'étais apprêté. Pour sortir. Ensemble. Avec toi. Cela suffit à réchauffer mes muscles. Tu me dis ensuite que tu ne t'habitueras jamais à moi et vu le sourire qui l'accompagne je me dis que c'est une bonne chose.

Je me lève d'un bond et j'embrasse une de tes joues pour dire:

- Je ne te laisserai jamais le faire. Même après cent ans.
Je récupère mes affaires dans mes bras et je vais jusque dans la salle de bain. Sur le seuil je m'arrête pour dire avec un sourire:

- Et je ne dis jamais de parole en l'air.

Je ferme la porte et je retourne sous la douche, après avoir accroché mes affaires. Très peu de temps. Et je veille même à ne pas mouiller mes cheveux. Je ressors de nouveau propre, après quelques minutes. Moitié moins de temps que toi et je suis plutôt sûr que tu y es resté très longtemps. Puisque l'eau était un peu froide. Je m'essuie énergiquement, puisque j'ai retrouvé de l'enthousiasme dans tes mots et dans la perspective de sortir avec toi. Je me rhabille. À moitié. À moitié seulement parce qu'il me semble avoir oublié des choses dans le salon.

J'ouvre la porte et je fais de grands pas jusque le lit. Pour venir chercher mes chaussures. Je retourne dans la salle de bain. Les dépose. En voyant mon reflet je me rappelle avoir laissé ma brosse à cheveux dans mon sac. Sac qui se trouve dans le salon. Je soupire. Je retourne encore une fois sur mes pas et je vais chercher ma brosse. Je referme le sac retourne dans la salle de bain. Et. Bravement je commence à brosser mes cheveux.

Et il y avait beaucoup de nœuds. J'ai juré. Craché des insultes. À chaque coup trop vifs. Et douloureux. Vraiment trop douloureux. Et je ne le savais pas puisque je ne prends jamais la peine de me coiffer. Jamais. Je grogne. Soupire. Si ce n'était pas pour toi. Il y a bien longtemps que toute cette masse. Pffuit. À coup de ciseaux. J'endure en serrant les dents. La mâchoire. Même si cela ne m'empêche pas de jurer quand je tombe sur un nœud. Et il y a beaucoup de nœuds.

J'arrive à vaincre et à refaire une tresse. Très réussi elle aussi. Je hoche la tête satisfaite et je pose la brosse sur le rebord. Et je la reprend presque dans la seconde. Je pense que je peux la ranger dans mon sac puisque je n'en ai plus besoin. Je sors de la salle de bain. Fait quelques pas en direction de mon sac. Je me dis alors qu'il y a de grandes chances pour que je doive l'utiliser. Je retourne sur mes pas, mais sur le seuil je me dis que je vais avoir besoin de ma brosse à dents aussi. Alors je retourne vers le sac pour y chercher l'autre brosse. Je retourne dans la salle de bain et je pose la brosse à cheveux sur le rebord. À dents à côté de la tienne, sourire satisfait sur les lèvres.

Avant de tout reprendre dans mes mains. Est-ce que je peux vraiment les laisser là et envahir un peu ta maison? Je regarde les vêtements que j'ai laissé ça et là sur le sol et je me dis que ce n'est plus le moment de poser la question. Puisqu'il semble évident que j'ai plus qu'envahit ta maison. Je l'ai peut-être un peu désordonnée aussi.

Sauf que ce n'est pas pareil que de laisser des brosses volontairement sur ton lavabo. À côté de tes affaires. Je prends la direction du salon et j'ouvre la porte. Qu'importe. Je les ressortirai demain encore.

Mais je retourne encore sur mes pas. Ce sera embêtant de refaire la même chose tous les matins. Et il y en a encore quelques uns à venir avant que je ne m'en aille. Je pense que cela ne te dérangerait pas si je m'installais un peu plus. Je referme la porte et je remets mes affaires sur le lavabo.

Sauf que ce n'est pas comme si je restait plus que quelques jours. Et je ne devrais prendre l'habitude de les laisser. J'ai le sentiment que si je le faisais, quand il faudra que je parte j'aurai trop de mal à laisser du vide dans cet endroit qui l'est déjà beaucoup. Je retourne dans le salon. Et puis je re-rentre dans la salle de bain. Mais si je n'y laisse pas un peu mes affaires je pourrai pas marquer les lieux de ma présence. Et il me semble que je voudrais bien que tu te rappelles qu'à côté de ta brosse à dents il y avait la mienne aussi.

Je soupire et je m'accroupis soudainement sur le sol et je pose mes affaires sur mes cuisses. Je me prends la nuque dans les mains et je geins. Cette histoire de brosse prend trop de proportion. Et je sais parfaitement pourquoi. Parce que tout est devenu très compliqué depuis que toi tu m'as dit que tu m'aimes. Beaucoup. Et que moi aussi. Mais je ne sais pas très bien comment je vais faire si je commence à m'inquiéter de tous. Et des petites choses. Qui sont importantes. Mais quand même! Je suis certaine que tu ne te poserais pas tant de question si tu venais sur mon bateau. Je soupire. Et je vais jusqu'à la porte pour dire:

- Est-ce que je dois laisser mes brosses dans mon sac ou je peux les mettre dans la salle de bain? Je demande. Extrêmement sérieux. Je laisse quelques minutes s'écouler. Et. Finalement. Je décide que je suis capable de prendre une décision.

- Voilà... Je. Les ... Mets sur ton lavabo. Et je ne reviendrai pas là-dessus. Voilà. Ce n'était pas si difficile! Je dis, tout en mettant les brosses à leur place. Une fois fait je recommence à m'habiller.


Et quand je sors cette fois je suis prête. Ou prêt. Peu importe. On va pouvoir sortir. Enfin.

Cependant je me rappelle qu'on ne pourra pas. Pas tout de suite, du moins. Il faut que je trouve ma boucle. Et que tu me donnes ma bourse. Avant qu'on ne puisse vraiment sortir. Je vais chercher mon sac en sautillant presque. Puisque nous allons bientôt sortir. C'est certain! J'ouvre la poche intérieur et je sors une à une les pièces que j'avais renversé la veille. Pour ne pas entendre le bruit. Dans ta poche.
- Il faut que tu me redonnes la bourse pour que je puisse y mettre les pièces. Et que tu la garde dans ta poche. Comme hier, tu sais? Je n'aime pas faire mention de cela. Mais si je veux pouvoir marcher à tes côtés l'esprit tranquille... Je dépose les dernières pièces avec une attention particulière. Comme chaque fois que mes doigts se perdent sur le motif frappés sur les pièces. Mes pensées envahies de chiffres. Mon oeil perdu dans les nuances froides métal précieux. Il y a des gens qui vendraient leur âmes pour en posséder moitié-moins. Je le sais. Puisque je suis né de ces hommes-là.

Penser aux belles choses que je pourrais t'offrir m'aide à me concentrer. À ne pas perdre pied. Sinon je pourrai compter et recompter mes pièces deux lunes. Sans même m'en rendre compte. Je m'écarte d'elles pour venir vers toi. Tu arrives à obnubiler plus mon esprit qu'elles. Souvent. Je vais t'enlacer le front sur ton épaule et je reste quelques secondes pour reprendre contenance. Je m'écarte un peu et je ris un peu pour dissiper le silence gêné que j'ai instauré, même si je continue de t'enlacer.

- Ce sera bien. Sortir ensemble. Je n'ai pas l'occasion de faire des achats avec quelqu'un. Et pour quelqu'un d'autre non plus. Je prends une inspiration et je dis: - Et ce sera plaisant je crois de le dépenser pour toi. Je relève la tête et je dis dans un sourire: - Une vraie couverture. Qui ne pique pas. Par exemple. Et d'autres choses. Comme des habits. Et des chaussures. Je t'achèterai des vêtements de pirate. Et tu seras très beau. Mais tu ne les mettra que pour moi. Bien entendu. Et peut-être même que je déchirerai pas les chemises qu'on va acheter. Je ferai attention. Et je continue encore un peu de citer tout ce qu'on va faire et comme ce sera vraiment très bien. Jusqu'à ce que je ne pense plus qu'à cela. Et que mes épaules un peu crispées se détendent. Je rajoute même, sur un ton de défis: - Et peut-être même qu'au coucher du soleil il n'en restera plus rien, qui sait? Même si je doute qu'on y arrive. Je m'écarte et je design le lit. - Je te laisse faire. Oh. Et si tu trouves une boucle d'oreille... Je reste près de la porte entrouverte. Tout va bien. Ce n'était pas si difficile, après tout. Et je suis plutôt fier de ne pas être resté compter l'argent. Ou d'y être retourné. Vraiment.

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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaDim 24 Mai - 3:33

Je perds la notion du temps.

C'est idiot, d'y penser – évidemment que je perds et que j'ai perdu la notion du temps, je suis immortel. Je suis un immortel sale et désabusé qui, lors de ses premières inspirations, a pris le temps de compter chaque jour qui passait (entre deux cris et sanglots). Puis, les jours se suivants, identiques, fades, angoissants, écrasants, j'en suis venu à ne plus rien compter.

J'ai perdu le sens des journées.
J'ai eu du mal, au début, à me plier aux horaires de la confiserie et de la fabrication des bonbons. J'ai eu du mal à me plier à leur préparation exigeante et à la sévérité des recettes qui me faisaient trop souvent échouer. J'ai eu du mal à cristalliser le sucre dans de petites pierres de couleurs qui fondent sur et sous la langue et les sourires. J'ai eu du mal à ne plus me perdre dans la nuit et à ne pas faire geindre ma rétine lorsque le jour factice y plongeait ses phalanges aveuglantes.

Travailler m'a aidé à conserver un rythme humain qui, les premières semaines d'agonies avait totalement était chamboulé. Je n'avais pas compris, lors de ces violentes errances, quel était l'intérêt de conserver un ersatz de battement d'existence si l'on était mort – quel était l'intérêt des jours, des semaines, des mois, des emplois, de la respiration sur une ligne de temps stérile. J'ai vite compris – faire semblant, c'est toujours mieux que de ne pas exister du tout.

C'était très hypocrite de ma part, mais j'ai retrouvé un peu les jours.
J'ai retrouvé les heures et les minutes ; le matin, il me fallait me lever tôt pour préparer les bonbons qui nécessitaient d'être vendus frais. Je trouvais au milieu du sucre, du glucose, des amandes et des arômes de vanille une salvation imbécile. Pétrir la pâte collante des guimauves, façonner les berlingots, former les médaillons des sucettes accaparait mon esprit. Je ne me concentrais plus sur ma chute inexorable, sur la tabou de ma langue, sur l'aigreur de mon estomac, sur mon amnésie, sur ma mort.

Je ne pensais plus à la vacuité angoissante de mon immortalité.

Je me suis donc habitué et, à force de me plonger dans les jours et les heures j'ai fini par perdre tout ce qui relevait des semaines, des mois et des années. J'ai ai compté trois, d'années, avant qu'elles ne deviennent toutes trop semblables pour que je puisse les discerner les unes des autres. Parfois, j'essaie encore mais je trébuche sur la confusion de ma mémoire. Mes souvenirs bégaient et mon esprit balbutie des chiffres incohérents. J'arrondis autour de cinq, de dix, et parfois même de quinze.

Les détails inutiles m'ennuient et, lorsque l'on ne meurt jamais, compter le temps est un passe-temps aux allures d'impasse. Dans les vingt-quatre heures que je parvenais à dénombrer sur mes doigts il y avait de la place pour les bonbons, l'alcool, le sexe, quelques fois quelques discussions mais jamais rien ne se construisait devant ma grandeur déchue.

Tout est très vite devenu très ennuyeux et aussi, très triste.
Tout s'est mis à couler et à s'enfoncer dans la monotonie. Je mangeais moins, je mangeais peu. Je buvais, beaucoup, puisque les alcools ont la force de tirer de l'euphorie et de l'inhibition même dans les langues les plus amères. Je trouvais des reins, des cuisses, des poitrines, des peaux à étreindre mais elles avaient toute la même texture spongieuse qui me tirait à peine hors de la viscosité de ma prostration.

Puis, il y a eu Bermuda.
Puis il y a eu Bermuda, ses attaques, ses victoires. Il y a eu ses baisers qui, à eux seuls, valaient une, deux heures que j’attrapais dans mes paumes. Il y a eu ses caresses qui gravaient des jours et ses soupirs avaient des allures du mot oublié des mois. Il y a eu ses paroles, ses mots, ses confessions et toutes les inflexions de sa voix pliaient le temps pour me le jeter au visage. Quand il a annoncé qu'il restait – une semaine, j'ai commencé à me rendre compte que ce lexique là existait et que les jours qui se suivaient s'additionnaient parfois. J'ai souri, j'ai ri – j'ai trouvé ça immense ! Plusieurs jours qui s'enlacent et dans lesquels il resterait auprès de moi ; Bermuda, dans la simplicité de ses gestes, me redonnait mon vocabulaire. J'en posais sur mes lèvres une phalange gênée.

Et maintenant, me voilà à de nouveau perdre le temps. La différence est que cette fois, c'est infiniment plus agréable. Autrefois, je l'avais laissé s'enfuir, boiteux, par colère, par sauvagerie, par désespoir, par anéantissement. Maintenant, c'est le plaisir, le bonheur et la paix qui font que les minutes et les jours s'entrechoquent et se confondent. Je crois que, lorsqu'il me touche, et lorsque je le touche, les années s'enroulent autour de mes côtes. Lorsqu'il m'embrasse, ce sont les semaines qui enrobent ma langue et ses doigts égrainent des heures et des heures interminables dans mon cou.

Je ne sais plus depuis combien de temps Bermuda est là.
Je ne sais plus depuis combien de temps Bermuda est ici, avec moi – quelques jours, mais combien ? Je suis perdu et, assis sur le lit, je viens me pincer l'arête du nez entre le pouce et l'index pour canaliser ma mémoire. Les souvenirs – trop intenses, trop brûlants, trop crevants dans ma poitrine – sont trop délicieusement vaporeux pour que je me rende compte. Bermuda à cassé, démantibulé, écrabouillé ma routine ; je ne fabrique plus de bonbons ailleurs que sur ses lèvres et mes aventures se limitent à faire de lui la précieux réceptacle que mon amour.

J'ai perdu le temps et, si la légèreté de confondre les jours et de comprendre les semaines accroche un sourire béat sur mes lèvres, d'un coup une inquiétude vient faire flancher la ligne de mes sourcils.

Quand devra-t-il partir.
Et même – il va partir, dans quelques jours et je suis incapable de déterminer lesquels parce que je n'arrive plus à les distinguer les uns des autres quand je me perds dans ses étreintes. Aussi, je n'en ai pas l'envie. Je veux qu'à nouveau, les jours s'oublient et qu'il omette de repartir sur son navire.

Mais ça, je sais que ça n'arrivera pas.

Assis sur le lit, mes doigts pétris d'affection toujours levés contre la joue qu'il a embrassé, je pense au moment où il partira. Bien sûr que c'est inévitable – il est même possible que cela soit nécessaire puisque la collision incessante de nos caractères pourraient apporter la ruine à Libra. Mais, égoïste, je n'en ai pas l'envie ; le simple fait qu'il s'isole dans la salle de bain donne au silence des allures de morgue.

Je sens la mort grimper, coriace, le long de mon dos lorsqu'il n'est plus auprès de moi. Agacé, troublé, je secoue la tête, un frisson désagréable se lovant entre mes omoplates. J'entends le jet de la douche s'enclencher, battre les murs et les rideaux. Je passe ma main dans mes cheveux drus qui éparpillent encore de fines gouttelettes. Mon regard se perd sur la porte ; à quel point m'a-t-il rendu faible.

Il m'a rendu si faible et si pitoyable que j'en viens à craindre la solitude.

J'en viens à me poser la question du plus tard – de l'après et c'est très ridicule comme situation, puisque je n'aurai jamais pensé réemployer ce vocabulaire durant la mort. Il n'y a pas d'avenir dans la mort. Mais maintenant que Bermuda a débarqué avec ses bottes, ses dagues et ses manteaux, il est inévitable de penser à un après.

J'ai envie de rire en passant ma main dans ma nuque encore humide. Je baisse mon regard en direction de mes genoux et de mes pieds nus. Je suis ridicule – je pense à l'avenir, alors que nous sommes morts, que nous sommes d'hypothétiques cadavres et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi plein de doutes, d'inquiétudes et de vie.

Je ricane un peu, contre moi-même et je me lève en direction de l’armoire. J'enfile une paire de chaussettes – blanches, très sobres. Au même instant, le jet de la douche s'arrête et je repense comme j'ai envie de le suivre derrière ce rideau brun pour taquiner encore le creux de ses reins.

Et j'ai faillit – je râle, d'ailleurs, parce que j'ai failli de nouveau vouloir me l'accaparer pour moi et moi seul lorsque je suis venu embrasser son front et que ses hanches étaient nues. Il ne se rend pas compte, Bermuda, parfois, de la perversité naïve de ses actions. Et heureusement que j'étais rassasié, heureusement.

Même si je n'en aurai jamais assez de Bermuda.

Désœuvré j'oscille, hésitant, devant l'armoire. Que faire ? Mon œil parcourt circulairement l'appartement et le désordre insalubre me saute à la gorge. Je grimace. Peut-être devrais-je commencer à nettoyer un peu – non, mauvais idée, je suis propre et je vais me salir. Et puis j'ai dit que nous irions embaucher quelqu'un pour nettoyer tout ça, j'ai trop peu de courage et de volonté pour m'atteler à cette impossible tâche.
L'omelette a vraiment des allures dégueulasses – dire qu'il n'y a même pas goûter.

Je retrouve un sourire en retrouvant des souvenirs. Un peu plus léger, sans plus penser au temps, au jours qu'il reste (même s'il va falloir que je lui demande combien il en reste, puisque je suis certain qu'il les compte tous), je retourne m'asseoir sur le lit. Mon dos bascule en arrière et j'observe le plafond aussi vide de décoration que le reste de mon appartement. Qu'importe, j'ai Bermuda qui crève ma rétine et je n'attends plus que sa sortie de la salle de bain. Je me concentre sur les bruits de vêtements qui percent à travers les murs. D'un coup, le grincement de la porte se fait entendre. Je me redresse vivement et découvre, évidement, Bermuda qui fait encore ses siennes.

Et qui se balade à moitié à poil dans l'appartement, sans problèmes. Comme si jamais je n'avais présenté une grande faiblesse à résister à ses avances et à son corps, même lorsqu'il ne fait rien – alors à moitié nu ?

Je m'étouffe en toussant lorsqu'il s'approche jusqu'au lit pour récupérer ses chaussures, sans un mot. Je suis redressé sur mes coudes et mes bras tremblent. Évidemment, qu'il n'a pas conscience de son indolente séduction et, lorsqu'il referme la porte derrière lui, je me laisse tomber en arrière.
Il me donne déjà chaud aux tempes ; elles vont se fissurer.

Je n'ai pas le temps de reprendre mon souffle et de faire taire l'excitation qui bat à mon front que le voilà qu'il ressort dans le même appareil – sérieusement ? Et moi, sérieusement, qu'est-ce que je suis en train de faire à le regarder se pavaner ! Je devrais plutôt enfoncer ma tête dans un coussin et espérer mourir par étouffement, ce serait moins honteux que de sentir mon corps se crisper à chaque fois que ses jambes nues fendent l'appartement.

Finalement, il repart, ferme la porte – la répétition de ce mouvement m'irrite un peu, je n'aime pas le bruit et la sensation des portes qui se referment. Un œil vers la fenêtre de la cuisine, entrouverte, me permet de reprendre mon souffle.

Et comme je respire à nouveau, je me laisse tomber une deuxième fois en arrière et je prends ma tête dans mes mains. Je râle, geins sont prénom en ultime protestation – il ne se rend pas compte de tout ce qu'il fait, un jour je lui apprendrai la véritable signification de la frustration et il verra que ça n'aura rien à avoir avec la parole.

Je ris encore, puisque je suis ridicule et je ris encore plus lorsque j'entends de nouveau ses jurons. J'entends les coups de la brosse et les hurlements de ses cheveux emmêlés jusqu'ici. J'ai les côtes qui se soulèvent une dizaine de fois dans un rire silencieux. Un peu d'eau naît au coin de mes paupières et je me promets de lui apprendre, aujourd'hui, demain, plus tard, après, comment prendre soin de ses cheveux lorsqu'ils sont longs comme ça – après tout, les cheveux, ça me connaît.
Je grimace, geins encore. Quand les miens vont-ils repousser ? Mes magnifiques et sublimes cheveux – tant d'années à les entretenir, les coiffer et les ondule entre mes doigts chaque matin pour qu'ils finissent comme ça.

Je vais vraiment essayer d'en finir avec le coussin.

Le silence se fait. Les jurons arrêtent leur cacophonie et pendant un instant, je guette, à demi-redressé, le moment où Bermuda entrera encore dans mon champ de vision (c'est comme s'il rentrait de nouveau de ma vie, c'est une sensation très agréable où l'air me semble de meilleure qualité). Et il apparaît, plus tôt ou plus tard que je ne l'avais prévu, je n'en suis plus certain puisqu'il est encore très peu habillé.

Cette fois, j'abdique et je n'essaie même pas de lutter. Dans un grognement désespéré, je me jette en arrière. L'arrière de mon crâne rebondit contre le matelas et d'un bras rageur, je m'empare du coussin pour le plaquer contre mon visage. L'enserrant de mes deux bras (les anti douleurs sont toujours efficaces, on dirait bien), je commence à pousser deux ou trois insultes étouffées puis quelques borborygmes insensés. A partir de là, j'ignore vraiment ce qu'il se passe. Je n'entends que mes fluettes et pathétiques protestations, ma respiration qui se fait brûlante et étouffante et le bruit sourd de ses talons qui résonne avec l'étage inférieur. J'en profite pour glisser, comme il ne peut pas m'entendre, comme je trouve qu'il est beau et imbécile et stupide et idiot et désirable mais, comme je ne m'entends pas moi-même, j'ignore qu'elle forme revêt mes phrases.

Mais combien d'aller et de retours fait-il ? Exaspéré (et suffocant, enfin), je finis par retirer le coussin de mon visage. Je le jette dans un coin et le fait tomber du lit – mince. L'air frais frappe mon visage, mes joues chaudes, mon nez écrasé et je remplis mes poumons. Un soupir fend ma gorge – non, vraiment, il ne se rend pas compte de tout ce qu'il fait.

D'ailleurs, j'entends encore ses pas qui s'approchent de moi (et j'aimerais qu'ils viennent jusqu'à moi). Je me redresse sur mes coudes et aperçoit sa silhouette, toujours très peu habillée (bon sang) dans l'espace de la porte entrouverte. Je n'en peux plus. Je souffle :

― Mais qu'est-ce que tu fiches, Bermuda ?!
― Est-ce que je dois laisser mes brosses dans mon sac ou je peux les mettre dans la salle de bain ?

Interloqué, je soulève un sourcil. La question est si imprévue que j'en reste quelques secondes silencieux, sans mots et sans idées au bord des lèvres. Finalement, je balbutie naturellement, les sourcils froncés :

― Je – fais comment tu veux ? Enfin.

Je voudrais bien lui dire qu'il peut les laisser dans ma salle de bain, si ça le dérange tant que ça alors je me reprends pour formuler à travers mon tribut :

― Enfin, tu peux les laisser dans ma salle de bain si tu en as envie ?

Et comme il ne répond pas, j'imagine qu'il est parti ailleurs, dans réflexion que je ne peux atteindre et que je n'ai pas envie d'atteindre, d'ailleurs – parfois, il se déroule des tempêtes étranges dans la tête de Bermuda (pour rester poli).

Je vais pour me rallonger, dépité de devoir le contempler sans le toucher lorsqu'il se décide enfin pour cette histoire de brosse. Je hausse encore un sourcil – vraiment, il s'inquiétait autant ? La porte se refermer aussitôt avant même que je ne puisse demander des détails et, après un silence stupéfait, je ris doucement.
Combien de fois m'a-t-il fait rire depuis qu'il est entré par la fenêtre de la cuisine ?
Certes, il m'a fait crier et jurer aussi mais n'y pensons pas.

Quand je le vois ainsi – si spontané, si naturel, si vivant – je crois qu'il ne se rend pas compte à quel point je l'aime. Et je crois, aussi, que je ne me rends pas compte à quel point je m'inquiète pour lui – Bermuda qui pousse de jurons lorsqu'il se peigne les cheveux et qui dramatise sur une histoire de brosse ? Non, vraiment, je n'aurais pas cru qu'il soit si innocent, là bas, dans les bars que nous écumions ensemble.

Il n'est pas fait pour fréquenter de mauvaises personnes – même si je le suis un peu, mais je suis trop égoïste pour m'écarter de lui maintenant.
Tiens, deviendrai-je protecteur ? J'imagine que ça me ressemble un peu ; je vais bientôt porter de nouvelles couleurs beaucoup plus pastelles et beaucoup moins sales.

Soudain il sort – enfin ! - de la salle de bain, pour ce qui a l'air d'être une sortie définitive puisqu'il porte enfin des vêtements. J'ai un sourire qui taille un coin de ma bouche.

Évidemment, il est splendide.
Il l'est toujours et toujours il change la matière de mes côtes ; elles deviennent flexibles et s'écrasent sur mes poumons. C'est très difficile de respirer en sa présence.

Bermuda exalte d'énergie – je souris encore plus en détaillant son pas léger, me redressant pour le rejoindre. Je dois avouer que je suis heureux de sortir aussi – nous sommes enfermés depuis combien d'heures ? Je n'arrive pas à parler en jours, pas encore, je retrouve à peine mes mots. Je me dirige jusqu'au dossier d'une des chaises pour récupérer mon blouson en cuir que j'enfile en attendant qu'il termine de se préparer. J'ai des bulles de tendresse qui glissent sur mes lèvres ; mon air est stupide.

C'est lui, c'est de sa faute ; il m’attendrit.
C'est d'un ridicule ! Je ne suis pas sûr d'assumer et mes joues, sur qui grimpe le rose, n'ont pas l'air d'assumer non plus. Je me racle la gorge, mal à l'aise.

― Est-ce que tu es bientôt prêt ?

Je demande en vérifiant que mes cigarettes et mon briquet soient bien dans mes poches.  

― Il faut que tu me redonnes la bourse pour que je puisse y mettre les pièces. Et que tu la garde dans ta poche. Comme hier, tu sais?

Elles ne sont pas dans la gauche, je glisse ma main dans la poche droite pour les trouver – ah, c'est bon. De quoi parle-t-il ?

― Quelle bourse ? Je demande, nonchalant, trop concentrer à vérifier combien il me reste de cigarettes.

Je n'en ai presque plus, il faudrait aussi que l'on s'arrête chez le marchand de tabac – où que j'y aille discrètement, puisqu'il n'approuvera probablement pas. Je remet le paquet dans ma poche gauche.

Puis je me rend compte que l'appartement est soudain très silencieux.

― Quelle bourse, Bermu -

C'est quand je relève mes yeux vers lui que j'aperçois, dans le creux de sa paume, les petits cercle d'or qu'il dépose avec précaution. Ses doigts, que j'ai si souvent embrassés, caressés, possédés, viennent se perdre dessus comme s'ils se perdaient sur le dos d'un amant.
Comme s'ils se perdaient sur mon dos.

Mon humeur s'écrase d'un coup.
Je crois bien que je n'ai jamais été en colère aussi fort et surtout, aussi vite. C'est une précipitation de fureur dans les veines qui fait de mes joues des tapisseries de métal. Ma nuque est glaciale, mon souffle précis. Le paquet de cigarette, toujours prisonnier de ma paume, fini écrasé entre mes doigts. Ils se sont serrés si fort, si fort qu'ils auraient pu en faire craquer une nuque.

Je n'ai jamais été plus jaloux qu'à cet instant là. Mon regard n'arrive pas à se détacher de son regard qui n'est plus pour moi.

Je suis furieux.
Je pourrais briser l'échine du monde en m'emparant de ses épaules d'une main et de ses reins de l'autre. Je pourrais le casser sur mes genoux, le mordre, l'éventrer. Je hais le monde. Je déteste le monde. Je déteste la couleur que prend sa peau lorsqu'il a des pièces dans la main. Je hais son regard à cet instant. Je hais qu'on lui inflige ça. Je hais qu'on lui ait imposé ça. Je hais qu'il le porte et quand je me rappelle ses tremblements devant la confiserie et la vulnérabilité de sa peau, je crois que je pourrais tuer le monde.

Je l'aime tant que j'en deviens dangereux.

J'observe chacun de ses gestes quand il les dépose, attentif, sur le lit et j'ai serré la mâchoire si forte qu'elle en devient douloureuse. J'observe tout, j'aspire tout, je détaille tout avec cette colère froide grondant comme un séisme. Soudain, l'attention de son visage est modifié et j'adapte la mienne pour qu'il ne voit pas à quel point je peux devenir horrible.
Comme je deviendrai un peu plus un monstre pour lui.

Je détourne le regard, lâche le paquet de cigarette dans mon poing et, tournant le visage à droite puis à gauche, je passe une main dans mes cheveux. J'essaie de retrouver un souffle normal, moins animal. J'ai l'impression d'avoir la poitrine qui gronde encore.

Il vient m'enlacer.
Heureusement, heureusement qu'il vient m'enlacer puisque je me sens tellement mieux quand son corps s'emboîte contre le mien. J'expire, lève ma main pour caresser l'arrière de son crâne. Mon malaise, ma fureur n'est pas encore apaisée, elle tambourine encore dans mes oreilles mais je me pare de normalité. J'essaie, je fais de mon mieux, je l'écoute et je me concentre sur la chaleur de sa peau si différente de la froideur de ma colère. Je ferme les yeux.

Mais quand il rit, je n'arrive pas à rire avec lui. Je souris, quand même, comme je fais de mon mieux, mais il ne peut pas le voir. Quand il relève la tête avec son sourire, je m'adoucis. Je ne peux pas résister très longtemps à la tendresse et la chaleur de Bermuda mais j'ai encore ce coup de sang qui me cingle les joues. J'écoute, attentivement, toujours bestial, la moindre de ses phrases et je note tout avec une précision extrême : son désir de sortir avec moi, de m'acheter des choses, la couverture, les vêtements, les chaussures, toutes ses propositions s'impriment dans ma tête furieuse.

Mais il n'y a qu'une pensée qui me gifle, à chaque énumération : il ne va pas bien.
Bermuda ne va pas bien, il lutte et cette fois ce n'est pas une de nos bataille puisque nos batailles sont des jeux de plaisir. Il n'y a pas de plaisir dans la façon sont ses muscles vrombissent et, là où je me rends compte qu'il va le plus mal, c'est lorsqu'il commence à se relâcher.

Mes yeux sursautent, de droite à gauche, d'une épaule à l'autre, sur son front, sur son œil, sur ses lèvres, ses tremblements disparus. Ce n'est pas de l'incrédulité qui soulève mes sourcils ; c'est une réflexion précipitée, mécanique, obsessionnelle.

Comment je vais pouvoir le sortir de là – définitivement.

Mais il s'écarte, recommence à me parler avec cet air embarrassé sur les joues. Je ne veux pas l’embarrasser davantage et j'essaie de lui sourire, le plus naturellement possible. Ma bouche est un peu froissée. Je réponds, mécaniquement à sa supposition :

― Peut-être.

Et quand il me désigne le lit, je suis encore sous la tension de ma colère et de ma réflexion. Mes yeux furètent, remontent jusqu'à son visage, troublés d'incompréhension. Qu'est-ce que je suis censé faire ?

― Qu'est-ce que je dois... ?

Puis je me rappelle qu'il m'a demandé de les mettre dans la bourse – de quelle bourse il parlait ? Ça n'a pas d'importance, j'en ai une vide dans le tiroir. Rivé sur ma réflexion, qui est de le débarrasser de ça, qui est qu'il ne souffre plus de ça, qu'il puisse être tranquille, qu'il n'en tremble plus, je récupère la bourse en cuir vide et m'empare des pièces. Une à une, je les dépose en essayant de ne pas faire de bruit comme il le faisait. Mes sourcils sont si froncés qu'ils empiètent sur mes yeux.

Une fois que c'est fait, je me retourne, je cherche Bermuda du regard. Puis, gêné, maladroit, j'enfonce la bourse dans la poche de mon jean, toujours en évitant de faire tinter l'or. J'ai beau réfléchir, réfléchir, je ne sais pas quoi faire, je n'ai pas encore trouvé de solution, en quelques minutes, pour le débarrasser de ça.

Peut-être devrais-je demander une audience à Thémis et lui défoncer sa tronche.

Je me rappelle de la boucle d'oreille et je soulève distraitement les draps pour la trouver. J'y passe bien une bonne minute à repasser aux même endroits sans jamais vraiment regarder. Finalement, j'abandonne sans essayer, trop accaparé par la fureur qui ne cesse de palpiter dans mes doigts. Je me tourne vers Bermuda :

― Je, ne -

Je ferme ma bouche, pince mes lèvres.

― Ta boucle d'oreille...

Impossible de m'exprimer. Le long de mes cuisses, mes poings se contractent. Je laisse tomber. Vivement, je fais de grandes enjambées pour le rejoindre près de la porte et je me plante devant lui. Je serre, desserre mes poings, nerveux. Je le regarde, droit dans son œil mais j'hésite, le fiche dans le plafond, le ramène sur ses épaules.

Finalement, après un sec et rapide, je me penche vers lui et j'embrasse son front.
Longtemps, une dizaine de seconde, plus peut-être. Et dans ce baiser, il y a toute la protection dans laquelle je souhaite le draper.

Ma main chercher la sienne, s'en saisit. Mes doigts caressent tendrement le dos de sa main et je termine mon baiser par trois petits baisers plus brefs.

― J'ai besoin de prendre l'air, je dis. Je vais t'attendre en bas.

Je n'ai pas besoin de prendre l'air – j'ignore de quoi j'ai besoin pour faire taire mon cœur qui bat comme la marche d'un soldat. Je vais pour me faufiler dans les escaliers quand je m'arrête pour rajouter, mes yeux accrochés au sien :

― Tout ira bien. D'accord ? Je vais juste fumer une cigarette. Tu laisseras la porte entrouverte derrière toi ?

Puis je me rends compte que je tiens toujours sa main. Je la lève à mes lèvre, l'embrasse. Le baiser dure, encore une fois, trop longtemps pour être léger. A chaque seconde, il s'alourdit de mon amour – puisque c'est lui que je fais couler entre mes lèvres. Je sors une cigarette, descends rapidement les escaliers.

L'air me prend la gorge et la dénoue.
Bon sang, qu'est-ce qui m'arrive ? Où est mon sang froid ? J'entends encore la colère hurler contre mes tympans et ma jalousie glousser dans mon ventre. Je soupire trois fois à la suite. Je plonge ma main dans la poche gauche de ma veste en cuir et en retire une cigarette. Je ne mentais pas, j'avais vraiment besoin de fumer une cigarette, là, tout de suite.

Je ne supporte pas que l'on fasse du mal à Bermuda.
Je m'en rend compte – je m'en suis déjà rendu compte mais, ce retour brutal à la crainte est d'une violence qui me crève l'estomac. Je grimace encore, la clope entre les lèvres, alors que la fumée vient tapisser mes poumons. Le goût familier du tabac me détend par habitude, mais c'est insuffisant.

Ma rancœur dévore absolument tout.

A la deuxième taffe et je la jette, dégoûté. Je passe mes deux mains dans mes cheveux, encore un peu humide. Ils sèchent beaucoup plus vite que lorsqu'ils sont longs. Mon regard tombe sur la pile de détritus, de tous les objets que j'ai jeté par la fenêtre et je me rappelle alors mes autres inquiétudes : qu'il voit tout ce que j'ai jeté dehors, qu'il y voit ses dagues, ses vêtements, qu'il y discerner mon comportement impulsif et idiot. Je me rappelle, avec tout ça, cette fameuse bourse dont il me parlait et que j'ai jeté dans la confiserie et j'ignore ce que ça peut impliquer, je sais que je devrais m'écrouler de honte, mais je m'en fiche.

Tout ça a si peu d'importance comparé à cette obsession que me bouffe. Je m'en fiche – je suis d'accord pour lui dire tout, pour lui dire qu'il n'y a jamais eu de voleur mais que j'étais si blessé après qu'il m'ait laissé que j'ai voulu tout détruire.

Ainsi, peut-être pourrait-il se rendre compte de ce que je ferais au monde s'il venait à être blessé.

Mais je me reprends. J'inspire un bon coup, passe encore mes mains dans mes cheveux furieusement, comme pour les décoiffer – il n'y a rien à décoiffer. Je lève les yeux vers le ciel que je ne regarde jamais et là encore, je le regarde peu. J'écoute, j'attends les pas de Bermuda et quand je l'entends franchir la porte principale, j'attrape son bras et le plaque fermement contre moi.

Je le dérobe, je le vole.
Puisqu'il est à moi. Là, je l'embrasse.

J'y met encore toute ma passion, tout mon amour, toute ma colère mais il n'y a aucune violence dans le baiser que je lui donne. Je vais attention à ce qu'il n'y ait aucun accroc de mes dents, aucune force désagréable, aucune brutalité. Ma main gauche tient toujours son bras. La droite, plus faible, vient tenir doucement sa nuque.
Je met dans ce baiser toute la protection que je veux lui donner et mes lèvres murmurent, immobiles : tout ira bien.

Je me détache, le souffle toujours invisible. Concentré, je scrute son œil. Je l'embrasse puis je souffle très près de ses lèvres :

― Tout ira bien.

Et je sais très bien que c'est plus pour moi que pour lui.
Impulsif, je le serre contre moi et l'enroule, l'enferme dans mes deux bras. J'embrasse ses cheveux longs, sur son crâne, de nombreuses fois pour y planter à chaque fois mes excuses. Mon comportement a été abrupt, soudain – il n'a peut-être pas compris. Je m’attelle à formuler ce que j'ai ressenti. Je me dépouille de ma colère (il n'en a pas besoin) et je demande, sérieux :

― Qu'est-ce que tu vas faire, Bermuda, si je te dis que je suis jaloux ?

J'inspire, essaie d'humidifier ma langue de nouveau sèche et je reprends après un autre baiser :

― Qu'est-ce que tu vas faire, si je te dis que je ne le tolérerai pas ? Que je ne tolérerai pas ta souffrance et que je ferai beaucoup, beaucoup de mal pour toi ?

J'enfouis mon nez dans ses cheveux. Ma voix se rompt sur la fin et ce qu'il me restait de colère fini par céder ; elle ne résiste jamais aux étreintes, que ce soit lui qui me les donne ou moi qui viennent les réclamer. Mes épaules se relâche et ma poitrine se fait moins raide. Je poursuis, plus bas, à demi-bougon :

― Je suis plus précieux que l'or.

J'oscille entre la jalousie et l'inquiétude – c'est un peu ridicule. Finalement, je pousse un soupir qui brise les dernières tensions. J'ose lui lancer une moue triste et complice, la bouche tirée vers le bas et les yeux suppliants :

― Ce n'est pas vrai ?

Je ris de nouveau, un peu, et dépose cette fois un baiser au bout de son nez.
Les tas de détritus rentrent alors dans mon champ de vision et je me racle la gorge, prêt à expédier le trajet de la cour pour qu'il ne remarque rien – quitte à continuer de pleurnicher pour attirer toute son attention.

― Tu as parlé de couverture, non ? Je souris pour lui. On va commencer par ça, et on passera aussi embaucher quelqu'un pour le ménage. Après, les vêtements - tu m'achèteras bien des vêtements de pirates ? Très bonne idée, je les mettrai pour te faire l'amour. Et pour venir sur ton bateau, aussi, ce qui se recoupe. Quand tu auras faim, je t'emmènerai manger une pizza, tu verras, tu risques d'aimer.

Je parle, je ris, je l'embrasse.
Puisque cette fois, j'ai tout écouté. J'ai tout écouté, tout retenu, le moindre détail de ses désirs et je compte bien les réaliser un par un. Je lui donnerai tant de choses à voir, à admirer, à apprendre, tant d'émerveillement qu'il en sera épuisé et qu'à la fin de la journée, il n'aura plus qu'une seule richesse qu'il voudra couver du regard : nous.





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Bermuda
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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaDim 24 Mai - 23:52

Je suis vraiment fier. Vraiment. Et j'ai tourné la tête pour que tu ne vois comme je le suis. Pas une seule fois j'ai tourné la tête pour fixer le lit. Je n'ai pas tendu le cou pour les voir. Les pièces. Les miennes. Pas une seule fois. Et en définitive ce n'était même pas difficile. Presque pas. Tout de même un peu, mais pas impossible. Je n'ai voulu que te voir toi avant tout le reste. Te faire rester le centre de mon attention. Et j'ai réussi. J'ai réussi et toute la fierté qui en résulte tu ne pourrais pas la comprendre. Et je préfère penser que tu ne pourras jamais la comprendre. Je ne veux que tu ne vois la difficulté de mon attention. Que tu comprennes qu'il y a des jours où tu passeras forcément après l'or et mon désir obsessionnel de le posséder et de le gagner. Il ne faut pas que tu vois tout cela puisque cette partie de moi n'a rien de censée. Qu'elle échappe trop encore à ma volonté. Et surtout. Surtout je ne veux pas que tu comprennes toute l'aridité et la sécheresse de ce désir. Puisqu'il est un gouffre. Un manque constant. Qui menace vraiment parfois de me faire perdre la raison.

C'est peut-être ce qu'il y a de plus laid- avec ma jalousie et mes violences- en moi. Et je veux que tu ne vois que le plus beau. Même si une naissance est une naissance. Si néfaste soit-elle. Et sans elle et l'esprit de mille hommes assez fous pour insuffler suffisamment de force à ce mal alors je ne serais pas. Je ne serai pas Bermuda. Je ne serai pas cet être, cette addition de qualités, de défauts, de folies, d'outrages. Celui que tu aimes. Celui qui peut t'aimer. Et je me dis vraiment que sans la cupidité je ne serai rien. Ou presque. Même si elle m'épuise. Me tue. Me détruit. Qu'elle a trop dicté ma vie avant et mes envies. Sans elle et la souffrance des hommes je ne serai pas. Homme ou femme. Débout. Entier. Vivant. Je n'aurai pas quitté l'esprit des sans-cœurs. Pour leur susurrer infiniment qu'il n'y a que l'or. Que l'or et la richesse qui importe. Et je crois que ma bouche en était déjà lassée avant même d'en posséder une.

Mais qu'importe. Puisque je vie maintenant. Je vie, maintenant. Plus à genoux. Debout. Et fort. Si fort que je peux inspirer le même air que le tien. Si fort que je peux tendre les bras et t'enlacer dans un soupire. Une inspiration aussi soudaine que belle. Si fort que je peux maintenant détourner la tête du précieux pour fixer avec mon iris ce qu'il y a de plus beau et d'important maintenant. Alors. Oui. Je suis fier. Je suis fier et trop pour le montrer puisqu'il ne faut pas sue tu vois l'exploit et que tu penses que c'est naturel. Qu'il n'y a rien de plus tordu en moi que l'affection que je te porte. Et c'est ton dos que je fixe et non tes bras. Tes épaules- dont l'une est blessée, je n'oublie pas- et non tes mains occupée à ranger les pièces. Et l'or. Je fixe. Je détail tous les mouvements, excessivement, trop attentive. Et dans le soin que tu apportes dans tes gestes pour ne pas briser le silence et faire tout tinter désagréablement je comprends que quelque chose ne va pas.

Évidemment que quelque chose ne va pas. Puisque le silence est trop lourd. Alors qu'on va sortir et que ce sera vraiment très amusant. Que j'ai essayé de traduire mon impatience et mon enthousiasme lors de notre étreinte. Un peu crispée. J'ai tellement fait d'efforts pour alléger l'atmosphère! Peut-être que j'en ai fait un peu trop? J'esquisse un sourire qui se veut tendre et décontracté, mais je ne sais pas vraiment ce qu'il en résulte concrètement. Tu me dis quelque chose. Ou tu tentes de me le dire. Et j'ai l'impression qu'il s'agit là de la plus grave révélation. Du plus grave aveu. Et il y a tant de blancheur dans ta voix. Des éclats désemparés et presque véhéments que j'en reste interdit. Une seconde. Et puis j'avance pour te serrer dans mes bras. Je crois que je pourrai courir à ta rencontre pour dire comme ce n'est pas important! Comme je n'ai pas besoin de boucle d'oreille. Qu'il ne faut pas que tu t'en sentes si mal, alors que moi-même je n'ai pas vraiment cherché après!

Toi tu t'approches, le visage trop fermé encore. J'ai tant de mal à comprendre. Tu t'emportes trop pour des œufs. Une boucle. J'ai vraiment du mal à comprendre alors je lèves les mains pour caresser ton visage avec un sourire d'encouragement esquissé sur ma bouche.

- On regardera ce soir? Ou on peut regarder ensemble si tu veux? Ce n'est pas si grave! Vraiment pas.

Et quand je le dis j'essaie de capturer l'attention de ton œil. Sans jamais y parvenir. J'abaisse mes mains sur les tiennes pour les saisir. Mais tes deux poings refusent même que j'y entrelace mes doigts. Je caresse hasardeusement tes phalanges, puisque je veux m'y risquer malgré tout. Mais tout ce que je touche est si froid. Si contracté! Je comprends si peu pourquoi. Mais il le semble que tu oublies de respirer. De desserrer la mâchoire. De faire un sourire. Et ce n'est pas normal. Tu ne devrais avoir l'air si inquiet alors que l'on va sortir et que ce sera bien. Je ne comprends pas. Et je vais demander ce qui ne va pas. Dans une étreinte. Même si ton corps est trop tendu pour en percevoir immédiatement la douceur. Je veux t'apporter de l'air. Un peu de quiétude.

Tu embrasses mon front après un soupire. Et ce geste est trop long pour être anodin. Léger. Il y a des choses qui bouleversent tes pensées. Qui rendent ton esprit tumultueux et je ne comprends pas. Je ne pourrai pas comprendre et deviner si tu n'en parles pas. Et me dire que, si j'avais vécu plus longtemps alors j'aurai peut-être pu, au moins, soulager tes soucis, en comprendre d'autres ne m'apporte aucun soulagement. Tu caresses du bout de tes doigts trop froids ma main à moi. Très chaleureuse pourtant. Je lève l'iris vers les tiennes. Me diras-tu ce qui te fais froncer les sourcils ainsi? Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse de la boucle d'oreille puisque mes propositions ne semblent pas t'avoir apporté du-même quelconque- réconfort.

Trois baisers concluent ce non-échange. Suivi d'une déclaration coup de poing. Tu as besoin de prendre l'air. Et moi je resterai sur le seuil. Étranger- et je n'aime pas ce mot quand il fait référence toi ou à moi- à tes inquiétudes. Tu préfères descendre pour les enfouir. Quelque part où je n'y aurai pas accès. Je passe ma main sur ma nuque et je dis:

- D'accord.

Je ravale mon incompréhension bravement et je souris pour donner le change. Puisque malgré tout cela on va sortir. Et ce sera suffisamment bien. Vraiment. Je plisse ma robe, même si elle n'a pas vraiment besoin de l'être. Ce n'est pas très grave. Tu t'en vas. Je te regarde faire. Tu t'arrêtes. Tu me fixe. Je glisse ma main libre que je comptais appuyer sur mes deux yeux dans mes cheveux. Tu me précises que tout ira bien, comme si toi tu pouvais deviner mes inquiétudes sans avoir besoin que je les formules. Et c'est vrai. Cela me rassure.

Mais je crois que ce que je ne prends pas bien c'est que moi je n'y arrive pas.


Je n'arrive pas à anticiper tes humeurs. À prévenir tes soucis. Le désastre. Je hoche la tête. Ce n'est pas grave. Tu embrasses ma main que tu tenais toujours et qui s'agrippait toujours à tes doigts pour l'embrasser. Trop longuement encore. J'arrache mes doigts de ta bouche trop rapidement et je redresse mes doigts qui se contractent toujours nerveusement pour le transformer en signe de la main. Je dis:
- Va. J'arrive! Enthousiasme et sourire en prime. Je pense que je m'en sors très bien. Vraiment. Tu te retournes. J'attends que la porte en bas claque et que le bruit résonne dans le couloir. Je frotte mes yeux et soupire difficilement. Je m'en vais dans l'appartement en souriant toujours. Sans comprendre vraiment ce que je fais, ce que je veux faire. Ni ce qu'il vient de se passer au juste.

Sauf que j'ai échoué.

Je ne sais pas vraiment ce que je n'ai pas réussi à faire. Je ne sais pas très bien ce qui me manque pour réussir. De la conviction dans mes mots? Mes gestes? Ou peut-être que je suis trop bête pour comprendre. Ou trop lent. Et que c'est pour cela que je n'y arrive pas. Bien sûr que tu n'es pas peiné-et c'est la première fois que j'emploie ce mot, mais ce n'est que maintenant que je comprends que quelque chose te peine- à cause de ma boucle d'oreille! Je m'avance vers le lit et je ramasse le coussin qui gît sur le sol. Je lui offre une micro-étreinte. Celle que je n'ai pas pu t'offrir puisque je suis si indécis. Incapable de faire les choses les plus simples. Je le jette. Sur le lit. Avec humeur. Et la seconde d'après je plisse le tissus et le dépose en tête. Très délicatement. En le faisant je trouve la petite boucle que j'accroche avec mes phalanges gauches, tremblantes et inutiles. Je crois qu'il faut que je fasse quelque chose. N'importe quoi. Pour faire passer mon insatisfaction. Mes idioties. Mes maladresses. Oublier. Ce n'est pas grave si tu ne me racontes pas tes soucis. Ce n'est pas grave. Je devrai être capable de les chasser puisque toi tu sais le faire et tu devines quand il y a des inquiétudes sur ma bouche. Et mon front. Je crois que je vais refaire le lit.

Mais en vérité, je suis déjà en train de m'y affairer. Je refais le lit que j'ai moi-même fait. C'est important que je le fasses puisque c'est ici que l'on dort si bien ensemble. Qu'il y a tant de paix et de calme quand on le fait. Comme quand on s'y touche et qu'on s'y aime. Il y a tant de paix qu'il me faut refaire le lit deux fois. Plisser les draps parfaitement les sourcils froncés. Tout en ne pensant qu'à notre sortie. À chacun des arrêts que nous allons faire aujourd'hui. Tout ce qu'il faudra que je dise. Je caresse les draps et les coussins, satisfait. C'est déjà plus simple de respirer.

Je vais jusque dans la salle de bain et j'observe mon reflet. Je constate que je grimace. Encore. Toujours un peu contrarié. Je regarde mes cheveux. Je défais la tresse. Puisqu'elle est trop. Voilà. Je me saisie de ma brosse. Je brosse encore mes cheveux en pleurnichant des insultes sur mes nœuds. Mes doigts trop goures. Décidément. Et d'autres choses qu'il ne faut pas que tu entendes et que je comprenne. Je refais la tresse deux fois encore. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que du silence dans ma gorge. Sur mon œil. Dans mon esprit. Je frotte mes yeux encore et je rafraichi mon visage. Je le tamponne délicatement et je crois que c'est bon. Puisque mon sourire ne me répugne plus. Que j'ai tout chassé ce qu'il y a de plus mauvais et sombre dans mes réflexions.

Je sors, d'un pas rapide et assuré. Puisque je sais que je vais descendre. Et te retrouver. Et demander. Non. Dire. Avec beaucoup de confiance que la journée sera très amusante et que tu n'auras plus besoin de t'inquiéter de rien. Et vraiment. Je pourrai le jurer qu'elle sera amusante puisque je ferai tout pour qu'elle le soit. Forte de ces nouvelles conviction je sors en veillant à mettre la porte contre puisque tu as bien dit que tu ne voulais pas que je la ferme. Même si ce n'est pas très malin. Et que c'est normal si des voleurs s'introduisent chez toi si tu le fais. Je rentre de nouveau dans l'appartement pour cacher mon sac sous le lit et je remets la porte contre. Voilà. Au moins personne ne touchera à mes affaires. Encore.


Je m'engage dans les escaliers et descends les marches quatre à quatre. Je pousse la porte sans prendre la peine de m'annoncer. Avec beaucoup de force. Si bien que j'espère trop tard que tu ne la prendras pas dans la figure. Je commence:

- Sucre je! Ah qu-

Il me semble avoir expliqué vaguement que c'était très indélicat de m'attraper si fort et si soudainement. Et bien entendu mes mots se meurent contre ton torse et ta veste noire. Mes intentions dans tes yeux saphirs que je peux voir le nez levé vers ton visage. Mes jolies déclarations sur ta bouche et ta langue. Encore. Mais cette fois-ci je pense qu'il vaut mieux que je ne proteste pas. Tu restes agrippé trop fort à mon bras. Tu presses trop doucement tes doigts sur ma nuque. Je passe mon bras libre autour de ta taille. Et à défaut de pouvoir moi te donner une étreinte-trésor, je m'accroche à la tienne. Je la partage? Je te la redonne? Je ne sais pas trop ce que je fais. Mais l'important c'est que je puisse t'étreindre très fort. Et t'embrasser très fort. Et t'aimer très fort. C'est là, à peu de chose prêt ce que je voulais te faire comprendre et te donner.

Au bout d'un moment tu te détaches de mes lèvres. Tu embrasses mon œil. Je te fixe, puisque toi tu le fais. Je ne sais pas si je peux inspirer trop fort. Ou au moins reprendre mon souffle. Je ne sais pas ce que tu as trouvé en fumant. Je ne sais rien des mots que tu me réserves. Je devine juste qu'ils seront important et très sérieux. Je ne bouge pas. Je ne cille pas. Je ne résiste même pas quand tu me presses de nouveau contre toi. Avec beaucoup de force. Évidemment, puisque tu le fais après m'avoir assuré que tout irait bien et qu'il faut vraiment beaucoup de force et de conviction pour le dire et porter tes soucis et le miens pour les chasser. Je crois que c'est ce qu'il me manque. De la conviction. Que c'est pour cela que j'échoue tout le temps quand j'essaie de le faire. Tu embrasses mes cheveux, que j'ai bien fait de refaire, vraiment. J'enroule mes deux bras autour de ta taille et je complète notre étreinte. Je crois que c'est le bon mot. Je vais embrasser doucement la pointe de ton menton. Ce n'est pas le moment de dire ce que j'ai à dire alors il faut bien que j'occupe mes lèvres et que je t'accorde vraiment toute mon attention pour que je ne rate rien de ce qui va suivre.

Tu me demandes alors ce que moi je vais faire quand toi tu me dis que tu es jaloux. J'écarquille mon œil. Je ne suis pas sûr de ce qu'il faut que je réponde. Déjà j'aimerai comprendre de qui ou de quoi tu es jaloux. Je chasse la boucle d'oreille de mon esprit. Ce n'est définitivement pas cela. Tu reprends un peu d'air sur mes lèvres et tu continues tes aveux. Tu me demandes encore ce que moi je vais faire- alors que je ne sais déjà pas ce que je suis en train de faire maintenant avec mes mains qui serrent et dé-serrent ton dos pour essayer de te détendre. Tu me demandes ce que je vais faire alors que tu me dis que tu ne veux pas de ma de ma souffrance et que tu pourrais faire beaucoup de mal pour moi. Vraiment beaucoup, je n'en doute pas un instant.

Et je me dis que cela fait beaucoup écho à ce que je pense et que je pourrai faire. Non. Que je suis résolu à faire pour toi. Je me dis tout cela quand tu embrasses mes cheveux et que moi j'ai décidé que je pouvais bien embrasser ton cou. Pour commencer. Puisque c'est la seule chose que je suis capable de décider. T'embrasser. C'est déjà bien. Et après je ne sais pas ce que je pourrai faire, sourire idiotement, n'étant pas une réponse convenable à apporter je préfère prendre le temps de réfléchir à une repartie plus pertinente. En attendant je te garde dans mes bras très fort. Et je t'aime très fort. Puisque c'est à peu près tout ce que je peux faire. Dans l'immédiat.

Après quelques secondes-minutes?- interminables, je sens tout ton corps se détendre. J'ignore si j'en suis pour beaucoup, mais je préfère penser que oui. Et que je ne suis pas inutile quand tu veux bien me partager tes soucis. Et j'en suis si fier et honoré que je garde la tête droite et que je bombe le torse dans un regain d'orgueil. Et de soulagement.

Et puis tu me dis, l'air contrarié, boudeur, inquiet, attristé, colérique, capricieux que tu es plus précieux que l'or. Et là seulement je comprends. Je lève la tête et te fixe. Tu soupires. Ton souffle semble déliée. Je sais qu'il ne faut pas je ris. Que vraiment, tout ce que tu as pu dire était complètement sérieux. Et que cette inquiétude a fait se crisper tous tes muscles. Que cette jalousie a rongé trop douloureusement tes entrailles et fait craquer tes phalanges de nombreuses fois. Je sais que tout ceci et vraiment très sérieux. Mais j'ai envie de rire. De moi d'abord. Puisque, effectivement, cela n'avait rien à voir avec ma boucle d'oreille. Mais si absurde! Il faut que je me concentre pour ne pas rire. Vraiment. Tu me demandes mon approbation avec une moue sur les lèvres. Je te fixe. Est-ce là le regard qu'un homme qui a avoué qu'il pourrait faire du mal pour un autre? Je secoue la tête et je ris. Je ris et je vais prendre un baiser. Accrocher sur ta bouche des baisers. Sur ton menton. Je ris et je craque. Puisque j'étais trop tendu. Que je suis rassuré. Qu'il y a beaucoup d'attendrissement dans tes inquiétudes. Beaucoup trop. Je dis:

- Vraiment Sucre. Je ne comprends pas ce que tu fais. Ce que tu dis. Ce que tu penses. Vraiment Sucre. Vraiment. Énervant. Et frustrant. Et adorable. Parfois. Mais la moitié de mes syllabes sont avalées dans des rires que tu partages, complice. Et des baisers. Sur mon nez et le tien. Tes lèvres. Ton visage. Je continue de rire quand tu me rappelles tout ce qu'on fera. Tu souris même très joliment et je ravale mes éclats, même si je n'y arrive pas longtemps et qu'ils s'échappent de mes lèvres parfois. Je hoche la tête pour la couverture. Pour le ménage. Et pour les vêtements et les chaussures. Et les vêtements de pirate. Même si là je m'étouffe et je balbutie:

- Quoi? Mon bateau-Quoi? Tu ne vas pas marcher- écoute. Ce n'est pas. Attend Sucre! Et là encore je ris même si ce n'est absolument pas drôle. - Attend. Qu'est-ce que c'est de la pizza? Ah. Non. Ce n'est pas cela. Attend. Et je ris de mes mots insensés. Je presse plus ton dos dans une étreinte tendre. Tu embrasses mes lèvres aussi. Tu ris. Et je cache ma tête dans ta veste jusqu'à ce que mon rire se meurt et que je puisse protester. Et dire. Tout dire ce que j'ai à dire. En commençant par:

- Ce sera aussi amusant. Acheter des choses. Vraiment. Et il n'y aura pas de place pour les soucis, tu verras. Et comme je ris encore cela gâche un peu l'effet de ma phrase, mais j'abandonne. Je ne suis pas doué pour te rassurer. C'est un fait. Je laisse quelques rires s'échapper encore et j'expire fort. J'essaie de retrouver ce qu'il y a de plus sérieux en moi pour dire:

- Tu ne viendras pas habillé en pirate jusqu'à mon navire. Je ne veux pas que d'autres te voient comme cela. Je dis, un peu sèche, mais je trouve que tu es suffisamment beau dans tes vêtements de tous les jours. Toi qui parle de jalousie tu ne sais pas jusqu'où va la mienne. Je rajoute dans un sourire complice: - Pour le reste, en revanche tu sais que cela me tente beaucoup. Même si la proposition de départ était une boutade je me dis que cela me plairait beaucoup de te voir habillé ainsi. Je connais même une boutique qui vend des vêtements d'Ethernite. Des vestes longues. Des tunique. Je te scrute d'un œil intéressé et je me dis que cela t'irait vraiment bien.

Je m'écarte et j'attrape tes mains avec les miennes. Les extrémités sont de nouveau chaudes. Je les sers avec les miennes et je dis:

- Pour le reste. Pour l'or. Tu sais? Tu ne devrais pas douter. C'est important, mais pas aussi important que toi. C'est important, mais je ne l'aime pas comme toi. C'est difficile à expliquer. Je presse mes doigts. - Ne t'ai-je pas dit? Ne t'ai-je pas dit que tu étais mon plus beau trésor? Et ne t'ai-je pas dit que je ne disais jamais rien en l'air? Je lève un œil sincère vers les tiens puisque c'est important que tu comprennes. - N'ai-je pas dit non plus que nous ne serions jamais aussi pauvre et insignifiant que l'or? Et tu l'as même promis toi. Je vais embrasser tes lèvres furtivement pour dire: - Et toi tu peux être jaloux. Et violent. Blesser. J'accepterai tout. Tant que cela vient de toi. Et c'est tout ce qu'il y a à dire. Et c'est vraiment là tout ce que j'ai à dire. Je n'ai pas de leçon à donner. De moral à faire. Je ne suis pas désolé pour les autres. Qu'ils subissent ton courroux ou le mien après tout, ils ne sont rien. Et nous sommes tout. Tout et plus encore. Je m'écarte de la porte et je lâche tes mains après un autre baiser. Je fais quelques pas en avant et je dis:

- Passons d'abord demander à une femme de ménage de s'occuper de ta maison et après il nous restera tout le reste de la journée pour les achats. Et la pizza.

J'ai attendu quelques instant que tu viennes me rejoindre et je me suis mise à côté de toi pour marcher. Marcher ensemble. Avec toi.

***


- Vraiment. S'il touche à mes affaires je m'occuperai de lui. Personnellement. Je dis dans en parlant de l'employé de ménage que nous sommes allé embauché. Et que nous avions dû payer d'avance-très cher, je persiste à le dire, mais je pense que je l'ai assez martelé à l'agence- sans même savoir s'il est bel bien capable de nettoyer discrètement, rapidement et efficacement, comme il était écris en gros sur le prospectus que nous avait remis l'établissement. Au moins nettoiera-t-il les draps sales et les vêtements. Puisque, en considérant la masse de travail à abattre pour nettoyer le bazar qui s'est accumulé dans ta maison nous avions dû payer- et donc moi- le prix fort.

Je pousse la porte du magasin avec trop d'enthousiasme si bien que je fais tinter la cloche très fort. Je tiens la porte pour que tu me rejoignes et je regarde autour de moi. C'est la première fois que je me rends dans ce magasin et je ne suis pas sûr que nous y trouvions une couverture adéquate, mais je ne connais pas d'autres enseignes que celle-ci. Un vendeur s'approche de nous, en nous souhaitant la bienvenue et en nous demandant ce que nous cherchions. Sans attendre je dis que nous souhaitions voir leur couverture et les essayer. Puisque oui, je compte bien les essayer une à une, pour ne pas avoir à revenir si cela m'irritait comme l'affreuse couverture en laine. Loin de se démonter il demande que nous le suivions et commence à demander si je voulais une couette, un plumon, un édredon ou une couverture. D'été ou d'hiver. Des informations sur la matières. Et d'autres choses à propos de plume. Et de canard. Et d'oie. D'anti-acariens. De dimensions.

Et je n'ai absolument aucune idée de ce qu'il peut bien dire.


Je fronce les sourcils, très contrarié de ne pas comprendre un traitre mot. Je m'accroche à ton bras et je chuchote:

- Qu'est-ce qu'il dit? Une couverture n'est pas une couverture? Pourquoi veut-il qu'on achète des plumes? Quel est la différence entre oie? Et canard? Je crois connaître l'été et l'hiver de nom, puisque Libra affiche presque constamment le même temps et que je n'ai pas encore vu les saisons. Et je crois qu'il fait chaud en hiver et froid en été. À moins que ce ne soit l'inverse. Je me renfrogne un peu et je te laisse te débrouiller avec le vendeur pour toutes ces histoires techniques. Puisque vraiment. Je n'y comprends pas un traître mot et je crois même que ce vendeur me prends pour une imbécile et je n'aime pas cela.

Une fois arrivés devant les couvertures je me détache pour aller caresser du plat de la main les couvertures blanches. Parfois duveteuses. Lisses. Molles. Je vois même quelques plumes poindre sur certaines. Je déplie sans plus attendre quelques modèles. Je lance un regard assassin au vendeur qui voulait que je me contente de toucher les modèles d'expositions, puisque vraiment, je n'en démordrai pas. Je les essaierai toutes et je me fiches bien de leur modèle. Je préfère vérifier la marchandise avant d'acheter. C'est un principe. Je l'ignore ostensiblement et je dis:

- Il faut qu'elle soit grande. Et douce. Qu'elle nous réchauffe même quand toutes tes fenêtres seront ouvertes et qu'on sera nus. Que la matière ne m'irrite pas. Je crois que du coton ce serait bien. Ou de la soie? Je déplie une couverture en coton assez lourde et je l'enroule autour de mes épaules. Je me rapproche de toi et je t'enlace. Je dis après quelques secondes - Trop épaisse, non? Je m'écarte et je fourrage la couette dans les bras du vendeur pour qu'il la replie pendant que je pars à l'assaut des autres.

J'en déplie une autre et je nous enroule dedans. Mais je constate assez rapidement qu'elle est trop légère. Je secoue la tête et la remet dans les bras du vendeur. Je prends une couverture rembourrée de plume, mais quand j'y passe ma main dessus je me pique les doigts et la paume. Je la repousse en me renfrognant en disant : - Oublions les plumes!
Je saisie une couette pelucheuse et je nous y enroule encore avec un sourire amusé. Puisque bien vite, je me prends au jeu et je peux ainsi t'enlacer très souvent. Je frotte un bout sur ta joue et je demande:

- Est-ce que c'est agréable? Sur ta peau? Je frotte même le bout de ton nez pour te le chatouiller un peu en riant et je passe la couverture sur ma joue à moi. - Mmmmh... C'est tout doux. Mais je ne pense pas que cela soit pratique pour dormir. Je pense que je serai trop chatouillé. Qu'est-ce que tu en penses? J'attends ton avis, attentive, puis je vais la rapporter à notre vendeur qui semble contrarié. Je lui demande de garder la couverture de côté et puis je retourne déplier d'autres. Et à chaque fois je la glisse autour de tes épaules et des miennes et je nous y enroule, très tendrement, puisqu'il faut que l'on choisisse notre couverture. Que c'est important. Comme les coutures me gênent je la remet de côté et retourne dans les armoires. Cinq fois encore avant d'en trouver une en soie. Assez épaisse. Sans plume. Un peu duveteuse. Je t'étreins fort et je garde le silence pendant quelques longues secondes. Je frotte ma joue contre le duvet, très sérieusement même si j'aime beaucoup le contact du tissus contre ma peau. Je fais la même chose avec ta pommette et je dis:
- Je crois que celle-là est bien. L'avant dernière aussi. Et celle avec un peu plus pelucheuse aussi. On peut continuer à essayer des couettes si tu veux? Ou alors je te laisse choisir? Et si tu veux on peut acheter des coussins. Et les essayer aussi. Des draps ? Et un matelas? N'ai-je pas transpercé le tien? Et comme cela il n'y aura que nous qui pourront y dormir. Pas comme ton ancien matelas. Même si je ne veux pas demander combien de personne tu as amené dans ta maison puisque peu importe la réponse elle ne me plaira pas. Je souris néanmoins et je chasse cette pensée. Je crois que rien ne pourrait faire partir ma bonne humeur. Je vais embrasser furtivement tes lèvres:

- Ou. On peut aller dans une boutique de vêtements. Celle où tu achètes tes affaires. Ce que tu veux!

Je m'écarte en souriant et je vais rapporter la couverture au vendeur pour qu'il nous la mette de côté. Je passe mes deux bras dans mon dos et je fais quelques pas en direction des couvertures. Puis vers les coussins. Les draps. Les matelas. La porte. Terriblement indécise. Et impatiente. Puisque tout ce que nous pourrions faire m'irait. Vraiment. Puisque nous achetons des choses. Pour toi. Pour moi. Et même pour nous! Et vraiment, je ne pensais pas cela serait si agréable. Je me mets à côté de toi finalement et j'attrape un pan de ta veste. Décidé à attendre. Qu'importe ce que nous ferons puisque je m'amuse déjà tant. Je trépigne un peu et j'essaie de contenir mon enthousiasme sans vraiment y parvenir. Il nous reste tant de choses à voir et faire! - Ou peut-être que tu as faim? Si tu as faim on peut aller manger cette pizza. Je ne sais même plus si moi j'ai faim. Je garde le silence finalement et je patiente. Vraiment qu'importe ce que tu décideras tout m'ira.
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DIT ▲ : chevalier.
ANECDOTE ▲ : son tribut est qu'il est condamné à ne plus jamais dire la vérité. il est accessoirement confiseur et claustrophobe.
FICHE RS ▲ : crache ton miel •

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Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaJeu 28 Mai - 16:42

Qu'aurai-je pu faire d'autre ?
Aurait-il été possible que je ravale cette colère truffée d'échardes et que je n'aie ni ces deux yeux qui fuient vers le sol, ni ces poings qui s'enroulent sur eux même prêts à cogner le monde. Aurait-il été possible que mon intelligence soit plus vive et moins obsédée par la recherche d'une solution que je ne trouverais probablement qu'en allant toquer aux chevilles de la déesse traînée. Aurait-il été possible que je ne le laisse pas, là-haut, en haut des escaliers, entassant les mégots à mes talons, contemplant le capharnaüm des ordures et crevant d'envie de me prendre la tête dans les deux mains.

Aurait-il été possible de l'aimer moins que ce que je l'aime maintenant.
Non, bien sûr que non – voilà donc toutes les causes et le grand coupable de mes colères les plus froides.

Évidemment que je l'aime trop pour tolérer cette souffrance ; et il aurait beau me répéter deux, quatre, vingt fois qu'il s'y est habitué, que sa condition ne le dérange pas ou, même, qu'il l'apprécie, qu'il y tienne, qu'il en veuille pour toujours, je ne pourrais jamais tolérer autre chose qu'un goût de ferraille qui me perce la langue.

Quand on ne connaît que la souffrance on ne souhaite pas s'en défaire. Je sais que, moi, j'ai connu des instants où il n'y avait pas de sceau mensonger sur mes lèvres et c'est parce que j'ai cette impression gravée dans ma gorge que je désire si ardemment ne plus vivre avec.

Ce serait une belle vie celle ou je pourrais me pencher contre l'oreille de Bermuda, y glisser un soupir, un baiser et dire : je t'aime.
Ou bien : tu es beau. Je suis tiraillé, très sincèrement, j'ignore qu'elle vérité je voudrai nouer, en collier d'or et de pierres précieuses, autour de son cou blanc.

Alors, qu'aurai-je pu faire d'autre ?
Incapable de museler mon amour, aurait-il été possible de ne pas chasser ma colère et de ne pas laisser ma tendresse revenir se lover entre mes tendons. Aurait-il été possible ne ne pas jouer les acteurs boudeurs, de ne pas réclamer ses étreintes, ses baisers, ses caresses. Aurait-il été possible de se retenir de rire avec lui quand chacun de ses éclat soulève mes poumons pour les emporter avec lui. Aurait-il été possible, ne serait-ce qu'à un seul instant, de ne pas l'aimer un peu plus – juste un peu plus.

Je ne crois pas.
Surtout lorsqu'il rit autant et que je sens la joie et l'euphorie se diluer dans son œil vert, je ne peux qu'avoir le croissant de la lune taillé dans mes lèvres. Quand il ne trouve plus ses mots et que j'entrecoupe chacune de ses phrases de baiser, il est impossible ne serait-ce que de songer que j'ai pu être en colère contre le monde. Bien sûr que je le serai toujours – mais j'aurai désormais peut-être davantage de tendresse que de rancœur tant que je viens blottir la pointe de mon nez dans le creux de son cou.

Alors, quand il murmura de sa voix de calice toutes ces phrases pour me rassurer, quand il assembla ses mots et ses souvenirs pour enrubanner ma colère et mes angoisses de tendresse, je ne trouvai qu'une seule assertion à rétorquer :

― Mphf.

Avant de prendre sa main et de clouer mon accord d'un baiser sur sa nuque.




*




Je savais Bermuda terrible.
Je l'ignorais d'une douceur et d'une innocence que je n'aurai jamais soupçonnée lorsque nous croisions le fer sur le planches de son navire mais terrible, il l'avait toujours été. Il l'avait été pour encaisser l'alcool de sucre qui venait tapisser sa gorge lorsque nous nous asseyons face à face dans les bars. Pour ce qui était d'appliquer les punitions aux lâches qui brisaient les contrats signés avec lui, je pouvais affirmer en avoir eu un aperçu – il avait quand même pénétré mon appartement pour me sectionner la langue et, pire encore, avait fini par me couper les cheveux (ce souvenir me fit passer une main nerveuse sur mon crâne). Jamais je n'avais douté de la violence, la dangerosité, de la teinte menaçante que prenait son regard lorsqu'il s'assombrissait de mépris et de courroux.

Mais ce que je découvrais là, aujourd'hui, était pire que tout.
Et le plus terrible, dans cette macabre découverte, était la souffrance de retenir mon fou rire.

Il ne m'a jamais été si difficile de retenir mes rires – à part, peut-être, lorsqu'il a cru qu'un voleur avait cambriolé mon appartement alors que c'était juste le résultat d'une de mes crises de nerfs (finalement, dit comme ça ce n'est plus si hilarant).

Mais là, c'était au delà de tout.
Je crois que, au service de ménage, j'en été même presque venu à avoir pitié du pauvre secrétaire qui ne faisait qu'obéir au directives de ses supérieurs concernant l'application des tarifs. Enfin, pitié est un bien grand mot, je n'ai jamais pitié de quiconque, mais j'aurai presque pu ressentir de l'empathie pour sa mine blafarde et les gouttes de sueurs de ses tempes.

Moi, je me tenais un peu en retrait, laissant Bermuda sortir ses pièces d'or et ses arguments les plus mauvais. J'avais l'index et le majeur ramenés devant ma bouche, mon coude enfoncé dans ma paume et mes épaules qui se secouaient au même rythme que les aiguilles des secondes. Je mourrais, silencieusement, dans une hilarité absolument idiote.

Le pire était peut-être que je ne faisais rien pour améliorer la situation mais, ce n'est pas dans mon caractère d'aider les gens, et voir Bermuda être une teigne insupportable (avec les autres, pour une fois), était bien plus divertissant que n'importe quel acte héroïque.

Finalement, au bout d'un long quart d'heure de négociations, le secrétaire était proche de l'état physique d'une serpillière et je me laissais. Je m'approchai de Bermuda, posai ma main sur son avant bras et lui proposai d'écourter son affaire afin que nous poussions sortir tous les deux. Apparemment, les mots qu'il avait entrelacés pour me rassurer étaient vrais ; il préféra que nous commencions nos achats, même si il pestait et que je n'en riais que plus, plutôt que de négocier le tarif du ménage.

J'avais très envie de l'embrasser.
Je savais d'ailleurs que j'aurai envie de l'embrasser toute la journée et qu'il serait difficile de résister à l'envie de le toucher. Ce n'est pas un problème ; j'avais prévu de ne pas résister à quoique ce soit.

― Vraiment. S'il touche à mes affaires je m'occuperai de lui. Personnellement.
― J'en doute à peine, je ris pour lui au milieu des passants.

Et la légèreté de mon diaphragme n'allait pas s'arrêter là puisque, dès que nous débarquions dans le magasin de blanchisserie (dans lequel je n'étais jamais allé avant, je suis plus récupération, en atteste ma feu couverture en laine), il recommença. Le ton autoritaire qu'il employait envers le vendeur me déchargeait encore de toute responsabilité et implication et c'est le sourire à la bouche et les mains dans les poches que je suivais, étouffant mes rires, Bermuda et son obstination.

Le contempler était un instant insaisissable.
C'était un plaisir constant ; le coin de mes cils obliquait sans cesse dans sa direction, crépitant de satisfaction, de malice et même d'émerveillement. Je m'amusais – je ne m'étais jamais amusé autant, auparavant, sauf dans les actions sales mais ça ne laisse pas le même genre de traînées sur la langue.  Je m'amusais à observer ses geste décidés, la moue sèche de ses lèvres, la lignes froncées de ses sourcils lorsqu'il était sceptique et même son air confus lorsque le vendeur répliquait à son autorité en le noyant d'informations.

Je n'étais pas très utile, heureux ; mais j'étais au moins très heureux.

― Qu'est-ce qu'il dit? Une couverture n'est pas une couverture? Pourquoi veut-il qu'on achète des plumes? Quel est la différence entre oie? Et canard?
― C'est, c'est, commençai-je difficilement pour me retenir de pouffer. Je me raclai la gorge pour ne pas qu'il se vexe de mon amusement. C'est pareil, de toute façon.

Je ne continuai pas mes explications longtemps face à son air agacé. Je haussais les épaules, touchai vaguement deux mots au vendeur pour lui expliquer qu'on regarderait tout. J'avais la certitude, de toute façon, que Bermuda ne quitterait pas le magasin avant d'avoir dépecer chaque couverture de ses étalages.

Que c'est bon, quand il ne dirige pas son sale caractère contre moi.
(Mais pas trop, tout de même, j'en deviendrai jaloux, même si être jaloux de couvertures est peut-être un peu ridicule.)

Je n'ai rien à faire ; Bermuda fend le monde, énergique, indomptable, intarissable.
Je me tiens toujours un peu en retrait, taille mon sourire lorsqu'il parle de notre relation et de la nudité de nos deux corps sous les draps, observe l'air glacial du vendeur et la spontanéité de Bermuda. Je ne suis pas très utile, engoncé dans mon amour pour lui, amusé par sa personnalité, tombant toujours un peu plus à chaque fois dans le creux de ses bras.

Surtout lorsqu'il vient enrouler autour de moi les couvertures, ses bras et presser son corps contre le mien. Je suis un peu surpris, sonné, adouci par le contact des couvertures et la tendresse de ses étreintes. Je ne peux que sourire ; soupirer ; rire un peu ; aller dans son sens ; essayer de dire que ça va ; que tout me va ; que je l'aime ; que nous les prendrons toutes ; que tant que je suis contre son corps je n'ai besoin d'aucun tissus couvrant mes épaules ; qu'il n'est pas possible d'avoir froid lorsque j'enlace son front contre ma poitrine.

Je parle difficilement, quand il me le demande, un peu hachuré (surtout que, à force de faire ses va-et-vient où il nous englobe tous les deux dans la literie, je commence à être un petit peu tendu et désireux), parce que j'ai toujours très envie de rire et de l'embrasser.

― Celle là ira Bermuda.
― Elle a l'air douce non ?
― Il n'est pas impossible qu'elle chatouille un peu, surtout lorsque...

J'ai baissé ma voix pour lui murmurer la suite de la phrase dans l'oreille, et mon sourire n'était plus innocent. Puis, quand il a demandé ce que nous devions faire après (dans une suite d'interrogations où je n'ai pas pu en placer une, évidemment, mais ça ne me dérange pas, il y a trop de légèreté aujourd'hui pour que je sois dérangé par quelque chose d'aussi tendre), j'ai rebondi aussitôt, un air mi-malicieux, mi-accusateur sur les lèvres :

― Un matelas. N'est-ce pas une bonne idée ? N'es-tu pas celui qui l'a éventré d'un coup de dague ?

Dans la périphérie, je vis le visage du vendeur se froncer d'incompréhension puis lâcher l'affaire – il avait bien raison. Je me suis penché davantage vers le beau visage de Bermuda, j'ai replacé une mèche de cheveux derrière son oreille avant de murmurer :

― J'ai tellement de mal...

A me retenir de t'embrasser.
Je soupirai, un peu dépité. Toutes les couvertures que Bermuda avait proposé étaient bien sûr, pour moi, parfaites (à partir du moment où elles étaient grandes et qu'il payait, je n'étais pas prêt de protester). En vérité j'avais beaucoup de mal à me concentrer ; chacun de ses gestes détournait ma concentration.

Finalement, j'attrapai son poignet dans ma main ferme et le tirai en direction des matelas :

― On va voir les matelas ?

Et je lancai un regard sec au vendeur pour que l'idée de nous suivre ne lui vienne pas à l'esprit. Je nous fit traverser plusieurs allées étroites jusqu'à ce que l'étalage des matelas se découvre devant nous. Je m'arrête, un grand sourire en plein visage et dis :

― Nous allons prendre un matelas en plus, puisque c'est toi qui l'a réduit en miette. Et nous allons prendre des coussins aussi parce que c'est toi qui y a mis du sang partout. Plus j'y réfléchis, et plus je me rends compte d'une nombre de dettes que tu as envers moi, Bermuda.

Je lui lançai une œillade complice puis, sans prévenir, j'allais me jeter le premier matelas de la file. Mon corps rebondit aussitôt, une fois, deux fois, et mon épaule me fit grincer les dents.
C'est vrai, elle était là. J'étais un peu blême mais je fis comme si de rien n'était.

― Tu viens essayer Bermuda ?

Je m'étalais en étoile, de façon à ce que s'il souhaitait essayer, il serait obligé de s'allonger au moins un peu sur mon corps. Stratégie, quand tu nous tiens. Je lui lançai un sourire qui se perdit dans un rire. A quel point me comportai-je en gamin ? Je me redressai sur un coude. Si j'avais eu mes cheveux longs, j'aurai du souffler sur les mèches qui me retombaient devant les yeux.

― Tu sais quelle est la meilleure façon de tester les matelas ?

Je me replaçai un peu mieux et continuai, taquin, anticipant faussement ses pensées :

― Non voyons, je ne pensais pas à ça Bermuda. Mais tu pourrais sauter dessus pour voir si les ressorts sont résistants ? Je ne peux pas trop moi, avec mon bras blessé...

Je crois que je n'avais pas aimé la face du vendeur et maintenant, et Bermuda était en chemin pour annihiler l'ordre de son magasin – avec toute ma complicité.

Je redevenais adolescent.




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ANECDOTE ▲ : Bermuda est né de la cupidité•hermaphrodite• il écrit en indianred
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MessageSujet: Re: Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.]
Je te promets l'enfer et le paradis. [Sucre][olé][temps actuel: F.l.u.f.f.y.] - Page 3 RxkgjUaDim 31 Mai - 18:38

Je ne pensais pas, je ne savais pas même que faire des achats pouvait être si amusant. Demander un avis. Un conseil. T'entendre y répondre. Et j'ai l'impression que je mesure un peu plus à présent l'étendu de ma solitude. Il y avait trop de solitude dans mon quotidien et je ne savais pas qu'il y en avait. Qu'elle me pesait. Qu'elle avait trop d'emprise sur ma vie et que je m'y complaisais trop. Et c'est quand tu es entré dans mon quotidien avec la force d'un baiser et la douceur de tes provocations que j'ai appris à la connaître et à ne plus la supporter. Et quand je pensais ne plus pouvoir l'exécrer plus, tu me propulses plus loin encore. Je ne sais plus si je serai capable de faire des achats seul. Et il y a un peu de caprice et d'égoïsme dans cette réflexion. Je crois que je pourrai exiger que tu viennes faire des achats avec moi à chaque fois que l'envie m'en prends. Que je n'apprécierai pas que tu sortes faire des achats sans moi. Le pire dans tout cela c'est que j'imagine que cela sera très compliqué à concilier. Mon amour pour toi grandissant. Le tien pour moi. Mes désirs et tous mes élans possessifs qu'il te faudra supporter et parfois je crois que je devrai les réprimer. Et je ne suis pas un être à qui la privation et la contrainte réussi. Ainsi que ta vie, ton quotidien de confiseur. La mienne, mes abordages et mes transactions. Et surtout, surtout je me demande quelle place prendra ma cupidité entre nous. Et vraiment je sais que je ne supporterai qu'elle se mette entre nous. Ce nous qui a besoin de tant de place pour exister.

Je soupire discrètement et je chasse toutes ces pensées parasites. Puisque pour l'heure je suis toujours avec toi. Que l'on est toujours en train de faire des achats. Et qu'il nous reste tant de choses à faire. Et découvrir. Et j'en était resté à cette terrible indécision. Qu'allons nous faire à présent? Ou plutôt que voulais-tu faire toi, puisque moi je veux tout faire. Et je veux tellement tout faire que je te demande de choisir. Alors que je ne suis pas de celles qui se laissent guider et mener par les autres. C'est dire comme ton avis compte.

Tu t'abaisses vers mon visage pour replacer une mèche de mes cheveux. Tu passes ta main près mon œil blessé et ma main se lève. Par réflexe. Mais je l'abaisse, mine de rien, et je te laisse faire. Tu susurre que tu as du mal. Sans terminer ta phrase. Je me rappelle alors de ton épaule. De tes exploits de la matinée et de ton élan romanesque. Qui avait dû te faire rouvrir au moins tous tes points de suture. Tous. J'en suis persuadé. Et je replace cette idée au premier plan dans l'ordre de mes priorités. Je suis sur le point de te dire que nous iront finalement voir le médecin. Mais, quand avec malice tu m'attrapes le poignet pour m'emmener chercher un nouveau matelas j'oublie. J'oublie parce qu'il y a des rires sur ta bouche qui soulèvent les miens joyeusement. J'oublie parce qu'il y a peut-être autant d'enthousiasme dans tes pas que les miens. J'oublie parce que tu me traînes littéralement derrière toi et qu'il faut que j'accélère la cadence pour te rattraper. J'oublie parce que ton dos se soulève encore de bonheur et qu'il est si beau qu'il faut que je le fixe. Qu'il y a si peu de douleur dans tes muscles que je me demande même maintenant si tu ne t'es trompé en affirmant le contraire. Mon attention est trop distraite par la joie que je pense ressentir et qui me fait sourire si bêtement. Je me rappelle alors qu'il y a aussi quelque chose d'important. Une sollicitude qui ne me ressemble guère puisque je me fiche des autres habituellement. Et il concerne ton bonheur en plus de ta sécurité et de ton bien être. Et je crois vraiment ne désirer que ton bonheur, en plus du mien.

Tu t'arrêtes devant le rayon des matelas et je me rends compte que je n'ai absolument pas regardé les rayons que nous venions de traverser. Et c'est dommage, puisque nous avons très bien pu passer devant des draps et des oreillers et je crois que je voulais en acheter. Tu te tournes vers moi, avec un grand sourire, pour me dire tout ce que je te dois. Supposément. Du matelas que tu me rappelle aux coussins-même si je suis certaine que je n'ai pas mis de sang dessus- et qu'il faudrait que je les remplaces. Puisque j'ai, selon toi, des dettes qu'il faut que j'acquittes. Je plisse les lèvres. Surtout que c'est toi qui m'a fait saigner le premier. Je suis sur le point de te répondre quand, soudain tu t'élances pour te jeter sur le matelas le plus proche.

J'écarquille de l'œil, alors que ton visage prends une teinte plus blanchâtre. Que ton corps rebondis une fois de trop. Sur ton épaule. Sans nul doute. Je me retiens de rire et de soupirer désespérément. En même temps. Parce que je ne sais plus si je dois être désespéré ou amusé. Je crois que tu fais exprès d'empêcher la guérison de ton bras. Vraiment. Je soupire finalement un éclat joyeux et je m'approche du lit. Sans m'y jeter comme toi. Pour te réprimander ou t'enlacer. Je tente:
- Mais qu'est-ce que tu fais Sucre?
Ce n'est pas très convaincant comme reproche, mais j'ai trop l'habitude de le dire. Sur tous les tons différents. Tu me demandes, très malicieux de venir te rejoindre pour essayer le matelas. Sans attendre je réduis la distance entre nous. Je me mets sur le rebord pendant que tu finis de prendre toute la place ou presque. Je retire mes chaussures et je m'installe, la tête coincée entre ton bras et ton torse. Les mains ramenées sous ma tête.

Quand je m'y allonge et que mon visage est si près du tien je me fais alors cette réflexion. S'installer sur un même matelas n'est franchement pas une bonne idée. Je le sais. Puisqu'il faut qu'on soit éreintés. Ou fâchés. Ou occupés à manger (quoi que, là encore, ce n'est pas forcément vrai). Ou séparés. Pour que nos mains ou nos bouches ne se perdent pas chez l'autre. Et nous savons tous les deux pertinemment comment cela se termine. Et dans ce nous où nous en sommes-je ne sais pas trop comment le dire- je ne suis plus très certaine d'être assez raisonnable. Puisque je suis faible. Ou trop conquis. Pour y résister. Je veux bien concéder que je ne suis pas toujours innocent moi aussi. Cependant, j'ai foi et je me dis que l'absence d'intimité aura raison de ces élans passionnés. Je soupire discrètement, pleinement convaincu et je m'installe plus encore contre toi et je ferme l'œil. Je me concentre sur le matelas et j'essaie de nous projeter à l'appartement. Il me semble que celui à l'appartement est plus... Confortable.

Tu te redresses, sur tes coudes. Je me lève à mon tour pour m'assoir, les genoux ramenés contre la poitrine. Les bras autour de mes chevilles. Prête à entendre tes réflexions sur le matelas ou son confort. Cependant tu me demandes si je connais la meilleure façon de tester un matelas. Je redresse la tête pour te dévisager, perplexe. Amusé aussi, que cette réflexion survienne à cet instant. Tu souris, toujours mutin pour balayer, faussement outré mes pensées. Je ris alors, toujours diverti par toutes les expressions qui passent sur ton visage. Surtout celles exagérées que tu n'adoptes que pour me faire rire. Tu me dis alors qu'il faudrait que je saute pour tester la résistance des ressorts. Et de nouveau je suis perplexe. Je demande sur un ton moqueur:

- Sauter? Tu veux dire me vautrer sur les matelas comme toi tout à l'heure?

J'abaisse mes genoux et je m'installe dessus et je pose mes deux paumes sur le matelas pour m'appuyer un peu plus.

- Ou devrai-je sauter à pieds joins dessus pour tester ces fameux ressors? Je m'imagine quelques instant debout en plein milieu du matelas et je secoue la tête, amusé. -Je crois que je préfère te regarder faire. Si tu sautes dessus avec la plante de tes pieds, ton épaule ne devrait pas trop en souffrir. Juré. Je pouffe un peu et je vais caresser, doucereuse, ton épaule du bout des doigts quelques instant avant de m'esquiver sur le rebord. J'enfile de nouveau mes chaussures et je vais jusqu'au suivant. Je me laisse tomber sur le rebord. Les paumes contre le matelas pour amplifier mon rebond et je dis, taquin :

- Je suis presque sûr qu'ils seront tous plus confortables et spacieux que la paillasse, dans la cale de mon navire. Quoi que. Il faudrait tous les essayer pour en être vraiment sûr.

Je tapote le matelas et je continue:
-Est-ce que tu viens essayer le mien? Je te laisse t'approcher et t'installer. Et puis, je lève d'un bond. Une nouvelle idée en tête. - Oh... Tu as bien dis que tu voulais des coussins? Je reviens! Attend.

Je pars, en faisant de grandes enjambées et je m'enfonce dans les rayonnage. Je m'arrête de temps à autres. À droite. Puis à gauche. Jusqu'à ce que je tombe sur les coussins. J'enfourne quelques uns dans mes bras et je reviens sur mes pas. Les bras chargés, si bien qu'il me faut contourner la pile par le côté. Il y en a de toutes les couleurs. Les formes. Les textures. Je dépose mes trouvailles sur le matelas adjacent le tien et je retourne en chercher d'autres. En évitant soigneusement ceux remplis de plumes- je ne comprends pas qu'ils ont avec les plumes, dans ce magasin.

Je fais ainsi plusieurs allez-retour, jusqu'à ce que je sois satisfaite. Je m'installe sur le matelas recouverts de coussin que je n'ai pas encore eu le temps d'essayer. J'enlève mes chaussures et je vais m'enfoncer sur mes coussins.

- Tu as des coussins.

Arrivé au milieu de mon îlot j'en saisi un moelleux que je te lance en pleine figure.

- Et moi aussi je connais un bon moyen de tester les coussins. Et je pense exactement a ce à quoi tu penses. J'en attrape un autre et je commence à te les lancer, un à un. Je veux bien accorder que je suis un peu déloyale. Mais après tout, je n'ai jamais prétendu l'être. Je ris aux éclats et je recommence. Je grogne quand tu m'en relances. Essaie d'en attraper au vol pour les relancer. Sur ton matelas. Et ainsi de suite. Je ne regarde même plus les autres clients, que j'ai aperçu du coin de l'œil. Ni le vendeur. Même si après aujourd'hui je suis certaine qu'il nous refusera l'entrée. Qu'importe. Ce n'était pas le premier magasin du quartier d'albâtre qui me chasserait définitivement.

Au bout d'un temps, infini. À rire. Reprendre mon souffle. Esquiver. Repousser les oreillers. Les recevoir. Je lève les mains en l'air et je dis:

-Attend. Attend. Attend je me re-

Mais un coussin m'arrive à plat sur le visage et j'enfourne mon nez dans mes deux mains pour geindre, d'une voix nasiarde:
- Aaaaah. Le coussin m'a fait mal au nez! Je palpe mon arrête et je pleurniche: - Je crois que je saigne Sucre. Regarde. Mais je ne détache pas mes mains et je secoue la tête:- Je vais en mettre sur ma belle robe. Et je reste ainsi à jurer dans mes mains. L'oeil fermé. Jusqu'à ce que tu daigne t'approcher.

Et. À ce moment-là, je t'attrape le bras valide et t'entraine sur le matelas. Un air triomphant sur le visage. Je m'installe sur ton ventre et je frotte mon nez douloureux avec mon poignet et je finis par dire, malicieux:

- À moi la victoire! Je crois que c'est toi qui va sauter sur les matelas. Je me penche en avant pour embrasser tes lèvres avec passion. Puisqu'il me semble que cela fait trop longtemps que nous nous sommes embrassés ainsi. Ou pas. Mais après tout, j'ai gagné- en trichant un peu certes- et que je dois bien célébrer ma victoire comme il se doit. Je souffles au bout de quelques secondes: - Sauf s'il nous jette du magasin avant.

Je vais m'allonger sur le côté et je touche mon nez avec mon index: - Même si leur coussin m'a vraiment fait mal. On ne prendra pas celui-là. Ou alors, on le garde pour le lancer à la figure du vendeur dès qu'il viendra nous faire la leçon. Comme j'ai déjà vu certains réprimander des jeunes enfants sur Libra. Même si je suis bien d'accord sur le principe. Nous ne nous conduisons absolument pas de manière très mature. Je reprends toujours mon souffle, même si je ris encore de notre bataille acharnée. Je n'ai même jamais cessé de rire. Peut-être le temps du baiser ?Je ne sais plus et ce n'est pas très grave. Ma main fouille le matelas à la recherche de la tienne et je l'attrape avec la mienne pour la serrer et je demande en tournant la tête:

- Est-ce que tu es heureux, maintenant, Sucre? Parce que c'est ce qui m'importe le plus. Que tu sois heureux. Que tu oublies les contrariétés de la matinée. Que tu comprennes aussi que c'est ce qui m'importe le plus. Et s'il faut se perdre dans des batailles de coussins pour te faire rire aux éclats et te faire oublier tes soucis qui me semblent toujours trop incompréhensibles, alors je veux bien le faire. Pour toi et uniquement pour toi.
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